LE SOLEIL
PARIS. — IMPRIMERIE DE GAUTHIER- VILLARS,
Quai des Augustins, 55.
LE
S 0 L E 1 L
LE P. A. SECCHI S. J
Directeur de rUbservatoire du Collège Romain,
Currosponiiant de l'instllut de Franco.
DEUXIÈVIE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE.
premii:re partie.
TEXTE.
PARIS,
GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR- LIBRAIRE
DU BUREAU DES LONGITUDES, DE l'ÉCOLE POLYTECHNIQUE,
SUCCESSEUR DE IMALLET-BACHELIER,
Quai dos Aupustiris, 55.
1875
(Tous droits réservés. )
SU
t.)
INTRODUCTION A LA PRÉSENTE ÉDITION.
L'accueil favorable que cet Ouvrage a reçu des savants m'a
encouragé à le perfectionner en lui donnant de nouveaux dé-
veloppements ; ce n'est donc pas simplement une seconde
édition que nous offrons au puLlic, c'est un ouvrage complè-
tement refondu et presque entièrement nouveau.
Au moment où parut la première édition, la Science, ré-
cemment enrichie d'une découverte féconde, mettait à profit
ses nouvelles ressources pour faire des progrès rapides et
nombreux : aussi notre Ouvraîje se trouva-t-il bientôt en
arrière. Dans l'édition allemande faite par M. Scliellen, j'ai
cherché à combler un grand nombre de lacunes ; mais les dé-
couvertes se succédaient si rapidement, qu'il fallut reléguer
dans un Appendice celles qui s'étaient faites pendant l'im-
pression de l'Ouvrage, A cette époque, un grand nombre de
faits intéressants demeuraient encore isolés les uns des autres,
sans lien commun qui servît à les réunir en corps de doc-
trine. Les années qui vieiuient de s'écouler ont ( omble plu-
sieurs de ces lacunes : par exemple, la tliéorie des éruptions
solaires était à peine ébauchée; nous ne prétendons pas
qu'elle soit complète aujourd'hui, mais elle a certainement
fait de grands progrès, et nous commençons à voir les rela-
tions qui existent entre les mouvements éruptifs et les autres
phénomènes de la Physique solaire. Ces questions étaient à
peine indiquées dans la première édition ; nous les avons
traitées dans celle-ci avec tous les développements qu'elles
comportent.
Nous avons aussi donné une plus grande étendue à l'his-
torique de plusieurs découvertes, et nous pensons avoir ainsi
satisfait aux plaintes de certains savants qui nous repro-
chaient de n'avoir pas apprécié leurs travaux comme ils mé-
ritaient de l'être. Dans un ouvrage de longue haleine, il est
bien difficile de rendre justice à tout le monde ; s'il nous est
arrivé d'attacher moins d'importance qu'd ne faudrait à cer-
tains travaux, nous espérons qu'au lieu de nous supposer
quelque mauvaise intention on voudra bien attribuer ce
malheur à la difficulté du travail. Du reste, quoique le com-
merce littéraire soit actuellement très-actif, nous n'hésitons
pas à affirmer que les Italiens pourraient adresser aux savants
étrangers bien des réclamations de ce genre. Cela tient à deux
causes : la première est le nombre toujours croissant de ceux
qui se livrent à ces recherches ; il devient ainsi bien difficile
de se tenir au courant de ces observations si multipliées; —
la seconde est la multitude de langues dans lesquelles sont
publiés les travaux modernes, ce qui augmente singulière-
ment la difficulté que présente leur étude.
L'Angleterre est représentée par un groupe exceptionnelle-
— VII —
ment nombreux de savants qui étudient avec soin la Phvsi(|ne
solaire; leur langue étant très-répandue, il est plus facile de
se tenir au courant des résultats auxquels ils parviennent :
aussi avons-nous largement puisé dans leurs publications,
afin de rendre justice à chacun d'eux. Notre intention n'a
cependant pas été de faire une simple compilation analogue
à quelques ouvrages anglais. Il y a dans la Science deux bran-
ches essentielles et vitales : l'étude des faits et la recherche
des liens qui les unissent. Les faits doivent être coordonnés
de manière à éviter les redites, les anachronismes et cette
multitude de détails qui sont importants dans un jMémoire
original, mais qui, dans un Ouvrage d'ensemble, ne peuvent
que produire la confusion dans l'esprit du lecteur, par la ré-
pétition d'une foule de circonstances particulières qui se re-
trouvent à peu près les mêmes dans toutes les observations.
En faisant une compilation et pour ainsi dire un recueil de
Mémoires, il est facile d'offrir au public de gros et beaux vo-
lumes ', mais on n'y retrouve point d'unité scientifique, et le
développement des idées y est à chaque instant interrompu.
Ces publications ont rendu de grands services ; mais notre
travail n'est pas devenu pour cela inutile, car nous nous
proposions un but différent, celui de coordonner d'une ma-
nière logique l'immense multitude de faits recueillis dans ces
dernières années.
Nous ne nous sommes pas contenté de réunir ces faits et ilc
les coordonner, nous avons aussi voulu les vérifier et en ac-
quérir une connaissance directe et approfondie en les étudiant
avec soin. Nous avons donc cherché à rendre justice aux sa-
— VIII —
vants en conservant à chacun ses droits de propriété ; mais,
en même temps, nous avons tenu à exposer les faits tels qu'ils
se présentent à notre expérience personnelle; c'est ainsi que
notre Ouvrage a pris un cachet particuher et original. On nous
a accusé à ce propos d'avoir voulu persuader à nos lecteurs
que nous avons porté seul tout le poids de la chaleur et du
jour! Nous n'avons jamais eu cette prétention, nos lecteurs
le savent bien ; nous avons seulement voulu, tout en citant
les découvertes des autres, décrire les phénomènes avec cette
sûreté et cette précision que l'observation personnelle peut
seule donner à un écrivain. L'expérience nous a trop bien
appris qu'un grand nombre de discussions naissent et se
compliquent outre mesure, parce qu'on n'observe pas assez
les faits qui servent de fondement aux théories.
Du reste, après avoir rendu à chacun ce qui lui appartient,
nous ne devons pas nous oublier nous-même ; on ne sera pas
surpris, par exemple, si nous nous attribuons l'honneur d'a-
voir complété, avec des soins si assidus, certaines recherches
à peine indiquées par leurs auteurs, qui s'en étaient détournés
pour se livrer à d'autres travaux, plus brillants peut-être,
mais non plus fertiles. D'ailleurs il y a tant de savants à notre
époque, presque tous armés de puissants instruments, que
plusieurs d'entre eux peuvent bien se rencontrer poursuivant
les mêmes idées et découvrant les mêmes faits. L'étude de la
Physique solaire a donné, il y a deux siècles et demi, un
exemple frappant de ces coïncidences, exemple qui peut bien
se renouveler de nos jours.
Avant de terminer cette Introduction, il me reste à rendre
— IX —
hommage au Iradiictciir et à réditciir (jui f)nt conrouni à
iioti'c (riiM'c. Le II. 1'. Larchcr a !)icn voulu me Nciiir eu aide,
«rite lois ciicoiv, pour ivudrr mes idées avec cette précision
et cette élégance (|ui c.uacteriscut la lauj^uc ri'ancaisc : je le
prie d'accepter ici tous mes romerciments.
L'éditeur, M. Gautliicr-Villars, a voulu faire un Ouvrage
de premier ordre au point d<' vue typographique. Aux diffi-
cultés inhérentes à ce genre de travail s'ajoutait encore la né-
cessité de consulter souvent l'auteur, tant pour le texte que
j)0ur les figures, malgré la distance qui sépare Rome de Paris.
Pour meiur à bon termo une pareille entreprise, il fallait un
dévouement peu commun, et le lecteur reconnaîtra qu'on n'a
rien négligé pour réunir la précision et la clarté du langage,
la beauté et l'élégance de l'exécution typographique, malgré
les difficultés que présentaient le sujet et les circonstances.
Je serai heureux si j'ai })u répondre au dévouement et à l'ha-
bileté de mes deux amis.
A. Secchi.
YrRODLCTlON DE I.\ IMU-MIÈIU- ÉDITION.
Qu'est-ce (jue le Soleil? Quel <'st cet astre radieux et puis-
sant qui dissipe les ténèbres de la nuit, apporte sur la Terre
la lumière du jour, ([ui nous inonde de chaleur, de lumière
et de vie, en même temps que par son attrat tion mystérieuse
il retient autour de lui le système des planètes, contribuant
ainsi d'une manière active à maintenir l'ordre dans la créa-
tion? Telle est la question que se pose tout homme qui aime
k réfléchir sur les grands phénomènes de la nature, au lieu
d'imiter les êtres sans raison qui se nourrissent des fruits
qu'ils rencontrent sur le sol sans jamais élever leurs regards
vers l'arbre qui les produit.
Plusieurs peuples de l'antiquité adoraient le Soleil, erreur
moins humiliante peut-être que beaucouj) d'autres, car cet
astre est l'image la plus parfaite de la Divinité, l'instrument
dont se sert le Créateur j)()nr nous communiquer presque
tous ses bienfaits dans l'ordre physique. Bien qu'à nos yeux
il ne soit plus qu'une simple créature, son étude est cepen-
dant l'une des plus relevées auxquelles puisse se livrer un
savant, et l'histoire des conquêtes faites dans ce champ iné-
puisable sera toujours un des objets les plus dignes de notre
attention et les plus capables de nous édifier,
Malheureusement la science est loin d'être à la hauteur de
son sujet. Ce ne sont ni les recherches, ni les spéculations
qui font défaut ; les difficultés inhérentes à la nature même
de cette étude paralysent nos efforts, et, malgré l'activité que
nous déployons, vincit natiira lalendi : la nature veut encore
rester cachée. Mais notre génération, cpii a démenti ces pa-
roles en découvrant les sources du Nil, réussira peut-être un
jour à dérober au Soleil ces secrets qu'il cache si habilement,
non en les enveloppant de ténèbres, mais en les éclairant
d'une lumière éblouissante.
L'histoire nous apprend que toutes les découvertes de la
science, tous les perfectionnements apportés aux méthodes
d'observation ont été immédiatement appliqués à l'étude du
Soleil; la Phvsique solaire a fait un pas en avant toutes les
fois que la Physique générale a fait une conquête. La décou-
verte des lunettes fit d'abord connaître son mouvement de
rotation, l'existence, la structure, les variations de ses taches
et la manière dont la lumière est distribuée à sa surface. Ne
manquons pas de signaler l'emploi des verres colorés qui
suivit de près la découverte du télescope ; c'est grâce à eux
que le P. Scheiner put se livrer avec tant de fruit à une étude
qui priva de la vue l'infortuné Galilée.
Ces premiers moyens d'observation eurent bientôt produit
tout ce qu'on pouvait en attendre. Il en résulta un temps
d'arrêt dans les progrès de nos connaissances et une indiffé-
rence profonde ])our ce genre de recherches. On désespérait
même de cette branche de l'Astronomie lorsque "W. Herschel
se mit à l'œuvre avec les instruments qu'il avait construits de
ses propres mains. L'étude du Soleil fit avec lui de grands
progrès, mais ses découvertes et ses méthodes lui restèrent
personnelles comme ses instruments; il n'eut pas d'imita-
teurs, et après lui commença un second temps d'arrêt.
Cependant l'Optique faisait des progrès; les grands instru-
— XIII
inciils devenaient plus nombreux et préparaient de nouvelles
découvertes; mais ils ne faisaient (jnc les préparer, car ces
instruments si |)erft'etionnés restèrent assez longtemps in-
utiles; c'est seulement de nos jours qu'on a trouvé des
métiiodes permettant d'employer à l'étude du Soleil les gros-
sissements énormes auxquels se prêtent les plus grandes lu-
nettes.
INIais ce qui a fait surtout avancer la Physique solaire, c'est
le perfectionnement de la théorie mathématique des mouve-
ments célestes. Lorsque, dans le calcul d'une éclipse, on fut
parvenu à déterminer d'une manière précise les lieux où de-
vait passer la ligne centrale de la totalité, alors seulement
les astronomes purent se réunir en grand nombre dans ces
lieux privilégiés, apportant avec eux des instruments de toute
grandeur et de toute nature, ce qui leur a j^ermis de faire
les découvertes les plus inattendues.
La Photographie ne pouvait manquer de venir en aide à
l'étude du Soleil : elle nous a fourni des dessins représentant
avec la précision la plus absolue les taches avec tous leurs
détails, et les différentes phases des éclipses; elle nous a
rendu d'immenses services dans ces courts instants des éclipses
totales où l'œil se trouve surpris et reste incertain; c'est elle
qui nous a donné le moyen de résoudre en quelques instants
des questions agitées depuis bien des années.
La persévérance avec laquelle on a observé les taches a
permis de constater la périodicité de ce phénomène, et dans
cette étude on a tiré un grand parti d'ouvrages autrefois dé-
criés et tournés en ridicule, mais qui contenaient malgré cela
des documents précieux. En comparant ces périodes des vi-
cissitudes solaires avec d'autres phénomènes qui n'ont avec
elles aucune relation apparente, on a pu établir que le So-
leil n'agit pas seulement comme centre d'attraction et comme
foyer de lumière, mais qu'il exerce une action incontestable
sur les piiénomènes magnétiques.
Enfin l'analyse spectrale a ouvert une immense carrière que
nous aurions dii croire fermée pour toujours : elle nous a
fait connaître la nature chimique des substances qui com-
posent l'atmosphère solaire, et même d'une manière appro-
chée la température de cette atmosphère. On a pu ainsi faire
l'analyse qualitative de l'astre du jour, et l'on a même appris
tout récemment à étudier en tout temps certains phénomènes
que nous ne pouvions autrefois observer pendant les éclipses
totales. C'est ainsi que la Chimie, à son tour, est venue en
aide à l'Astronomie. La belle découverte de la dissociation
et la Théorie mécanique de la chaleur nous ont enfin montré
en quoi consiste la puissance calorifique du Soleil, et nous
ont expliqué comment cette puissance peut rester la même
pendant tant de siècles, malgré le rayonnement continuel qui
semble devoir l'appauvrir en peu de temps.
Dans l'état où se trouve actuellement la science, j'ai cru
qu'il était temps de réunir en quelques pages l'ensemble de
ces merveilleuses découvertes qui font tant d'honneur aux
savants de notre époque, et qui ont l'avantage de joindre l'a-
gréable à l'utile.
Afin de suivre l'ordre des idées, j'exposerai d'abord les
travaux des anciens, mais brièvement, sans m'occuper de
questions inutiles, ni de résultats hypothétiques. De plus,
afin de rendre cet Ouvrage accessible à un plus grand nombre
de personnes, j'entrerai quelquefois dans des détails qui ne
seraient pas nécessaires pour des savants, mais qu'on me par-
donnera en considération du but que je me suis proposé.
La contemplation des œuvres de Dieu est une des plus no-
bles occupations de l'esprit, c'est le but principal de l'étude
de la nature-, mais cette étude nous conduit souvent à des
résultats utiles que uous no saurions dédaigner. L'étude du
Soleil ne parait pas, pour le moment du moins, nous pré-
senter eet avantage. Quelles (pie .soient nos rcclierelies et les
connaissanees que nous pourrons aequérir, il ne sera jamais
en notre pouNoir de régler linfluenee du Soleil. Cependant
l'action de cet astre est troj) inlimenicnt liée avec les phéno-
mènes de la vie, de la chaleur et de la lumière, pour qu'il
soit inutile de chercher a coiuiaitre sa nature. Et d'ailleurs,
qui sait s'il n'v a pas une relation intime entre certains phé-
nomènes solaires et quelques phénomènes terrestres qu'il se-
rait si important pour nous de prévoir avec quelque certi-
tude!
Mais ce serait sortir de notre sujet que de l'envisager ainsi ;
les merveilles de la création ne doivent pas être exclusivement
étudiées au misérable point de vue de l'utilité du moment.
Nous savons par expérience que ce qui parait n'être aujour-
d'hui qu'une spéculation oiseuse peut devenir demain une
source de richesse; après tout, l'homme ne vit pas seulement
de pain, il doit encore, pour entretenir la vie de son âme,
s'assimiler les vérités abstraites ou sensibles dont l'ensemble
constitue pour notre intelligence la parole du Créateur.
Nous allons donc aborder cet important sujet auquel nous
avons, pendant plusieurs années, consacré tous nos soins et
toutes nos recherches. Nous ne nous bornerons pas à exposer
nos propres tra\ aux ; nous prendrons le vrai et le beau par-
tout où nous le trouverons. ]Mais nous n'énoncerons aucune
opinion sans avoir vérifié par nous-méme les faits sur lesquels
elle repose; nous n'exj)oserons aucune théorie sans l'avoir
constatée autant que le comporte la nature même du sujet.
Cet Ouvrage, que nous publions aujourd'hui poiu' la pre-
mière fois, était composé en italien depuis plusieurs années;
nous en avons donné un s])écimen dans une conférence faite
en 1867 aux élèves de l'École Sainte-Geneviève et reproduite
par les Études religieuses. A la sollicitation de plusieurs de nos
amis, nous l'avons écrit en français, en l'abrégeant un peu.
Le R. P. Larcher, professeur de Physique à l'École Sainte-
Geneviève, a bien voulu retoucher notre manuscrit, afin
que le style ne laissât rien à désirer sous le rapport de la
correction et de l'élégance; il a traduit notre pensée avec
la phis grande exactitude, en conservant presque toujours
les expressions que nous avions nous-même employées ; nous
ne saurions trop le remercier de la patience et du dévoue-
ment dont il a fait preuve dans ce long et pénible travail.
Quoique cette précaution ne fîit pas nécessaire, nous avons
re^al toutes les épreuves, afin d'éviter les erreurs qui se
glissent si facilement dans les Ouvrages ainsi composés. L'édi-
teur et le graveur n'ont rien négligé pour assurer la per-
fection typographique et artistique : aussi avons-nous lieu
d'espérer que les lecteurs seront satisfaits. En publiant cet
Ouvrage en français, l'auteur est heureux de pouvoir payer à
la France une faible partie du tribut de reconnaissance qu'il
lui doit pour l'accueil plein de sympathie qu'il a reçu pen-
dant l'Exposition universelle.
Puisse ce travail être utde au lecteur, en l'instruisant et
en l'invitant à rendre hommage à Celui qui a placé sa tente
dans le Soleil : in Sole posuit tahernaculum suum Altissimus.
TABLE DES MATIÈRES.
Inthodiction a la présente édition..
Introduction de la première édition
PREMIERE PARTIE
STRUCTURE DU SOLEIL.
Pagei.
LIVRE PREMIER.
NOTIONS GÉNÉRALES DES PHÉNOMÈNES SOLAIRES.
CHAPITRE PREMIER. — ASPECT GÉNÉRAL DU SOLEIL.
§ I. — Dimensions du Soleil i
§11. - - Taches solaires 2
§ in. --- Découverts des taches solaires 5
§ W. — Moyen d'observer les taches 8
CHAPITRE II. — LOIS lONDAMENTALES DL" MOUVEMENT DES TACHES.
§ I. — Révolution des taches 12
§ II. - Changement de forme des taches i5
§ III. Variations annuelles dans le mouvement apparent des taches 16
§ I\'. — Autres propriétés des taches a'i
§ V. — Coup dœil sur les hypothèses émises relativement à la nature des
taches 27
§ VI. — Travaux d'Herschel 29
§ ^ II. — ,\utres travau.v sur la nature des taches 3o
CHAPITRE III. — NOUVELLES MÉTHODES D 'OBSERVATION.
§ I. — Oculaires hélioscopiques 32
§ II. — Oculaires polariscopiques 35
§ !II. — PhotO{jraphies solaires 38
— XVIII —
LIVRE H.
EXAMEN DE LA SURFACE DU SOLEIL.
Pages .
Introdcction 4?
chapitre premier. — aspect général de la photosphère.
§ I. — Inégalités de la surface solaire 4^
§ II. — Explications des grains 56
CHAPITRE II. — DES TACHES.
§ I. — Circonstances qui accompagnent leur formation 6o
§ IL — Exemples de formations rapides 6i
§ III. — Dissolution de la matière lumineuse dans les taches 65
§ IV. — Division et multiplication des taches 67
CHAPITRE III. — ÉTUDE DE l'iNTÉRIECR DES TACHES.
§ I. — Les taches sont des cavités 70
§ II. — Observations modernes 74
§ III. — Réponses à quelques objections 77
CHAPITRE IV. —, STRUCTURE DES TACHES.
§ I. — De la pénombre 81
§ II. — Phénomènes observés dans les noyaux 96
§ III. — Toiles roses à l'intérieur des taches 101
§ IV. — Ce qui se passe à l'extérieur des taches : facules 109
§ V. — Conclusions relatives à la structure des taches 1 15
CHAPITRE V. — MOUVEMENTS GÉNÉRAUX DES TACHES. — ROTATION DU SOLEIL.
§ I. — Importance et difficultés de la question 121
§ II. — Méthodes d'observation 1 33
§ III. — Résultats obtenus relativement à la rotation du Soleil 127
§ IV. — Résultats trouvés par MM. Carrington et Sporer i3o
CHAPITRE VI. — MOUVEMENTS PROPRES DES TACHES.
§ I. — Résultats généraux i4i
§ II. — Conclusions qui résultent des faits précédents, et questions diverses.. 100
— XIX —
Pages.
§ III. — Rochorclu'S théoriques sur la rotation du Soleil i58
§ IV. ' Du quelques irré(;ularités a|>|iareiitcs dans le mouvement des taches.. iG8
§ V. — Ri'sumé des mouvenicnls îles taches l'ja
CHAPITHE VII. - VABIATIOMS StClLAinKS DES TACHES.
§ I. — Recherches historiques i ■jS
§ II. - Étude statistique du nombre des taches solaires. 1^8
§ 111. — Recherches sur les causes de la iiériodicité des taches 189
LIVRE III.
DE l'aT.M0SPI1ÈUE SOLAIRE.
lîrrRODCCTioN 1 95
CUAPITRE PREMIER. — ABSORPTION DES RADIATIONS PAR l'aTMOSPIIÈRE SOLAIRE.
§ I. — Recherches historiques 196
§ II. - - Absorption des rayons chimiques 200
§ III. — Absorption des rayons calorifiques 2o3
§ IV . — Conséquences qui découlent des observations précédentes 309
CHAPITRE II. — ANALYSE SPECTRALE DE LA LUMIÈRE SOLAIRE.
AVANT-PROPOS 2 1 5
§ I. — Premiers travaux sur l'analyse de la lumière solaire par le prisme. . . . 217
§ II. — Spectroscopes ou instruments destinés à observer le spectre solaire. . . 220
§ III. — Description du spectre solaire 284
CHAPITRE III. — THÉORIE GÉNÉRALE DES SPECTRES LIMINELX.
§ I. — Comparaison de la lumière solaire avec les autres lumières 244
§ II. — Spectres d'absorption 254
§ 111. — Renversement des spectres 269
CHAPITRE IV. — APPLICATION DES PRINCIPES PRÉCÉDENTS A l'ÉTIDE DE LA CONSTITUTION SOLAIRE.
§ I. — Explication des raies noires du spectre solaire 267
§ II. — Analyse spectrale des taches solaires 279
§ III. — Conséquences qui découlent des faits précédemment exposés 292
§ I\'. — Réponse à une objection 296
— XX —
LIVRE IV.
LES ÉCLIPSES.
CUAPITRE PREMIER. — PHÉNOMÈNES ODSERVÉS PENDANT LES ÉCLIPSES.
Pages.
§ I. — Historiqiio 3oi
§ II. — Phénomènes {jénéraux qu'on observe dans une éclipse totale 3o6
§ III. — Phénomènes qui accompagnent la disparition et la réapparition du
Soleil dans les éclipses totales 3i3
§ IV. — Phénomènes physiques observés pendant la totalité 323
CHAPITRE II. — DE LA COURONNE.
§ I. — Apparences générales 33o
§ II. — Différentes régions dont se compose la couronne 337
§ III. — Photographies des éclipses. — Étendue de la couronne 339
§ IV. — Des aigrettes 3^8
§ V. — Polarisation de la lumière de la couronne 358
§ VI. — Considérations générales sur la couronne 362
CHAPITRE III. — DES PROTL'DÉRANCES OU PROÉMINENCES ROSES Qu'oN OBSERVE
PENDANT LES ÉCLIPSES TOTALES DU SOLEIL.
AVANT-PROPOS 369
§ 1. — Premières observations des protubérances 3G9
§ II. — Photographies obtenues en Espagne pendant l'éclipsé de 1860 877
§ II!. — Observations postérieures des protubérances. — Leurs relations avec la
couronne 387
CHAPITRE IV. — OBSERVATIONS SPECTRALES FAITES PENDANT LES ÉCLIPSES.
§ 1. — Nature chimique des protubérances 3g2
§ 11. — Spectre des protubérances et du bord solaire dans les éclipses posté-
rieures de 1870 et de 1871 397
§ 111. — Découvertes dues à l'étude spectrale du bord solaire 4°°
§ IV. — Conclusions qui résultent des observations précédentes 4o4
§ V. — Analyse spectrale de la couronne l\o~j
§ VI. — Conclusions générales relatives à la couronne 4i2
NOTE.
Problèmes relatifs à la rotation du Soleil 4 '9
LE SOLKI
J •
piU'MiKiu: l'Miïii:.
STHUCTIKI-; Dl' S(»l.i;il.
L 1 \ U K l> [{ K \l 1 !•: U.
NOIIONS CÉNÉKALKS SIR LhS P II K N O M k> h. S SOLAIKF.S.
ciivi'iTiu: im;i:mh:i;.
ASPECT G E N E K A I. D l' SOLEIL
^ I . — Dimensions du Soleil.
Le Soleil se pi^'seiite a nos veux connue un <lis([U" rond
sous-tendaiiL un angle d Cnviron '52 minutes et 3 secondes,
c'est-à-dire un peu plus d un demi-degré ' . Si nous tenons
compte de la distance, ce diamétic apparent suppose des
dimensions énormes, dont il est ditticilc de nous faire une
idée exacte. La distance moyenne qui sépare le Soleil de la
Terre <'st égale à 2'3i5o rayons terrestres, c'est-à-dire
i4^ millions de kilomètres. Le diamètre réel du Soleil est
roH fois le diamètre de notre planète, soit i '^■~'^ [\'j2 \k\\o-
(') Ndus reviendrons plii> tard sur la valeur et l'exacliliide de ces chiffres; noirs
ne les citons en ce moment que pour donner une première idée des dimensions appa-
rentes du Soleil.
I. I
Q
mètres; son rayon est presque le double de la distance de la
Lune à la Terre, et, par conséquent, son volume est à peine
inférieur à celui de huit sphères avant un ravon égal à la
distance (|ui nous sépare de la Lune. Il est i 25c)'-\2 fois
plus gros que la Terre; un arc d'une seconde, vu de la Terre
au centre du disque solaire, est équivalent à ^i5 kilomètres,
ce qui fait .42900 kilomètres poiu' un arc d'une minute: et
cejKMidant nous verrons qu'on observe fréquemment des
lâches dont le diamètre est d'une minute, et même des
fhunnu^s avant une hauteur de trois minutes , c'est-à-dire
1 2cS -00 kilomètres. Les fils d'araignée qu'on emploie pour
les micromètres sous-tendent ini angle d'un tiers de seconde
dans une lunette de 4'",3o : ils couvrent donc une largeur de
238 kilomètres. Ces exemples suffisent pour faire comprendre
que des objets que nous pouvons à peine distinguer ont en
réalité des dimensions énormes. La Terre entière, vue à la
distance qui nous sépare du Soleil, aurait pour diamètre ap-
parent r'j",82 ; son ravon, qui est de 6'5'j'j kilomètres à l'é-
qualeur, sous-tendrait donc un angle de 8",f)i : c'est la valeur
de la parallaxe éc[uatoriale du Soleil actuellement adoptée,
et sur laquelle reposent tous nos calculs. Ces nombres nous
serviront bientôt pour apprécier les dimensions des objets
que nous voyons sur le disque solaire et pour en évaluer les
momements.
§ II. — Taches solaires.
Les anciens ne connaissaient aucune des particularités re-
latives à la constitution physique du Soleil. On avait bien
signalé de temps en temps quelques taches noires que l'on
pouNait distinguer à l'œil nu lorsqu'il était près de l'horizon ;
mais on les prenait pour des planètes en conjonction ou pour
— 3 —
(les |)licn()iii«''n("s dont l;i (•.uisc (''f;iit iiicoiimi!'. Pelles sont les
taches (jiii dirent <)l)sei'\ecs en So-, 8'|(), kx)'). i *»SS. Kepler
lin-nn-nie ci ut ohsei'ver !<• |);»ssaj^e de Aleicuic sur h' Soleil;
(■(•tait une taclie (|u d a\ail sous les \eu\.
l.es Cliinois nous ont de heaucoup devances dans cette
(lécoiiN erlo. l/()uvraii;e eneycl()|)e(li(jue de Ma-Twaii-Tan con-
tient un tableau reniar(jual)l(^ de 1 "> observations faites entn^
les ann(M^s '^o i et i m)') de ICre \uli:aire, c'est-à-dire dans
un inter\ dK- de ()o/| ans l\)nr donner une idée de la irran-
deur reiatiN «^ des taciies, les ol)ser\atenrs les compai'ent à
tui (euf . à une datte, à une jji'une, etc. Les observations se
prolongent souvent pendant plusieurs jours; quehjues-unes
ont nu'ine cté faites pendant dix jours eonsc^cutifs. On ne
peut douter de la realite et de l'exaetitude de ees observa-
tions, et cependant elles ont été inutiles aux Kuropéens, car
elles n Ont été publiées (pie dans ces derniei's temps ').
I>es astronomes cliinois ne nous ont |)oint fait connaître la
méthode qu'ils emplovaient pour ces observations; mais on
sait qu'avec ini simple verre recou^ert de noir de fumée on
peut voir à l'œil nu les taches les plus considérables. Avant
que les lunettes fussent connues, on recevait les ravons so-
laires dans la cliainl)re obscinv par uu petit trou circulaire
pratirpié dans le volet. C'est ainsi (pie .lean l'abricius réussit,
en décembre i^iio, à voir une tache considérable et à étu-
dier son mouvement d'iniL' manière îissez ])récise j)our pou-
voir en conclure le mouvement de rotation du Soleil. Alais
cette observation ne fut publiée (pie plus tard , alors (|ue
d autres observateurs, armés de lunette, avaient obteini de
meilleurs résultats.
(') V. Williams, Mo/it/i. noc. Astr. soc, vol. XWiil, p. (7(1; :ipril.
_ 4 -
On peut facilement observer les taches du Soh'il, même
avec des lunettes d'assez petites dimensions, en ayant soin de
placer en avant de l'oculaire un verre fortement coloré. Elles
se présentent ordinairement comme des points noirs de forme
roHile; bien souvent, cependant, elles sont groupées de ma-
nière à former j)ar leur ensemble des figures très-irrégulières.
Fig. I.
La partie centrale est noire ; on l'appelle le noyau ou \ ombre :
le contour est formé par une demi-teinte qu'on appelle la
pénombre. Les contours de l'ombre et ceux de la pénombre
sont nettement tranchés, au moins dans la pluj)art des cas.
Les dimensions des taches sont extrêmement variables.
Quelques-unes se présentent comme de simj)les points noirs,
- s —
(jtr<)ii ;i[)|)(ll(' (les pores; on en voit frc'qnciniiiciit qui soiis-
Iciulcnt des angles de /)<> à /|0 sccoiulcs. Les ^l'andcs tac lies
sont rares, et résultent ordinairement de plusieurs lac lies
juxlaposees. ()Ma \ u des i;i()n|)('s scMd)lal)l('S aUci^naiil plii-
sicnis iiiiiiiitcs de diamctic ; leur sui'faee était donc plus
grande que eelle de la Terre, plus grandi? même que eellc dr
la planète Juj)it(r. Pour donner au leeleur une idée <\v \a
structure et tie la grandeur relative des taches, nous repro-
duisons ici ijig. i) nue photographie du Soleil obtenue par
M. llutheilurd, le 22 septembre iS'jo, à c)'' ?.G"' 1 0% temps si-
déral de Ne\v-\ork.
Sur les bords tlu disque, on voit de petites taches blanches
fjue les astronomes appellent yîï a/ /c5; nous les étudierons
bientôt. Toutes ces taches changent de place et de forme,
d'après des lois que nous apprendrons à connaître. Enfin les
bords de limage sont toujours beaucoup moins lumineux
(juc le centre ; on le reconnaît facilement en employant un fort
grossissement, et en passant raj)idement du bord au centre
du disque solaire. Cette expérience réussit très-bien par la
méthode des projections, que nous expliquerons bicutùr.
§ m. — Découverte des taches solaires.
La découverte des taches est une de celles dont on peut
dire qu'elles sont faites par une époque et non par un homme.
Plusieurs savants avant à leur disjiosition des lunettes, ils
dc\ aient tôt ou tard les diiiger xcrs le Soleil. La seule dilll-
culté consistait à protég«T les yeux de l'observateur. Ainsi
Galilée montrait les taches aux littérateurs de Rome, dans le
jardin lîandini, mais seulement lor.sque h' Soleil était auprès
de l'horizon; à la même époque (mars iGii , Scheiner les
observait à Ingolstadt, à l'aide d'un verre bleu placé en avant
— G —
(le roculaire (*). Pendant ce temps, Fabricius préparait en
secret rédition de son célèbre JMémoire : il a donc devancé
tous ses contemporains, mais ses découvertes ne furent con-
nues que plus tard. Si Galilée a précédé Sclieiner dans l'ob-
servation des taches, il ne les étudia pas d'une manière sui-
vie, et il n'en comprit l'importance (pi'après la publication
des trois lettres pseudonymes adressées par le jésuite alle-
mand à Marc ^'elser, bourgmestre d'Augsbourg, sous la
date du 12 décembre iGii. Sclieiner parlait dans ces lettres
du nombre des taches, de la variation de lem^s formes, et de
leur mouvement apparent sur le disque solaire; il parle éga-
lement des pénombres, des facules et des moyens d'observa-
tion. Mais il propose lUie explication malheureuse en attri-
buant ce phénomène à des planètes très-voisines du Soleil.
Ces lettres excitèrent vivement l'attention de Galilée ; il
reconnut aussitôt l'intérêt , mais aussi les difficultés de ce
sujet. Il se mit donc à l'œuvre, et, après quelques mois d'ob-
servations , il fut en état de donner la véritable théorie. Il
reconnut que les taches sont adhérentes au corps solaire, et
que leur translation apparente est due au mouvement de ro-
tation de cet astre lui-même. Il était alors très-difficile d'ar-
river à cette conclusion, car la lunette de Galilée, la seule
connue à cette époque , ne permet pas l'emploi du micro-
mètre; on ne pouvait donc prendre les positions que d'une
manière fort inexacte, et les mesures ne devinrent précises
qu'à l'époque où l'on commença à étudier les images proje-
tées sur un écran à l'aide de la lunette , ce que Scheiner fit
le premier, et Castelli après lui .
(') ^■oir la première lettre do Scheiner à Velser. C'est la première publication
qui ait été faite sur ce sujit. Elle est intitulée : Apellis post tabulam latentis très
euistolœ de macuUs solaribus ad Marciim Veheruin (1611).
Le lail nialciicl de l:i (IccdiiNcilc des taches li'clait (jii'iinc
(jiicstioii (le Iciiijis cl (le liasaid; mais il appartenait au L;énie
(le (|('("()ii\ lir la théorie \ei-itai)le, à la patience allenli\eet
perscNcrantc d'clndici" les |)lien()nienes. Sons le ia|)jtort du
génie, (ialilcc est sans ii\al; sous le rapport des obsciva-
tions, ScIkmiut a hien mérite d«' la S( icncc. I*his tard , dans
l'ardeur (!<' la controxcrse, ou la accusé de pla«;iat; mais U;
tcuïoi^uage de (lalilee sullit ahondannncnt j^our réj)ondrc à
cette accusation (' . On doit à la persé\crance tonte ^crma-
(') L'étonniMiîcnt et les hésitations de Galilée se manifestent dès la preniicre ré-
ponse qu'il adressa à Marc Velser ; il ne l'écrivit cependant que trois mois aj>rès avoir
reçu ro|tuscule de Scheiner. IVous lui devons cette justice de dire qu'il eut bien jdus
de modération que tous ses amis. Ceux-ci se laissèrent enti-ainer par leur admira-
tion passionnée, au point de dépasser toutes les limites des convenances : ils allèrent
jusqu'à déclarer qu'il était impossilde à personne de faire de semblables découvertes,
car les cieux étaient réservés à Galilée! Comment admettre qu'il ait gardé un silence
aussi al)solu et aussi prolongé sur une découverte de cette importance, lui qui ap-
portait un soin si jaloux à revendiquer toutes celles qui lui appartenaient, au point
de recourir aux anagrammes et aux lojogriphes pour en conserver la priorité. Nous
le croyons cependant sur parole, en nous contentant de laisser de côté les exagéra-
tions calomnieuses de ses amis.
Scheiner découvrit les taches en cherchant à mesurer le diamètre solaire {Rosa
l'rsina, p. -i). Il avait fait construire une lunette avec des lentilles d'un verre forte-
ment coloré; il y renonça plus lard lorsqu'il eut la pensée d'adapter tin simple verre
coloré à l'oculaire d'une lunette ordinaire. Ses nombreuses recherches sont consi-
gnées dans un Recueil intitulé : Rosa Ursina, dédié, suivant l'usage du temps, au
])rincc Orsini, qui avait fait les frais de l'impression. Cet ouvrage, tant décrié par les
contemporains, contient sans doute bien des choses inutiles mêlées à de précieuses
recherches; mais que ne pardonne-t-on pas il Kepler? C'était la faute de l'époque et
du pays. Du reste, la postérité a été plus juste. De la Lande a écrit ces mémorables
jiaroles : « Quoi qu'il en puisse être de celui à qui le hasard a fait voir les taches pour
la première fois, il est sûr que personne ne les observa si bien et n'en donna la
théorie astronomique d'une manière aussi complète que Scheiner. » {Àstr., t. III,
n° 3227.) — Hévélius le cite avec les plus grands éloges : « Inconiparttbilis et oniiit-
geiiœ eriiditionis t'irurn. ... ut in hac mnteria omnibus pahnam qimsi piirripitisse dtci
possit. » {Selenograpfiia, p. 8-^)
Il est regrettable que nous n'ayons pas réussi à trouver ses manuscrits, ([ue nous
avons cherchés à la demande de M. "NVolf de Zurich.
nique de Scheiner une longue suite d'observations pleines de
détails intéressants , et qui ont été dans ces derniers temps
appréciées à leur juste valeur. Il employa le premier les verres
colorés et le svstème de projection par la lunette. Il perfec-
tionna ce procédé d'après les conseils du P, Grienberger et
construisit ainsi un appareil qui est la première forme de l'é-
quatorial moderne.
§ IV. — Moyen d^ observer les lâches.
L'observation des taches par voie de projection avec une
lunette est assez commode et assez exacte pour que nous en
donnions la description. Au volet d'une chambre obscure on
fait une ouvertin-e un peu plus grande que l'objectif; on
place la lunette dans la direction des ravcns solaires, et l'on
déplace l'oculaire en l'écartant de l'objectif, jusqu'à ce que
l'image, projetée sur un écran blanc, soit nettement termi-
née sur ses bords; les taches, s'il v en a, ne tarderont pas à
apparaître bien nettes et bien définies.
Les images projetées par une lunette sont renversées par
rapport à l'image qu'on verrait en observant directement
dans la limette elle-même. Si donc on se sert d'une lunette
astronomique dans laquelle l'image est renversée , la projec-
tion sera directe, c'est-à-dire que, sur l'écran, le nord et le
sud, l'est et l'ouest seront disposés comme dans le ciel : on
verra donc les taches entrer sur le disque solaire par le bord
oriental pour aller sortir du côté de l'ouest. Le contraire
aura lieu si l'on emploie une lunette de Galilée ou une lu-
nette terrestre; ces instruments redressant l'image donneront
par projection une image renversée, dans laquelle on verra
les taches décrire leurs trajectoires en sens inverse de leur
mouvement réel.
- 9 -
Les observatoires emploient maintenant pour ces projec-
tions (le grands instruments qui servent également à photo-
graphier le Soleil. La fig. 2 représente l'appareil employé
Fie- 2.
au Collège Romain, ou chaque jour on observe les
lorsque le temps le permet. M. Carrington a employé
( édé semblable à l'observatoire de Redhill. Voici
cription de la machine :
AB, lunette portant, par le moyen de la barre LR,
taches ,
luj pro-
la des-
la plan-
- 10 -
chette QO, sur laquelle doit se faire la projection; EF, axe
polaire incliné sous l'angle de la latitude, portant deux
branches CD, sur lesquelles repose l'axe de la lunette;
GUI, support de fonte sur lequel repose tout l'appareil, et
fixé sur un pilier en maçonnerie; M et N sont les cercles de
déclinaison et d'ascension droite; RS est une tige de fer puis-
sante qui sert à fixer la lunette.
Cet instrument est relié à un puissant mouvement d'horlo-
g(MM'e qui communique au cercle horaire un mouvement de
rotation uniforme, calculé de manière à lui faire décrire une
circonférence entière en vingt-quatre heures ' . La lunette,
entraînée dans ce mouvement, suit constamment le Soleil,
et la position des différents points de l'image demeure abso-
lument fixe sur l'écran ; les dessins se font ainsi plus facile-
ment, ])lus rapidement et avec plus d'exactitude. Comme ces
instruments se trouvent dans tous les observatoires, nous
nous abstenons d'en donner une description plus détaillée.
Cet appareil étant solidement établi, on peut y adapter
tous les instruments nécessaires pour l'étude du Soleil ,
chambres photographiques, spectroscopes , etc. Il est abrité
sous un dôme mobile dont l'ouverture est garnie de rideaux
en drap noir, de sorte qu'on n'y reçoit d'autre lumière que
celle qui traverse la lunette. Cette disposition nous paraît
avantageuse, et nous l'employons avec succès.
Lorsque les projections se font sur une grande échelle, et
qu'elles sont destinées à des recherches de précision, il Aiut
faire subir aux mesures une correction qui peut devenir im-
[)ortante. Les rayons sortis de l'oculaire vont former une
image dont les différents points se trouvent en réalité sur une
(') Cette partie de la machine n'est pas représentée dans la figure.
Il —
siirlacc s[>li('i'i(|iic (ihl) fii:;. \ , ;i\;iiit son cciitic eu (). tandis
<|ii(' If dessin se produit sur un plan tanj;cnt nui^ on plutôt
Fig. 3.
sur le plan «/>, si l'o» met au point le ])ord du Soleil, l^a dif-
férence entre la corde ab et la tan«;ente mn n'est pas négli-
geable, et cette cause d'erreur n'avait pas échappé à Schei-
ner; du reste, cette méthode ne peut servir que pour des
re( herches générales; lorsqu'on veut oht(Miir les détails avec
précision, il faut employer les mesures micrométriques. Clés
observations ne sont cependant pas faciles : nous explique-
rons plus loin la disposition et l'usage des instruments ((u'on
enq)loie dans cette étude.
— 12 —
CHAPITRE II.
LOIS FONDAMENTALES DU MOUVEMENT DES TACHES.
§ I. — Révolution des taches.
1° En général, les taches se présentent sur le bord oriental
du Soleil, traversent le disque en suivant des lignes obliques
par rapport au mouvement diurne et au plan de l'écliptique,
et, après quatorze jours environ, elles disparaissent au bord
occidental. Il n'est pas rare de voir une même tache, après
être restée invisible pendant une période de quatorze jours,
apparaître de nouveau au bord oriental pour faire une se-
conde, quelquefois une troisième et même une cjuatrième
révolution ; mais , plus généralement, elles se déforment et
finissent par se dissoudre avant de sortir du disque, ou pen-
dant qu'elles sont du côté opposé.
2° Lorsque sur le discjue solaire paraissent simultanément
plusieurs taches, elles décrivent, dans le même temps, des
trajectoires semblables et sensiblement parallèles, quoi-
cju'elles soient à des latitudes très-différentes. Il faut en con-
clure qu'elles ne sont pas indépendantes , comme seraient
des satellites, mais qu'elles se trouvent sur la surface du So-
leil, et cju'elles sont entraînées par son mouvement de rota-
tion; de plus, si les taches étaient des astres indépendants,
il faudrait en dire autant des facules, cjui sont assujetties au
même mouvement de translation, hypothèse absurde ; car,
13 -
coninie le disait si Ijicn (ialilcc, on ne j)fut pas supposer
qu'il existe autour du Soleil des astres plus brillants que le
Soleil liii-mrtiie.
3" Si I on note cliafjiic joui" sur le nirtnc dessin la position
des taches, ou voit que leni" mouvement aj)parent est plus
rapide auprès du centre , tandis qu'il devient très-lent au
bord du disque solaire. Nous donnons dans la fi^. 4 les tra-
jectoires de deux taches observées par Scheiner, du i au
i4 mars 1627.
Les deux lignes RR,TX représentent la projection de l'c-
cliptique sur le disque solaire au commencement et à la fin
des observations; AB est le parallèle céleste, CD le cercle de
— H —
déclinaison. Nous devons avertir que Sclieiner observait avec
une lunette de Galilée donnant par projection des images
renversées : les taches semblent donc entrer à l'ouest pour
wWvv sortir du côté de l'est. Les endroits ponctués indiquent
des lacunes dnes à la présence des nuages. Les taches sont
nettement terminées, les ombres et les pénombres parfai-
tement tranchées. On peut juger de la courbure des trajec-
toires par leurs cordes. On ^ oit facilement qu'elles n'ont pas
toujours décrit le même espace dans des temps égaux.
Mais ces différences ne sont qu'apparentes, et elles ré-
sultent de ce que le mouvement nous j^araît avoir lieu sur un
[)lan, tandis qu'en réalité il a lieu sur un cercle parallèle à
l'équateur solaire; nous projetons ce parallèle, et avec lui
les j)ositions successivement occupées par les taches, sur un
plan perpendiculaire au rayon visuel. Pour représenter le
phénomène, traçons une demi-circonférence, divisons-la en
lui certain nombre de parties égales, et de chacune de ces
divisions abaissons des perpendiculaires sur le diamètre AB
[Jig. 5 *, nous partagerons ainsi le diamètre en un certain
A 10 987 G 5 4321
nombre de jiarties inégales, mais qui sont cependant les pro-
jections d'arcs égaux entre eux, et ces projections sont d'au-
tant plus petites que les arcs correspondants se rapprochent
davantage de l'extrémité du diamètre. En employant une
construction semblable, Galilée montra que les taches ne
Vi —
j)eii\fiit ("'liv (li's corps (Ictachcs du Soleil et éloignes de s.i
surface, car le rayon du jiarallèlo solaire satisfaisait seul au
calcul des translalioiis dimiies.
^ 11. — CJuiiigement de forme des taches.
i"Ix'S taches, en s'approcliant du l)ord, perdent leiu' .'oriiie
arrondie, dexiennent ovales, puis se l'étrécissent au point de
devenir presipie linéaires; on peut en juger par l(;s figures
amplifiées cpie nous rej^roduisons ici [fig. G).
Fie- G.
Ces changements sont encore de simples apparences dues
à un effet de perspective; on les exj)lif[ue de la même ma-
nière cpie le ralentissement apparent. ^Nlais ce phénomène
prouve encore cpie les taches sont adiiérentes à la surface du
Soleil; car, dans l'hypothèse contraire, il faudrait les attri-
buer h des corps ti'ès-aplatis, ce qui serait contraire à tout ce
que nous connaissons de la forme propre aux corps céh^stes.
(îalilée les compara à des nuages, plus tard Scheiner les re-
garda comme des cavités. Nous verrons hientnt à cpioi il faut
s Cn tenir.
— 16 -
2" Outre ces déformations apparentes, il y en a de réelles.
La forme des taches change quelquefois d'une manière trè*-
notahle, non-seulement d'un jour à l'autre, mais dans l'es-
pace de quelques heures. En voici un exemple : \'à.fig. 7
représente les transformations d'un groupe de taches obser-
vées par M. Rutherfurd du 19 au 26 septembre 1870. On
voit d'abord une tache simple apparaissant sur le bord du
disque; vingt-quatre heures plus tard, le 20 septembre,
elle paraît plus large, mais c'est un simple effet de perspec-
tive, et elle conserve toujours la forme polygonale; le 21, le
noyau se divise en deux cercles incomplets réunis entre eux,
et la forme générale ressemble à celle d'une lemniscate; le
lendemain , les deux cercles sont presque complets , et l'un
d'eux est traversé par une bande lumineuse; les jours sui-
vants, les deux parties se séparent de plus en plus; le 24, elles
se subdivisent à leur tour, et le 26 nous trouvons quatre
novaux principaiix entourés de plusieurs autres plus petits
et moins distincts.
Quelquefois, au contraire, plusieurs taches se réunissent
et se confondent en une seule; les observations que nous
citerons dans la suite en fourniront des exemples nombreux
et frappants. Ces changements de forme influent beaucoup
sur le mouvement; la régularité géométrique indiquée ci-
dessus en est profondément troublée, et c'est ce qui empêcha
les premiers observateurs de déterminer avec précision la
durée de la rotation solaire.
§ TII. — Variations annuelles dans le mouvement apparent
des taches.
3'^ Les trajectoires décrites par les taches varient avec la
saison : au mois de mars, ce sont des ellipses très-allongées
— 18 -
tournant leur convexité vers le nord, le grand axe de l'ellipse
étant presque parallèle à récliplique [fig. 8, B). Après cette
époque, la courbure des ellipses dmiinue graduellement, en
même temps (ju'elles s'inclinent sur l'écliptique comme dans
la fig. 8 , C, en sort(^ qu'au mois de juin elles se trouvent
transformées en lignes droites '\fig. 8, D), De juin à sep-
6 Décembre.
TV
/| Juin.
Septembre.
Novembre.
temîjre, les courbes elliptiques reparaissent, mais leur po-
sition est inverse de la précédente [^fig. 8, E); puis, en
suivant des phases inverses , elles repassent par la courbe
allongée [^fig. 8, F), et prennent la ligne droite [^fig. 8, A),
pour revenir enfin, au bout d'un an, à la forme B. Le point N
est le pôle nord de l'écliptique. Dans cette figure, les cour-
bures et les inclinaisons ont été un peu exagérées, de ma-
nière à mieux faire comprendre leurs variations.
Toutes ces formes des trajectoires apparentes sont simple-
- 19 -
iiitMil (les cllcts (le pcrspccliNc. En réalité, les taches décri-
\eiit «les j)arallèles à l'é(|iiat('iir solaire : ce sont ers narallèles
([lie nous j)rojct(nis à clia(|iic iiislaiil sur lui |>l in perjxMulicii-
laire au ra\oii msucI (jui passe par I dil de 1 Ohscrxalcur et
j)ai' le eeulre du ^lohe solaire. (",es j)ro|cetions (loi\( nt iiéces-
sairenient changer de tonne à mesure que 1 observateur se
déplace; t'Iles nous apparaissent sous des aspects différents,
suivant la position (pie laTtrre occupe par rapporta 1 équa-
teur scalaire Lorstpi'elie est à l'un de ses iioiids, c'est-à-dire à
I un des points où récliptique coupe lécpialeur solaire, tous
les parallèles se projettent suivant des iii;nes droites, et les tra-
jectoires apparentes des taches sont rectilignes. C'est ce qui
arrive lorsque la longitude du Soleil est de 74*^30' et 254" 3o',
c'est-à-dire le 4 juin et le 6 décendjre. Lorsqu'au contraire la
Terre se trouve au-dessus ou au-dessous de l'équateur solaire,
les trajectoires se projettent suivant des elli])ses, et ces courbes
sont d'autant plus ])rononcées, que nous sommes plus éloignés
de ce j)lan. Le maximum de courbure aura lieu pour des lon-
gitudes différant de 90 degrés de celles que nous venons d'in-
diquer pour les nceuds.
Nous venons d'examiner la position des taches par rapport
à récli])tique; nous pourrions aussi examiner les relations
qu'elles ont avec l'équateur de la sphère céleste. Connue ces
deux grands cercles sont inclinés l'un sur l'autre et inclinés
sur l'équateur solaire, il en résulte que la ligne qui repré-
sente l'équateur solaire change de direction d'un jour à l'autre
d'une manière considérable. On détermine toujours la posi-
tion des points observés par rapport au parallèle du mouve-
ment diurne de la sphère céleste : il est donc utile de pouvoir
déterminer cha([ue jour l'angle que fait ce parallèle a\ec le
grand axe de la projection de l'équateur solaire. Pour faciliter
cette recherche, nous mettons sous les yeux du lecteur une
— 20 —
Table qui donne, avee une approximation suffisante, la valeur
(le cet ani^le pour tous les jours de Tannée. Il est compté en
partant du point le plus boréal du disque solaire et en allant
vers Test; si l'image est renversée, c'est-à-dire si l'on observe
directement dans une lunette astronomique, ou bien si l'on
étudie la projection due à une lunette de Galilée ou à une
lunette terrestre, on devra compter les angles à partir du
point qui semble correspondre au sud en allant vers l'ouest.
A la Table nous joignons une ligure [Jig. 9) qui donne la
FifT. 0.
valeur du même angle d'une manière approchée, et qui fait
connaître la direction du diamètre équatorial dans les diffé-
rentes saisons. On suppose que l'observateur regarde la pro-
jection en tournant le dos au Soleil : les quatre points car-
dinaux sont donc disposés dans le même ordre que sur une
carte de géographie. Les dates ont été inscrites de 5 degrés
21
Cil 5 (k'grés pour les parties est et ouest; il sei;i I.k ilc (\\
sup|)leer poui" le reste de l.i circdiirei'eiiee [* j.
(' La table suivante a été calculée pnur l'atinee iS^j; elle peut ce|>eii(laiit hi'ivir
pour les autres années lorsqu'on ne tient pas à avoir une grande approximation, l'er-
reur due aux années bissextiles ne dépassant jamais une IVaction de degré assez faible.
Elle est toujours suDisante |k>ui' les eoiislruclions (;ra])liii[ues.
22 —
Table des angles de position de Vcquateur solaire
j.vNvir.u.
FÉVRIER.
1
U 1
91.36
1
77.20
0
91.07
0
77.01
3
90.38
3
76.07
4
90.09
4
76. .3
5
89.. ^0
5
75.51
6
89.09
G
l'^--^<d
7
88. 40
7
75.07
8
88.11
8
74.45
9
87-43
9
74.23
10
87.15
10
71-00
11
se. 47
11
7''-'!9
12
8G.18
12
73. .8
13
85. 5o
13
72.58
14
85. r2
14
72.38
15
84.54
15
72.19
IG
84. oG
IG
72.00
17
83.58
17
7'-.1o
18
83. 3i
18
71.21
19
83. 04
19
71.02
■20
82.37
20
70.43
21
82. 10
21
70. '4
22
81.43
22
70.07
23
8,. ,7
23
G9.50
24
80. 5 1
24
(;9.35
25
80.25
25
C9.IG
2G
79-59
2G
09.00
27
79-33
27
(is.44
28
79-07
28
GS.-.g
29
78.42
30
78.. 7
31
77.52
MARS.
AVRIL.
MAI.
LIN.
1
fis'.' 1 5
1
63'.'42'
1
0 ,
65. 5i
1
74-40
0
G8.01
0
63.41
2
66.02
2
'5.03
3
67.48
3
63. 40
3
66.14
3
75.27
4
G7.35
4
63.39
4
66.25
4
75.51
5
67 . 20
5
63.3.)
5
66.37
5
76.15
6
C7.07
6
63.40
G
66.49
6
76.39
7
6G. 54
7
63. 40
7
67.02
7
77.03
8
66. I2
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§ TV. — Autres propriétés des taches.
i^ Les taches ne se montrent pas indifféremment sur tous
les points du disque. Elles sont peu nombreuses dans le voi-
sinao;e immédiat de l'équateur, et très-rares dans les latitudes
supéj'ieures à 35 ou l\o degrés. Elles se montrent en plus
grande quantité dans deux zones symétriques qu'on a ap-
pelées zones royales, comprises entre lo et 3o degrés de la-
titude héliocentrique.
2° Le nombre des taches est très-variable. Quelquefois
elles sont assez nombreuses pour qu'on puisse, par une seule
observation, reconnaître les zones qui les contiennent habi-
tuellement. Quelquefois, au contraire, elles sont si rares qu'une
année entière peut s'écouler sans qu'on en voie une seule.
On a reconnu une régularité remarquable dans la manière
dont se succèdent ces périodes, que nous étudierons dans la
suite de notre travail.
Lorsqu'on étudie les taches, il est utile et intéressant d'en
évaluer le nombre et la grandeur, mais il y a dans cette ap-
préciation beaucoup d'arbitraire. On les distingue ordinaire-
ment en groupes composés de taches et de points ; mais sou-
vent un observateur comptera plusieurs groupes là ou un
autre n'en verra qu'un seul , le premier appellera une petite
t;iche ce que l'autre aura pris pour un point. Pour avoir une
idée exacte de la surface totale que recouvrent les taches à
un moment donné, il faut évaluer l'aire de chacune d'elles;
c'est ce qu'a fait ]M. W. de la Rue pour les observations de
Rew et pour celles de M. Carrington, mais c'est un travail
très-long : encore ne jDeut-on le faire que sur des photogra-
phies ou sur des dessins parfaitement exécutés. Pour cette
mesure, on se sert d'une lame de verre sur laquelle sont tracés
— 2o —
des réseaux croises do lignes très-fines et très-rapprochées,
disposées eommr celles d'un papier quadrillé. On compte
le nombre des petits carres contenus dans une tache, en éva-
luant séparément le noyau, lOnibre et la jjenonihrc ; puis on
évalue le rapport d'un de ces carrés avec l'image du Soleil,
et l'on en conclut la fraction de la surface totale qui est recou-
verte de taches. Il faut cependant tenir compte de la défor-
mation qui a eu lieu près des bords, et cette correction dont
l'importance dépend de la distance au centre entraîne des
calculs pénibles ; mais tlans l'état actuel de la science, et
surtout pour les dessins ordinaires, on peut faire abstraction
de la forme sphérique du Soleil et se contenter de déterminer
le rapport entre la surface des taclies et celle de la projection
solaire, en prenant les mesures au moment où les taches sont
assez loin des bords. En pratique, il sera bon d'employer dans
les descriptions les termes de convention qui abrègent le dis-
coins. On appelle nucléaires les taches rondes ayant un
noyau; les grandes, désignées par la lettre N, sont celles dont
le diamètre dépasse 3o secondes ; les petites , désignées par
la lettre n, sont celles inférieures à 3o secondes. Un as-
semblage de jîoints sera désigné par p ou pp^ suivant leur
nombre; si le nombre des points est très-considérable, on
emploiera les lettres mp. Ainsi un groupe composé d'une
grande tache nuclé;ùre et de plusieurs points sera désigné ,
suivant les cas, par l'une des deux notations suivantes y npp
ou IS nmp (').
Lorsque les taches ont la forme circulaire, on les mesurera
très-exactement avec une règle divisée en millimètres : on
('; P'oir. pour plus de détails, le Dullctin de l'Observatoire du Collège Romain, sep-
tembre 18^3. Nous donnons quelques indications pour les amateurs : les astronomes
n'ont pas besoin de ces renseignements.
— 26 -
fera usage du verre quadrillé pour les taches irrégulières dont
la forme générale ne se rapproche d'aucune figure géomé-
trique. Sans doute, ces mesures ne sont qu'approchées, mais,
si l'on compare les résultats obtenus avec la surface totale de
la projection solaire, on se fera une idée assez exacte de la
grandeur cpie l'on veut mesurer. Supposons, par exemple,
que l'image du Soleil ait un rayon de 1 2i™'",5 ; sa surface sera
de 4G 3^7 millimètres carrés, et, en prenant pour unité la
millionième partie de la surface de projection, chaque mil-
limètre carré correspondra à 2i,5G22 parties; on pourra
donc toujours calcider la grandeur relative des taches par
rapport à celle du Soleil, en se rappelant que la surface de
projection est le quart de la surface spliérique totale.
3° Lorsqu'on cherche à déterminer la durée de la rotation
solaire par le retour des taches, on trouve de grandes ano-
malies, dont l'explication est restée longtemps inconnue. On-
trouve en moyenne qu'une tache revient (du moins en appa-
rence) à sa position primitive au bout de vingt-sept jours et
un tiers environ ; mais il y a dans cette évaluation une cause
d'erreur, dont il faut tenir compte. Pendant ce temps, la
Terre n'est pas restée immobile ; elle a décrit sur son orbite
un arc d'environ 25 degrés, dans le sens même de la rotation
solaire. Au moment où une tache achève sa rotation appa-
rente, elle a donc décrit un cercle complet, et, depuis deux
jours à peu près, elle a commencé une seconde révolution
En effectuant la correction exigée par cette circonstance, on
trouvera pour durée véritable de la rotation solaire vingt-
cinq jours et deoîi environ.
Mais ce n'est encore là qu'une approximation regardée
comme insuffisante par les savants : aussi emploient-ils des
méthodes plus rigoureuses ; d'ailleurs le contour apparent du
Soleil ne coupe pas toujours en deux parties égales le cercle
que décrit iiiio tache : de là une nouvelle irrégularité dans le
mouvement apparent. De la combinaison de ces mouvements
il résulte qu'au lieu de décrire une ellipse simple, un point de
la surface du Soleil, observé de la Terre, décrit une ellipse
dont les axes varient constamment de grandeur et de j)osi-
tion.
§ V. — Coup iVœil sur les hypothèses émises relalwemenl
à la nalurc des taches.
Scheiner a\ ait d'abord regardé les taches comme des satel-
lites tournant autour du Soleil, opinion insoutenable, bientôt
al)andonnée par son auteui', et qu'on a cependant essayé de
faire revivre. Après avoir longtemps gardé lui silence pru-
dent, Galilée les attribua à des nuages ou à des fumées flot-
tant dans l'atmosphère solaire : c'était la meilleure con-
clusion qu'on pût tirer des observations peu précises qu'on
avait pu faire. Cette opinion eut longtemps l'approbation
générale ; elle a même été reprise de nos jours par des sa-
vants très-respectables, malgré les difficultés sérieuses qu'elle
présente. Dans les dernières années de sa vie, Scheiner an-
nonça que les taches étaient situées au-dessous du niveau
général de la surface solaire, mais sans faire connaître avec
des détails suffisants les faits sur lesquels reposait cette opi-
nion.
Quelques astronomes , et entre autres le célèl.>re de la
Lande, crurent au contraire cjue c'étaient des montagnes dont
les flancs plus ou moins escarpés auraient produit le phéno-
mène de la pénombre ; opinion inconciliable avec le mouve-
ment propre que les taches possèdent quelquefois d'une
manière bien prononcée. Derliam les attribue à des fiunées
sorties des cratères volcaniques du Soleil , opinion reprise et
— 28 —
soutenue dans ces derniers temps par M. Chacornac. Plu-
sieurs savants, regardant le Soleil comme une masse liquide
et incandescente, expliquaient les taches par d'immenses
scories flottant sur cet océan de feu.
Un siècle s'était à peine écoulé depuis le moment oii l'on
aperçut les taches pour la première fois , qu'un astronome
anglais, Wilson, faisait une découverte mémorable : il mon-
trait avec évidence que les taches sont des cavités, et il don-
nait uii'^ première idée de la constitution véritable du Soleil
en comparant à un nuage fortement éclairé la couche lumi-
neuse que nous appelons la pJwtosphère .
Toutes les opinions admises sur la nature des taches dé-
pendent de la manière dont on se représente le Soleil lui-
même, sa nature et l'état de sa masse intérieure. Si on le
compare à une lave liquide et incandescente, on est naturel-
lement conduit à admettre que les taches sont formées par
des scories solides et ol)SCures flottant à la surface; si l'on
suppose que la couche extérieure est gazeuse et ccnistituée à
peu près comme les nuages qui flottent dans notre atmo-
sphère, on ne pourra employer le nom de scorie que dans
un sens très-impropre, car alors les matières en question ne
seraient pas solides : ce seraient des gaz lancés de Tintérieur
du corps solaire qui, refroidis par l'expansion et se déposant
à la surface extérieure, produiraient des régions moins bril-
lantes qu un effet de contraste ferait paraître obscures.
Ce n'est pas le moment de nous prononcer pour l'une de
ces hypothèses. Ce choix serait prématuré, car il doit reposer
sur l'étude attentive et détaillée des faits qui nous ont été
révélés par l'observation. Continuons donc cette analyse, et
nous verrons qu'elle nous conduira naturellement à des idées
précises sur la constitution physique du Soleil et sur la na-
ture des taches.
— â'J —
^ \ l. — Tiaviluj.- d'Ilerschel.
î.;i (k roux ei'tc de \Vilsoii a été le point de (l(>|);iit des
giauds travaux dllcrsclicl. Nous en dirons ici (jurlqucs mots
s<'ulcm('iit, car rc|K)(|ii(' à laquelle vivait cet astronome toucli<'
de très-près à celle ou \\ (le\ieiit impossible de sui\re l'ordre
chronologique dans l'exposé des découvertes. W. Herschel
était un homme de génie, mais il (Hait par-dessus tout ini oh-
s('r\at('ur hors ligue. Il a vu tant de phénomènes à l'aide des
j)uissants instruments qu'il avait construits de ses propres
mains, il a si minutieusement décrit les merveilles qui lui
étaient ainsi révélées, qu'il a laissé fort peu de chose à faire
à ses successeurs pour ce qui regarde la simple observation
télescopique. Seulement, ses instruments lui étant pour ainsi
dire personnels, il en fut de même du langage qu'il dut créer
|)Our s'exprimer; ce langage ne fut }5as toujours compris, et
c'est maintenant seulement qu'à l'aide d'instrum(Mits compa-
rables aux siens nous pouvons juger de l'étendue de ses
découvertes.
L'idée capitale d'IIerschel reposait sur la découxcrte de
Wilson. Il remarqua avec raison, comme l'avait fait cet astro-
nome, que si les taches sont des cavités la matière lumineuse
ne saurait être, à proprement parler, ni liquide ni gazeuse;
car alors elle se précipiterait avec une effravante rapidité pour
remplir le vide, ce qui rendrait impossible la persistance des
taches que nous vovons quelquefois durer pendant plusieurs
révolutions. D'ailleurs les mouvements propres des taclu^s
prouvent que la photosphère n'est pas solide ; on ne peut
donc plus la comparer qu'aux brouillards et aux luiages, vl
elle doit être suspendue dans une atmosphère semblabh* à la
nôtre : telle est, selon lïerscliel, la seule hypothèse^ qui puisse
— 30 -
expliquer les rapides variations dont nous sommes les té-
moins. Nous verrons cependant plus tard que ces phénomènes
peuvent admettre une autre explication.
Dans son second Mémoire, Herscliel poursuit cette étude
avec une jjerspicacité digne de son génie. Malheureusement
il se laisse séduire par l'idée de V habitabilité du Soleil. Il lui
fallut donc un noyau solide sur lequel pussent reposer ses
habitants, et un moyen quelconque qui les protégeât contre
les radiations de la photosphère. Pour cela, il suppose, au-
dessus du novau, une couche de nuages toujours contigue à
la photosphère qui l'enveloppe, et se déchirant en même
temps qu'elle pour laisser apercevoir le noyau : hypothèses
arbitraires, n'ayant aucun fondement dans l'observation, et
conduisant à des explications qui sont en complet désaccord
avec les principes de la Physique moderne.
Cependant les travaux d'Herschel contiennent tant de
choses positives, tant d'idées justes, qu'ils ont fait faire de
très-grands progrès à nos connaissances sur la véritable con-
stitution du Soleil, et nous le prendrons souvent pour guide
dans l'exposé que nous aurons à faire.
§ VII. — Autres travaux sur la nature des taches.
Nous n'avons rien dit des travaux des anciens astronomes,
Hévélius, Cassini, Huyghens, Messier, de la Lande, etc.; leurs
observations, quelque laborieuses qu'elles aient été, ont
rendu peu de services à la science de la physique solaire , à
cause de l'imperfection des instruments dont ils se servaient.
Ils nous ont cependant transmis d'importants détails, et sur-
tout ils ont réuni de précieux documents relatifs à la rotation
du Soleil, au nombre et à la position des taches, à leurs di-
- 31 -
incnsions et ;i leur dislrihiilion sur la surlucc du ^1o1j«' so-
laire, etc. On doit aux soins de 31. Wolf, actuellement direc-
teur de r()l)ser\atoire de Zini< h, un recueil aussi complet (jue
|)ossil)l(' de tous les ti'a\;ui\ publies justprà ce jour sur le
Soleil; cette collection, sous le titiv de Lilléralare solaire,
fait j)artie de ses Mittheilungen àber der Sonnenflecken ; nous
renvoyons le lecteur à cet ouvrage [)Our toutes les connais-
sances historicpies et bibliograj)liic|ues relatives au sujet (pii
nous occupe.
Après avoir exj)osé sommairement les reclierclics faites par
ceux qui nous ont ])récédés, nous arrivons aux travaux de
nos contemporains, et là nous devons renoncer à suivre
Tordre liistoricpie pour nous attacher, autant que possible, à
dé\elopper dans l'ordre logique les idées qui naissent de l'é-
tude des faits. Nous aurons souvent à citer les savants mo-
dernes : les Herschel, Carrington, Warren de la Rue, Faye,
Sporer, Zollner, Wolf, Schwabe, Taccliini, Donati, Young,
Respiglii , Lockyer, Huggins, et la jdéiade de ces savants
zélés et patients qui , armés du spectroscope , ont fait des
découvertes si inattendues. Cont(Mitons-nous de citer ici les
noms que nous retrouverons souvent dans le courant de cet
ouvrage. Nous nous permettrons de puiser largement dans
nos propres travaux, toutes les fois surtout qu'il s'agira de
choses qui nous appartiennent en j)ropre, et lorsque nos re-
cherches personnelles nous mettront à même de mieux éclai-
rer le lecteur, en nous permettant de donner plus d'exacti-
tude à la description des phénomènes.
32 —
CHAPITRE III.
NOUVELLES .METHODES D OBS ER V AT 10 N.
§ I. — Oculaires hélioscopiques .
La grande intensité de la lumière du Soleil a toujours été
la j)rinripale difficulté à vaincre dans l'observation des phé-
nomènes qui se passent à la surface de cet astre. L emploi
des verres fortement colorés est un moyeu pour les lunettes
ordinaires; mais, dans les grands instruments, ils se brisent
ou se fondent avec la plus grande facilité. Pour remédier à
cet inconvénient, on a longtemps emplové des diaphragmes
destinés à réduire ^•ou^erture de l'objectif; mais on perdait
ainsi une partie des avantages que présentaient les grands
instruments, et en même temps on diminuait beaucoup la
netteté de l'image. Ce dernier résultat tient à un j)hénomène
de diffraction, qui est d'autant plus sensible que l'ouverture
du diaphragme est plus étroite. En effet, lorsqu'on observe
une étoile avec une bonne lunette, l'image se réduit à un
point; mais si l'objectif v"st muni d'un diaphragme, les choses
se passent autrement : au lieu d'un point , on aperçoit un
petit cercle d'autant plus grand que le diaphragme est plus
petit. Dans les observations faites sur le Soleil , chaque point
se comporlei\a de la même manière et sera représenté par un
cercle d'une certaine étendue; tous ces cercles empiétant
l'un sur l'autre , il en résultera une image plate et confuse ,
dans laquelle il sera impossible de distinguer les détails.
- 33 -
Herschel avait cjjroiivi'; ces inconvénients : aussi aimait-il
mieux employer des \ erres fortement colorés, en conservant
toute l'ouverture (le son télescope. Il essaya |)lusieurs autres
moyens, et en particulier des li(juides diversement colorés,
par exemple de l'eau mélangée d'encre; mais la chaleur pro-
duisait dans ces liquides des mouvements tumidtueux, et il
en résultait inie grande confusion dans les images. Son fds,
sir John, proposa d'emplover un miroir concave fait en verre
non étamé; on obtiendrait ainsi, vu le faible pouvoir réflec-
teur du verre, une image encore trop vive pour être exami-
née à l'œil nu, assez faible cependant pour (ju'on put l'ob-
server avec iHi verre coloré, malgré l'ouverture considérable
de l'appareil. JNI. Chacornac a récemment employé ce pro-
cédé, avec un télescope non argenté. Foucault, au contraire,
a proposé d'argenter la surface antérieure des objectifs de
lunettes, et de regarder le Soleil à travers cette mince couche
de métal. On assure que les images sont très-belles et très-
agréables à Vœi\ : on serait ainsi arrivé à une idée semblable
à celle de Scheiner, qui proposait de faire une lunette avec
des verres colorés; mais ces différents procédés exigent un
instrument spécialemciil destiné au Soleil, et peu d'astro-
nomes se décideront sans doute à sacrifier h'ur meilleur ob-
jectif. De plus, ils ont l'inconvénient de transmettre toujours
à l'œil de l'observateur la même quantité de lumière : en
pratique, il est utile qu'on puisse faire varier l'intensité lu-
mineuse afin de mieux étudier les détails.
Il était donc important de trouNcr un moven (ju'on put
adapter facilement à tous les instruments. T/astronome an-
glais Dawes proposa de mettre le diaphragme, non à l'objec-
tif, mais à l'oculaire; pour cela, il recevait l'image sur une
plaque d'ivoire doublée de métal, et l'egardail par un trou
trè.s-petit. .l'ai souvent emplové à cet usage luie simple carte
I. 3
— 34 —
de visite recouverte de céruse et percée d'un trou d'épingle;
loin de brûler, elle ne se noircit même pas, malgré la grande
quantité de chaleur qui se concentre au fover d'un large
objectif. Le seul inconvénient, c'est que le champ de vision
devient très-étroit. Cet inconvénient n'est pourtant pas sans
quelques compensations, car, la plus grande partie du disque
étant cachée, l'œil est bien plus à son aise pour étudier les
détails.
Cependant, même avec de petits diaphragmes, il faut tou-
jours emplover un verre coloré. Les meilleurs sont ceux
qu'on appelle des verres gradués, formés de deux pièces tail-
lées en forme de coin : lune est blanche, l'autre bleue; on
les superpose simplement , car toutes les substances qui
pourraient servir à les coller se gonflent par la chaleur et
forment des bulles. En mettant ce verre gradué [fig. lo) dans
Fig. 10.
une monture qui glisse devant l'oculaire , on peut régler à
volonté l'intensité de la lumière , ce qui présente de grands
avantages.
Un excellent moyen a été proposé par sir John Herschel.
Il consiste à employer la lumière réfléchie. On a essayé de
produire cette réflexion à la surface d'une lame de verre
très-fortement colorée ; on évitait ainsi la réflexion sur la
seconde face, (^t par conséquent on écartait une cause de
trouble dans la formation de l'imaoe; mais alors les ravons
qui ne sont pas réfléchis sont absorbés ; le verre s'échauffe,
se déforme et finit par se briser. Herschel a évité tous ces in-
convénients en ado|)tant la disposition suivante : un prisme
Xi -
i(( l;iiii;iil;iirc de fnsl;il est disjiosc de iiiaiiK rc (|iic le i;i\nii
incidenl Ul (Jîg- i i ) Niciiiic se n-llct lue sur son Inpott-iiusc ;
lii;. .
les rayons (| ni ixMictrciil d;ms le ci'islal sortent pcrixiidicn-
laircmcnl a la seconde lace, suivant la diicclion 1/. et l'on
évite ainsi les réflexions intéricui'es (jui seraient gênantes.
Le prisme est fixé dans une monture à claire-voie {Jig. 12).
Fi''. 12.
afin d'éviter l'élévation de température l^u' cette disj^osilion,
lappareil s'échauflé tres-peu et la lumière est tellement alfai-
l)lie, fpi'on peut se contenter d'un verre laihlement coloré.
^ Il - Oculaires poUiriscopiques.
Cependant !e Ncrre coloré sui>si^te lon|onrs et enipéclie
tle voir le Soled a\('c sa teuile xciitaMe. Cet inconvénient
disparaît dans l'ocnlan'e |>olariseur imaj^nic |>ar le P. Ca\al-
leri de Mon/a. Nous nons servons d'nn de ( es lielioseopcs
construit à Alilan par MM. I.on^oni et d<'ll \(|na. L;i lu-
3.
36 —
mière est d'abord reçiu^ sur un prisme PP' semblable à celui
d'Herscliel ^fig. i3), seulement l'incidence a lieu sous l'angle
Fig. i3.
de 36 degrés, sous lequel le verre polarise la lumière. De
là les rayons viennent tomber sur un miroir de verre noir AB,
parallèle au prisme : cette incidence a donc encore lieu sous
l'angle de 36 degrés. Enfin la lumière vient subir une der-
nière réflexion en CD, toujours suivant l'angle de polarisa-
tion. Le prisme et le premier miroir sont fixés dans une po-
sition invariable l'un par rapport à l'autre ; mais le miroir CD
est monté dans un tube qui toiu'ne librement autour du
rayon réfléchi; de sorte qu'on peut amener le plan de ré-
flexion de ce dernier miroir à faire un angle quelconque
avec le plan de la réflexion précédente, c'est-à-dire avec le
plan de polarisation. Si l'on disj)Ose l'appareil de manière
que cet angle soit droit, on affaiblit la lumière au point que
l'œil peut la supporter sans inconvénient, même à l'époque
où le Soleil est à sa plus grande hauteur. La lumière n'y
disparaît pas complètement, mais ce serait inutile.
La fig. 1 4 représente cet oculaire réduit à un quart de sa
grandeur naturelle.
M. Merz nous a envoyé un oculaire construit d'après les
mêmes principes {fig. 1 5), dans lequel l'extinction de la lu-
mière est complète, gi'àcc à un quatrième réflecteur. Les siu--
faces sont parfaitement planes, mais le prisme est remplacé
par un verre coloré, ce qui fait craindre que la chaleur ne
— :{■
l<' hrisr. (Icttc disposilinii a d .iillcins iiii maiid .ixnutagc,
c'est cjuc l(' ravoii soil parallrlcmciil à I axe de la limette,
ce ((iii est impossible dans Tautie système. Ces apj)areils
présentent eepeiulant un nieonvcni»!^ : la eonrsc du porte-
Fid. ,/,
oculaire est quelquefois insuffisante, parce que la longueur
du tube mobile est tout entière employée à produire ces trois
ou quatre réflexions. Le P. Cavalleri , pour remédiera cet
inconvénient, a placé en avant du prisme une lentilh» légè-
ri{j. i5
rement concave qui augmente la distance focale de l'objectif
de la quantité dont elle se trouve diminuée par les zigzags
que décrivent les rayons.
Ces hélioscopes sont assez coûteux, mais ils présentent bien
— 38 —
lies avantages, et en particulier celui tle pouvoir modérer à
son gré l'intensité de la lumière. Cependant, malgré toutes
les précautions qu'on prend pour gai\nitir la vue des obser-
vateurs, et obtenir de l)onnes images, il suljsiste un inconvé-
nient qu'on ne saurait éviter, c'est réchauffement des objec-
tifs et celui de la masse d'air contenue dans les tubes. Il en
résulte des irrégularités très-sensiljles dans les réfractions :
aussi au bout de quelcpies minutes les images ne présentent
plus la même netteté, et l'on est obligé d'interrompre l'ob-
servation pendant cjuelque temps pour (jue la température
puisse s'abaisser. M. Nasmvth a proposé d'employer des lu-
nettes sans tubes, comme celles de Iluvghens. Ce procédé
pourrait réussir pour les grands réflecteurs; pour les réfrac-
teurs, on pourrait adopter des tubes à claire-voie : l'air cir-
culant librement s'échaufferait beaucoup moins.
Nous recommandons aux observateurs d'éviter les verres
rouges et les noirs; ils laissent passer beaucoup de chaleur,
et leur couleur est fatigante pour l'organe de la vue. Les
meilleures teintes sont les vertes, les jaunes, les bleues et
celles c|u'on a])peile neutres.
§ 111. — Plioto graphies solaires.
La Photographie a rendu de très-grands services, soit dans
les o])servations ordinaires du Soleil, soit dans les éclipses.
On ojjtient les épreuves pbotographicpies avec le même ap-
pareil qui sert pour les projections; seuh^ment on substitue
à la planche une chambre noire, et l'on met au fover deux
fils croisés cpii doivent servir à l'orientation de l'image.
La durée de l'exposition doit être tellement courte, qu il
tant pour la régler employer un appaicil spé(Mal. Il (M)nsiste
- ;j'.t -
01» Mlle |)la(|uc nic'lallicjiK' j;lissaiit dans imc laiiiiirc, et ixjr-
taiil une Icnic très-étroite, dont on jx'iit faire varier la lar-
geur à Noionté. An niomciil de lOpération, on làclie nn(.*
(lét(M»te; la plaque obéit a l'aetion «l'on ressort, et la (ente
])asse rapidement à travers le cùne lumineux.
La fig. iG représente l'oculaire cpie nous ada])tons à notre
Fig. iG.
équatorial pour res opérations. Il est semblable à celui de
Kew, et nous l'avons fait construire par Dallmeyer à Londres.
La lunette doit être portée par un mouvement d'horlog(M'ie,
rpioiqu'à la rigueur on puisse la mouvoir à la main; de })lus,
elle doit avoir un elierclieur assez puissant pour s'assurer
- 40 -
qu'au moment de l'opération la plaque est dans une position
convenable.
, O est l'oculaire positif, composé de lentilles achromati-
ques, destiné à former l'image ; P est la ])laque glissant verti-
calement, mimie d'une fente F et d'un diaphragme circulaire
dans la partie supérieure; D est une plaque glissant horizon-
Fig. 17.
talement, et percée de deux trous, l'un complètement libre,
l'autre portant deux fils micrométriques croisés à angle droit;
V est un ressort en caoutchouc ou en spirale d'acier pour
produire le mouvement de la plaque verticale; C un cordon
destiné à la retenir jusqu'au moment de l'opération. A l'ex-
trémité O de l'oculaire, on fixe une boite qui doit recevoir les
— i{ -
châssis portant Ic^ verre dépoli et les plaques sensibles : c'est
la chambri' noire des photographes. Sa forme est indifférente
et dépend (!<■ la i;raii(l(iii- de rimai;!' ([u'on veut obtenir. I^a
Jig. 1 7 montre la disposition adoptée au Collège Romain ;
cette chand)re noire est à la fois légère et commode; elle
s'applique directement au tube de la lunette, sans qu'on ait
besoin d'un appareil spécial comme dans la disposition
adoptée à l'Observatoire de Rew.
L'opération se fait i\o la manière suivante : la plaque P
étant disposée de manière que les rayons lumineux puis-
sent parvenir au veri^e dépoli, on met au point conmie à l'or-
dinaire; puis on soulève la plaque jusqu'à ce que la fente F
soit tout entière au-dessus du cône lumineux, et on la retient
dans cette position à l'aide du fd C. Lorsque la glace sensibi-
lisée a été mise à la place du verre dépoli, on coupe le fil; la
fente F passe rapidement dans le cône lumineux, l'impression
est produite. On révèle ensuite l'image, et on la fixe par les
procédés ortlinaires.
On évalue à un centième de seconde au plus le temps né-
cessaire pour o])tenir une bonne épreuve ; mais cela dépend
de plusieurs circonstances. Si l'exposition a été trop pro-
longée^ les taches disparaissent et les bords manquent de net-
teté. Le diamètre de l'image dépend lui-même de la durée de
l'exposition; si le temps est trop court, les bords sont mal
tracés, on reconnaît avec évidence la forme sphérique du So-
leil, et l'on peut juger de la forte absorption qu'exerce son
atmosphère. \.^fig. i8 a été obtenue dans de semblables cir-
constances par M. Selvyn, en octobre 1860. (Voir aussiy?^. i
de lUillierfurd.)
Pour obtenir des épreuves parfaites, on doit prendre les
précautions suivantes : i*' la surface du châssis doit être par-
faitement noircie ou recouverte de velours noir afin d'éviter
- 42 -
les réflexions (jiii cnvcrrajc^nt de la lumière sur la plaque sen-
sible; 2" pour é\ it(n' la réllexioii sur la seconde face du verre,
on doit placer le coté recouvert de collodion, non ])as vers
l'objectif, mais vers le fond du châssis : pour cela, il faut une
disposition particulièn^ pour retenir le verre en place, et les
plaques doivenl être parfaitement exemptes de défauts.
Fig. 18.
Dans les observatoires où l'on peut sacrifier une liuiette à
ce travail, on adopte naturellement des dispositions qui ren-
dent le travail plus facile : par exempl(% on peut renfermer l'o-
culaire et la pla([ue dans une chambre noire placée sur le
prolongement de la lunette et liiisant corps avec elle : telle
est la disposition adoptée à Rew, à Lisbonne et ailleurs.
Toutes les remarques que nous avons faites en parlant des
projections obtenues au moyen d'un oculaire s'appliquent
également aux photographies. L'image jirojetée subit toujours
une déformation, et surtout, la surface focale n'étant jamais
parfaitement plane, les différentes parties de l'objet ne peu-
vent pas se trouver au ])()int en même temps. Si l'on voit le
- iA -
cciili'c ;»\('c lU'ItcU-, le Itord sera conliis, cl rcciprociucniciil
( )ii l'cincdic a (•<'! iiicoiiNciiiciil en siinni'imaiil l'oculaire cl en
opéraiil a\ec un ()l>)c('lil à lonj^ Ionci". M. Porro a ohicnn de
très-grandes images avec sa lunette de lo mètres. l*our l'é-
('lij)se de 18-70, les astronomes américains avaient disjiosé une
lunette ayant i 2-7 millimètres de diamètre et i4 mètres de dis-
tanee focale : ils obtenaient ainsi des images très-grandes et
très-nettes; mais on n'a pas toujours entre les mains des in-
struments d'aussi grandes dimensions.
Le tube étant trop long pour qu'on puisse le rendre mobile,
on le fixe soit liorizontalement, soit dans la direction de l'axe
du monde; puis on dirige la lumière solaire sur l'objectif à
l'aide tl'un liéliostat dont le miroir est en verre non argenté,
parfaitement plan. La lumière est ainsi affaiblie et les images
sont admirables. On peut alors me.surer avec facilité le temj)s
pendant lequel la plaque .sensible est exposée à l'action de la
lumière. Pour cela on donne au diapbragme qui porte la
fente la forme d'un secteur suspendu en son centre, et
pouvant o.sciller comuK» un pendule. En laissant tomber ce
secteur de manière (ju'il exécute une oscillation, on \)e\-
mettra à la lumière de traverser l'appareil pour aller im-
pressionner le coUodion. Connaissant la largeur de la fente et
la durée d'oscillation du secteur, on pourra calculer la durée
de l'exposition. Il est important que l'endroit où l'on opère
.soit protégé par un rideau en étoffe noire et épaisse afin d'é-
viter l'action de la lumière diffu.se.
Dans les objectifs achromatiques ordinaires, le foyer chi-
mique ne coïncide jamais avec le foyer optique, car on les
dispose de manière à achromatiser les rayons auxquels \\vi\
est plus s(Misible, 1<^ rouge et vert; aussi faut-il chercher par
tâtonnement la position où l'action de la lumière protluit une
iniiige aussi nette que possible. La différence peut aller à
— u —
12 millimètres dans une lunette de 2'",5o, et à 22 millimètres
dans iiiic lunette de 4"N3o, et, même dans ce plan focal, la
précision n'est jamais telle qu'on puisse employer de forts
grossissements. Pour éviter tous ces inconvénients, M. Ru-
therfinxl a fait construire un objectif dont les surfaces ont été
corrigées spécialement pour les rayons chimiques ; mais cet
instrument ne peut servir que pour la photographie, il est
absolument impropre aux observations optiques. M. de la Rue
remplace les lentilles achromatiques par des réflecteurs para-
boliques qui ont l'avantage de donner le même fover pour les
rayons de couleur et de nature différentes.
D'après une découverte importante que vient de faire
M. Cornu, il est facile de transformer un objectif ordinaire
en objectif photographique : il suffit de séparer les deux
verres qui composent la lentille achromatique et de laisser
entre eux une distance à peu près égale à la différence trou-
vée entre le foyer optique et le foyer chimique. La distance
focale se trouve un peu diminuée, mais les images photogra-
phiques sont aussi parfaites que les images optiques.
En employant un grossissement considérable, on peut ob-
tenir les images des taches, mais on est loin d'obtenir la net-
teté à laquelle on arrive par l'observation directe.
Outre les difficultés dont nous venons de parler, il en existe
une autre qui est d'autant plus grave qu'il nous est impossible
de l'éviter : c'est l'agitation de l'air atmosphérique qui, en
produisant des déviations accitlentelles des rayons lumineux,
enlève aux images la perfection de détails qui est absolument
nécessaire dans une méthode de recherches. Aussi, la Photo-
graphie étant insuffisante , on est forcé de recourir aux des-
sins faits à la main.
- 4:j —
§ IV . — Dessins.
Lt's dessins des taelies sont très-difficiles à faire, lorsqu'elles
ont une forme eompliquée; et eejx'udant on ne saurait s'en
dispenser, car c'est le seul moyen d'obtenir avec exactitude
certains détails que la Photographie reproduit difficilement.
Ces détails sont tellement changeants, qu'il faut quelquefois
les saisir, pour ainsi dire, au vol.
Il serait donc important d'avoii' un moven qui |)ermît aux
observateurs de fixer ces souvenirs, sans qu'ils fussent des ar-
tistes accomplis. Il va peu d'astronomes de profession qui
soient en même temps d'habiles dessinateurs ; nous pouvons
cilci' Î\I. Tacchini de Palerme, dont les dessins sont admi-
rables; mais tout le monde ne réussit pas aussi bien et, le plus
souvent, ce travail demande beaucoup de temps. Comme mé-
thode générale, on doit dessiner sur une grande échelle et
réduire ensuite par la Photographie : les imperfections du
dessin disparaissent dans la rédnelion et les épreuves présen-
t'Mit une image assez fidèle de ce (ju'on a din^ctement observé.
T.e dessin à la mine de pjonil) deniaiide beaucoup de temps
et d'habileté; anssi, ponr opéi'er rapidement <'t imiter le
mieux possible la structure du Soleil, nous tromons (jiie la
medleure méthode consiste à jxindre sur du papier noir a\('c
du blanc de plomb; le blane (pie nous emj)l()VOMs, connu
dans le commerce sous le nom de /;r///A//v/, est en pains très-
petits, portant le titre de hldiic d' argent. En emplovant des
pinceaux assez fins, nous pai'venons à rejjrodnire les plus
j)elits détails. Vowv cela, nous commençons par prendre, avec
la lunette, wnv projection très-agrandie de la tache; deux lils
d'araignée, dont on a déterminé la distance angulaire, pro-
jettent en même temps leur image sur l'écran, ce qui sert de
— 46 -
points de repère pour les mesures à effectuer; ensuite nous
terminons cette esquisse à la lunette. C'est par ce procédé
que nous avons exécuté la plupart des dessins que nous con-
servons à l'Observatoire.
Ces figures terminées, comme on les a faites à dessein sur
une grande échelle, on les réduit par la Photographie. C'est
ainsi que nous avons fait les figures reproduites dans ce Livre,
et surtout celles qui représentent les détails des pénombres.
Les gravures elles-mêmes ont été faites d'après les réductions
photographiques .
Pour que la reproduction des dessins soit aussi parfaite et
aussi fidèle que possible, on pourrait employer les procédés
de la Photolilho graphie; malheureusement cet art est encore
trop peu perfectionné pour qu'on puisse avec économie l'em-
ployer sur une grande échelle.
- i7 -
ijvui': II.
liXAMliN 1)1. L.\ SI lU ACE DU SOLlilL.
IINTIVOI) UCT ION,
Les lâches qu'on observe sur l;i surface du Soleil sont en
réalité des plienoiuciies complexes. L'attention des observa-
teurs s'est fixée «labord sur la région noire qui frappe davan-
tage les yeux, mais ce n'est là qu'une partie du phénomène.
Chaque tache est d'abord composée d'un noyau et d'une pé-
nombre ; mais, de j)lus, on doit regarder comme l'un de ses
éléments constitutifs les facules i[u'on trouve toujours autour
d'elle et qui s'étendent parfois à mm distance considérable.
Ne pouvant tout discuter à la fois, nous conmiencerons par
étudier l'aspect général que pré.sente la photosphère ; ensuite
nous parlerons de ce cpii se passe à l'intérieur des taches ; nous
terminerons en examinant ce qui se pa.sse à l'extérieur, c'est-
à-dire les facules. Nous devons nous borner ici à ce que nous
observons directement dans les lunettes, réservant pour un
chapitre spécial les détails bien |)lus décisifs que nous révèle
h' spectroscope.
— 48 —
CHAPITRE PREMIER.
ASPECT GE.NEUAL DE LA PHOTOSPHERE,
§ I. — Inégalités de la surface solaire.
Lorsqu'on examine le Soleil avec des instruments ayant une
grande ouverture et un fort pouvoir grossissant, on voit que
sa surface, loin d'élre lisse et uniforme, présente une ajjpa-
rence irrégulière et ondulée, comme une mer agitée par la
tempête Lorsqu'on la projette sur un écran blanc, à l'aide
d'un puissant oculaire, on lui trouve l'aspect représenté dans
Pic- 19-
la //^. ig, caractérisé par une multitude do rides et d'anfrac-
tuosités impossibles à détailler.
- 49 -
Quelquefois, surtout auprès du bord et dans lo voisinage
des taches, on aperçoit <;à et là des niasses plus lumineuses
qui forment de vcritahles facules. Elles occupent souvent
\n\ espace assez considérable; mais alors il est lare qu'elles
soient très-\ives et isolées. \.:\ Jig. 20 représente une faculc
remar(|uable observée au Collège Romain. Il est généralement
difficile d'observer C(^ phénomène dans une lunette; on réussit
Fig. 50.
mieux en opérant j)ar projection ; mais pour cela il est indis-
pensable que l'observateur soit parfaitement à l'abri de toute
lumière diffuse : on doit donc se placer dans inie chambre
complètement obscure ou sous un dôme dont l'ouvertiu'e est
protégée par des rideaux noirs très-épais. On aperçoit alors
les marbrures générales dans le centre du disque; on peut
même déterminer nettement les régions où elles sont plus
vives. Cette marbrure présente un aspect très-vaiiable, et la
iH'tteté avec laquelle on la voit dépend beaucoup de l'état de
notre atmosphère, car elle devient invisible lorsque l'air est
I. 4
- 50 -
agité; mais ces variations apparentes dépendent aussi des
\ariations réelles de la photosphère, comme l'indiquent les
observations faites par les temps les plus calmes.
C'est pour n'avoir pas pris toutes les ' précautions que
nous venons d indiquer qu'on a échoué pendant long-
temps dans l'étude générale de la photosphère, et qu'on a
fmi par l'abandonner. Scheiner avait cependant signalé les ap-
parences que nous venons de décrire : il caractérisait l'aspect
que présente la surface solaire par l'adjectif cm/7« et complé-
tait sa pensée par la comparaison d'une mer agitée par la
tempête (').
Granulations. — Si 1 on veut connaître cette structure
d'une* manière plus précise, il faut renoncer aux projections,
et examiner directement le Soleil avec un oculaire puissant,
dans un moment où l'atmosphère est parfaitement calme,
et avant que l'objectif commence à s'échauffer, Alors on voit
que la surface est recouverte d'une multitude de petits grains,
ayant presque tous les mêmes dimensions , mais des formes
très-différentes, parmi lesquelles l'ovale semble dominer. Les
interstices très -déliés qui séparent ces grains forment un
réseau sombre sans être complètement noir. Dans la Jig. 21 ,
nous avons essavé de faire une esquisse qui représentât l'as-
pect caractéristique de la surface, car les détails sont impos-
sibles à reproduire. Tl nous semble difficile de trouver un
objet connu qui rappelle cette structure; on obtient quelque
chose d'analogue en regardant au microscope du lait un
peu desséché, dont les globules ont perdu la régularité de
leur forme, l^a/îg. 21 représente ces grains et les interstices
qui les séparent, tels qu'on les voit avec un grossissement
(') Rosa Ursula, p. Co.'i, col. i : « Solis superficies leiiiter criapa. »
- ."1 -
considérai)!»' dans des (arcoiistamcs alniosphcriqiics cxccj)-
tionnellrment avantageuses. Le j)liis souvent , en faisant
usage de faillies «:;rossisseiH('nts , on aperçoit une multitude
de jM'tits points hlanes sur un réseau noii", ( onnne on le
voit sur le fond <pii cmn lionne les taches dans l<'s yTg. :>.(')
et •?.'j. Cette structure est ti es-appareiite dans les j)reniiers
moments de l'ol^servation ; mais elle ne tarde pas à deNcnir
moins distincte, ])arce (pie Tceil se tatij^ue, en niéine temps
rig. 51.
(pie l'objectif s'échauffe, ainsi que l'air cpii est contenu dans
le tube.
Quelquefois l'aspect est un p(ni différent, et aux points
blancs et brillants se trouvent mêlés de petits trous noirs.
lia yTg". 2 2 représente la surface du vSoleil , dessinée ])ai'
M. Tacchini le 12 novembre 18'ji; l'observation se faisait
avec la lunette de Cauchoix à l'ol^servatoire du Collège Ro-
main. La comparaison des différents dessins que nous l'e-
produisons peut faire apprécier les différences d'aspect que
présente la photosphère, suixant les époques où on l'observe,
- 52
vl peut-être suivant les observateurs et les moyens qu'ils
emploient. Les grains ])araissent comme suspendus dans un
Y'i?.. 22.
réseau noir, et entremêlés de nœuds plus ou moins som-
bres, plus ou moins larges. Ces grains se réunissent quelque-
fois en petits groupes et forment alors une masse plus bril-
lante {Jig. 23).
- 53 -
Feuilles de saule de M. Nasmyth. — I.os grains présentent
<|UL'lc|ii('f()is une forme très-allongée, surtout dans le voi-
sinag<' des taches, ee (jui les a fait appeler grains de riz.
AI. Nasniyth les a eoniparés à des feuilles de saule et en
a donné un dessin cpie nous leproduisons dans la /tg. '?.l\.
Fif;.
Quelques autres oljservateurs les ont comparés à des points
d'exclamation (!), et, dans ces derniers temps, nous avons
eu l'occasion de vérifier l'exactitude de cette comparaison.
On a beaucoup parlé de ces feuilles de saule, lorsque M, Nas-
mytli les signala et les décrivit pour la première fois; mais il
ne semble pas que ces apparences se présentent aussi sou-
vent et aussi régulièrement qu'on l'affirmait. Peut-être même
y a-t-il là quelque chose de purement physiologique, dé-
- 54 -
pendant (1(* l'organe de chaque observateur. Nous verrons
([ue CCS feuilles de saule existent réellement, mais qu'elles
sont composées de masses bien plus considérables et de
(oiines bien plus variées que ne l'indiquait l'astronome an-
glais.
Tïatons-nous de dire cpie cette structure de grains ou de
feuilles ne peut être observée qu'avec des instruments à large
ouverture, car, les grains avant de très-faibles dimensions, la
diffraction, en les amplifiant et les faisant empiéter les uns
sur les autres, produit nécessairement une confusion géné-
rale. Les dimensions réelles de ces grains ne sont pas faciles
à déterminer, à cause de la difficulté de les fixer indiNiduel-
lement sous le fil du micromètre. On ne peut v réussir qu'en
comparant leurs diamètres à ceux des fils micrométriques,
et on les évalue à j ou ~ de seconde. M. Langlev, astronome
américain, vient de s'occuper de celte étude avec un objectif
de i8 pouces; il s'accorde avec nous pour la limite de cette
grandeur. Seulement, il lui paraît que quelquefois ces grains
sont composés d'autres grains encore plus petits, ce qui est
très-vraisemblaljle, comme nous le verrons bientôt.
On peut mesurer directement le diamètre des grains lors-
qu'ils se pressent aux en^ irons des pores ou des taches de
très-petites dimensions; mais alors ils sont grossis et ont
perdu leur forme ronde, pour s'allonger et devenir sem-
])lables à de petites feuilles ayant leur grand axe dirigé vers
le centre de l'ouverture. Tel est le cas de la petite tache de
la Jig. 23, observée le lo août i8G5. Cette tache était presque
ronde; elle avait un diamètre de G ",38; son périmètre conte-
nait de 24 à 32 de ces petites feuilles ; il était difficile de les
compter d'une manière plus précise : leur largeur était donc,
en moyenne, de o",G à o",8; et si nous tenons compte de
l'espace qui les séparait les unes des autres, espace qui est
l)ion égal au tiers de cliaeiine d'elles, il reste pour leur lar-
geur ^ de seeoude, ou .',- seeoude.
Ces dimensions sont certainement exagérées, ear les giains
([u'on observe au milieu du (lis([U(^ sont toujours plus petits
que les feuilles (pii gainissent le contour des taches, et le
diamèti'e des premiers est toujours amjjlifié j)ar la diffraction.
(;haque point lumineux produit ici un pliénomène ana-
logue à celui cjue présentent les étoiles; l'angle qu'elles sous-
tcndent est réellement nul, et jiar conséquent elles devraient
se présenter à nous comme de sinq)les points; et cependant
les meilleures lunettes nous les montrent comme de petits
cercles dont les dimensions sont très-appréciables. T>'instru-
ment que nous employons leur donne un diamètre apparent
que nous évaluons à ^ de seconde; mais ce nombre |)eut être
exagéré, et c'est pour cela que M. Langley, qui observe avec
une plus grande lunette, les estime plus petits que nous.
Notre estimation repose sur ce fait qu'il nous est impossible
de distinguer les deux composantes d'une étoile double lors-
que leur distance est plus petite que ^ de seconde : on
n'obtient alors qu'une seule image ayant une forme ovale.
Ces grains , que nous pouvons à peine mesurer à cause de
leur petitesse, ont donc un diamètre de 200 à 3oo kilomètres
au moins. Or des masses d'une telle étendue ne peuvent
a^oir une lumière uniforme : elles doivent être irrégulières
et mamelonnées. Si donc on les observe avec des instruments
])lus puissants, on devra reconnaître qu'elles sont compo-
sées de points distincts qui se confondent lorsqu'on emploie
un grossissement insuffisant, mais qu'un grossissement j)lus
considérable j)ar\ ient à séparer les uns des autres.
Nous avons observé un grand nondjre de pores de petites
dimensions, et nous les avons toujours trouvés entourés de
feuilles semblables à celles que nous venons de décrire; il
- 56 —
faut donc se mettre en garde contre les auteurs qui repré-
sentent ces pores comme de simples trous ronds : leur struc-
ture est en réalité très-compliquée.
Les grains sont animés de mouvements sensibles, mais
très-difficiles à déterminer au milieu de la masse brillante de
la photosphère. C'est auprès des pores qu'on peut le constater
le plus commodément. Sur le bord de ces ouvertures, on les
voit s'allonger, se mouvoir, et en modifier complètement le
contour. ^Vinsi, au bout d'une demi-heure, le trou circulaire
représenté dans \a. Jig. 23 se trouva à moitié envahi; six
grains occupèrent presque la moitié de sa surface, se dispo-
sant perpendiculairement à un diamètre passant parle centre.
Au bout d'une heure, la caAité a^ait complètement disparu.
§ II. — Explication des grains.
Pour expliquer l'existence des grains, on a eu recours aux
théories les plus étranges ; on a été jusqu'à les regarder comme
des éléments sui generis. Nous allons donner une explication
qui nous paraît bien simple , et qui s'accorde en partie avec
celle de W. Herschel. Ce savant avait observé les granula-
tions, seulement il leur donnait le nom de corrugations ou
licles, expression moins exacte peut-être , mais par laquelle,
comme ses descriptions le montrent avec évidence , il dési-
gnait le même phénomène dont nous parlons. Il avait aussi
remarqué le réseau sombre qui sépare les grains , et il le
désignait par le mot inclentation. Il tnit bientôt formé une
théorie pour expliquer ces apparences. Pour lui , les points
brillants a ( fig. 2d ) étaient les sommets des cônes de
flammes dont le Soleil serait couvert , tandis que le demi-
jour b du réseau obscur s'expliquerait par les nuages plané-
- r;7 -
taircs dont il admettait rcxistcmc ; c vsl 1<' ii()\au solaire
ol)sciir. I.a figure est eelle qu'il a donnée dans les Philoso-
phical Transactions (1802), j)our expliquer son idée.
()ii jx'iit admettre la première partie de cette explication,
car elle s'accorde parfaitement .ivec les faits, sauf cependant
(pi'elle paraît supposer une régularité que nous n'axons |)as
toujours observée i ' .
D'al)ord l(>s grains sont de véritables proéminences (pii s'é-
lèvent au-dessus <K' la surface générale, car cette structure
est bien plus nette et plus prononcée au centre du disque
Fig. 05.
que sur les bords : c'est que, dans cette dernière région, ils se
couvrent <'ii partie les uns les autres, ainsi que l'a fait remar-
quer Hersciiel.
T.'idée de flammes satisferait à ces apparences; mais, pour
ceux qui regardent la composition de la pliotospliérc connue
analogue a celle des nuages, il est bien naturel d'admettre
que les grains sont les sommets des mamelons arrontlis
terminant ces masses vaporeuses qui flottent, comme nos
(') A en juger par des étuilcs stellaircs très-soignoes, noire réfraclcur a une puis-
sance pénétrante au moins égale à celle tlu miroir de Hersciiel, et les oculaires que
nous employons sont bien plus parfaits que les siens.
ciwmli, dans l'atmosphère solaire. Rien n'est plus commun,
même sur la Terre, que de voir, du sommet d'une mon-
tagne, des brouillards et des nuages produire un effet sem-
blable. Les dimensions énormes de ces corps solaires, pré-
sentant une étendue de plusieurs centaines de kilomètres, ne
peu^ent que rendre cette explication plus plausible.
Nous parlerons dans la suite d'un moyen d'observation
plus efficace que ceux dont nous avons parlé jusqu'à pré-
sent : le spectroscope nous montrera que le Soleil est habi-
tuellement recouvert d'une multitude de petits jets enflam-
més, et ces observations nous feront admettre que, plus
probablement, les grains doivent être regardés comme étant
les sommets de ces proéminences qui recouvrent la surface
solaire.
Nous avons dit que les grains s'allongent dans le voisinage
des pores. Ce phénomène est-il réel ou bien n'est-ce qu'une
apparence ? On peut soutenir chacune de ces deux hypothèses ;
peut-être que ces grains, pressés par ceux qui les environnent,
tendent à s'allonger réellement pour remplir l'espace laissé
vide, comme nous l'observons quelquefois pour les nuages
qui flottent dans notre atmosphère; peut-être aussi les cônes
lumineux s'inclinent-Os simplement vers l'ouverture voisine,
sans s'allonger réellement. Nous reviendrons bientôt sur cette
question pour la traiter avec de nouveaux détails.
La surface du Soleil est quelquefois tellement recouverte
de ces granulations, le réseau est tellement prononcé, qu'on
serait tenté de voir partout des pores et des rudiments de
taches. jVLais cet aspect n'est pas constant, et il en faut cher-
cher la cause non-seulement dans les variations de notre at-
mosphère qui rendent quelquefois les observations difficiles,
mais aussi dans les modifications qu'éprouve le Soleil. Du
reste, il ftiut le reconnaître, ces petites granulations sont
- m -
les particularités les plus tlilfuilrs à observer, à cause de l'é-
cliaulfement assez rapide de l'objectif et du tube. M. Nas-
niUli assure (|u'eii sup|)riiiiaiit le tnlx' de sa lunette il (Hstin-
guait lieaucoup de détails (jui lui écliappaient sans cette
précaution .
De cette discussioji il faut conclure que la photosplière ne
se compose pas d'uu fond biillant recouvert de points noirs :
elle résulte au contraire d'une multitude de points lumineux
disséminés sur une espèce de réseau plus sombre ; les nœuds de
ce réseau s'élargissent quelquefois au point de former des
pores; les pores, en s'élargissant davantage, finissent par
donner naissance à luic tache. Tel est l'ordre dans lequel se
succèdent ordinairement ces phénomènes.
- 60 -
CHAPITRE IL
DES TACHES.
§ I. — Circonstances qui accompagnent leur formation.
Le temps nécessaire à la formation d'une tache est extrê-
mement varialjle, et il est impossible d'y découvrir aucune
loi : quelques-unes se forment très-lentement par la dilatation
des pores, d'autres apparaissent presque subitement. Cepen-
dant, si l'on observe le Soleil tous les jours avec beaucoup de
soin, on reconnaît que cette formation n'est jamais complète-
ment instantanée, quelque rapide qu'elle puisse être. Le phé-
nomène est toujours annoncé quelques jours d'avance; on
aperçoit dans la photosphère une grande agitation qui se ma-
nifeste souvent par des facules très-brillantes donnant nais-
sance à lui ou plusieurs pores. Bien souvent encore on voit
apparaître des groupes de petits points noirs, comme si la
couche lumineuse devenait ])lus mince, de manière à dispa-
raître peu à peu pour laisser à découvert un noyau obscur (' ;.
Ces pores se déplacent d'abord avec rapidité, disparaissent
pour se reproduire, puis l'un d'entre eux semble prendre le
dessus et se transforme en une large ouverture. Aux premiers
(') Kous sommes obligés d'employer ici le langage le plus habituellement reçu.
INous verrons plus tard comment il faut expliquer ces apparences, et quelle est la
véritable nature des phénomènes physiques dont elles sont de simples manifestations.
- Gl -
instants (le la formation, il n'y a j)oint de pénonil)re n(>tt('mcnl
tléfinic; elle se développe pro<j;ressivenient et devient régu-
lière à mesure f[ue la tache elle-même prend une forme ar-
rondie, comme on le voit dans \^ fig. 26.
Cette formation tran((nille et paisible ne se réalise (|n'à des
éj)oques où le calme sendjle régner dans l'atmosphènî so-
laire; en général, le développement est plus tumultueux et
plus complexe. Donnons-en quel({ues exemples seulement,
car nous pourrions les multiplier à l'infini, et les observateurs
qui voudront s'adonner à ce genre de recherches ne tarderont
pas à en trouver eux-mêmes ini très-grand nombre, tous très-
capricieux et très-différents les uns des autres.
§ 11. — Exemples de formations rapides.
Nous choisirons, pour premier exemple, la taclu» qui parut
le 3o juillet i8G5 'yfig. 27).
Le 28 juillet, on n'apercevait en cet endroit rien d'extraor-
- G2 -
(liiiaire, ni pores, ni facules. Le 29, il y avait sim])lement
trois points noirs. Le 3o, à io''3o™, nous fûmes bien surpris
tle trouver une tache énorme corresj)ondant à peu près au
centre du disque. Le diamètre moven de la partie troublée
était de 76 secondes, c'est-à-dii"e quatre fois et demie environ
le diamètre de la Terre. Au centre, nous apercevions une
masse de matière lumineuse qui semblait tourbillonner, et
autour de laquelle s'étaient produites de nombreuses déchi-
riires. Au milieu de ce chaos, on pouvait distinguer quatre
centres principaux de mouvement. A gauche, en a, se présen-
tait une vaste ouverture ; autour d'elle des langues de feu
tournoyaient en différents sens, et au milieu de ces langues
on distinguait nettement des voiles à moitié lumineux qui en-
vironnaient une cavité plus nou'e.
Au-dessus, en 6, se trou\ait lui second centime, plus petit
que le premier, dont le bord supérieur était nettement
tranché, mais ayant à sa partie inférieure un grand nombre de
petites langues de feu analogues aux précédentes. A droite, en
- 63 -
c, une large fonte j)reseMl;ul •;r()ssièrement la forme d'une S:
elle était j)arsenu'e de langues de feu et de traits lumineux
détachés. Enfui, à la partie inférieure, au ui\<'au tlu point d,
(III NON ait une aiitif rente allongée et recourhée, offrant à l'ieil
un desordre (jiii défie toute deseriptioii. Iliitre c< s (juatre ea-
vités, il \ aNail un amas de faeules et de matièic lumineuse
])résentant rasj)eel ifune masse en ('O)ullition.
Tout cet ensemble était animé de mouNemeiils liiiiiiilUieii\
ri.;, .s.
et extrêmement rapides. On fit le d(>ssiu le plus prouiptement
possible, mais il n'était pas encore terminé que la première
partie avait déjà complètement changé de forme. Le soir, ou
lit un .s(>coiid dessin, mais il ne ressemblait au précédent que
par le caractère fondamental ; au centre, une matière photo-
sphèricjue très-agitée; autoui', une couronne de gouffres
béants, dont h^s (piatre princij)aux subsistaient encore, oc-
cupant sensiblement la même place.
Le lendemain, l'aspect était complètement changé. La
ftg. 28 donne une idée de la nouvelle disposition. On reconnaît
- 64 -
encore les quatre centres principaux, mais ils sont comme
alignés deux à deux, et rejoints par des crevasses sinueuses.
La cavité b est déjà bien marquée, et séparée de la grande
fente par un isthme composé de matière pliotosphérique à
l'état normal. Les deux points inférieurs, a et cl, sont encore
l'éunis, mais mieux dessinés; la masse intermédiaire est comme
étirée, et son aspect rappelle celui d'une boule de coton
cardé qu'on allongerait en tirant les deux cotés. Cette com-
j)araison est la seule qui puisse exprimer les apparences que
nous avons essayé de reproduire dans le dessin. En vingt-
quatre heures, les dimensions s'étaient considérablement mo-
difiées ; la longueur avait presque doublé : elle était de
147 secondes. Les jours suivants, la masse qui séparait les
(piatre ouvertures se transforma à peu près en une pénombre
sur laquelle étaient dispersés des grains lumineux.
Nous regrettons de ne pouvoir donner ici la série complète
des dessins que nous avons exécutés chaque jour avec beau-
coup de soins, mais nous reviendrons plus tard sur quelques
détails intéressants et très-instructifs. Deux mots seulement
pour terminer l'histoire de cette tache. ^ Les centres s'isolè-
rent et se prononcèrent de plus en plus; l'intervalle qui les
séparait resta couvert de petites taches isolées. Le 27 août,
c'est-à-dire après une rotation complète du Soleil, la grande
ouverture en forme d'S subsistait encore au point c ; les cen-
tres aetb étaient encore nettement dessinés à la partie anté-
rieiH'e. Ce jour-là, il semble qu'il y ait eu une recrudescence
dans la perturbation; entre les centres a et b, et les deux
autres c et d, il y avait une distance de plusieurs minutes. Le
17 septembre, après une nouvelle rotation, on voyait sim-
plement des pores et des facules. Enfin, après une troisième
rotation, il ne restait plus de trace de cette immense pertur-
bation qui avait agité l'atmosphère du Soleil.
- 65
§ IIÏ. — Dissolution de la nuilitre hunineuse dans les lâches.
Nous venons do voir que la malirrc himiiicuso qui sépare
les tarlips voisines l'une de l'autre se trouve eoniplélement
déeliirée et niodiliée. L'ohservalion prouve même (ju'elle subit
une dissolution eomj)lète lorscpie plusunu's eentres obseurs
se sont lornies autour d'iuie masse brillante isolée, (".itons-en
un exemple frappant. T.e 2() mai uSC)"), nous observions une
taebe tlont les «.limeiisions n'avaient rien d'extraordinaire :
elle mesurait environ 5o secondes {^g. 29).
Illle présentait, rangés autour d'une masse centrale, un
tjrand nombre d'orifices séparés les uns des autres par des
filets lumineux, dont la disposition ressemblait à celle des
ravons d'une roue qui, j)arLant de Taxe, se dirigent vers la
circonférence. Ces noyaux étaient parsemés de voiles et de
petits grains détacbés dont quelques-uns étaient disposés en
sj)irale. Le soir quekjues rayons axaient dis])aru, «-t la sj)irale
était dirigée en sens contraire. Le 3o [/ig. 3o), il ne restait
que trois rayons. Le 3i [Jig. 3i ), il n'y avait plus au centre
de matière j)liotospliéri(jue ; il en restait seulement ([uelques
bandes recourbées en forme danses, ne se rejoignant pas au
I. 5
- Ofi
centre. T.es jours suiNants la masse se divisa, et le 3 juin il
s'était (léfiniti\ement formé deux taches isolées, ayant des
formes arrondies, mais peu régulières.
Ces phénomènes sont très-intéressants, mais ils ne sont
Fi(j. 3o.
[)as rares. Nous avons souvent constaté que des masses très-
brillantes qui se trouvent enfermées dans des groupes de
taches disparaissent complètement en vingt-quatre heures. 11
résulte de ces dissolutions de masses lumineuses que les
taches tendent à s'arrondir, et la forme ronde est, pour ainsi
dire, la forme normale à laquelle parviennent toutes les taches
lorsqu'elles sont complètement dévelop]:)ées.
- 67
5:5 l\. Division et ninltiplication des tacJies.
( )n \(»it souMMit |)lilsicms t. K lies se loiidl'c en IIIIC seule
j);ii- l.i dissolution de la iiiatinc itniiiiiciisc ([iii les sépare.
Le (oiitiMirc arii\(' (|ii('l(|ii( lois : une tache eomplétenieiit
lorniéo et de\emie ronde sedixiseen plnsieui's autres. Ce ré-
sultat peut se produire de plusieurs manières. Quel<[uerois
l'est par un espèce de; liouri^eonuenient : lui petit novau se
forme à côté du jjjrand ilans la penond)re elle-même; il se
(lévelopj)e, se sépare cl iiiiit par constituer une taelie indé-
peiulaute. Le plus souvent, cependant, le phénomène de mul-
tiplication résulte d un iVactionnement du novau pi'imitil;
on voit paraître ties arcs brillants, connus sous le nom de
ponts, qui traversent les taches et les séparent en plusi(nn's
parties. hAjig. 32 montre un groupe de ces grandes taches
qui, après avoir acquis la forme circulaire, commencent à
être envahies par des ponts. Cet envahissement se fait quel-
([uetois dinu^ manière si subite qu'il semble que le no\ au se
brise. Hallev en fut un jour témoin, et la transformation fut
si instantanée qu'il crut assister à la fracture d'une large
scorie brisée connne un morceau de glace atteint jiar un coup
de j)ierre. Les ponts brillent ordinairement d un éclat aussi
\ir (jue (('lui des parties les plus lumineuses de la photo-
sphère. Quelquefois même on dirait rpiils sont encore plus
bi'illanls et rpi'ils sont réellement susj)endus au-dessus des
abimes qu ils traversent. Ces phénomènes sont trop com-
plexes pour que nous puissions en ce moment nous pnv
noneer sur leur nature; «[u d nous sulfise tle les avoir indi-
ques et réser\ons-nous de les étudier plus tai'd en d(4ad.
Les phénomènes décrits jusfju'à présent nous montrent
que les taches ne sont pas des apparences purement superfi-
- G8 -
cielles ; elles ont leur siège dans les profondeurs de la masse
solaire, et elles sont produites par des causes encore in-
connues, qui la remuent et la bouleversent dans une étendue
quelquefois très-considérable.
11 est rare que les taches soient isolées : elles sont ordinai-
FifT. 32.
rement réunies en groupes très-complexes, comme on le voit
dans l'observation du if\ avnl 1869 i/^b- ^-^)- ^^^ remarque
dans ce groupe une grande tache divisée en deux par un pont
très-compUqué. On voit trois autres taches qui tendent à
devenir rondes; puis il y e» a une multitude de petites dis-
séminées de toutes parts. Il en résulte une immense difficulté
dans la distinction et dans la classification de ces phéno-
mènes. L'étendue de ces groupes est considérable ; l'agita-
tion manifestée dans la mass3 par les facules qui les envi-
ronnent est si grande que l'ensemble peut acquérir une
- G9 -
longucnii" égale au (jiiai't du (lianictrc solaire. Saus doute toutes
les pertur])atious ne se font pas seniir sur une aussi vaste
étendue, mais le fait important, c'est l'existence habituelle de
ces groupes plus ou moins compliqués, plus ou moins grands.
Les lâches ne sont donc que les conséquences d'une forte
Fie. :i3.
agitation dans la matière (jui compose le Soleil, et cette agi-
tation s'étend Ijien au delà des limites de la région sombre.
Tous ces mouvements supposent qu'il se produit dans la
masse solaire des crises bien considérables, et, si nous vou-
lons en trouver la cause, il faut commencer par étudier le
phénomène lui-juéme, et les lois qui président à ses manifes-
tations.
70
CHAPITRE III.
ETUDE DE L INTERIEUR DES TACHES,
§ I. — Les taches sont des cavités.
Il V a environ un siècle que Wilson, par des observations
Lien dirigées et bien interprétées, fit connaître la véritable
structure de certaines taches, en montrant qu'elles sont dues
à des cavités dont il put même mesurer la profondeur. Il
rendit compte de ces observations dans les Transactions phi-
losophiques de Londres, t. LXIV, année 1774-
Le 22 novembre 17(39, le docteur Wilson observa sur le
disque solaire une belle tache ronde environnée d'une pé-
nombre également circidaire, concentrique au noyau. Il sui-
vit cette tache jusqu'à sa disparition, et il remarqua bientôt
que la pénombre cessait d être svmétrique ; la partie tournée
vers le centre du Soleil devint de moins en moins large, et
finit par disparaître complètement, tandis que la partie op-
posée conservait à peu près les mêmes dimensions. Ainsi, dans
\^Jig. 34, supposons que A représente une tache placée au
centre du disque, et avant une pénombre symétrique par rap-
port au contour du novau ; lorsqu'elle sera arrivée vers le
milieu du rayon, elle se présentera comme en B ; plus tard, la
pénombre disparaîtra complètement du coté gauche, comme
on le voit en C; au point D, le noyau lui-même sera entamé;
enfin, tout près du bord, en E, il ne restera plus qu'un mince
- 71 -
filet (1(^ prii()nil)r(' : le ii()\;m auia ( omplctcmont disparu.
Tel est If ])lu'iH)mt'ii(' ohscrNc par \\ ilsoii, <•! souxciit cliidic
tiepiiis.
A la riguour, ces elwin^^cMucnts poiis aient nrtre f|iM' <1<'S ap-
parences ; les taches sont si c^apricieiises dans Icuis \anali(jns
(pi'oii ne peut fonder aucune théorie sur un fait isolé. (Cepen-
dant Wilson avait soupçonné là quelque grande loi de la na-
ture, et, pour n'être pas induit en erreur, il attendit le retour
de la même tache (jui, en ellet, reparut au bout de quatorze
Fi.T. 3.',.
é
jours sur le bord oriental. Alors il observa de nouveau le
même phénomène; les mêmes phases se reproduisirent dans
le même ordre, et la j)éuombre, qui était rétrécic vers le
centre du disque lorsque la tache était près du bord, se
montra de nouveau symétrique par rap[)ort au contour du
noyau, lorsqu'elle arriva au milieu.
Désormais le doute n'était j)lus possible ; la tache avait sen-
siblement conservé la même forme dans son mouvement, et les
changements observés étaient de j)ures apparences résultant
d'un effet de perspective très-facile à explif[uer. Soit abcd
{Jig. 35) une cavité avant la forme d'un tronc de cône, ad vt
hc étant les diamètres des deux bases. Vue dans une direction
perpendiculaire à ad^ cette cavité présentera un contour sy-
métrique A; mais si on la regarde obliquement, comme en B,
le coté ah se rétrécira dans la projection, le coté cd s'élargis-
sant un peu, ou restant sensiljlement constant si la cavité est
})('ii profonde. Enfin, Foljliquité augmentant, le bord ah se
projettera sur le fond hc comme on le voit en C; il pourra
même le recou\ rir complètement.
Fiiï. 35.
Ces différentes phases seront d'autant plus sensibles que la
cavité sera plus profonde; mais, si elle est très-superficielle,
le fond ne disparaîtra que pour une très-grande obliquité, ce
qui, dans le Soleil, n'aura lieu qu'auprès du bord ; alors l'ob-
servation sera très-difficile et exigera de très-bons instru-
ments. On comprend cependant qu'elle soit possible, et, si
elle est bien faite, elle pourra servir à déterminer la profon-
deur de ces cavités d'après les dimensions relatives de la pé-
nombre et le moment où elle touche le novau.
- 73 -
Soient CS ^fig. 3G) le rayon visuel dirige vers le centre du
Soleil; Oah le rayon qui rase à la fois le bord de la cavité et
celui du noyau, au moment où lapénondjre va disparaître ; CZ
une di"oit<' passant par le centre du Soleil et par le bord extc-
rieui- (le la priiombrc. On jx-ut toujours coiuiaître l'angle
SCZ, et de là déduire la valeur de l'angle hae qui en est le
complém(>nt. Si l'on a mesuré la largeur de la pénombr<> ae^
le petit triangle ahe fera connaître la profondeur he d<' la
tache. Wilson trouva ainsi que cette profondeur était en-
viron le tiers du rayon terrestre.
La théorie de Wilson ne fut })as reçue sans contestations;
elle fut combattue par plusieurs astronomes et en particulier
par de la Lande qui formula les deux objections suivantes :
1° dans plusieurs observations, la loi de ^Vilson ne s'est pas
vérifiée; 2*' ([uelquefois même on a pu constater des appa-
rences tout à fait opposées. De la I^ande était partisan de la
fixité des taches qu'il regardait comme des montagnes; il de-
vait donc nécessairement repousser les idées de l'astronome
anglais. Du reste, il est parfaitement exact que les aj)parcnces
décrites j);u' Wilson ne se présentent pas toujours, surtout aux
époques de grande agitation ; on ne doit pas en être surpris,
et nous en donnerons bientôt la raison. Mais, pour apprécier
- 74 —
la valeur de ces objections et pour connaître ce qui concerne
les faits eux-mêmes, nous allons d'abord étudier les obser-
vations faites par les astronomes modernes.
§ II. — Observations modernes.
Tous les astronomes postérieurs à Wilson ont vérifié ses
observations avec d'excellents instruments et sur un très-
grand nombre de taches. Herschel en parle souvent, et nous
a^ons eu, ainsi que beaucoup d'astronomes encore vivants,
l'occasion de confirmer cette découverte par nos propres tra-
vaux. Les résultats numériques que nous avons trouvés (*),
ainsi que ceux de ]M. Taccliini, différent à peine de ceux de
Wilson. jM. Warren de la Rue, astronome anglais, discutant les
observations astronomiques faites à Kew, a trouvé que, sur
89 taches régulières, 72 donnent des résultats conformes aux
idées de Wilson, tandis que les ly autres présentent un as-
pect différent. Cette proportion n'a rien de surprenant lors-
qu'on songe aux variations considérables que les taches subis-
sent en réalité dans leurs formes.
]M. de la Rue a imaginé un moyen bien simple de montrer
que les taches sont des cavités. On prend deux photographies
du Soleil faites à un jour d'intervalle, chaque point de sa sur-
face s'étant déplacé pendant ce temps d'environ lo degrés; on
les place dans un stéréoscope et l'on voit parfaitement la ca-
vité intérieure dont les bords paraissent rele^ es au-dessus de la
photosphère. Il est donc impossible de conserver le moindre
doute sur cette vérité; les taches sont des cavités creusées
(') Voir Astron. IVach. et Mémoires de l'Observatoire du Collège Romain, p. 9
1859.
- 73 -
dans répaissciir de la coiiclic hi'illaiitc fjiii ('iiv('l()|)|)(' (]r toutes
i)arts le ^lolx' solaire.
S'il est vrai qu'une laehe soit ainsi lorniée par une ca\ilé,
l()rs(|u'elle arrive au Ijord du disque solaire, on devrait aper-
cevoir une e( lianerure daulaiil plus facile à ol)server que la
<a\ilé est plus \aste et j)lus profonde. Cette observation a été
réellement faite depuis longtemps. Cassini (') rapporte que,
vers la fin de déeend)re 1719, il parut une tarlie si vaste que,
(piand elle aj)j)roeha du hord, elle produisit une échancrure,
contrairement à ce qui arrive d'ordinaire pour les taches plus
petites, qui présentent souvent un bourrelet à cause des facules
([ui les emironnent. Vy'. Ilerscliel et ^ï. Warren delà Rue
ont souN ( iir ohservé le même phénomène.
I.oisque lii tache du 3o juillet, dont nous avons déjà parlé,
lut arrivée prés du bord, noushi surveillâmes avec soin ; mais
la première partie disparut le 5 août au soir, et l'air était
alors si agité qu il nous fuL impossible de rien observer. Le
lendemain, l'air était calme et le ciel parfaitement pur; la
tache fut dessinée simultanément par trois observateurs.
M. Tacchini, de Païenne, était alors à notre Observatoire et
il fit lui-même le dessin que nous reproduisons {^/ig. ^'J A).
il était 9 heures; l'un des cratères était près du bord et l'on
voyait nettement son contour former une j)roéminence au-
dessus du disque solaire en laissant une échancrure de part
et d'autre. Sur le cùté, on vovait une vaste facule rnn. Cette
partie du contour était déprimée au-dessous de la surface gé-
nérale du Soleil, dans une région où, peu de temps aupara-
vant, on distinguait une vaste pénondjre.
A 10'' 20'" le cratère était considérablement rétréci
(') Mémoires de V Académie des Sciences; 1720.
— 7G -
[fig. 37 B), et présentait plusieurs pointes très-aiguës; on en
distinguait une en «, qui fut remarquée par tous les observa-
teurs, à cause de ses dimensions et de sa forme recourbée.
A i o^ 32™ l'intérieur du cratère ne présentait plus qu'une
ligne noire très-mince qui disparut à 1 1 heures ; le contour
Fig. 37.
du Soleil conservait encore sa structure dentelée [fig. Sy C).
Nous avons faitune observation semblable le 8 juillet 1873 ;
il s'agissait également d'une tache très-vaste qui produisit sur
le contour du Soleil une dépression de 8 secondes.
Nous ne voulons pas quitter ce sujet sans faire remarquer
la forme curieuse de l'arc brillant op [fig- 3^ A), sur lequel
on remarqua ensuite la pointe a [fig- 3 7 B et C). Ne croi-
rait-on pas voir un pont suspendu au-dessus d'un abîme?
- 77 -
Nous avons clcrniùrcniciit observé quelque chose de seni-
l)lal)le. Le 9 juillet iB-j/î, il v avnit une tache traversée par
un pont magnifique; le 10, la tache s'étant rapprochée du
bord du discpie, le pont parut excentrique par rapport au
noyau; il se projetait sur le coté de la tache opposé au centre
du Soleil. Le II, son excentricité s'était accrue; il se pro-
jetait sur la pénombre. Ces changements peuvent sans doute
être réels, mais, comme il y avait d'ailleurs une grande con-
stance dans la forme de ce groupe, nous sommes très-dis-
posé à croire (pi'il n'v avait là ([ue des apparences dues à
un effet de perspective : ce pont était un arc lumineux plus
élevé que les régions voisines, et qui, suivant les différents
aspects sous lesquels il se présentait à nos regards, se pro-
jetait sur des parties différentes de la cavité située au-dessous
de lui.
§ HT. — Réponses à quelques objections.
Il est impossible d'observer cette dépression dans toutes les
taches ; car, à moins qu'elles n'aient des dimensions exception-
nelles, la cavité intérieure est cachée parle bord, ainsi qu'on
l'observe pour les cratères de la Lune. De plus, les facules qui
les environnent forment souvent lui bourrelet proéminent
qui masque encore davantage la cavité. Pour produire une
échancrure de i seconde, il faudrait une tache ayant 3 de-
grés de diamètre, et une semblable dépression serait impos-
sible à observer à cause de sa petitesse et des oscillations de
l'atmosphère. En partant de ces données, on jieut calculer
l'étendue que devrait avoir luie tache pour produire une dé-
pression sensible et facile à observer. Pour arriver à une
échancrure de 5 secondes, il faudrait une tache qui, vue
du centre du Soleil, occu[)àt une étendue de 11 à 12 degrés,
ce qui fait pour nous 3' 20"; or, toutes les fois qu'un cratère
a atteint ces dimensions, on a toujours remarqué qu'en ar-
rivant près du bord il produisait une dépression manifeste.
Ces observations confirment donc avec évidence la découverte
de Wilson, et nous obligent à la considérer comme un fait
acquis à la science. Sans doute il y a des exceptions, comme
l'ont fait remarquer de la Lande et plusieurs autres; mais elles
ne s'appliquent qu'à des taches irrégulières et agitées, dans
lesquelles les mouvements réels peuvent masquer ces effets
de perspective.
On a encore ol)jecté que cette dépression apparente pour-
rait bien être une illusion due à ce que, dans la région oc-
cupée par une tache, la lumière possède un éclat moins
considérable; mais il n'y a rien, dans cette objection, qui soit
contraire à la théorie que nous défendons. Nous ne préten-
dons pas que la cavité soit vide de toute matière; lorsque
nous parlons de cavité^ nous voulons seulement dire que, dans
l'intérieur des taches, le niveau de la partie brillante est plus
bas que dans la photosphère, et l'absence de lumière qu'on
observe au bord échancré du disque ne prouve pas autre
chose ; ces dépressions peuvent d'ailleurs être remplies de
matières plus obscures, qui servent à maintenir l'équilibre
général en arrêtant les masses fluides, qui ne manqueraient
pas de se précipiter pour remplir le noyau s'il était absolu-
ment vide. La théorie de Wilson est vérifiée du moment que
l'intensité lumineuse parait considérablement déprimée lors-
qu'ime grande tache arrive auprès du l^ord, car il faut en
conclure que le niveau de h» partie brillante y est abaissé;
et c'est précisément là ce qui résulte du fait constaté par
Wilson.
Tout ce que nous venons de dire restera encore vrai si l'on
admet que les taches sont des nuages plus sombres que la
- 79 -
niatirrc (jiii les ciixiroimc; mais aloi's il faudra admettre que,
an lieu d'être siispeiidiis au-dessus de la partie éclairante
(lu Soleil, romme le disait C.alilcM' et dernièrement encore
M. Kirchlioff, ces nuap;es flottent dans la photosphère elle-
même, s y <'nfoncent, du moins en partie, et remplissent ainsi
de véritables bassins concaves creusés dans la couche bril-
lante. C'est là ce qui a fait donner aux taches le nom de cra-
lêre; mais il ne faut pas attacher beaucoup d'importance à
cette dénomination.
Après avoir établi ([ue les taches sont en général des ca-
vités, en entendant ce mot dans le sens que nous venons
tl'expliquer, V. il son supposa que la pénombre qui en\ ironne
le noyau est formée par le talus qui relie cette cavité à la
surface générale de la photosphère. Il supposait la matière
photosphérique analogue à celle qui compose les nuages, mais
(Tune densité plus considérable, et elle devait, d'après lui,
couler vers ces gouffres demeurés vides, de manière à former
tout autour un plan incliné moins lumineux que le reste de
la surface, et moins sombre que le noyau lui-même. Poui'
confirmer son interprétation, il rappelait le fait suivant : le
contour de la pénombre est généralement parallèle à celui du
noyau; (|iielqiiefois cependant il présente à l'intérieur des
angles rentrants qui correspondent à des angles saillants du
contour extérieiu', comme si nu éboulement du talus avait
fait tomber dans le gouffre mie partie de la matière lumi-
neuse. Cette disposition des noyaux est reproduite dans plu-
sieurs de nos dessins, et <'n particulier dans \esjig. 38 et 3r).
Cette observation délicate de Wilson est exacte, et l'on a
souvent l'occasion de la vérifier ; mais on ne peut admettre
que la seule inclinaison du talus suffise pour expliquer la pé-
nondjre. L'intensité lumineuse de la pénombre est à peu
près la moitié de celle qu'on obser\ e sur le reste du disque ;
- 80 -
le simple fait de rincliiiaisoii de la surface suffirait à peine
pour expliquer cette différence s'il s'agissait d'un corps éclairé
par une lumière étrangère ; à plus forte raison cette explica-
tion est-elle insuffisante pour un corps lumineux par lui-
même. Nous verrons bientôt que, en ce point, il manquait
cpielque chose à la théorie de Wilson, et nous la compléterons
alors. Il lui fut impossible d'étudier en détail la structure
de la pénombre, ses instruments n'étant pas assez puissants,
et c'est de là que dépendait la solution du problème.
- 81 -
CHAPITRE IV.
s T u u c T u n i: u e s r a c ii e s.
§ 1. — De la pénombre.
Nous avons vu que les taches ont des formes très-varial>les.
Elles finissent généralement par devenir rondes; mais c'est
là, pour ainsi dire, une forme limite qu'elles n'atteignent
qu'assez tard et qu'elle ne conservent pas longtemps. Bien-
tôt elles se rétrécissent, reprennent ra])j)arence de pores et
finissent par se fermer complètement. Quelquefois elles se di-
visent avant de disparaître, et alors on remarque le plus sou-
Aent une recrudescence d'action, qui élargit l'ouverture ou
en forme (]U(^lque autre dans le voisinage. Entrons dans l'exa-
men détaillé de ces phénomènes, et, pour en comprendre le
mécanisme, étudions d'abord la structure intérieure.
Commençons par la période de tranquillité; les taches j)ré-
sentent alors la foinie ronde ou ovale que nous avons déjà
indiquée, et dont nous donnons un exemple dans Xajîg. 38 :
cette tache, observée le 20 avril 18GG, représente un type qui
se reproduit très-souvent.
Nous ferons ici plusieurs remarques : i*' la pénombre a une
largeur à peu jirès égale au tiers tle la tache considérée dans
toute son étendue; mais elle est loin d'être uniforme dans sa
structure et d'avoir son contour extérieur parallèle à celui du
noyau, comme le montrent les dessins qui se trouvent dans la
I. G
— S-1 —
plupart des livres. Cette péiiomLre est toute rayonnée, mais
les rayons qui la composent ont des formes irrégulières; quel-
ques-uns r(\ssemblent à des courants sinueux qui ^ ont en se
rétrécissant à mesure qu'ils s'éloignent du bord, leur éclat lu-
mineux croissant lui-même à mesure qu'ils se rétrécissent
davantage. Ces courants sont formés de masses ovales, sem-
Ijlables à des nœuds allongés placés bout à bout, de manière
FiV. 38.
à simuler un courant presque continu. Cette structure ravon-
nante de la pénombre n'est pas difficile à constater; elle a
déjà été remarquée par Capocci, Pastorff, J. Ilerscliel, etc.
2° Ces courants sont moins condensés, moins lumineux,
moins nettement trancbés à l'extérieur de la pénombre, là oîi ils
se détachent delà photosphère, tandis que, près du noyau, ils
se pressent, se condensent et deviennent plus brillants. Il arrive
ainsi quelquefois que le bord de la pénombre, contigu au
noyau, acquiert un éclat plus vif, presque égal à celui de
la photosphère; la tache paraît alors composée de deux an-
— 83 -
iiciiiix hnllaiils ((hicciiIikiiics. ('.<■ nCst n.is là mic illusion
(liu* à un cllct (le contraste, c'csl un m('( roissomcnt réel de
lumirii" (lu à un(" condensation de matière lumineuse dans
le \()isinai;e du no\aii. ('e fait est tres-imj)oi'taut et on ne
l'a pas assez remarcpie. (|noi(jue les observateurs l'aient repré-
sente a\ec soin dans Icuis dessins. ]\()us en donnons un se-
cond (exemple dans Va fig. 3r), (|ui représente une tache oh-
servéele i G juillet 186G.
DcUis ces derniers temps, ^I. Faye a révoqué en doute le
fait (pie nous venons do signaler; mais nos observations p(M'-
sonnelles nous oblij^cnt d'assui'er (Uie ce fait est bien souvCMit
incontestaljje, et 1 illustre astronome n'en douterait |)as plus
(pie nous s'il a\ail pu l'obserNcr connue nous a\ec des in-
struments suffisammcnl parfaits.
84
3° Dans l.i fig. 89, 011 voit que les extrémités intérieures
des courants se terminent par des grains brillants projetés sur
le fond noir du noyau . On voit ce phénomène reproduit d'une
Fig. .',0.
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m^
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"jfc-rj .-A'f >
^^^^
^m
^^-_
manière plus frappante dans la^/o- 40 ; toute la pénombre
Fis- 41.
semble formée d'un voile lumineux, d'un éclat uniforme, sur
lequel sont projetés ces grains brillants.
Dans les taches de grandes dimensions et de formes irréiru-
- 85 -
licrcs, oïl \i)\\ CCS grains .illoiigi's (Mifilés l'un apivs l'autre
toniiiK" ceux d'un chapelet; le tout i-essonible à un fil sur
lequel on aurait fait iu)e chaîne de lueuds {/ig. 40- l^i^i'oi*^
les chaînes traversent la tache de part en part comme des
ponts {/ig. 4 2, i4 avril i«S()f)); elles constituent alors des
courants ix)ntinus, mais remplis d inégalités et de renflements.
Dans la tache du 1 4 a\ril, li \<'ill('du j()ui'ous<' forma !<' j)oiit
(pi'on voit dans \^y Jig- 4^, les feuilles étaient comme implan-
tées les unes sin- les autres, et l'ensemble présentait l'aspect de
la plante connue sous le nom de Cactus (Jig. 4^\ Au premier
abord, on aurait dit une cristallisation analogue à celle du
( hlorhvdrate d'ammoniaque vue au microscope, et c'est là
peut-être ce qui a suggéré à INI. Chacornac l'idée des cris-
tallisations solaires. Mais l'aspect arrondi des grains, leurs
contours vagues et mal définis, montraient parfaitement que
nous avions sous les yeux des flocons de matière suspendus
dans un milieu fluide, à peu près comme les cumuli dans l'îit-
- 8G -
iiiosplière terrestre. ]\ï. Langley a dernièrement vérifié notre
observation avec son puissant instrument.
Les feuilles ressemljlent quelquefois à des triangles al-
longés; on dirait un assemblage de points d'exclamation (!)
Nous avons tout récemment constaté cette structure dans
une taclie du mois de juin i8'j4- L<?s courants ne sont cepen-
dant pas toujours composés de parties discontinue:-», du
Fis- 43.
moins autant que nous en pouvons juger ; on croirait voir un
fluide visqueux couler dans un milieu de nature différente;
cet aspect rappelle plutôt encore celui de la fumée qui s'é-
chappe d'une cliandelle de suif mal éteinte et qui se répand
dans l'air en formant des filets nettement tranchés.
If Les courants composés de grains ou de feuilles qui en-
vahissent le noyau ne tardent pas à se dissoudre : il suffit de
quelques heures ou même de quelques minutes. Aussi, mal-
gré ce flux de matière lumineuse, le noyau reste constamment
noir et persiste très-longtemj^s. Les fig. 38 et 44 montrent
- 87 -
une (lo CCS feuilles détachée et à demi dissoiilc; ce j)li('ii()iii(''n('
est assez fréquent, et nous pourrions en donner de nombreux
exemples; il a été également constaté par M. Loekver. Du
reste, ce fait n'est pas particulier aux feuilles qui composent
les courants; on le voit quelquefois se rcj)roduire pour des
portions considérables de la photosphère. Nous avons déjà dit
que, dans la taclie du 2() mai i8Gj {Jig- 3i), les masses plio-
tosphériques emprisonnées dans le novau avaient fini par se
dissoudre. D'ailleurs, on trouve dans les dessins 'de 'M. Cha-
cornac ties exemples semblables à ceux que nous avons tirés
de nos propres observations; on y reconnaît des courants,
ou mcnic (les masses de matières lumineuses, semblables aux
courants et aux masses détachées, dont nous venons de
donner la description.
Il est donc certain qu'il v a au centre des taches une
espèce d'aspiration qui attire la matière environnante et dé-
termine son écoulement vers le noyau, et ce cjui prouve
bien ce pouvoir d'attraction exercé par les taches, c'est l'ab-
sorption des petites par les grandes. Elles se rapproclient
])eu à peu de la cavité principale dans laquelle on les voit
bientôt disparaître. Ce phénomène se rapportant à celui
du mouvement propre des taches, nous en parlerons plus
tard.
5° On olxservo quelc[uefois, à l'intérieur des cratères, lui
mouvement de rotation très-sensible. On en voit un exemple
au point a, dans la tache du 3o juillet i8G5 {/ig- 27). Nous
donnons ici {/ig. 44) i"^ dessin qui montre admirablement
jusqu'à quel point peut être portée cette structure tourbil-
lonnante. Cette tache a été observée à Rome le 5 mai i854;
au même moment ]M. rearnely l'obserNait à Christiania, et
les deux dessins s'accordent parfaitement. On voyait im
grand nombre de flammes enroulées en .spirales tournoyer
— 88
dans le novaii ; au bout de deux heures, elles étaient complè-
tement dissoutes.
Fis- h'\.
Nous reproduisons dans la^^-. 45 une autre tache observée
Fig. 45.
:>r.^^!'
m
^f
%
\i' 25 septembre i86G, dans laquelle les courants montrent,
- 80 -
par leur disposition, (juils sont animôs d'un niouvcnient ro-
tatoiro très-prononcé, mais seulement dans la partie gau(ii<'
de la pénond)rc; car, dans toute la partie cjui est à droite, les
courants sont dirijjés, coinnieà ! Oi'diiiaire, de manière à cou-
verger vers le centre. j']n réalité, on n'observe ces tourhillnns
(pi'à l'épotpie de la formation, comme nous l'avons déjà fait
remar(|uer à propos de la tache du '3o juillet iHGj; ils se ]iré-
sentent souvent tlans les moments de recrudescence et lors-
(ju'une tache est sur le point de disparaître. On a souvent cru
\()ir des tourbillons dans des piiénomènes qui ne sont que
de sim|iles changements de forme, sans aucun mouvement
de rotation.
Quelques astronomes, M. Faye en particulier, sont partis
de là pour établir une théorie d'après laquelle les taches ne
seraient autre chose que des cyclones. Cette théorie ne nous
paraît pas admissible. Si le mouvement tourljillonnant existait
dans toutes les taches, les ravons qui constituent la pénom])re
devraient toujours être recourbés : or il n\'\\ est rien. Si cela
arrive quelquefois, c'est assez rare, car, sur trois cents taches
et plus qu'on observe dans le cours d'une année, il y en a sept
on huit seulement qui présentent d'une manière bien tranchée
la structure spirale qui devrait caractériser l(»s tourbillons. On
ne l'obsers'e donc pas toujours, ce qui devrait avoir lieu dans
la théorie de M. Faye. Nous pouvons même ajouter (pie les
mouvements en spirale constituent une exception assez rare;
ce sont des cas particuliers dont nous chercheronsl'explication,
mais qui ne peuvent pas servir eux-mêmes à expliquer un phé-
nomène Ijien plus général. Ajoutons une dernière observation :
non-seulement les taches ne présentent pas toutes la forme de
tourbillons, mais, de plus, cette forme, lorsqu'elle existe, ne
persiste pas plus d'un jour ou deux, tandis que les taches
elles-mêmes peuvent subsister longtemps encore après avoir
- 90 -
perdu la forme spirale. Quelquefois même le mouvement
tourbillonnant, après s'être graduellement ralenti, se repro-
duit de nouveau, mais en sens contraire du précédent. Con-
cluons donc que cette structure, quoique très-intéressante,
est purement accidentelle. En nous réservant de l'étudier plus
tard, nous devons dire dès maintenant qu'on ne saurait la
prendre pour base d'une théorie ayant la prétention de faire
connaître d'une manière générale la nature des taches so-
laires.
6^ La fig, 45 nous intéresse encore à un autre point de
vue; nous v retrouvons la structure que l'astronome Dawes
a caractérisée par le mot thatchedslraws, couverture de paille ,
Fis. 46.
à cause des faisceaux de filets parallèh^s qui représentent assez
bien un toit de chaume. Cette comparaison n'est pas heu-
reuse ; cependant elle exprime d'une manière ingénieuse la
disposition des filets telle que nous l'avons décrite précédem-
ment. Ces filets, si on les examine avec attention, ne peuvent
être comparés à des brins de paille ; ils sont généralement
un ]oeu tortueux, renflés à une extrémité en forme de massue,
ou plutôt comme des courants de lave retardés dans leur mou-
vement par la résistance du milieu qui les environne. Leur
forme générale est indiquée parla^^-. /|G. Nous avons cherché
à déterminer leur épaisseur, et nous avons trouvé que l'ex-
trémité renflée a une largeur \ ou \ de seconde, ce qui fait
200 ou 3oo kilomètres. Le reste de la tige peut avoir de 100 à
200 kilomètres de largeur.
- 91 -
•j" Les taches possèdent soiiNciit une espèce de queue eoni-
posé(» de taches ])his petites ; ces appendices se trouvent ordi-
nairement dans ce que nous appellerons la partie postérieun^
de la tache, c'e^st-à-dire dans la partie opj)osée à celle vers
laquelle se dirii;ent les dillerenls points du Soleil dans son
niouxenieiiL de rotation, (ielte rotation, j)our 1 hémisphère
([ue nous voyons de la ['«-rre, ayant lieu de l'est a l'ouest,
les (pieues S(> trouvent donc à la partie orientale des taches,
Fig. /,7.
et dans inie lunette ([ui donne des images renversées on
les verra du cote oppose, c'est-à-dire à l'onest.
La tache représentée dans la fig. 45 nous présente une
([ueue composée d'une foide de petites taches irrégulières
entremêlées de matière lumineuse, et dispersées sans ordre
dans la pénombre. Cette disposition est fréquente, et nous en
donnoiis un autre exemple dans \a Jig. /jy; c'est une tache
vue le i6 janvier i8G6, à i'' 'jS'" : on en observe souvent de
semlilables. Son noyau se prolonge dans la partie postérieure
d'une nianièn^ n^manjuahle et exceptionnelle. Ordinnirement
— 92 —
le noyau principal est rond et isolé, tandis qu'en arrière on
voit inie queue comj)osée de petites taches séparées les unes
des autres, ou quelquefois de facules brillantes. Nous ferons re-
marquer que, dans cette Jtg. 47» 1<3S courants de la pénombre
sont recourbés à l'extrémité qui touche le noyau, comme s'ils
rencontraient une résistance, ou comme s'ils se soulevaient de
bas en haut.
8" Dans la période de tranquillité, lorsque les taches sont
Fis- 48.
rondes, les courants sont presque toujours dirigés vers le
centre de figure; mais, dans les taches irrégulières, ils sont
généralement groupés par faisceaux parallèles dirigés per-
pendiculairement aux bords. On peut déjà remarquer cette
disposition dans la Jig. 45; mais on en voit un exemple
])lus remarquable dans une tache observée le 9 avril 1870
(Jig. 48). On voit au point a deux systèmes de courants
superposés l'un à l'autre et se croisant à angle droit, ce qui
suppose une différence considérable de niveau.
- 93 -
cf ISous avons déjà vu qu'il existe prohahleincnt aussi des
différences de niveau poiu' ces filets lumineux (ju'on désigne
sous le nom i\c ponts, et (|ui sont en réalité des courants en
forme d'arcs-boulants suspendus et flottant dans un mi-
lieu aériforme. Telle est du moins l'impression qu'on éprouve
à première vue, impression qui est parfaitement confirmée
par l'étude des dessins, en particulier par l'étude des appa-
rences que présenta la tache du 3o juillet i8Gj (Jfg- 27
et 28), lorsqu'elle arriva auprès du bord. Il est difficile de
se rendre compte de ces aies si brillants qui sont dirigés
obliquement par rapport aux coinçants inférieurs, si on ne les
suppose pas suspendus à une grande liauteur.
I,a tache représentée dans lajlg. 4^ nous montre que les
courants ordinaires se croisent en se superposant, ce qui
montre qu'ils se trouvent dans des plans différents. On voit de
plus qu'ils sont loin d'être transparents, puisque ceux qui
sont plus élevés empêchent de voir les autres.
10° Il ne faudrait cependant pas supposer que toutes les
taches qui paraissent rondes lorsqu'on les examine avec
un faible grossissement aient toujours une structure aussi
simple que celle dont nous venons de parler, hàjig. 49 ï'^"-
présente une partie de la grande tache du 3o juillet, telle
(ju'on la voyait le 23 août i8G5. On y remarque deux cavités
([ui paraissent rondes toutes les deux, mais dont les struc-
tures sont bien différentes : dans l'une, la pénombre est
remplie de filets recourbés; dans l'autre, elle est remplacée
du côté gauche par une énorme facule. Ajoutons cependant
cjue cette phase appartient à l'époque où la tache était sur le
point de disparaître, et l'on sait que dans cette dernière pé-
riode le phénomène ne présente plus la même régularité.
Notre longue expérience nous a appris que, dans l'exi-
stence d'une tache, il faut distinguer trois périodes : la pé-
- 94 —
riode de formation, celle de calme et celle de dissolution.
Lorsqu'une tache est sur le point de se fermer, la matière
lumineuse qu'elle attire n'est plus régulièrement dirigée vers
le centre : il semble que les masses photosphériques, ne trou-
\ ant plus de résistance à vaincre, se précipitent péle-mèle
comme poiu' combler une cavité. Il est impossible de décrire
en détail les phases que présentent les taches irrégulières,
mais on peut toujours y remarquer deux choses : i" l'exi-
stence des filets lumineux qui caractérisent leur structure ;
2" la convergence de ces filets vers un ou plusieurs centres.
Lorsque plusieurs taches sont réunies de manière à former
un seul groupe, on voit les noyaux qui les composent se sé-
parer l'un de l'autre d'une manière bien nette : puis, après un
jour ou deux, ils se rapprochent pour se réunir et se con-
fondre. Les masses photosphériques se dissolvent pour repa-
raître et se dissoudre de nouveau dans un intervalle de temps
quelquefois très-court. Le lecteur pourra se faire une idée de
ces bouleversements par la photographie de M. Rutherfurd,
— O'i —
([lie nous avons rcproiliiitc dans \i\. Jig. ■- ; on y voit un
i^ronpc roniposé tle quatre novaiix distincts séparés par des
liandes limuncnsos. Ces pluMioincnes très-complexes ne sont
sujets à aucune loi précise; la seule chose que l'on j)nisse
dire d'une luanière j;én(M"ale, c'est que les réj^ions où se
trouvent les taches sont !<* siéi,M' d'inHn<'nses niou\(Mnents
dans lesquels la matière parcourt des milliers tle kilomètres
en quelques secondc^s.
Nous Ihiirons en énonçant (pielques conclusions aux-
([Ueiles nous sommes conduits par tout ce que nous avons
exposé dans ce paragraphe. T' (^es phénomènes ne peuvent
avoir pour siège un corps solide : ils se produisent dans une
masse fluide et dont la fluidité est analogue à celle des 2;az;
la constitution de ce milieu doit donc être comparée à celle
des flammes ou des nuages. 2" Les détails ([ue nous avons
lionnes sur la constitution de la pénombre et sur les piiéno-
mènes qui s'y produisent nous montrent avec é\ idence que ce
n'est pas la masse obscure qui envahit la matière lumineuse,
mais que c'est au contraire la matière lumineuse qui se prcci-
j)ite dans les régions obscures : souvent même la masse bril-
lante semble surnager an-dessus des masses plus sombres qui
constituent le novau. 3" Les apparences que présente la
pénombre peuvent être j^roduites de deux manières : par des
coiu\ants isolés ou par des voiles It'gers et continus. Ces deux
éléments se trouvent d'ordinaire réunis ensemble. Les phé-
nomènes que nous allons étudier ne feront que confirmer ces
conclusions.
- 96 -
§ II. — Phénomènes observés dans les noyaux,
1° Les novaiix ne sont pas absolument noirs, comme on
pomTait le croire au premier abord; ils présentent même une
grande diversité dans la teinte plus ou moins obscure qui les
caractérise. Si l'on compare le noyau d'une tache avec le
disque d'une planète, Mercure par exemple, au moment de
son passage sur le Soleil, on trouve une très-grande diffé-
rence. Le noyau n'est donc pas absolument noir; par consé-
quent il doit émettre une certaine quantité de lumière qui
n'est insensible qu'à cause du contraste produit par l'éclat
de la photosphère . C'est ainsi que les satellites de Jupiter,
lorsqu'ils traversent le disque de la planète, s'y détachent
comme des points noirs, bien qu'ils soient éclairés par le
Soleil, parce que leur éclat est trop faible pour supporter la
comparaison.
Ceux qui regardent les taches comme des scories solides,
n'ayant point d'éclat par elles-mêmes, doivent trouver là une
difficulté sérieuse; pour répondre à cette objection, ils disent
que sur le fond noir des taches nous projetons le faible éclat
de l'atmosphère solaire ; la planète Mercure se trouvant en
dehors de cette atmosphère doit paraître plus noire que les
noyaux, bien qu'en réalité les uns soient, par eux-mêmes,
aussi obscurs que les autres. Cette solution peut paraître in-
génieuse au premier abord, mais nous ferons remarquer que
la lumière diffuse de l'atmosphère solaire est presque com-
plètement arrêtée par les liélioscopes que nous employons.
D'ailleurs, sans attendre le passage d'une planète, nous pou-
vons répondre par une observation facile à faire en tous
temps. Qu'on examine le fond du ciel, aussi près que pos-
— 97 -
sil)Ie (lu (lis([ii(' sol.iii'o, ;i une distaiuM' assez, jx-titc noui" rrii-
roiilnM' (•(M'tainciucnt ralmosplièrc du Soleil et la lumière qui
lui a|)particiit, ou rccoiuiaitra saus jx'iuc <|U(', même dans ces
conditions, le fond ainsi observé paraît plus noir que les
novaux. Galilée avait tlonc bien raison lorsqu'il disait que le
noyau d'une tache, vu dans les ténèbres, nous éclairerait plus
que les autres astn's, cl (|u il nous j)roduirait un effet com-
parable à celui d'une partie égale de la photosphère. Nous
renconti'erons ])lus tard une confirnuition éclatante et inat-
tendue de cette pensée du savant astronome.
2" Le noyau d'une tache n'est pas toujours également et
iniiformément obscur dans toute son étendue; on y observe
souvent des parti(>s Ijeaucoup plus noires qui ressemblent à
des trous. Cette observation est due à l'astronome anglais
Dawes, qui a étudié ce phénomène avec soin. L.es/ig. 44 5 47
et 4^ nous montrent ainsi, dans l'intérieur d'un novau plus
large, des régions à peu près rondes qui sont d'un noir plus
foncé que les parties voisines. Nous devons en conclure que
toute cette surface est recouverte de voiles et tic nuages de
différentes densités.
3** Les noyaux ne sont pas plus invarial)les que les pé-
nombres; les ch.angements qu'ils éprouv(Mit sont quelquefois
très-rapides, ce qui paraît bien difficile à concilier avec l'o-
pinion qui les regarde comme des corps solides. L'obser-
vation attentive faite avec de puissants instruments nous a
prouvé que toutes leurs variations sont produites par les
masses photosphériques (jui les envahissent de différentes
manières et par les courants partis de la pénombre qui vien-
nent à chaque instant modifier leurs formes et leur aspect.
Les taches circulaires présentent généralement plus de calme :
elles conservent hnirs formes pendant plus longtemps; mais
dans le cours de leur durée elles subissent cependant des
I. 7
-98-
modifications qui, pour (-tre Ijcaucoiip plus lentes, n'en sont
ni moins sensibles ni moins évidentes.
4^ Les plus anciens observateurs avaient déjà remarqué
que les taches qui se forment assez vite disparaissent en fort
peu de temps. Quelques-unes ont probablement une cause
toute superficielle, tandis cpie d'autres sont dues à des mou-
vements provenant des profondeurs du Soleil. Ces dernières
durent plus longtemps, mais elles sont sujettes à de grandes
variations, et l'on peut reconnaître des moments de recru-
descence dans l'action qui les produit. En 1866, nous avons
observé plusieurs taches qui ont fait jusqu'à trois et quatre
révolutions, et plusieurs fois, au moment où elles étaient sur
le point de disparaître, nous avons constaté cette recrudes-
cence de la manière la plus évidente. Presque toujours ce
phénomène est accompagné d'un changement de position.
Ce mouvement a généralement lieu dans le sens de la rota-
tion du Soleil. Il y a là quelque chose d'analogue à la posi-
tion des taches par rapport aux queues qui les suivent (').
Cassini cite des taches qui ont subsisté pendant quatre ou
cinq révolutions consécutives, mais les observateurs n'ont
pas remarqué si leurs dimensions restaient les mêmes et si
elles occupaient toujours la même position. Des mesures que
nous avons prises, et que nous reproduirons plus tard, il ré-
sulte que dans ces longues périodes les taches sont sujettes
à de fréquentes transformations. Quelquefois encore, nous
avons vu, ainsi que d'autres astronomes, une tache se former
à l'endroit où la précédente avait disparu quelque temps au-
paravant. De la Lande en a cité un grand nombre d'exemples;
Cassini a fait des observations semblables, et M. Carrington
C) Voir § I, 70, p. 91.
- 09 -
a, coimwc nous, coiiilniié ces lails en ajoulanl de iiomhrciiscs
observations à celles de de la l^ande et de Cassini.
5"* Assez son\('nl les taches s('iid)lent se dixiser. ([(-[tedi-
\ision peni n'èlre ([u'appai'enle, nn nouveau no\au se lor-
nianl jucs de 1 ancien et s'en séparant de plus en plus par un
niouveinent ra|)ide vers la j)artie antérieure. Mais souvent
aussi la di\ ision est réelle, et alors ell(^ se fait par ini méca-
nisme bien simple : la matière lumineuse se précipite des
bords, en\ahil I intérieur, forme des ponts et partage le
noyau en plusieurs parties, (les pojits ont un éclat très-Nif
et comparable à celui de la photosphère, c(^ qui prouve qu'au
lieu de s'enfoncer dans les profondeurs de la partie obsciu'e
ils sont comme suspendus dans les hautes régions d'où ils
semblent dominer les abÙTies ou les masses sombres qui sont
au-dessous d'eux. La tache du 25 septembre {Jig. 4-))
montre une de ces lignes lumineuses, qui la sépare en deux
parties : l'une est composée d'une foule de petits noyaux,
l'autre forme une seule masse noire sans division. Deux jours
après, cette ligne était plus grosse, les petites taches étaient
dissoutes, il y avait alors deux noyaux. Quatre jours plus
tard, le j)ont disparut, les deux novaux se confondirent,
et il ne resta cju'une tache simple.
].a Jig-. jo montre d'une manière assez claire le méca-
nisme de la division par l'apparition des langues de f(>u qui
envahissent le noyau de tous cotes.
Les anciens attribuaient ce phénomène à la lupture des
croûtes solides qui, d'après eux, formaient les taches : cette
théorie est inconciliable avec la véritable structure de la
photosphère et celle des parties intérieures des taches.
Dans ces derniers temps, on a voulu expliqu(M' le ])héno-
mène dont nous parlons en le comparant avec ce (jui a lieu
dans notre atmosphère lorsqu'un vaste tourbillon se divise
7*
- 100 -
en plusieurs autres; mais la comparaison ne nous paraît pas
justifiée par les faits. Les langues brillantes qui envahissent
les taches et finissent par les subdiviser ne présentent rien
clans leur développement qui ressemble aux phases qu'on ob-
serve dans la rupture d'un tourbillon. Quelquefois, d'ailleurs,
la division d'une tache n'est qu'apparente : cette illusion est
due à la production d'une seconde tache qui se forme à coté
de l'ancienne; elles se séparent quelquefois de plus en plus;
FifT. 5o.
dans d'autres circonstances, elles se rapprochent davantage et
finissent par se fondre en une seule après avoir été séparées
pendant quelques jours.
La division des novaux précède ordinairement leur disso-
lution et leur disparition. De même, lorsque les taches sont
sur le point de disparaître, on voit souvent diminuer leurs
dimensions : les noyaux deviennent de plus en plus petits;
bientôt ils se réduisent à des points et finissent par devenir
invisibles. Il arrive bien quelquefois que les tourbillons qui
se forment dans un fluide se subdivisent ou se fondent en-
- 101 —
semble; mais leurs subilixisions uepeiivenl être j)r()(luites par
(les lignes roiclcs : elles résultent toujours de segmentations
circulaires.
Nous venons de dire que les taches disparaissent souvent
en se rétrécissant : c'est prccisémt'ut le contraire de ce qui
arrive pour les cvclones qui, en s'élargissant, dimimient d'in-
tensité et fnnssent par disparaître en se confondant avec la
niasse d'air tianquille cpii les entoure. Il est donc impos-
sible d'établir une comparaison entre ces deux ordres de
phénomènes.
^ HT. — Voiles roses à l intérieur des taches.
Outre la division proprement dite, due à des j)onts dont la
matière possède un éclat comparable à celui de la photo-
sphère, il se présente souvent un autre phénomène que nous
avons eu l'occasion de remarquer déjà, et qui demande une
étude spéciale. Nous voulons parler des voiles très-minces,
de couleur rose, cju'on voit souvent dans l'intérieur des
taches, et dont nous avons un exemple dans \a Jig. 5i.
Ilerschel avait déjà constaté l'existence de ces voiles, il les
regardait même comme constituant la pénoml.>re; il est pro-
bable en effet qu'ils sont constamment mêlés aux courants et
aux feuilles. Plus tard, Dawes a])erçut ce phénomène d'une
manière beaucoup plus nette en mettant à l'oculaire de sa
hmettc un diaphragme percé d'un très-p<'tit trou; il \it, <'n
observant de grandes taches, que dans le no\au il v a des
parties plus noires, d'autres moins obscures, d'autres qui
sont recouvertes de voiles très-minces. Nous-mêmes, nous
avons vérifié plus d'une fois l'exactitude des observations de
Dawes; mais surtout nous avons • onstaté que les voiles sont,
— 102 —
non pas toujours, mais bien souvent colorés en rouge. Ils sont
du reste assez fréquents, et si les observateurs qui nous ont
précédé ne les ont pas remarqués, cela tient aux verres co-
lorés qu'ils employaient, et qui masquaient complètement la
couleur des objets; mais, avec un hélioscope polariseur, nous
avons presque toujours pu constater leur existence dans les
grandes taclies, surtout dans leur période de formation. On a
objecté aussi que cette coloration pourrait être due à un dé-
Fi<T. 3t.
faut d'achromatisme. Cette confusion, possible peut-être
pour les anciens astronomes, est absolument impossible pour
nous ; les nuages rouges que nous observons présentent des
formes si nettement tranchées, si différentes des colorations
vagues que produit l'aberration de réfrangibilité, qu'il suffit
de les avoir observées pour être fixé à cet égard, et le fond
noir du noyau sur lequel ils se projettent contribue singu-
lièrement à rendre toute confusion impossible.
L'orio^ine de ces voiles rouges et la manière dont ils se déve-
loppent montrent encore avec évidence qu'ils existent réelle-
- 103 -
nuMit et fjuo nous no sommes pas trompés par niic illu-
sion tr()pti([U('. Au mois (le février 18GG, apparut une tache
énorme (pie nous a\ons suivie avec beaucoup de soin. Un
trouble considéraljle s(^ manifesta {ral)or(l dans une vaste
région, occupant en loiiuitude les t^ , c'est-à-dire un j)eu
moins du quart du diamètre solaire • aussi le phénomène
élait-il xisibleà \iv[\ nu. On aurait dit une immcMise crevasse
j)résentant les formes les plus bizarres, parmi lesquelles sem-
blait donnner une courbe en forme de S. Au milieu de ce
chaos, nous remarquâmes mie région dans laquelle appa-
raissaient de grandes niasses de voiles roug(\s, comme le re-
présente \^Jlg- 5i .
La partie la plusremarqual)le était un pont en forme d'aiv
ou de fer à clie\al, formé d'une inalière extrêmement bril-
lante, et à l'intérieur une espèce de promontoire lumineux
semblable à une facule.
Le lendemain i-j [fig. S?.), nous trouvâmes l'arc brisé; le
tronçon était terminé en pointe mince et effilée; la partie dis-
- 104 -
parue était remplacée par un voile rouge; d'autres voiles,
rouges et blancs, coua raient le reste de la tache. De l'autre
coté du noyau, le grand courant qui existait la veille avait
presque complètement disparu : il était remplacé par une
traînée rouge. Nous avions à peine fini le dessin, que le
crochet qui se trouve à gauche s'était évanoui; la base seule
était encore visible, et le reste était remplacé par un voile de
teinte rose.
Une question se présentait alors d'elle-même. Y a-t-il dans
ces phénomènes une transformation réelle d'arcs brillants en
Fiîj. 54.
voiles rouges, ou bien faut-il y voir une superposition pure-
ment accidentelle? Pour résoudre cette importante question,
nous avons pendant longtemps, et avec beaucoup de soin,
surveillé et étudié les taches, et nous avons pu nous assurer
que les courants lumineux se transforment quelquefois en
voiles roses.
Le 23 janvier 18GG, nous examinions une tache en forme
— tOo —
(.le X ; deux jets tic l;inj;iu's JjrilUiiilcs s'elaiiraiciit de j)art < l
d'autre, et paraissaient devoir la diviser par un pont.
\Ai/ig. 53 représente ruiu' de ces gerbes de flammes vue à
ioVi5"\ Cinquante niimitcs plus tard, les langues de feu s'é-
taient effilées à leur extrémité; elles présentaient la forme
indiquée danslay?^. 5/|.
Fi;:. :.5.
Au bout de dix minutes, en remettant l'œil à la lunette, on
les vit transformées en voiles {Jig. 55; . Enfin les voiles se dis-
sipèrent, et à 1^45™ il ne restait qu'une gerbe de flammes plus
courtes qu'au commencement {Jig. 5G).
Fig. 5G.
On ne saurait donc doute r de la réalité de cette transfor-
mation. Un phénomène de cette nature ne peut s'expliquer
par de prétendues illusions que produiraient les hélioscopes,
car nous devons ces découvertes aux hélioscopes polariseurs
([ui ne sauraient colorer une partie du champ sans le co-
lorer tout entier. De plus, il faudrait être bien mauvais
observateur pour confondre, comme on a prétendu que
nous le faisions, les couleurs que présentent les voiles avec
- 106 —
les apparences qui résulteraient d'un défaut d'achromatisme
dans la lunette.
Terminons en citant une dernière observation. Le 23 sep-
t(Mnl)re 1866, le Soleil, se trouvant dans une période de tran-
([uillité, présentait une des plus belles taches nucléaires
(pie nous ayons jamais vues. Son noyau, vu avec un faible
grossissement, ressemblait à un ovale, ou plutôt à un losange
dont les angles seraient émoussés J^aJ/g. 5 7 la représente vue
■dvec un grossissement plus considérable. On y reconnaît la
structure ravonnée que possède ordinairement la pénombre;
le milieu est tout rempli de voiles roses et blancs, qui s'entre-
croisent dans toutes les directions. Si la coloration était due
à un défaut de l'appareil, comment expliquer qu'elle soit
visible dans la partie centrale, où les teintes sont plus faibles,
et non dans les endroits où la lumière est plus vive (i)?
(') Dans ce dessin, les voiles intérieurs sont seuls représentés avec précision; les
détails de la pénombre ne sont qu'ébauchés.
— 107 —
D(']">uis (•cite (^|)C)([ii(' nous ;i\ons sounciiI lr(>ii\('' ces masses
ronces dans rinlcricnr des taclu's, et nous en axons constaté
la nature chimique, pai- des piocédrs ([uc nous ferons con-
naître plus tard.
]Nous arrivons donc à celte conséqu<'Uce, que dans les
taches du Soleil il y a des amas de voiles roses (|ui parais-
senl analogues;» ces flammes qu'on aperçoit autour (hi disque
de la Lune pendant les éclipses solaires, et que l'on connait
sous le nom iX^, protubérances rouges. De plus, ces voiles nous
paraiss(Mit analogues aux cirri, ou plutôt à de légers Ijrouil-
lards, tandis (pie les grains penvcnt être comparés à des cu-
muli. Rien ne nons pronve qne ces cirri forment une couche
continue plus hasse (jue les cumuli ; nous voyons ces masses
enlremèlées les unes avec les autres, et il est bien difficile d<'
déterminer leur position relative. Nous pouvons seulement
affirmer que les pénomljres ne sont pas exclusi\ement com-
posées des voiles comme le supposait W. Ilerscliel, mais
qu'elles contiennent encore des grains et des courants qui
paraissent superposés aux voiles.
Toutes ces particularités se trouvent bien souvent réunies
dans une seule et même tache. La//^. 58, que nous avons
déjà étudiée à d'antres points de vue, nous en montre un
échantillon qui nous lait bien voir jusqu'à quel point la struc-
ture d'une tache peut être compliquée. Dans cette observa-
tion, fiite le 1 1 avril 1869 à 10 lieures, le noyau principal
était traversé ])ar un pont composé d'une doidjle ligne de
langues dont l'ensemble forme une courbe sinueuse; l'inté-
rieur de ce noyau est plein de a oiles, et l'on y remarque un
trou plus noir. Un peu plus bas, du coté gauclie, on voit une
espèce de tourbillon dont les fdets, de part et d'autre, se di-
rigent vers la partie supérieure en suivant les lignes courbes
( onvergentes. Plus bas encore, nous remarquons une cou-
- 108 -
roiine elliptique dont la partie supérieure semble laiieer de
nombreux filets, tandis que la partie inférieure est remplie de
plaques noires. A droite de cette partie principale et très-
compliquée, nous trouvons deux autres régions qui parais-
sent tendre vers la forme circulaire; leurs pénombres sont
remplies de courants qui convergent vers le centre, et la
gi'ande plaque qui se trouve plus bas présente un singulier
Fifr. 58.
coinçant angulaire qui revient siu' lui-même en rebroussant
chemin et qui parait suspendu au-dessus du novau. Tout le
contour de la tache est bordé d'une lumière assez vive, et de
facules faciles à saisir. Le diamètre total est de i' 3-", celui
des deux cavités principales est de l'^o".
Rappelons-nous que ces formes ne sont que transitoires .
la veille il n'y avait rien qui ressemblât à notre dessin;
le lendemain c'était à peine si Ton aurait pu reconnaître
quelque chose de ce qu'on avait observé vingt-quatre heures
plus tôt. Cela posé, des formes si bizarres, des variations sira-
— 109 -
|)i(l('s j)('U\<Mit-('II('s romciiii' à des scoi'ics solides ii;ii;(';iiil sur
une lave litjuide et incandescente? Ceux (|in ont soutenu cette
livpotlièse n'ont é\ ideiuineut j)as eu l'occasion d'ol)ser\er
inie tache seinblaMo avec un l)on instrument; une seide oh-
servation aurait suffi pour les convaincre.
Il est, au contraire, très-facile de tout ex|)Ii(|uer, et surtout
la suspension apparente des ponts dont nous avons parlé
préccdennnent, si Ton admet que le Soleil est composé d'une
masse possédant une fluidité analogue à celle des gaz, des va-
peurs ou des images. H ne faut pas même admettre, avec
W. Ilerscliel, que les voiles forment à la surface du Soleil
lUîe couche continue qui s'ouvre toujours parallèlement
aux novaiix ; car nous avons vu souvent des langues de feu
se projeter ])ien au delà des voiles, lors même que ceux-ci
forment le fond de la pénombre. Tout en regardant comme
certaine l'existence d(» deux espèces de nuages, nous ne pou-
vons donc pas admettre l'existence de deux couches distinctes
et continues.
Sans doute l'exphcation de toutes ces apparences n'est pas
facile, <^t nous ne l'aborderons pas ici; les obsei'vations spec-
trales nous fourniront des données nouvelles, et nous pour-
rons alors dire toute notre pensée; qu'il nous suffise, jioiir le
moment, d'avoir montré la singulière constitution de la pho-
tosphère solaire, et d'avoir conclu de ses mouvements si
vastes, si rapides et si complexes, qu'aucune substance so-
lide ne peut expliquer les phénomènes qui se produisent à la
surface du Soleil, et en particulier celui des taches.
§ W . — Ce qui se passe à l'extérieur des tacites : facules.
Les taches sont habituellement environnées de régions plus
brillantes que \o reste de la photosphère, auxquelles on
- MO —
donne le nom defaciiles. En général on fait peu d'attention
à ce phénomène qui paraît purement accessoire ; c'est bien
à tort, car nous ne tarderons pas à voir combien il est impor-
tant d'en tenir compte pour arriver à comprendre la véritable
nature des taches. jMalheureusement, il est difficile d étudier
les facules avec quelque précision, si ce n'est à une petite dis-
tance du bord, car au centre et tout près du bord on les
aperçoit difficilement. On peut cependant les suivre j usqu'au
centre du disque, en observant l'image du Soleil projetée sur
un carton blanc, dans une chambre parfaitement obscure,
dans laquelle ne pénètrent que les rayons destinés à produire
l'image.
Une tache est toujours environnée d'une couronne plus ou
moins large de facules ; leurs formes et leur disposition va-
rient beaucoup, non-seulement d'un jour à l'autre, mais sou-
^ent en quelques minutes. Cette région est donc le siège d'une
agitation considérable et dont l'étendue est beaucoup plus
grande que celle de la tache proprement dite.
Il est difficile de donner quelques règles générales pour ce
phénomène bizaiTe et capricieux. Il faut distinguer entre les
taches irrégulières et les taches cratériformes. Dans celles-ci,
les facules se détachent du contour de la pénombre comme
des ramifications ayant le noyau pour centre, et elles s'é-
panouissent dans une région trois ou quatre fois plus gi^ande
t[ue la tache elle-même. Elles forment une espèce d'anneau
Ijrillant autour des taches circulaires qui sont parvenues à la
période de tranquillité. Quelques-unes d'entre elles, plus
brillantes que les autres, sont isolées et percées d'un trou
noir en leur milieu, trou qui se développe souvent de ma-
nière à produire une véritable tache. Autour des taches irré-
gulières, elles sont distribuées au hasard; on les voit même
flotter dans les no vaux, comme des nuages floconneux ou
- m -
cominc (l«'s rraij,in(')its de inalirrc |)Iiotospli('ii(|ii(' l)iill;»iit
(lim \\\ éclat.
J.cs raniifit atioïis foriiiécs par les faculcs ne se distingiiciif
bien iietlcmeiit qu'à l'époque où le cratère (ju'elles euNirou-
nont se trouve daus la j)osition la plus favorable, c'est-à-dire
à une distance convenable du bord. C'est ce que nous vovons
dans \Ajig. Sq, représentant une de cestacbes rondes observée
par ]M. Taccbini, le 3 décembre i8Gj. Elle est entourée d'une
rii;. 59.
belle facule de laquelle ravonnent des ramifications ciu'vi-
lignes (|ui se divisent en brandies trés-irrégulières. Lorsque,
le lendemain, le cratère fut arrivé plus près du bord, on re-
marqua une proéminence sur le contour lui-même, à l'endroit
oii il était traversé par la facule [fig. (Jo . Le 29 juin 18GG,
lions asoiis fiit une observation semblable, et M. Taccliini
en a dessiné un grand nombre d'autres. Dans un de nos des-
sins, exécuté le i4 mars 18GG, deux brandies, plus brillantes
que les autres, renfermaient entre elles un espace plus sombre
j^résentant presque les rudiments d'un second cratère.
Il nCst ])as rare de voir des facules très-vives, isolées de
toute taclie, produire sur le bord du disque une j^roémi-
- 112 —
ncnce seiisil)le ; souvent alors le spectroscope fait savoir
qu'il y a une éruption en ce point.
Nous venons de dire que les facvdes sont plus facilement
\isil)les près du bord que vers le centre du disque; pour ex-
])liquer ce phénomène, on peut admettre deux hypothèses .
I ° que la facule est en réalité plus élevée que le reste de la
photosphère, ou bien i^ supposer que c'est une illusion pro-
duite par un éclat plus considérable de sa matière lumineuse.
La première explication est plus simple, et elle s'accorde
Fiff. 60.
parfaitement avec les observations spectrales. Dans ce cas, il
n'est pas nécessaire de supposer que la région des facules est
])lus lumineuse que les autres points de la photosphère ; on
comprend facilement comment le relief des facules peut les
faire paraître plus brillantes^ car, en s'élevant au-dessus du
niveau général, elles diminuent l'épaisseur de l'atmosphère
absorbante qui les recouvre, et parviennent ainsi à lancer
dans l'espace une quantité de lumière plus considérable. Il
n'est pas nécessaire qu'elles s'élèvent beaucoup au-dessus du
niveau général pour se trouver au-dessus de la couche absor-
bante, car nous verrons bientôt que cette couche est assez
mince. Cette explication ne peut cependant pas s'appliquer
à tous les cas; il est des circonstances où l'on doit admettre
qu'il y a réellement une plus grande intensité lumineuse ; nous
- 113 -
(Il Ncrroiis la prciixc l()rs(|iM' hdiis pailci'oiis «les <l(''t"OUN<'rl('S
(lues au sjx'i'trostoj»'.
Les laciilcs soiil iiilinicmciit li(MS avec les laclics. I.ors-
(InCIlcs sont Isolées. (Iles fiiiissciit soiivciil par >(■ percer en
leiii' centre d ini poic noii'. I.lles j)i-ece(lenl lial)iliiellein('nt
la lormatioii des tailx's, et alois elles sont ('XtrèiiK'inonl bril-
lantes; souNcnt aussi elles restent pendant quelque temps sur
remplacement d'une tache disj)arne.
l'.lles sont quelquefois disposé<'s de manière à former de
véritables queues à la suite des taches. ]\1 . de la Hue a exa-
miné i i'5'j taciies photographiées à l'Observatoire de Ke\\ :
584 présentaient ces facules à gauche, c'est-à-dire tlans la
partie postérieure; 5o8 avaient une disposition régulière et
svmétrique; 4J seulement avaient ime espèce de queue à
droite, c'est-à-dire dans la partie antérieure.
Cette disposition est une conséquence de la position qu'oc-
cupent, jiar rappcjrt aux taches, les queues proprement dites
dont nous avons parlé précédemment; les facules se trouvent
plus abondamment répandues dans la région la plus boule-
\er.sée, ce qui confirme l'opinion qu'elles correspondent aux
j)arties saillantes de la photosphère, car là où l'agitation est
si considérable il doit v axoir de grandes différences de ni-
veau.
On N oit quelquefois des facules disposées en forme de cou-
ronne circulaire, environnées de ramifications divergentes,
absolument comme celles dont nous a\ons donné le dessin
d'après M. Tacchini, sans cependant (pi il v ait aucime tache
à l'intérieur. Cela prouve tpie la masse noire qui constitue
le noyau n'est qu'accidentelle; l( s cratères peuvent se déve-
lopper sans avoir à leur intérieur cette masse noire qu'on re-
marque davantage. Nous devons dire que cette jiarticularité
se présente rarement.
I. 8
— 114 —
Les faoules ne l^rillcnt pas criin éclat uniforme tout autour
des taches; dans la partie antérieure elles sont plus petites,
mais plus vives; dans la partie postérieure, elles sont plus
nombreuses, plus étendues, mais moins brillantes. Elles sont
quelquefois indépendantes des taches, et alors leurs dimen-
sions peuvent devenir très-considérables; nous en avons vu
qui s'étendaient comme une vague lumineuse sur la moitié
du disque, mais en général elles sont beaucoup plus petites.
Leurs formes sont très-variables et jamais il ne nous est arrivé
de les retrouver au bout de vingt-quatre heures identiques à
elles-mêmes.
Les zones occupées par les facules sont plus étendues que
celles où l'on observe les taches ; on en rencontre quelquefois
jusque près des pôles, mais en général elles ne vont pas au
delà de Go degrés, et c'est dans la zone des taclies qu'elles
sont plus nombreuses. Aux époques de grande agitation,
on remarque près des pôles des calottes plus obscures,
bordées de granulations plus vives qui tracent quelque chose
d'analogue à des zones polaires; ces granulations sont de vé-
ritables facules, mais assez faibles. Elles sont quelquefois
nettes et bien tranchées; mais, dans les époques de calme, il ne
reste que des groupes isolés, peu lumineux, difficiles à dis-
tinguer.
Avant de formuler une hvpothèse définitive })our relier et
expliquer les faits que nous venons d'exposer, nous allons sus-
pendre un instant l'examen des phénomènes physiques que
présentent les taches pour étudier leurs mouvements. Avant
de commencer cette nouvelle étude, nous allons résumer
dans un dernier paragraphe ce que nous venons de discuter
assez longuement.
- iVi -
§ y. — Conclusions relatives à Ici structure des taches.
J>('S J)Ih'ih»iii('I1cs ([iH' nous Nciioiis (I ctiidicr eu détail nous
conduiscnl aux conclusions suivantes :
i" Les tailles sont le résultat de i^rands IjoulcNcrsenients
qui s'accomplissent dans la niasse dont le Soleil se compose.
De ces bouleversements il résulte |)our la surface extérieure
(le grantles dillérences de niveau, des soulèvements et des
dépressions; ces dépressions forment dans la ])liotosplière des
cavités plus ou moins régulières environnées d'ini bourrelet
vif et saillant. La profondeur de ces cavités n Cst j)as tres-
considérahle . les mesures de Wilson et les nôtres montrent
f[u'elle est a j)eine égale au tiers du ravon terrestre, c'est-à-
dire 212G kilomètres; en tous cas, elle ne dépasse jamais un
ravon terrestre, c'est-à-dire 63 7 y kilomètres. Quelle que soit
l'incertitude de ces résultats numériques, si nous avons égard
aux dimensions du globe solaire, nousde\ons dire que ce sont
des pliénomènes purement siq)erficiels.
2° Ces cavités ne sont pas vides; la résistance qu'elles oj)-
posent à la marclie des courants lumineux prouve qu'elles
sont remplies de vapeurs plus ou moins transparentes, et
nous l'cncontrerons encore d'autres preuves de cette vérité.
On regartlait autrefois la profondeur des taclies comme mesu-
rant l'épaisseur de la couclie pliotosj)bérique au-dessous de
laquelle on plaçait un novau obscur. Il est im[)ossible mainte-
nant de soutenir cette opinion : la jirfjfondeur des taclies me-
sure simplement l'épaisseur de la couche absorbante c[ui ar-
l'ète les ravons de la photosphère située au-dessous. Rien ne
prouve, en effet, que la couche lumineuse soit si mince et
qu'elle soit complètement déchirée là où se trouve mie
tache. L'existence d'un novau solide et obscur au centre du
8.
- 116 -
Soleil n'est qu'une hypothèse ; aucun fait positif, aucune ob-
servation directe n'en prouve l'existence. On est porté à faire
celte hypothèse parce que, involontairement et sans s'en
rendre compte, on assimile le Soleil à notre globe terrestre,
où nous voyons une masse solide environnée d'une atmo-
sphère gazeuse; mais cette assimilation est loin d'être légi-
time : elle ne justifie nullement l'hypothèse absolument gra-
tuite du noyau solaire. Nous l'avons déjà dit, les apparences
que présentent les taches peuvent s'expliquer par la simple
interposition d'une masse vaporeuse entre la photosphère et
l'observateur. La couche lumineuse peut donc exister au-
dessous des taches, et il nous est impossible de dire jusqu'à
(juelle profondeur elle s'étend.
3" Lorsque nous parlons de cavités dans la photosphère,
nous voulons dire qu'il v a mie dépression dans la surface
éclairante, d'où d iTsulte une sorte de cratère rempli de va-
peurs sombres qui s'enfoncent plus ou moins dans la masse
lumineuse, et arrêtent, par leur pouvoir absorbant, les rayons
émis par les couches inférieures. Les grains et les courants
qui composent la pénombre, les ponts qui traversent les
taches, sont des masses de matière pliotosphérique dont les
unes plongent en partie dans la matière obscure des novaux
pour s'v dissoudre, les autres flottent suspendues à des hau-
teurs plus considérables. On comprend maintenant comment
Ilerschel a pu être conduit à formuler sa théorie : observa-
teur très-attentif, il avait aperçu que c'était la masse bril-
laate qui envahissait la région obscure; de là il fut conduit à
admettre que le Soleil est composé d'un novau central obscur
recouvert d'enveloppes brillantes dont les solutions de con-
tinuité formeraient les taches en laissant voir la masse ob-
scure qui est au-dessous d'elles. Cette théorie n'est pas ab-
solument fausse ; l'erreur consiste à supposer que la couche
— Il" —
noire enveloppe roinplélenieiit le Soleil, lln'v a, au contraire,
(|u'un p«'tit nonihro de Iragnients détaelics et isolés de nia-
linc ohseure, j)longés dans les cavités de la photosphèi'e, (pii
cliei'c lie à les en\aliii" et ii les r<'c<)UMir complètement, (les
masses non éclairantes (|ni lo]"ni<'nt les noNaux des taches
pourraient être appelées des nuages si l'on ne craignait pas de
faire naître des écpiivorpies et de susciter des malentendus en
confondant la théorie (jue nous venons d'exposer avec celle
des anciens astronomes. Ceux-ci rci^ardaient les taches comme
des nuages suspendus au-dessus de la j)liotosphère, ce qui est
incompatihle avec les découvertes de Wilson et avec tous les
ti'avaux des astronomes contemporains. Evitons donc ce mot,
ou bien, si nous l'emplovons quelquefois, rappelons-nous le
sens précis qu'il ftiut y attacher.
4*^ Les faits ([ue nous avons exposés jusqu'à présent ne
nous éclairent pas beaucoup sur l'origine de ces masses ob-
scures; mais, en attendant c[uc des observations d'un antre
genre nous permettent d'aller plus loin, nous pouvons af-
firmer dès maintenant qu'elles doivent être le résultat de
crises violentes qui ont lieu dans l'intérieur du globe solaire.
Ces crises s'étendent à ime grande distance. Quelquefois
elles sont soudaines; d'autres fois elles s'accomplissent lente-
ment, leur action se renouvelle de temps en temps, et l'état
de trouble, dont elles ne sont que les manifestations exté-
rieures, persévère pendant ime longue période,
5° On reconnaît, en effet, dans ini grand nondjre de cir-
constances, un mouvement incontestable allant do l'intérieur
à l'extérieur, mouvement (|ui se manifeste par le soulèvement
et p<u' la projection de la matière lumineuse sous forme de
facule. En général, si l'on étudie avec soin le mouvement des
masses lumineuses qui se trouvent dans les taches, on trou\ e
(ju il est comparable à celui d'une matière vaporeuse sus-
- H8 -
pendue dans un milieu transparent. Les courants et les grains
de la pliotosplière sont aspirés vers le centre des taches, où
ils vont se dissoudre et cesser d'être lumineux ; ils ne sont
pas transparents, comme on le reconnaît lorsqu'ils se croi-
sent. On nn^onnait souvent ([u'ils sont suspendus à des hau-
teurs différentes et, à leurs points d(^ croisement, les plus
élevés empêchent de voir les autres.
Après cet exposé, on doit réduire à deux les hvpothèses
l'ciatiNes à la constitution de la photosphère : i° on peut ad-
mettre cpi'elle est composée de flammes proprement dites,
c"est-à-ilire d'une matière gazeuse incandescente ; 2° on peut
la regarder comme composée d'un brouillard lumineux, ou
d'une vapeur condensée, suspendue dans une atmosphère ga-
zeuse et transparente. C'est ainsi que sont suspendus dans
tiotre atmosphère les nuages dus à une condensation partielle
(le la vapeur d'eau ; seulement les nuages lumineux de la
pliotosplière sont composés d'une matière beaucoup moins
\ olatile et dont la température est très-élevée.
Si nous imaginons la photosphère ainsi composée, son as-
pect extérieur ressemblera, par ses inégalités et ses varia-
tions, à celui que présenterait notre atmosphère vue de la
Lune. La Terre, entièrement enveloppée de nuages, offrirait
à un spectateur placé en dehors d'elle une structure mame-
lonnée analogue à celle du Soleil, et souvent on observe
([uelque chose de semblable du sommet des montagnes. Dans
beaucoup de circonstances, mais surtout pendant les orages,
lorsqu'on se trouv(^ à une hauteur considérable, on voit,
comme dans le Soleil, des nuages en forme de ciimulis'dl-
longer Ncrlicalement ou s'étendre horizontalement, suivant la
direction îles forces qui agissent sur eux. Souvent même ils
subissent une dissolution partielle qui les transforme en cirri
ou voiles vaporeux, et c'est là ce qui complète l'analogie.
- 119 -
Celte lliéori(M'xj)liqu<', sans (jiril soit iiércssairc do rccoii-
lii' à (les vitesses fal)iileuses, la rapidité a\ec lafjnelle s'<'\e(ii-
Iciit certains eliaiijjeiiieiits de foi'uies dans les taches. I,e dé-
placement apparent d un nna^^c pent s'e\pli(pier sans sMj)p()ser
(pM- 1.1 nialière (pii le coinjJosL' a réellement jjirconi'n le
même espace (pie le contouf du nna^e lui-même : il suffit
pour cela d'un clian|4enient de température produisant d'une
part la condensation, d'autre part la dissolution de la \apeur
sur une surface tres-étendue. C'est ainsi (pie par un temp>>
calme nous nonous le ciel se cou\rii' de nuages j)res(pie in-
stantanément, ou l)ien s'eclaircir axcc la même i-apidite, les
courants dair axant une\itesse pi'es(pie nulle et incompara-
hlenient plus faible ([ue celle du mouvement apparent des
nuages. Un nuage peut, au contraire, paraitn^ innnobile mal-
gré un vent violent (pii devrait l'emportt^r et (pii emj)()rte réel-
lement avec une grande rapidité la vapeur d'eau (pii le com-
pose ; nous en vovons un exemple dans ce (piOn appelle les
nuages parasites de nos montagnes : l'air trav(M'sant unerc^gion
trè.s-froide, sa vapeur s"\ condense pour se vaporiser un peu
plus loin, de sorte cpie le même espace est toujours remj)li
d'un brouillard qui se renouvelle à mesure (pi il disparait. De
même, de la stal)ilité de rpiekpies taches on ne serait pas en
droit de conclure a linmiobilité de la matière solaire.
Les idées théoriques (pie nous xcikjiis (re\pos(M' s'accor-
dent parfaitement avec les apparences (extérieures et iivec les
phénomènes observés; mais cet accord pourrait paraitiv^ in-
sulflsant, et nous ne nouKmis pas encore en tir(M' des conclu-
sions (pi'on regarderait peiit-êlic comme j)rématuiTes; nous
n'adoplenjus une solution (léfiniti\e (jti après a\oir expos(*
les résultats des recherches spectrales.
(hielles (pie soient les idées (pi'on adopte sur la constitution
du Soleil, il semble nécessaire, dés maintenant, de regarder
— 120 —
la photosphère comme composée d'un fluide élastique ana-
logue à nos gaz et nous en trouvons une nouvelle preuve dans
les mouvements spiraux qui donnent souvent aux taches une
grande ressemblance avec nos cyclones. Ces tourbillons sont
plus fréquents dans la période de formation ; les mouvements
qui les produisent ne tardent pas à se régulariser pour donner
naissance à des courants qui convergent vers le centre du
novau.
Tels sont les principaux faits que nous révèle la simple
étude optique du Soleil. Ces observations ne nous disent'rien
sur l'origine des phénomènes que nous avons exposés, de
sorte que l'imagination trouve absolument libre le vaste
champ des hypothèses; aussi devons-nous attendre de nou-
velles informations qui nous seront fournies par le spectro-
scope, pour ne pas nous exposer à faire fausse route. Pour le
moment, lorsque nous examinons une tache parvenue à sa
période de tranquillité, tout ce que nous pouvons dire avec
certitude se résume en quelques mots : le noyau est composé
d'une masse obscure environnée d'une matière photosplié-
rique à l'état gazeux qui cherche à l'envahir et à la recouvrir.
Cette masse noire est-elle solide ou gazeuse?
Pour nous, la question est tranchée dans le dernier sens;
cependant, respectant des opinions différentes, nous atten-
drons encore de nouvelles recherches pour persuader nos
adversaires.
- 121 -
Cil APURE y.
MOUVEMENTS f.ENERAlX DES TACHES. — ROTATION D f SOLEIL.
§ I. — Importance et difficultés de la question.
A la lin (lu ('.ha|)iln' piiH-cdciit, nous avons indiqué plu-
sieurs questions ([u il est impossible île résoudre sans savoir
si les taches sont fixes sur le corps solaire ou si elles pos-
sèdent un mouvement propre de translation. Il est facile de
reconnaître qu'elles ne sont pas absolument fixes, à en juger
par leurs transformations et par la manière dont elles se .sub-
divisent en plusieurs parties; mais il s'agit de .savoir si, outre
ces mouvements accidentels, il n'y aurait pas ini mouvement
d'ensemble, les entraînant toutes dans une direction con-
stante. Cette translation, si elle existe, se combine avec la ro-
tation du .Soleil, et, comme cette rotation ne peut elle-même
être étudiée que par le mouvement des taches, on comprend
que la question qui nous occupe présente ime difficulté toute
particulière.
I>es premiers observateurs constatèrent des inégalités dans
le mouvement des taches , car ils reconnurent bien vite
qu'elles ne mettent pas toutes le même temps à décrire une
révolution entiêic. Scheiner trouva <pie la durée de cette ré-
volution variait tic vini;t-cin({ à vingt-sept et même vingt-huit
jours, (lalilée, persuadé que les observations de Scheini-r
étaient mal faites, voulut les reprendre et déterminer d'une
manière précise le temps qu'emploie le Soleil à tourner
* ^yy
autour de son axe; mais il ne réussit pas mieux lui-même; il
lixa cette durée à un mois lunaire, ce qui est une évaluation
bien grossière, et, de plus, il ne reconnut pas l'inclinaison de
l'équateur solaire sur l'écliptique.
Pour éliminer Tinfluence du mouvement propre, on ne
[M'ut emplover qu'un seul moyen, qui consiste à déterminer
la durée de rotation solaire en prenant la moyenne des durées
de rotation d'un très-grand nombre de taches. Si l'on n'em-
ploie qu'une seule observation, on commettra évidemment
ime erreur égale au mouvement propre^ lui-même; si l'on em-
ploie un tiès-petit nombre d'observations, il n'y a pas cer-
titude ni même grande probabilité de faire disparaître les er-
reurs; elles ne se compenseront suffisamment les unes les
autres que dans une grande série. jMème en employant cette
méthode, on ne connaîtra que la rotation moyenne de la sur-
face, et non celle de la masse intérieure; si par hasard il y a
un(^ différence, il nous sera impossible de le reconnaître par
la seule obser^ ation des taches ; il faudi'a pour cela recourir
à d'autres procédés.
Au siècle dernier, les géomètres se sont beaucoup occupés
de déterminer la rotation solaire d'après trois observations
il'une même tache; mais leurs solutions, élégantes et ingé-
nieuses au point de vue géométrique, n'ont pu être d'aucune
utilité pour résoudre une question aussi complexe. C'est ce
qui a fait dire à Delambre que ce problème est plus curieux
qu'utile, et qu'un astronome doit s'en occuper tout au plus
une fois dans sa vie, afin de voir si cette rotation demeure
constante [Astronomie, t. III, p. 59). Heureusement son
conseil n'a pas été suivi ; dans ces derniers temps, des sa-
vants habiles ont repris le problème d'une manière plus ra-
tionnelle, et ils sont arrivés à un résultat satisfaisant.
Une des difficultés les plus sérieuses résulte des change-
- 123 -
mcnfs (le loi-mc (|iré|)roii\('iit 1rs taclios; Kmh- rontoiii- \;i-
ri;m( d'im jour à r.uifi'c. nu n'est jamais sur de \ iscr l(Hi)()iii's
le mrmc point dans les ()l)scr\ ations siicressivos. ( )n (''\ito en
i;rantl(' partie cet nieoiiNenient en étudiant de prefei'eneo
des ta( lies rondes, ro^uli«''ros et cratérifornics ; l'expéiàeneo
|)roiivo (juollos \ariont peu et ([u'olles font souvent j)lusiours
révolutions su<("Ossi\('s. (lepc^ndant, mémo avec eetto pré-
caution, il \ a toujoui's (|uel(iues doutes sur ce point, et les
résultats sont toujours tivs-diseordants.
l'onr se faire une idée de la précision ([u il consiendrait
d'apportcM" dans ces ()I)s(>r\ ations, il suffit de rappeler tpi un
espace qui, vu au centre du disque, sous-tend pour nous lui
an<il(" d'une seconde, correspond à un angle liéliocentricpie
de V'iy . cL cette \aleur s'accroit à mesure c[u'on s'éloigne
du centre, si hien ([u'auprès du bord un arc d'une seconde
cori*esj)ond à '3 degrés en \ii'on.
4^ II. — Méthodes d'ohseivation.
On peut ol)ser\ei" les taciies, comme les autres corps cé-
lestes, avec la lunette méridienne ou bien avec l'équatorial,
en déterminant leur position par rapport ;uix bords (\y\
disque. Soient t et /' les époques des passages des deux bords:
t — i'
le passage Au eenti"e aura lieu a I epotpie t= : soit 6 l'é-
poipie du j)assage de la taclie : j'cMi (h^luis la différence de
son asc<Mision droite (pu est Aa = i ") t — 5) (H)s o, u étant
la déclinaison du .Soleil. Ou détermine ensuite a\<'c un
cercle \ertical ou avec m» é([uatorial la tlistance polaire des
bords du disque et de la taclie, et l'on en déduit la différence
de déclinaison du centn^ et île la tache elle-même. Celte
— 124 —
méthode est lons^iie, mais il est quelquefois indispensable de
l'employer.
En pratique, la meilleure méthode consiste à mesurer di-
rectement la distance de la tache au bord du disque, et, en
second lieu , l'angle de position , c'est-à-dire Fangle que
forme le ravon du disque passant par le point observé avec
le cercle horaire qui passe par le centre du disque lui-même.
Soit C le centre du disque ' fig. 6i ), Ci la direction de la
Fig. 6i.
lâche, NCS le cercle horaire passant par le centime du Soleil :
l'angle de position sera NC/. Lorsqu'on connaît cet angle et
la distance C/, on peut calculer la longitude et la latitude
héliographiques de la tache, c'est-à-dire fixer sa position
absolue, comme on la verrait du centre du Soleil. Cela se
fait par des formules connues * ) .
Comme il est impossible de prendre exactement la direc-
tion du centre , on dispose le micromètre de manière que
l'un de ses fils soit perpendiculaire, l'autre tangent au bord ;
il vaut mieux que le second fil empiète un peu sm' le disque,
comme on voit en rtin-. on jugera, par l'égalité des deux seg-
(') Voir la ?>ote l à la fin de ce volume.
- i23 -
iiu'riK m <•( /i, (jiic le l'ctn ulr est (oiiNriiahlcnicnl dispose. On
<)l)ti(Mil liiiM (les icsiilt.its ('xc'i'lh'iits ; mais il laut ccjinciiir
(|ii(' (•<'llc MK'tliodc est lahoriciisc, et qnCllc se |)r("'t(' mal a
une longue série (l'ohsei'Nalions. la méthode des projeelions
est préférable, mais elle ii'esl j).is >iiflisammeiit exacte et il est
nécessaire tle faire les correetioiis (jue nous asoiis imlifjiiées
dans le Chapitre 1". On peut les éviter en projetant, comme
font M. Spurer et M. Ileis, un réseau de traits rectangulaires
placé au fo\er même de l'objectif : de cette manière les dé-
Fig. 6a.
formations sont les mêmes pour l'image du Soleil et pour
(elle tlu réticule.
AI. Carrington a employé une autre mcthotle dans sa grande
série d'observations. Dans le plan focal de l'objectif, il plaça
(i(^\\yi fils d'or, ou, mieux, tleux fiK d'araignée AA.', BB'
{ fig. 62 , rectangulaires entre eux et inclinés de 45 degrés sur
le cercle horaire; puis il projetait ce réticule sur un écran,
et observait les instants où le l)ord du Soleil et les taches
\enaient successivement traverser les projections des fils. Ces
observations faites, il pouvait calculer facilement la distance
au centre du disque et l'angle de position. Cependant .
lorsque les taches sont prés du bord, cette méthode est dif-
li( ile à emplover, et elle ne donne pas des résultats très-
— J26 —
précis, car une petite erreur dans la détermination du temps
(Ml ])roduitune très-grande dans la position.
Dans une série d'observations très-délicates dont nous
parlerons bientôt, nous a\ons employé simplement la mé-
tlioch^ micrométrique; mais nous avons trouvé que les des-
sins exécutés sur les projections, lorsqu'on leur fait subir les
corrections convenables, fournissent des données suffisantes
pour les calculs ordinaires, et Ton peut parfaitement les em-
ployer pour la plupart des recherches qui restent encore à
faire.
Quel que soit le moven qu'on emploie, il faudra toujours
combiner un grand nombre d'observations pour rendre les
résultats indépendants des causes d'erreur que nous avons
signalées, ce qui constitue un travail très-considérable.
Les séries d'observations modernes les plus remarquables
sont celles de IMjM. Carrington et Spôrer , et celles qui ont
été faites à Rew sous la direction de M. de la Rue. Le grand
recueil deM. Carrington porte le titre suivant : Observations of
the spots of the Sun, from november 9 1 8 53 /o marcli 24 1 86 1 ,
made at Redhill by R. C. Carrington F. R. S., iUustrated by
116 plates (Williams and Norgate. London, in-4). Ce grand
Ouvrage renferme les résultats des observations, avec les
figures et les formules nécessaires pour les calculs.
La série de J\L Spurer se continue encore; les Astrono-
mische Nachiichten de Altona en publient les résultats à mesure
que les réductions sont faites par l'infatigable astronome.
Quant à la grande série d'observations photographiques de
Rew, elle a été étudiée à d'autres points de vue : mais on n'a
pas encore cherché à en déduire les lois de la rotation so-
laire. De 1 858 jusqu'à l'époque actuelle, nous avons dessiné
un grand nombre de taches; ces dessins, sans prétendre à
la précision que possèdent les photographies, peuvent ce-
- 127 -
pciulaiit fournir «rexccllciils icsiillats, et nous puisoroiis
souvent ilans notre coUeelion.
Notre j)ensée n'est pas de rejeter eoniplétement les sci-ies
anei<'nnes; nous verrons au eontrairc <|n On jxiil les utiliser
et (|u ('Iles sont niaintenanl plus précieuses ([u On ne le |)en-
sait autrefois. Les obsci"\ allons l'éeentes sont \enucs en i-e-
lever le prix en (onfirniant leur exaetitucle.
M. Carrington , après lui examen eonseieneieux de sa
i^rande série dObservations, rpii fut en grande partie cal-
culée et imprimée aux frais du CiouNcrnement anglais, con-
clut que, pour faire axancer nos connaissances plus (jn'il
ne l'a fait dans son Ouvrage, il faudrait une dépense d'an
moins jooo livres sterling i2jooo francs). Ce jioint de vue
purement financier pourra paraître convenable à un mar-
chand plutôt qu'à un savant; mais il est certain, et nos lec-
teurs en seront bientôt convaincus, que, vu le travail et l'as-
siduité qu'elles exigent, les recherches relatixes au Soleil ne
sauraient être l'anivre d'un amateur, ni même d'un sa\ant
isolé.
>^ III. — Rcsidtats ohteiiiis relatwemenl à la rotation du Soleil.
La détermination de la rotation solaire renferme trois élé-
ments : 1*" la durée de la révolution; 2" la position des nœuds
de l'équatinu' solaire par rapport à la ligne des équinoxes;
3° l'inclinaison de l'équateur solaire sur le plan de l'éclip-
tique.
Les anciens astronomes déterminaient séparément chacun
de ces éléments, en choisissant des observations faites dans
des circonstances convenables. Pour évaluer la duiée de la
révolution, on mesurait le temps (pi'emploNait une tache à
revenir au même [)oint du disque, par exemple au méri-
— 128 -
(lion central. Cette méthode, on le conçoit facilement, n'est
applicable que dans un très-petit nombre de cas. On ne peut
pas se contenter d'observer le temps qu'une tache met à
passer devant le disque, parce que sa trajectoire est partagée
en parties inégales par le contour apparent du Soleil, qu'on
aj)pelle souvent Vhorizon des taches. A la suite d'une étude
longue et minutieuse, Scheiner put évaluer à vingt-sept jours
la durée de la résolution synodique (c'est ainsi cju'on ap-
pelle la révolution apparente, dans laquelle la tache revient
au même point du disque par rapport à l'observateur). On
en déduit vingt-cinq jours et un tiers pour la durée de la ré-
volution sidérale, c'est-à-dire pour le temps employé par vm
point du Soleil à décrire un cercle tout entier par rapport à
la sphère céleste.
On déterminait la position du nœud <'n observant l'é-
poque à laquelle les taches semblent décrire des lignes
droites, l'observateur se trouvant alors dans le plan même
dans lequel se meuvent les taches. Scheiner trouva pour sa
longitude 69 ou 70 degrés.
Enfin on déduisait l'inclinaison de la grandeur du petit
axe de l'ellipse que décrivent les taches à l'époque du
maximum de courbure. Scheiner, avant toujours trouvé ses
résultats compris entre 6 et 8 degrés, adopta 7^,5 pour va-
leur approchée.
Cassini donna des résultats peu différents de ceux de
Scheiner, et déduits également d'un grand nombre d'obser-
vations. Ces résultats présentent un grand intérêt, et nous les
rappelons afin de reconnaître l'étendue des variations que
ces éléments ont pu subir. De la Lande a résumé dans deux
longs IMémoires ' * ) les travaux de ses prédécesseurs les plus
(') De la Lande, Mémoires de l'Académie royale des Sciences; 1776, 1778.
- lâ'J -
estimes. Il déterminn les éléments de l.'i rot.ition avec une
précision (|u'il eroyait très-j^rande, mais on ne tarda pis à
reconnailn» cpie son travail était défectueux, lîianclii reprit le
problème en 1820, en employant des méthodes plus exactes
et en réunissant un grand nombre d'observations par la mé-
thode des moindres carrés : il lui fut cependant impossible
de trouver des résultats satisfaisants. Plusieurs astronomes
eurent l'idée malheureuse de n'employer qu'un petit nombre
d'observations, et alors les anomalies se manifestèrent d'une
manière très-saillante, comme on peut s'en convaincre j)ar le
tableau suivant :
ASTRONOMES.
DURÉE
de la rotation
en jonrs solaires
moyens.
IXtLINAISOS
(le l'équaleur
solaire
sur l'écliplique.
LOXGITLDE
dii nœud
ascendant.
IvPOOLES.
Schcinei'
25,33
2j,58
25, V-
25,01
25,32
25,34
II
25,52
25,09
II
25,23'(
7030'
7.30
7.20
7- '9
7-''l
7- 9
6.5i
G. 57
0.38
7.15
(i.57
de 69° à 70°
70 . 1 0'
7S
8 ). 17
70.3:>
75. 8
73.29
76.I7
76.38
73. '10
7',.3G
1G75
1G78
1776
1775
1820
i8',o
1 8 1 1
i833
\%\x
1 85o
18Û6
De la Lande
Delambrc
Bianchi
Laiigier
Petcrsen
Carringlon
Sporer
Il y a entre tous ces résultats une discordance frappante.
M. Carrington la remarqua, et c'est ce cjui le détermina à
faire une série continue d'observations d'après la méthode
que nous avons indiquée.
Avant d'exposer les résultats auxquels il est parvenu,
faisons remarquer qu'on ne constate aucune variation con-
sidérable dans la longitude du nœud de l'équateur solaire,
I. 9
— 130 -
Scheiner donnait comme position du nœud ascendant 69
ou 70 degrés, ce qui fait actuellement 'y2'^55', en tenant
com])te de la précession des équinoxes. Ce résultat concorde
d'une manière suffisante avec celui de M. Carrington, vu le
})eu de précision des observations anciennes.
Il n'est pas sans intérêt de connaitre l'angle que forme,
d'après les recherches de Cassini ( ' ), l'équateur solaire avec
les orbites des autres planètes :
Mercure 3 . i o
Vénus, . 4 • ^
Mars 6.5o
Jupiter 6. ?.?,
Saturne 5.55
§ IV. — Résultais trouvés par MM. Carrington et Spùrer.
Le travail de M. Carrington, commencé en novembre i853,
s'est continué jusqu'en mars 1861. Les données de l'obser-
vation ont été discutées par une analyse savante et minu-
tieuse qui lui donne une très-grande importance. Dans sa
discussion, il prenait comme point de départ la valeur pré-
sumée la plus exacte des éléments de la rotation solaire, et il
s'en servait pour calculer d'avance les positions que devait
successivement occuper une même tache. Il déterminait en-
suite les différences entre les positions calculées et les posi-
tions observées, et ces différences servaient à calculer les
corrections destinées à rectifier les nombres primitivement
adoptés. Cette méthode est très laborieuse, mais très-sùre;
(') Cassini, Mémuires de l'Accidcinic rojiile des Hciences ; 173/|.
- 131 -
il y aurait lieu do l'appliquer aux observations anciennes et
à celles qui ont été faites depuis le travail de M. Carrington.
Nous comparerons les résultais ainsi obtenus avec ceux de
M. Sporer d'Anclani, puis avec ceux que M. ZoUner et
M. Hornstein ont obtenus par des moy(3ns tout à lait diffé-
rents. La méthode de réduction de M. Carrington a le grand
avantage de mettre en évidence les mouvements propres des
taches, en faisant voir la différence qui existe entre les ré-
sultats moyens et les observations particulières.
1° La première loi signalée par les observateurs est la con-
hrmation d'un fait déjà remarqué par les anciens : c'est que
les taches sont très-rares au delà de 3o degrés de latitude
héliocentrique. De la Lande en cite une qui fut observée à
4o degrés. Au mois de juin 1846, M. Peters, à Naples, en
observa une autre dont les coordonnées étaient 34" 20' de
longitude et 5o degrés de latitude nord. Cette tache est la
plus éloignée de l'équateur qu'on ait jamais observée d'une
manière certaine, car on regarde comme douteuse celle dont
parle Lahire, et qui aurait eu pour latitude 70 degrés nord.
La tache observée par M. Peters possédait un mouvement
propre très-prononcé, mais en sens inverse de la rotation
solaire; dans ce mouvement elle parcourait chaque jour
— 64' en longitude et -}- 11' en latitude.
On a remarqué aussi que les taches sont rares sur l'équa-
teur et qu'elles se montrent en plus grand nombre dans deux
zones situées symétriquement, au nord et au sud, entre 10
et 3o degrés de latitude
Les taches ne sont pas également réparties dans les deux
hémisphères, de même que leurs limites extrêmes ne sont
pas les mêmes de chaque côté de l'équateur; mais il y ji
compensation dans les longues périodes, et si l'on prend la
moNcniie poui' un grand nombre d'aimées, on trouvera peu
9'
- 132 -
de différence. Il en est de même pour la latitude à laquelle
correspond ce maximum ; elle est variable, mais sa position
moyenne est d'environ ±: 17 degrés. Enfin M. de la Rue
vient de trouver que les maxima semblent passer d'un hémi-
sphère à l'autre et que les lieux où se produisent les grandes
taches affectent des positions diamétralement opposées.
2^ La seconde loi, plus importante que la première, peut
s'énoncer ainsi : La rotation solaire na pas la même durée sur
tous les parallèles; la vitesse angulaire est maximum ci l'équa-
teur, et elle diminue à mesure que la latitude augmente : c'est
donc à Véquateur que V arc parcouru en un jour correspond à
un plus grand nombre de degrés. On a cherché à exprimer
d'une manière empirique cette rotation diurne. Nous don-
nons ici trois formules qui sont dues, la première à M. Car-
rington, la seconde à M. Faye, la troisième à M. Sporer
(I rcjjrésente la rotation diurne et X la latitude) (')
? = i4°25' — i65' sin"^).,
?= 14° 22' — i86'sin-A,
|=i6°,8475 — 3°, 38i2sin(>. 4-4i°i3').
Il est donc certain que la vitesse angulaire n'est pas la
même sur tous les parallèles. Nous ne connaissons pas la
vitesse de rotation près des pôles, et c'est seulement par ana-
logie que nous pouvons généraliser la loi. Au delà du 5o*^ pa-
rallèle, on n'a jamais observé de taches, et par conséquent
(') On a encore proposé plusieurs formules, mais elles conduisent toutes aux mômes
résultats. Nous en citerons seulement trois : les deux premières sont des modifications
de celle de M. Faye; la troisième est due à M. Sporer.
ç = 120, 82-t- i",55 cos 1)..
I =: I2°,982 -+- 1°, 3l I C0S2^.
f = I 2°, 92 -r I 30, 74 cos 2 .J.
— I.Ti -
oïl lie pcMl pns ('■IiidicrlM niniiicrc dont s'cxrciilc la rnlalion
noiir les l'étions plus cloii^nccs de r('(|natciii'. T.c seul plii'-
nonu'iio (|ui puisse scjaip de hase à (cttc ctiidc est celui des
facules; mais elles sont si variables dans leurs formes qu'on
ne peut avoir aucune confiance dans les résultats qu'on ob-
tiendrait par ce procédé. Nous avons étudié les changements
que présentent les zones des gramdations polaires, aussi bien
que les protubérances (jue nous avons observées près des
pôles, mais leur durée n'a jamais été assez considérable pour
qu'on puisse l(Hir voir décrire une révolution entière. En
mesurant la portion de la circonférence qu'elles ont par-
courue et la durée de leur mouvement, nous arriverions à
une révolution d'environ vingt-cinq jours, et de plus ces zones
seraient très-excentriques par rapport aux pôles.
Pour donner au lecteur une idée des mouvements que pos-
sèdent les taches sur chaque parallèle, nous empruntons les
deux tableaux sui\ants à l'Ouvrage de M. Carrington. Le pre-
mier (A) résume les tra% aux relatifs aux mouvements propres,
en nous montrant, pour les différentes latitudes où les taches
ont été observées, la quantité dont varient en un jour leur
longitude et leur latitutle. T.a première colonne indique,
pour chaque hémisphère, la latitude solaire moyenne des
groupes de taches dont les mouvements sont enregistrés dans
les deux colonnes suivantes. La deuxième et la troisième con-
tiennent la moveinic des mouvements diurnes en longitude et
en latitude, ces deux coordonnées étant exprimées en mi-
nutes de degré solaire. On a supposé que la révolution du
Soleil dure 2r>J,38o, et que, par conséquent, l'arc décrit en
un jour est de iV'i i'. Les signes ■+- ou — placés devant les
longitutles indicjiient <pie le moii\cment diurne o])servé a
dépas.sé ou ([u il n'a pas atteint celte \aleur moyenne. Les
mêmes signes -h ou — , placés devant les latitudes, indi(pient
- 134 -
dans chaque liéniisphùro un accroissement ou une diniinu-
lioii (le la latitude, c'est-à-dire un mouvement vers les pôles
ou vers l'équateur. La quatrième^ colonne contient le nombre
des taches qui ont fourni les éléments précédents : ce nombre
permet de juger l'importance qu'il convient d'attribuer aux
différents résultats; il fait également connaître les zones dans
lesquelles les taches se rencontrent en plus grand nombre.
- i:{r; -
Tmii.i \I, \.
r>ii inotuTinrnt pn>prc tliitrni' (/<■<; tdclicx dri/idl ih'<i nhsrn'ntiom
tic ('(inin'j^lon.
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MorVEME.NT IllinM;
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— Li
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- 136 -
Tableau B.
LATITUDE
nOTATlUN DIIRNE
POIDS,
MOUVEMENTS
des
en arc.
d'après le nombre
en latilnde.
taches.
des observations.
-4- .10 N.
787'
I
35
806
iS
-^ II .0
3o
824
■''9
-1- 3.5
25
83i
116
-t- 2.8
840
-+- I.O
20
IDI
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85 1
127
-h 0.2
- 1.0
10
859
142
5
863
85
— 2-4
-^ 3.3
Equateur.
8G7
5
— 1.6
— 5 S.
865
?>i
-H I .0
/
10
856
218
— 0.4
i5
845
98
-+- 0.8
20
839
200
H- 3.0
25
827
7J
-t- 1.2
3o
8i4
^'7
- 5.3
35
8o5
19
/,5
7 '9
2
Le second tableau est facile à com]:>renclre et résume d'une
manière plus claire les résultats du précédent. La première
colonne contient les latitudes liéliograpliiques des taches ; la
seconde montre la manière dont varie la rotation.
M. Fave a comparé cette rotation avec celle qui résulte de
la formule de Sptirer, et il trouve que les durées de révolu-
tion de Carrington sont plus faibles en moyenne de 0^,16 ou
de 3^' 8'". Cette différence est considérable, et l'on ne saurait
l'attribuer à des erreurs d'observation. Peut-être cela tient-il
à ce que les observations ne se rapportent pas à la même
époque, celle de Carrington appartenant à la date moyenne
de i856,7, et celle de Sporer à i8()2,5. D'après les dernières
recherches de M. Sporer, la valeur de | ne serait pas même
constante : elle varierait avec le temps d'après une loi qui
- 137 -
n'est pas onroro dôtonri in ('•<>. (le fait constitue nn des plus
siui^juliiM's jiliénnmènos de l'histoire du Soleil ; on en trou-
vera peut-èlre l'explication dans cet autre fait, que les taches
s{^ présentent en plus grand nombre à des latitudes qui va-
rient avec le temps. H y a là une question importante qu'on
ne pourra résoudre qu'en appliquant la même méthode de
calcul aux deux séries d'observations. Si alors la différence
.subsistait encore, ce serait im fait d'une portée immense,
car il en faudrait conclure que la durée de la rotation so-
laire varie avec le temps, ce qui ne peut pas avoir lieu dans
un corps solide. Dans un corps fluide, cette variation ne se-
rait pas impossible; mais elle supposerait des réactions inté-
rieures bien extraordinaires. Il faut donc attendre de nou-
velles observations avant de nous livrer à des spéculations
qui actuellement ne reposeraient pas sur un fondement suffi-
sant.
Nous avons voulu examiner jusqu'à quel point les o])ser-
vations anciennes étaient représentées par les éléments de
Carrington. Nous avons choisi pour cela un grand nombre
d'observations réduites par Lalande dans les Mémoires de
l'Académie des Sciences de Paris, pour les années 177G et
1778, et par Bianchi dans la Correspondance du Baron de
Zach, année 1820 ; en séparant les taches selon les différents
parallèles, nous avons trouvé que ces observations sont re-
présentées avec le même degré de précision que celles de
Carrington lui-mém(\
La durée de rotation {"ixéo. par de la Lande, Bianchi, etc.,
est donc exacte si l'on s'en tient aux latitudes héliogra-
phiques des taches ([ui ont servi à les déterminer.
Ainsi disparaissent les difficultés ([ni ont tant tourmenté
les asti'onomes relativement à la rotation solaire : Le Soleil
ne tourne j)as d'après les lois f/iic dcMait présenter le momcment
— 138 —
d'un corps solide; d'où résulte que, du moins dans la couche
qui est accessible à nos observations, nous devons le regarder
comme composé d'une masse fluide .
La troisième colonne contient une évaluation numérique
de l'importance qu'on peut attacher aux résultats, vu le
nombre des taches qui ont servi à les calculer : c'est ce que
nous exprimons par le mot poids. Cette colonne met en évi-
dence les zones où se produisent les maxima des taches. Si
l'on pouvait s'appuyer sur un nombre aussi limité d'années,
on pourrait dire qu'il y a quatre zones de maxima corres-
pondant aux latitudes :
+ 20, -h 10, — 10, — 20,
auxquelles les maxima observés sont
i5i, 142, 218, 200.
On peut aisément remarquer que ces positions correspon-
dent à peu près à celles où les mouvements en latitude chan-
gent de signe. Cette coïncidence est importante, car elle
semble indiquer une relation entre les mouvements en lati-
tude et les arcs qui servent de limites aux différentes zones
où se produisent les taches. Nous verrons cependant que
cette coïncidence est accidentelle -, on ne l'observe que dans
la période étudiée par M. Carrington, car les zones chan-
gent de position dans les autres séries.
3^ On peut encore remarquer que les mouvements en la-
titude des taches sont également variables, mais la loi n'est
pas aussi simple que pour les longitudes. La dernière colonne
du tableau précédent, extraite d'un tableau plus détaillé de
M. Carrington, montre que la loi est un peu confuse, le
nombre des observations étant sans doute insuffisant. Ce-
— r.v.) —
pondant co tablonu, (piclqnr iniparliul (pTil soil. nnns iicnnot
(Ir faire les rcniarcjucs suivantes :
a. De 5 à 20 degrés N., et de 10 à 1 5 degrés S., le mou-
vement est négatif, c'est-à-dire dirigé vers l'équateur;
/j. De 20 à 35 degrés N., et de i ^) à 3() degrés S., le mou-
vement est dirigé vers les pùles : pour les points plus éloi-
gnés, il est impossible d'étaljlir une loi; les taches sont trop
peu nombreuses et les résultats trop discordants pour qu'on
puisse en tirer aucune conclusion.
c. Les changements de signe les plus prononcés corres-
pondent H des points voisins de ceux où le nombre des
taches passe par un maximum ou par un minimum ; mais on
ne voit pas qu'il v ait, comme dans nos ouragans, une ten-
dance nettement prononcée vers les pôles.
d. En comparant les mouvements en longitude et en la-
titude, on voit que l'équateur ne divise pas les zones des
taches et leurs trajectoires en deux parties égales; la ligne de
démarcation semble coïncider avec le parallèle de 5 degrés
nord. Ce fait est important, et nous le rappellerons dans l'un
des Chapitres suivants, lorsque nous reconnaîtrons que l'é-
quateur thermique n(; coïncide pas non plus avec l'équateur
astronomique et que les protubérances solaires présentent
aussi une pareille excentricité.
Les lois que nous venons d'exposer résultent de la dis-
cussion des moyennes ; mais dans les cas particuliers il v a de
très-grandes divergences. Nous avons discuté par manière
d'essai les trajectoires de toutes les taches qui ont paru de-
puis le i*"' janvier jusqu'à la fin de juillet 18GG; voici les
conclusions auxquelles nous sommes arrivé :
Les éléments déterminés par M. Carrington, comparés avec
nos observations, laissent à désirer; ils donn<'iit des diffé-
rences systématiques (pii démontrent l'existence de varia-
-no-
tions réelles. M. Sporer a combiné nos observations avec les
siennes, et elles lui ont donné des résultats que nous inscri-
vons ci-dessous en regard des éléments donnés par M. Car-
rington ; tous les nombres sont ramenés à la même époque,
1869 :
ÉLÉMENTS.
CAHRINCTON.
SrOBER.
Nœud
Inclinaison
73037'
70,3'
i'l°i8'
25J.38
73037'
GO 37'
i'|0i6'
25J,23',0
Rotation diurne
Durée de la rotation
Ces deux séries de résultats doivent être regardées comme
préférables à toutes celles qu'on a données jusqu'à présent.
Leur différence est assez sensible, mais elle ne doit pas être
attribuée à des défauts dans les observations . Lorsqu'on les
emploie à calculer la position des taclies, on trouve toute
une série de taches cpii diffèrent des positions théoriques par
excès, tandis que d'autres en diffèrent par défaut; on en doit
conclure que nous sommes en présence de mouvements réels;
mais, pour démêler ceux-ci, il faudra un travail très-long et
très-soutenu. Nous allons exposer les travaux f lits à ce sujet.
lil -
CilAriTUE V.
MOUVEMENTS l' Il 0 I' U E S DES TACHES,
§ T. — Résultats généraux.
\:a recherche du mouvement propre des taches est un tra-
vail immense; nous aurions bien voulu nous en occuper,
mais, après l'avoir essayé, nous l'avons trouvé au-dessus de
nos forces. Nous exposerons cependant les résultats obtenus
par nous et par d'îuitres observateurs.
En examinant un grand nombre de taches observées au
micromètre pendant l'année 1866, et calculées avec la plus
grande rigueur, nous sonmies arrivé aux conclusions sui-
vantes, qui se trouvent également vérifiées dans la grande
série de M. Carrington, ainsi que nous l'avons reconnu de-
puis :
1° Toutes les fois ([uune tache se divise, ou qu'elle subit
un changement considéraljle dans sa forme, on observe tou-
jours un mouvement brusque, une espèce de saut qui se fait
invariablement vers la partie antérieure, c'est-à-dire dans le
sens où croissent les longitudes.
2^ Les grandes taches, même lorsqu'elles ont une longue
durée, ne sont pas exemptes de ces mouvements brusques,
et l'on remarque de temps en temps des recrudescences d'ac-
tivité dans la force ou dans le mouvement ([ui les produit.
(Exemple : tache du i4 au 2G mars, du 12 au 2*3 avril, du i^'"
au 12 juin, du 28 juin au () juillet.)
— 142 —
3*^ Les taches rondes cratériformes montrent une stabilité
plus grande que les taches dont les bords sont déchiquetés,
les noyaux multiples et irréguliers-, elles font souvent plu-
sieurs rotations.
If Les taches petites et superficielles ont des mouvements
très-irréguliers. Il en est de même des grandes taches, soit à
l'époque de leur formation, soit au moment où elles sont sur
le point de disparaître.
5" Toutes les fois qu'une tache change de forme, ou qu'il
s'en produit une autre dans son voisinage, on remarque une
perturbation ou un déplacement.
6" Les grandes taches, après s'être dissoutes, reparaissent
souvent à une petite distance de leur position primitive, mais
toujours vers la partie précédente. Ainsi la tache n*^ 43, après
avoir disparu, se reproduisit une trentaine de degrés plus
loin, sous la même latitude. Ces changements nous empêchent
d'affirmer avec certitude que la seconde tache soit réellement
due à la même cause qui avait produit la première : il ne faut
donc pas avoir une confiance absolue et sans réserve aux
coïncidences à longue période signalées par les anciens ob-
servateurs.
Pour donner au lecteur une idée de ces mouvements, nous
apporterons ici quelques exemples de taches qui ont duré
plusieurs rotations, et qui ont été calculées sur des mesures
micrométriques faites au grand équatorial du Collège Ro-
main, d'après le système de formules de M. Carrington.
Ces phénomènes montrent qu'il est impossible de ne pas
reconnaître aux taches des mouvements propres de transport
sur la surface du Soleil
- 143 -
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- 117 -
Un simple coiij) d'cril jeté sur les taljloaiix prérrcloiils nous
pcrmcltra de Taire {[iiel([iies remarques intéressantes.
I.a taelie n" 32 parut le 8 mai; ses coordonnées étaient
3'*4^' <l<' latitude, i()j°,2'| de longitude. Au houl de deux
jours, elle était divisée en deux parties ayant pour coordon-
nées, l'une 7° 9' de latitude et ()7", yS de longitude, l'autre
6°22' de latitude et 91", i/i de longitude. T.a longitude du
prenn'er noyau va en augmentant, tandis cpi'elle reste station-
naire j)()ur le .second; quant aux latitudes, on ne reconnaît
pas de mouNcment i"(''gulier.
Cette tache reparait le i'''juin (n°36); le second novau a
disparu, il ne reste que le premier. La latitude va en dimi-
luiant progressivement pendant que la longitude augmente.
Au !*"'■ juin, le diamètre était de 3" 5' ; le 9, il est réduit à i°'5c)'.
Le 4 jiiiii, il y ^ évidemment un saut brusque de i degré et
une grantle diniimition dans l'étendue.
Nous avons inscrit sous le n" 40 la troisième rotation de la
même tache (32 et 36). Nous y trouvons une latitude o.scil-
lante tandis que la longitude va toujours en croissant. Le
diamètre décroit jusqu'au 5 juillet, puis il augmente de nou-
veau en faisant des mouvements brusques qui annoncent sa
dissolution prochaine : en effet, cette tache n'a [)lus reparu.
Sous les n°* 39 et 43 se trouvent deux rotations d'une autre
tache. Du 20 au 2G juin sa latitude diminue, tandis que sa
longitude va en croissant. Pendant sa .seconde rotation,
elle possècU' lui mouvement en latitude très-prononcé, tandis
que sa longitude est très-stable et son diamètre constant.
Les variations de ce geiu'c ne sont pas des nouveautés : on
en retrouve de semblables dans toutes les discussions de
taches anciennes. Si nous nous appuyons ici sur nos observa-
tions personnell(»s, c'est pour convaincre le lecteur que les
variations signalées par les anciens ne résulUMit pas d'erreurs
- 148 -
dans leurs mesures, ou de défauts dans leurs instruments
comme on l'a cru pendant longtemps. Ces variations sont
bien réelles, car nous pouvons garantir et l'exactitude de nos
appareils et le soin avec lequel nous avons pris les mesures.
En partant de ces données, on trouve que les déplace-
ments des taches sont très-considérables et qu'ils s'exécutent
avec une très-grande rapidité. M. Laugier a trouvé qu'elles
doivent parcourir jusqu'à 1 1 1 mètres par seconde dans des
cas qui ne sont pas très-extraordinaires ( ' ).
]N~ous ne parlons pas seulement des variations de la lon-
gitude; le mouvement en latitude peut aussi être très-consi-
dérable et très-rapide. Ainsi Bianclii a observé une tache
dont la latitude a pris successivement les valeurs suivantes :
Première révolution
.. 6"o3'
Deuxième révolution . . .
8'^?.?'
Troisième révolution ....
.. 8"i8'
Quatrième révolution . . .
.. io"55'
Cinquième révolution. . . .
.. .4^5:'
Des changements aussi considérables doivent paraître sus-
pects, car il peut arriver qu'on ait affaire à des taches nou-
velles. On explique ainsi plusieurs anomalies contenues dans
les résultats de Cassini et de la Lande. Cette explication n'est
cependant pas toujours suffisante ; ainsi il n'est pas rare de
remarquer des variations en latitude de deux ou trois degrés
dans la demi-rotation qui s'exécute sur l'hémisphère visible
du Soleil, et la continuité des observations montre cependant
avec certitude que ces différentes positions appartiennent bien
à la même tache.
Nous pourrions multiplier ces exemples; mais l'essai que
(' ) Comptes rendus des séances de l'académie des Sciences, t. XV, p. /[Q!.
— liO —
nous v(Mîons de iaire siiKîra pour iiiontror au lecteur quelles
sont les (liffieultés que |)réseute la théorie de ces mou\e-
nients. Il n'y a peut-c'trc aucune t iche dont la révolution re-
prés(Mite avec exactitude la rotation solaire; comme nous
ne savons pas (pielles sont celles (pii s'en r;ipj)roclient le
|)lus, nous devons nous servir des données les plus dispa-
rates : aussi la correction définitive ne peut être que le fruit
d'un travail très-lonii; et très-pénihle ^1. Favc a cependant
réussi à trouver quelques règles très-intéressantes. En discu-
t uit les ojjscrvations de Carrington et celles des nôtres qui
se rapportent à des taches plus persistantes, il est parvenu
aux conclusions suivantes :
Lorsque les taches persistent pendant ])lusieurs rotations
successives, elles présentent^ non pas un mouvement progres-
sif, mais des mouvements oscillatoires dont l'amjilitude est de
plusieurs degrés et dont la durée dépasse de beaucoup celle
<le la rotation du Soleil; c'est donc une simple oscillation pé-
riodirpie donnant naissance à des courbes sinusoïdales très-
alloniïées.
Les longitudes j)résentent une oscillation j)ériodiqu(,' de
même durée.
La combinaison de ces deux mouvements fait décrire à la
tache, autour de sa position moyenne et dans le sens de la
rotation solain^ une ellipse dont le grand axe est dirigé vers
les pôles.
Les dimensions de ces ellipses et les durées de révolution
varient d'une tache à l'autre, et de plus ces phénomènes ne
se manifestent d'iuie manière évidente que pour les taches
qui persistent pendant plusieurs révolutions (').
Nous regrettons vivement que ]\L Fave n'ait pas donné
(.') Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, l. LXFI, p.3GS.
— 150 -
plus d'étendue à ses recherclies. Dans les questions de ce
genre, on ne p(nit pas attacher iine grande importance à
quelques faits particuliers; aucune conclusion ne peut être
certaine que si l'on a vu se reproduire un grand nombre de
fois le phénomène sur lequel repose le raisonnement.
§ II. — Conclusions qui résultent des faits précédents
et questions di^'erses.
Le lecteur aura sans doute remarqué a^ ec surprise le peu
de concordance qui existe entre les différents résultats que
nous venons d'exposer, et il en aura déjà tiré cette conclu-
sion que nos observations ne portent point sur la partie so-
lide du Soleil, mais seulement sur son atmosphère fluide.
En effet, lorsqu'un corps solide est animé d'ini mouvement
de rotation, il est évident que tous ses points doivent pos-
séder la même vitesse angulaire et qu'ils doivent mettre le
même temps à exécuter une révolution entière. Nous avions
donc raison de dire, en nous appuyant sur les changements
de formes des taches et sur les mouvements dont elles sont le
siège, que la couche photosphérique, dans laquelle se passent
tous ces phénomènes, est mobile comme les nuages qui flot-
tent dans notre atmosphère.
Plusieurs questions se présentent maintenant à nous :
1° Quelle est l'épaisseur de cette couche mobile? "2° Cette flui-
dité est-elle particulière à la couche photosphérique, ou bien
s'étend-elle au corps solaire tout entier ? 3" En d'autres termes,
existe-t-il dans l'intérieur du Soleil un noyau solide? l\° Ce
noyau n'est-il pas le siège d'actions physiques dont les taches
ne seraient que des manifestations? Toutes ces questions sont
importantes, mais les astronomes sont loin d'être d'accord sur
la solution qu'il convient d'y apporter. Il nous est impossible
— I.'il -
(le les rcsoiuliH' des nj;iiiil('ii;iiil : nous exposerons seulement
les (liff(M*entes ojiinions; nons 1<s disenterons sommairement,
nous réser\ant de dii-e. d.ins une autre partie de cet Ouvrage,
(juelle est la solution «jui nous pai'ait ressoi'tir de l'c^xamen
(les faits
1*^' \ous avons (K'^jà dit f|uo les anciens astronomes regar-
daient la profondeur d(\s taches comme mesurant lépaisseur
de la couche photosph(''ri(pie. Cette opinifju pouvait (ïtre ad-
mise lorsfpi'on ne se préoccupait pas de la nature de la cha-
leui". l()rsf[u'on pon\ait sup|)oser cprinie couche trc's-minee lût
capahle de produire, ou plutôt d'émettre, en la tirant du
Jieant, rimmense quantité de cliahun' (pie le Soleil perd par
le ravonnement. Otte hyp()thès(; est eu contradiction for-
melle avec les idées admises aujourd'hui par les physiciens;
le corps entier du Soleil doit prendre part à cette émission
de chaleur, ce qui ne permet plus d'admettre l'existence d'un
noyau obscur, solide et d'une température peu élevée, situé
a luie faible distance de la surface extérieure, comme l'indi-
querait la profondeur des taches.
On se rappelle que, d'après les recherches de Carrington,
la \ itesse de rotation n'est pas la même sur les différents pa-
rallèles; jM. Z(")llner a voulu expliquer ce fait en j)artant de
l'hypothèse d'un noyau solide^ recouvert d'une couche fluide
peu éj)aisse exerçant un frottement contiN' la surface du
noyau. Il est arrivé ainsi à la fcjrmule suivante :
A — B sin^ X
COS A
A l'aide des observations de Carrington, il a fixé connue il
suit la valeur des coefficients :
Pour lliemisplicrc nord A :^ 863', 8, B :-^ Gi3', ?..
Pour riic'inisplièrc sud B -^^ 63i', i.
- 1d2 —
Cette formule ne s'applique pas aux pùles : elle manque
donc de continuité, et elle ne représente pas les mouvements
observés a^cc la même exactitude que les formules empi-
riques; aussi l'hvpothèse sur laquelle elle repose ne paraît
pas acceptable,
2" De plus, les mouvements propres des taches ]:>rouvent
que ces phénomènes sont le résultat d'une agitation profonde,
qui s'étend à une couche d'une grande épaisseur et remue
avec une majestueuse lenteur une masse extrêmement consi-
dérable. Il nous est impossible de sonder les profondeurs de
la couche fluide qui participe à ce mouvement, mais tout
nous montre qu'elle est loin d'être aussi mince qu'on l'a quel-
quefois supposé.
Nous pouvons donc nous demander si la vitesse angu-
laire de rotation est la même pour tous les points de la masse
solaire; si la vitesse que nous observons à la surface n'est
pas absolument différente de celle de l'intérieur; si la couche
superficielle que nous étudions n'est pas entraînée, même
à léquateur, par un mouvement général différent de celui
qui existe dans les parties voisines du centre. Les arguments
directs nous font défaut, puisque les régions intérieures sont
cachées à nos regards; mais nous pouvons recourir à une
preuve indirecte qui n'est pas sans valeur, quoique, au pre-
mier abord, on puisse la trouver un peu singuhère.
M. Hornstein, discutant les observations magnétiques de
Prague, a trouvé dans le mouvement de l'aiguille aimantée
une variation dont la période est de aG*, 33 ( ' ). En s'appuyant
sur des raisons que nous apprécierons plus tard, il a attribué
cette variation à l'influence magnétique du Soleil ; si l'on admet
que la durée de cette période est la même que celle de la ro-
(') Proceedings of the roj-al Societj of London, vol. XX, p. 21.
tation SMi()(li(|U(', on trouve (juc la rotation vraie s'exécute
en 9/\K^yy. Le niai;nétisine nous revc'lerait donc une dni'ee de
i-otalioii ti'ès-dilférente d«' eellf (|ii<' nous in(li(|ue I ctiidr de
la surlaee iienerale. ni;iis idenli(|ur ;i |mii près à celle de la
région e(|uatoiiale.
Si nous nous rappelons la constitution primitive du Soleil,
nous trouverons cpie ce résultat n'a rien (jue de \raiseni-
hlahle. ( )n admet (pie la mas>e de matière cpii comj)ose
aujourd liui 1(* Soleil était autrefois répandue jus(ju aux
extrenntes de notre système planétaire. En se condensant
progressivement, elle a abandonné des anneaux cjui ont con-
tinue à tourner avec la vitesse qu'ils possédaient alors, vitesse
moins considérable pour les plus éloignés et plus grande au
contraire j^our ceux cpii sont ])lus voisins du centre. Cette
condensation, due aux pertes de cbaleur (pie produit le
ra\ onnenicnt. continue en(H)re auj(jurd"liui, l)ien {pTelle soit
extrémenicnt lente : il n'est donc pas impossible que la vitesse
du novau soit plus grande que celle des points situés à la sur-
face. Cette différence ne peut pas être Irès-considérabk^, car
les frottements et les mouvements intérieurs tendent à la di-
miiHier constamment; mais enfin elle peut exister, aucune loi
comme ne s'\ oppose, puisque nous avons affaire à un corps
dont toutes les parties ne sont pas invariablement reliées
comme celles des corps solides.
Cette tbéorie pont, au premier abord, j)araitre basardée,
mais nous ferons remarquer ([u'elle est d'accord avec les faits
observés, sans être en opposition avec aucun des principes de
la Mécanique. Fdle est d'accord avec les faits, car nous avons
constaté plus d'une fois (piil v a un mouvement brusque,
un saut en avant, non-seulement dans la période de forma-
tion, mais (»ncore aux époques de recrudescence où de nou-
velles éiuptions viennent modifier la forme des taclies. Ce
- loi -
phénomène s'expliquerait parfaitement en admettant qu'une
masse de matière, lancée de l'intérieur du Soleil, arrive à la
surface avec son excès de vitesse, et possède, du moins pen-
dant quelque temps, un mouvement relatif dirigé dans le
sens où croissent les longitudes.
Nous ajoutons que cette explication n'est en opposition
avec aucun des principes de la jMécanique. Il est vrai qu'un
illustre savant l'a stigmatisée en la dénonçant comme une hé-
résie théorique. Cette accusation est gi\ave, et elle emprunte
une gra\ité toute particulière à la haute autorité de ^I. Ber-
trand qui Ta formulée ( '). Ce jugement si sévère n'est ce-
pendant pas sans appel, et nous espérons convaincre le lec-
teur que notre pensée a été mal comprise.
Voici les paroles de M. Bertrand : « La molécule poussée
de l'intérieur vers la surface v arrivera, dit-il le P. Secchi),
avec son excès de vitesse! Cela est absolument contr;ure à la
vérité. Le principe des aires sera respecté, puisque la force
motrice est dirigée suivant le ravon. Or, d'après ce principe,
la vitesse angulaire varie en raison inverse du carré de la dis-
tance, et la vitesse linéaire, perpendiculaire au rayon, en rai-
son inverse de la distance ; de telle sorte que la différence
pnmitive, que l'auteur explique précisément par l'application
du principe des aires à ces molécules qui tournent autour
d'un centre, disparaîtra com])létement en vertu du même
principe, quand ces molécules se trouveront amenées à la
même distance du centre. »
La question se trouve donc ramenée à ce point précis : doit-
on appliquer le principe des aires au mouvement d'une masse
qui, partant des profondeurs du glohe solaire, se dirige vers
la surface? La réponse doit être affirmative si, comme le sup-
(') Journal des Savants; juillet iSy'i, p. 481.
- i:ir; —
pose M. lîcrliMiid, la Inrct' niotrifc csl diri^Vc siii\aiil h;
ra\()ii, c'cst-à-dii»' si le mol)!!*' csl siinplcnicnt sollicilé par
I attiailioii ct'iilraK' et soumis aii\ lois de l'iiicrli*'. il iii-ii
scr.i pas de iiirinc si iiiic iioiincIIc loi'cc iiitci's i«'i»t, ainsi
(jnc nous ra\t)ns hiiMi claircnK iit su[)posé ('); dans ce cas,
la loi dt's aires cesse tic s'apj)li(juer ou du moins elle ne s'ap-
plicpic plus de la même manière, et les molécules venant de
riuléri(>ur à la surlace peuvent apporter avec elles leur excès
de vitesse : nous allons le montrer paruncxcmplehien simj)le.
On sait (pi'un corj)S tond)anl d'une grande liauteiu' ne suif
pas exactement la verticale : il est dévié vers Test ; de même
un projectile lancé verticalement de Las en haut, avec une vi-
tesse considéral>le, ne suivra pas exactement la verticale : il
sera dévié vers l'ouest dans son mouvement ascensionnel,
delà tient à ce cpie les différents points d'une même \erticale
avant la même ^ itesse angulaire possèdent une vitesse linéaire
proportionnelle au rayon du cercle qu'ils décri\ ent. INIais on
peut su})poser que les différentes parties d'une masse tour-
nant sur elle-même ne sont pas invariablement reliées entre
elles; dans ce cas, la vitesse angulaire pourra varier d'un point
a un auh-e d'uiH' manière quelconque. Supposons (pi'en (h ux
points si! lies sur la même verticale la vitesse linéaire suivant la
|)erj)eii(li(idaire au ra\<)n soit l;i même : ces deux points n'ayant
pas la même ^ itesse angulaire ne resteront qu'un instant sur
la même verticale; mais si, à cet instant, un mobile est lance
de l'un de ces ])oints vers l'autre, il y parviendra réellement,
sans eprouNcr de déviation ni en a\ant ni en arrière Si enfin
la \it('ssc linéaire était |)lus grande au point le plus bas, un
mobile lancé de bas en baul an ixerait en éprouvant, })ar rap-
port aux molécules situées sur son jiassage, une déviation
(') Le Soleil, i""» édil., p. io4 et io5.
— loG —
clans le sens tlu mouvement. C'est précisément l hypothèse
que nous avons proposée pour expHquer un phénomène ob-
servé par nous dans le mouvement des taches. Xous avons
supposé une rotation plus rapide à l'intérieur du globe so-
laire qu'à la surlace; puis, sans prétendre assigner les causes
qui seraient capables de produire ce mouvement, nous avons
admis qu'une force quelconque peut amener vers la surface
une masse de matière partie de l'intérieur du Soleil. Ces hypo-
thèses peuvent être arbitraires, selon 1 expression de iM. Ber-
trand, mais elles ne contiennent aucune hérésie théorique.
3° Mais laissons de coté cette digression; pour le moment,
nous vovons que la discussion ne doit porter que sur un
seul point : Le noyau du globe solaire est-il liquide ou ga-
zeux? Si l'on ne consitlérait que la température, on n'hé-
siterait pas à se prononcer pour la fluidité gazeuse; mais il
faut aussi tenir compte de la pesanteur et de la pression qui
en est la consé([uence ; aussi les données que nous avons
exposées jusqu'à présent ne suffisent pas pour résoudre la
question : il faut attendre que nous avons fait connaître des
faits plus décisifs. Comme nous avons hasardé le premier
l'hypothèse de l'état gazeux du Soleil (' ), nous nous borne-
rons à dire que, sous la pression énorme qui doit exister dans
l'intérieur de cet astre, la constitution des gaz peut être très-
différente de celle cpie possèdent ces mêmes corps aux faillies
pressions sous lesquelles nous les étudions. On sait mainte-
nant que les corps ne passent pas l)rusquement de l'état ga-
zeux à l'état liquide ; il y a un état intermédiaire étudié jadis
par Cagniard-Latour, et plus récemment par Andrews. I.e
Soleil, quoique gazeux à la surface et très-dense au centre,
(') Dullettino meteorologico deW Osse/vatorio Jel CoUegio Romano, i genn. iSG^,
- i:;t -
j)()Uirait clone, ;i paiiir (rime (('rtaiiic proloiulcur, avoir une
seniMahlo ("oiislitulion, <'t l'on poiinait \ oir une confinnatioii
(le cette idée dans la lad)le <lensit('' niovenne (jn il j)oss«'dc
(i,/|5), ni.ilj2[i*é l'énornie pression qui tend à le ( ()nij)rinier.
De plus, on sait que, dans cet étal, de laihles variations dans
la pression peu^('nt protluire de grandes vai'ialions de vo-
lume : n V aurait-il pas là lui nioven d'expliquer les violentes
éruptions qu'on observe souvent?
On a objecté (pie. si le Soleil était gjazeux, il serait transpa-
rent : il serait donc impossible d'expliquer rexistence des
taches et la netteté avec laquelle se trouve limité son contour.
Otte objection prouve tout au plus que la photosphère n'est
pas dans un état parfaitement gazeux, mais qu'elle est com-
posée, connue l'admettait Wilson, de matière précipitée en
suspension dans un gaz, ou bien qu'elle se trouve dans un
état (le Iransition, connue nous le disions tout à l'heure. Dans
l'une conune dans l'autre de ces hypothèses, le Soleil conser-
verait la mobilité ([ui caractérise les gaz sans en avoir la
transparence.
Si cepentlant on veut admettre que la photosphère est
composée de gaz enflammés, nous répondrons : i° que
ces flammes, quoique gazeuses, ne s'étendent pas au delà
d'une certaine limite; 2° que les vapeurs, sous une épaisseur
considérable, sont loin d'être transparentes comme le sont
les gaz parfaits, l'oxygène, l'hydrogène, etc. Nous verrons
(jue riivdrogène lui-même cesse d'avoir une transparence
parfaite sous une grande épaisseur. A plus forte raison les
vapeurs métalliques ne se laissent pas parfaitement traverser
par la hmiière, sans quoi elles ne seraient pas visibles. Or
on sait qu'elles sont visibles, soit directement par les rayons
(|u'elles émettent, .soit indirectement par l'absorption qu'elles
font éprouvera la lumière qui les traverse. L'atmosphère qui
— 1d8 —
entoure notre globe, malgré son état parfaitement gazeux, ne
jouit pas d'une transparence parfaite. Quant à l'atmosphère
qui enveloppe le Soleil, elle est si peu transparente que,
au centre du disque, elle absorbe au moins la moitié des
ravons lumineux émis jîar la photosphère. On a beaucoup
exagéré la parfaite transparence des gaz incandescents : le
carbone acquiert dans nos flammes une transparence presque
absolue, et cependant M. Hirn a prouvé que la lumière, en
traversant un petit nomlDre de flammes plates, perd jusqu'à
8,6 pour loo de son intensité (' ). Les vapeurs métalliques qui
composent le Soleil doivent posséder un pouvoir absorbant
l)eaucoup plus considérable.
4** La quatrième question est plus complexe, et nous y
reviendrons plus tard, lorsque nous aurons complètement
étudié les lois qui régissent la rotation du Soleil.
§ IIL — Recherches théoriques sur la rotalion du Soleil.
Les recherches de Carrington ont montré que la vitesse de
la rotation solaire n'est pas la même à toutes les latitudes,
résultat confirmé par l'étude des observations anciennes. Les
])livsiciens se sont occupés de rechercher l'explication de
ce fait extraordinaire. Nous avons déjà parlé des essais de
]\L ZoUuer, essais qui n'ont pas été couronnés d'un succès
satisfaisant. D'autres savants, partant également de l'hypo-
thèse d'un novau solide, ont comparé les mouvements de la
(') Annales de Chimie et de Physique, /j^ série, t. X\X ; 187,3. M. Hirn admet, dans
ce Mémoire, que les particules incandescentes en suspension dans la flamme de-
viennent réellement transparentes; et, en efîet, certains métaux en fusion, comme
le fer, le cuivre, etc., sont réellement translucides.
- ir.o —
pliolosnlicrc ii celui de nos nciiIs ;ili/.(''s : nous dcNons dis-
cuter cett<' li\ pollu'sc.
Los marins et les iii('l('()i'olo<;ist('s saNciit pai'faili'iiiciit ([u d
existe dans la zone toi ride des cornants atmosphériques soui-
llant constannnent du nord-est dans l'Iiéniisplière nord, du
sud-est dans riiéniisphère sud. ('es (M)urants résultent du mou-
vement de rotation de la Terre eondjinc av«'e la force il'ap-
|)el (ju'exerce la chaleur du Soleil en échauffant les régions
équatoriales et en déterminant par là un mouvement de has
l'ifT. G3.
N
Y
/
r.
w
K
\
K
en haut. In \ide tend;uU ainsi à se former dans la zone tor-
ride, l'air des régions voisines se piveii)ite pour le remplir.
Dans ce mouvement, l'air passe d'un parallèh» de rayon plus
petit à un parallèle de rayon plus grand : de là une diflérencc
de vitesse qui produit l'effet d'un vent soufflant de l'est;
enfin, ce courant se comhinant avec le mouvement de trans-
lation de l'air lui-même des pôles vers l'équateur. il (mi
résulte des vents composés et inclinés par rapport à l'équa-
teur, comme nous l'avons indiqué plus haut. Soient NS le mé-
ridien [fig. (')3i, E\V l'équateur. T.'appel d'air causé par la
chaleur solaire j)roduit deux: courants op.posés, NC et SCI,
dirigés des pôles à l'équateur. Les molécules qui arrivent
des régions polaires sont animées, sur le parallèle de départ,
— 160 —
d'une vitesse nioiiitlre que celle du point d'arrivée. Si donc
nous considérons un spectateiu' j)lacé au point C, il se porte
au-devant des molécules cpii arrivent de part et d'autre avec
une vitesse plus faible que la sienne : il en résulte donc le
même choc que si, lui étant immobile, elles venaient à sa
rencontre avec une vitesse égale à la différence des deux
autres. De là un vent d'est qui, combiné avec les courants
polaires, devient nord-est dans l'hémisphère boréal, sud-est
dans l'hémisphère austral.
Ces courants inférieurs sont accompagnés de courants su-
périeurs d'une élévation de 2000 à 3ooo mètres, soufflant du
sud-ouest dans notre hémisphère, du nord-ouest dans l'hé-
misphère sud. De plus, au delà du 3o^ degré de latitude, il
existe des zones de calme dans lesquelles l'air descend, se
divise en deux parties dont l'une se dirige de nouveau vers
l'équateur, tandis que l'autre va en sens contraire et sert à
alimenter les courants polaires.
Telle est, en peu de mots, la nature de cette grande circu-
lation terrestre dont on a cru reconnaître l'existence dans
l'atmosphère solaire. Cette théorie n'a rien d'impossible en
elle-même. On pourrait bien objecter que le Soled n'est pas,
comme la Terre, soimiis à l'action d'une force extérieure
capable de déterminer ces mouvements en échauffant de pré-
férence les régions équatoriales ; mais il n'est pas impossible
que le même effet soit produit par une cause tout intérieure ,
et, de fait, nous verrons que la température est plus élevée à
l'équateur qu'aux pôles.
ÎMais, au lieu de chercher s'il existe des causes capables de
produire une circulation analogue à celle des vents alizés,
suivons une méthode phis positive, et voyons si les faits se
prêtent à ce mode d'interprétation. Dans ce mouvement
atmosphérique, les taches se trouveraient dans le courant in-
- ICI -
foricur. ou dans le roiir.in! siiprriciir. J);ms la premier.' Iiv-
pothcsc. partant d'iiii |)aiallt'l(' on la Nitcssc est moins fonsi-
(léral)l('. elles ari'i\ eraient a r<'(piateur a\('c un mouvement
rolalil (lnii;(' en sens ennlraire di- la rotation iijenei'ale. jji
effet, une taciie, possédant la \ilesse pr()|ii-e d'un parallèle
plus élevé, lors([u'elle se trouve trairsportée à l'ecinalenr,
ne décrira plus dans le même temps un arc d'un même
nond)ie de dei^rés. Sa vitesse ani^nlaire paraîtra donc plus
faible, et j)ar suite les taches, dans le \oisinage de recniateui".
j)araiti-ont min'clier |)lus lentement ([iianx latitudes ele\ées.
Or cette conclusion. iuévita])le dans la théorie des \cnts ali-
zés, est en contradiction formelle avec les faits observés.
^ o\ons si nous réussirons mieux avec le courant supérieur
(pii \ a de l'écpiateur aux pôles. Vjnc taclie partant des régions
voisines do l'équateur emporte avec elle une vitesse plus
grande (pie celle des parallèles (péelle \a |)arconrir : elle doit
donc, a mesure (pi'(dle s'éloigne, se ti'ouxcr en a\ance sui' le
mouvement des régions où elle arrive; et, par consécpient, si
nous supposons les taches situées dans le courant supérieur,
elles marcheront plus vite sur les parallèles plus éloignés de
la zone écpiatoriale, résultat ([ui est, aussi bien que le pré-
cétlent. inconciliable a\('C les faits observés.
IK' «pielque manière cpie nous essayions (raj)plitjuer au So-
leil la théorie des vents alizés, nous arrivons à un résultat con-
traire à la loi bien établie du mouvement des ta( lies en lon-
gitude, j)uisque c'est à ré(piateur (jn «'lies possèdent la plus
grande vitesse.
Nous n'avons tenu comj)te. dans cette discussion, que du
mouvement en longitude ; mais, en outre, les taches jiossè-
dent aussi un mouvement en latitude dont l'existence ne sau-
rait être contestée, quoiqu'il ne soit ni aussi régulier, ni aussi
bien étudié. Les observations de C.arrington ont mis en évi-
I. Il
— 162 —
dence des lionnes nodales et des cliangemeiits de signe qui in-
diquent un transport des taches vers l'équateur solaire entre
les latitudes 23 degrés nord et 20 degrés sud. Au delà de ces
limites, le mouvement devient divergent et les taches se di-
rigent vers les pôles. Si ces mouvements étaient constants et
réouliers, ils seraient réellement comparables à ceux qu'on
ojjserve dans les alizés terrestres; mais, outre leur peu de pré-
cision et de généralité, les recherches déjà citées de M. Faye
prouvent que le transport de l'équateur vers les pôles n'est
Fis- 64-
laiiaùm
pas constant. Si nous ajoutons cette remarque à la discussion
que nous venons de faire du mouvement en longitude, nous
voyons qu'il devient impossible d'appliquer au Soleil la théo-
rie des alizés.
]Mème sur la Terre, il ne faut pas confondre le mouvement
des alizés avec celui des ouragans ou des cyclones. L'obser-
vation prouve que ceux-ci ont un mouvement à peu près
perpendiculaire à la direction générale des alizés : \^Jig. 6^,
que nous empruntons aux travaux de Piddington, met en évi-
dence les deuxphénomèmes : les flèches droites donnent la di-
rection des alizés et les arcs paraboliques représentent le
mouvement de translation des ouragans. La zone où naissent
— IG3 —
ces météores est celle où se réunissent les impulsions con-
traires (les moussons et des alizés. On voit qu'un observateur,
qui de loin regarderait la Terre, la verrait tourner plus len-
tement aux jioints qui correspondent aux cvclones. S'il en est
de même dans l'atmosphère solaire, le mouvement des taches
peut être très-différent de celui de la masse gazeuse qui h^s
(Mivironne; elles auraient ainsi une vitesse plus grande à l'équa-
teur, plus faible sur les parallèles : dans ce cas elles pourraient
être assimilées à nos cyclones. Cette opinion, émise depuis
longtemps, est soutenue depuis quelques aimées par IM. Fave,
qui regarde toutes les taches comme des tourbillons.
Cette théorie, admise dans une certaine mesure, peut ex-
pliquer un grand nombre de faits; mais elle ne nous paraît
pas a^oir la généralité que lui attribue M. Fave. Nous n'a-
vons jamais nié l'existence des taches tournantes : nous
avons même constaté plus d'une fois que certaines taches
affectent la forme spirale. De plus, on en voit souvent qui
obéissent à la loi de circulation des cyclones : elles tour-
nent dextrorsum , c'est-à-dire comme les aiguilles d'une
montre, dans l'hémisphère austral, et sinistrorsum dans l'hé-
misj)hère boréal ; mais nous avons déjà fait remarquer que
le nombre de ces taches est très-petit relativement à celles
qui ne présentent rien de semblable. De plus, dans ces der-
niers temps, nous avons étudié plusieurs taches en détermi-
nant jour par jour la position des ponts et des langues : ces
mesures nous ont appris que le mouvement tourbillonnant
change souvent de direction ; il est donc impossible d'attri-
buer ce phénomène à une cause persistante comme celle qui
produit nos cyclones. De là nait une difficulté sérieuse qui,
jointe à l'absence de transport systématique de l'équateur
vers les pôles, ne permet pas de comparer les taches aux cy-
clones terrestres.
— Ifii —
Il doit cependant v avoir un mouvement de rotation dans
toutes les taches. Nous avons vu que la matière lumineuse se
précipite de toutes parts vers le noyau. Cet afflux de mo-
lécules provenant de parallèles où les vitesses sont diffé-
rentes doit produire un mouvement tourbillonnant, comme
il arri\e dans notre atmosphère même pour les orages ordi-
naires. 3Iais, comme la rapidité avec laquelle tourne un tour-
billon dépend principalement de la vitesse avec laquelle la
matière se porte vers le centre, si cette vitesse est fîiible, le
mouvement gvratoire sera peu rapide; le frottement pourra
même le rendre insensdjle en ralentissant le mouN ement cen-
tripète. Si une tache était une région vide ou considérable-
ment raréfiée, cette vitesse serait très-grande; mais si elle
est remplie de matière, si elle ne diffère des régions voisines
que parce qu'elle contient une masse un peu plus froide et
plus absorbante, la vitesse du mouvement centripète sera
assez faible poin- que la rotation qui peut en résulter soit in-
sensible. D'ailleurs, si les taches sont des centres d'éruption,
il peut s'y produire une force centrifuge capable de détruire
l'effet de la force centripète, ou même de produire un effet
contraire ; or il est incontestable que la production des
taches est intimement liée avec les phénomènes d'éruption.
Nous avons déjà fait remarquer que, au moment de dis-
paraître, les ouragans terrestres et les taches solaires se com-
portent de manières absolument différentes; les ouragans se
ddatent, les taches se contractent; les ouragans se dirigent
vers les pôles en rebroussant chemin dans leur mouvement
en longitude, les taches suivent une tout autre direction, et
leur mouvement rotatoire n'est considérable que dans la
])remière phase de leur formation, lorsque l'éruption est
plus violente.
Enfin, si nous admettons que les taches peuvent être com-
- IGS —
parées à nos ouragans, il faudra, pour les expliquer, trouver
une cause capable de déterminer ces crises, il ne suffit pas
(rinvo(|uer le mouvement de rotation du Soleil, ni le trans-
port de la couche mobile, soit dans un sens, soit dans l'autre.
Ces causes sont constantes et permanentes, tandis cjue les
taches sont des phénomènes intermittents et variables. Leurs
causes doivent être de même ordre (juc ((ilcs qui déter-
minent la production des ouragans terrestres, causes qui
nous paraissent irréguliéres et accidentelles, parce que nous
non connaissons point l'origine. On a dit que chaque pore
qui se produit sur le Soleil est un véritable tourbillon, et
qu'ainsi ces tourbillons recou^rent littéralenicnt la surface
du globe solaire : il n'y a là qu'une hvpothèse sans aucun
fondement dans l'observation ; nous avons étudié ces pores
avec soin et p(M\sévérance sans v rien découvrir qui puisse
faire soupçonner l'existence de ce prétendu niou\ement
tourbillonnant. Quant à la cause déterminante de ces phé-
nomènes, nous la trouverons dans les éruptions solaires (pie
nous étudierons plus tard; nous verrons que la théorie des
tourbillons et celle des éruptions, loin de se contredire, se
complètent l'une l'an Ire.
Pour le moment, bornons-nous à constater que les taches
paraissent douées d'un mouvement de translation générale
contraire au mouvement qui entraine la masse entière du So-
leil. Nous .sommes amené à cette conclusion par des faits de
différentes natures : i" la discussion des observations magné
ti(jues de M. llornstein; 2" la présence, à la partie posté-
l'ieure des taches, de queues plus ou moins agitées, semées de
lacules et de petites taches ; 3" la disposition des facules qui
sont j)lus vives et ])lus étroites à la partie antérieure des ta-
ches, tandis cpielles sont nombreuses, plus larges, mais plus
pâles ;i la partie postéi'ieure qui présente elle-mènu^ sur
- 166 -
son contour nn renflement que ]M. de la Rue appelle un
bourrelet. Tous ces faits conspirent pour nous faire voir à
la surface une circulation générale différente du mouvement
qui anime la masse intérieure.
Il nous est impossible de formuler une tliéorie expliquant
d'une manière absolument satisfaisante cette circulation ex-
ceptionnelle de la masse solaire ; nous allons cependant pro-
Fig. 65.
poser une livjjotlièse que nous soumettons au jugement des
savants compétents.
Le Soleil se refroidit d'une manière progressive en perdant
de la chaleur par le rayonnement; nous verrons plus tard
comment on peut évaluer ces variations. Cet abaissement de
temjîérature produit nécessairement une diminution de vo-
lume dont nous allons examiner les conséquences.
Supposons un globe NES { fig. 05); par suite du refroidisse-
ment, la surface NES prend au bout d'un certain temps la posi-
tion rpq^ le point E étant descendu en /;, le point a en c, etc.
Dans ce mouNcment de contraction, les différents points se
rapprochent inégalement de l'axe de rotation NS : le ])oint E.
- 167 -
s'en rn|)|)i'()<li(' de la (|iiaiilil(' V.p, tandis i\\\v le point n s en
est lapproclic sciilcMK'iit de la ([iiaiililé
ad = ac l'os ccul --^ V./) cos /,
). étant la latitude du j)()int a. On voit donc (juc le rayon du
cercle décrit par un point ipielconque se raccourcit d'une quantité
proportionnelle au cosi/uis de lu latitude ; ce raccourcissement
est //Knif/iuni à l'i'f/uateur, et il diminue pros^ressivenient jus-
(pi'au pôle où il est nul.
Su|)|)osons donc un ^lobc tournant autour d'un de ses dia-
mètres et dont tout» s les parties sont soumises à la gravitation :
le ravon venant à diminuer, il en résultera, en vertu de la loi
des aires, nn accroissement de ^itesse angulaire déjxndant
du caire de cett*' même diminution : la vitesse s'accroîtra
donc à l'ccpiateur plus (pi'en tout autre j)oint, et sur un |)a-
rallele de latitude X, cet accroissement pourra être regardé
conune jiroportionnel à cos^)..
Ce résultat serait l'une des formes sous lescjuelles peut
se présenter la loi de Carrington, et l'excès de vitesse des ré-
gions équatoriales serait ime consé(pieiice du refroidissement.
M. Roche est arrivé à la même conclusion en considérant
seulement la condcmsation progressive delà masse nébuleuse
(|ui a formé le Soleil, et il admet que l'accélération actuelle
ivsulte de cette action j)rimitive; il est évident que, grâce au
frottement, cette accéléi'ation de\raif disparaître a\ec le
temps; mais, connue la contraction du<' au refroidissement se
produit dune maniei'c |)ermanente, I accelei'ation C(|uatoiMale
(|ui en résulte doit égalenu-nt persévérer.
Cette dimimition de volume du Soleil peut être tres-laihie.
assez faible j)our qu il soit impossible de la constater dans un
intervalle de tem|)s aussi court (pie celui cpii s'est écoulé
depuis réj)oque ou l'on a connnencé à fau'c des mesures pré-
— 168 —
cises ; et cependant, vu limniensité du globe solaire, elle peut
être suffisante pour expliquer les différences de vitesses qui
nous ont été révélées par l'observation.
§ IV. — De quelques irrégularités apparentes clans
le momement des taches.
Lorsque l'on étudie les mouvements en longitude d'une
tache, on trouve, comme nous l'avons dit, des variations
très-considérables et qui paraissent tout à fait anomales.
]Mais en dehors de ces mouvements irréguliers, on con-
state, auprès des bords, des aberrations systématiques dont
on peut saisir les lois : près du ])ord oriental, la tache paraît
se rapprocher du centre, sa longitude augmente, et, près
du bord occidental , elle parait marcher en sens contraire
et s'approcher encore du centre pendant que sa longitude di-
minue. Ainsi donc, dans la partie orientale du disque, les
arcs diurnes se trouvent augmentés, tandis qu'ils sont di-
minués dans la partie occidentale.
Après avoir remarqué ce fait en examinant les tableaux de
M. Carrington, nous en cherchâmes la cause, et nous fûmes
porté à l'attribuer à la réfraction de l'atmosphère solaire.
Déjà JM. Carrington avait indiqué cette source d'irrégularité,
mais il ne l'avait pas étudiée avec le soin qu'elle mérite.
.Soient amn [fig. (j6 ) le globe solaire; //aS la couche atmo-
sphérique dont il est couvert. Si cette couche possède un
pouvoir réfringent assez considérable, un rayon émané du
])oint ^, au lieu de suivre la du^ection qe suivant laquelle il
se propagerait dans le vide, sera dévié suivant une courbe,
telle que qro tangente à la droite qe. Ce ravon ainsi tlévié
pourra parvenir à l'œil d'un observateiu' placé en o, pour
lequel le point q fût resté invisible sans la réfraction. Un point
— IGO -
(|iirlc()iu|ii(* (IcN iciidi'a donc \isil)lc pour nous un peu ;i\;uif
(le li'ancliir le ccrrlc (jui loi-nic le contour |;conu'lii(|u<' Au
Soleil, et (|ui, sans la l'ciraction, séparerait la partie \isil)le
(le la partie invisible; les laelies seront done \isil)lesun peu
plus tôt (I un e«»le du dis(pie, tandis cpie de I autre elles dis-
paraîtront un peu plus lard. ()n j)onrra. pour le eal( iil r;l;ilil
à ces plienoHR'ncs, eniploxer les loriniiles (pii serxent a e\a-
luer linfluence de nos réfractions atmosphériques sur le lever
et le coucher des astres.
Pendant ([ue nous examinions 1 inOuence des retractions
dues à ratmosphère, M. Faye donnait une antre explication
des irreijularités systématiques (pii se produisent prés des
hords du disque. D'après lui, ces anomalies seraient |)ro-
duites par un phénomène qu'il a appelé la parai/axe de profon-
deur, et fjui résulte en effet de ce que h^s taches sont des ca-
vités.
Supposons (Jii^\ C)~ une tache axant la forme dune ca\ité
coiiKpie. L'observateur \ ise le (^eiitre n du no\au, et dans
ses éNaluations il le rapj)orte au point c/ ou son ra\on visuel
reiK^onfre la surface de la |)liotosplirre. Si la tache occupe le
- no -
milieu du disque, le rayon visuel dn passant par le centre C
(lu Soleil, le point visé se projettei'a au centre même de la pé-
nombre. jMais si la tache se trouve auprès du bord, le point m
visé par l'observateur suivant la direction K/;?, au lieu d'être
rapporté à l'extrémité a du rayon solaire Cmrt, paraîtra pro-
jeté au point K où le rayon visuel rencontre la photosphère;
la lâche paraîtra donc s'être rapprochée du centre de la quan-
tité r/K. Quand on cherche à calculer l'influence de cette pa-
Fig. 67.
'■•<^^!S^\
rallaxe, on trouve qu'elle produit une erreiu" proportionnelle
à la tangente de la distance liéliocentrique de la tache, et ex-
primée par la même formule trigonométrique qui sert pour
les réfractions. Il devenait donc impossible de déterminer,
par le simple résultat numérique des formules, la part qui
revient à chacune de ces deux causes dans la production
des mouvements apparents qui nous occupent. Le doute
était d'autant plus permis que les calculs faits par M. Faye,
en partant de son hvpothèse, attribuaient aux taches une
profondeur bien plus considérable que celle qui résidte des
mesures directes, car il leur assignait un rayon terrestre pen-
dant que l'observation directe donne à peine un tiers.
L'observation pouvait seule résoudre la question, en four-
171
lîissMiit (les (loiiiK'Os iu)ii\ elles, l'oiir cel,!. il falhiit clierclier
à se soiistraiic a ruiic «les i\ci[\ causes (reireiii-, aliii de j)oii-
voir t'valiK r I iiilluciice de l'autre. Il élail t'\ idemnient im-
|)(»ssil)le (TcN iter la rôfrartioii ; mais je pensai riiiil serait pos-
sible (reliniiiier la parallaxe (l«> j)r(ifnii(leui" en |)reiiant la
position (les (leii\ bords (le la laelie, et en ealenlanl scMiaré-
nicnt leurs coordonnées hélioojrapliifpies. .l'eus le honlieur.
en i8("»(), de reneontrei' fjuel(|ues t.iilies trcs-reguliercs et
a\anl un laihle inouNcnient en longitude, surtout celle du
I G juin au <) juillet, et celle du i i au 2^ juillet, .le les sui\is
joiu* par jour a\('c l)eaucoup de soin, prenant des mesures
micrometriques avec le grand réfracteur, et j'obtins les ré-
sultats inscrits dans des tableaux dont sont extraits ceux du
paragraplie précédent.
Après avoir ainsi cmLc les erreurs dues a la parallaxe
de profondeur, on trouve encore une perturbation dans la
marche en longitude, et ces perturbations, cpii sont toutes
dans le sens iiidi(|ué par la théorie, ne peux eut être attrd)uées
qu'à la rétraction. Cependant leur valeur ne dépasse pas
de beaucouj) la limite des ernnu's d'ol)servation. Nous
sommes convaincu (jue la réfraction solaire existe; mais nous
ne pourrons l'évaluer qu'après avoir fait de nombreuses ob-
servations sur des taches d'inie régularité et d'une stabilité
extiMordinaires ; * ).
Ce sont ces mesures, prises avec le plus grand soin, qui
nous ont appris que les taclies .subissent souvent de très-
grands changements dans leurs dimensions réelles, et que
tout changement de forme ini j)eu considérable entraîne une
irrégularité dans la marche en l()ni;itud(\
('" f'oir les Comptes rendus des séances de l'.-icadéinie des Sciences, 1866,
t. I.XIII. i, ir..{-i70.
- 172 -
La théorie de INI. Faye, sur la parallaxe de profondeur, se
trouve ainsi parfaitement vérifiée, et à son tour elle sert de
confirmation aux idées de Wilson, Les taches sont donc des
ca\ ités ; mais ces cavités sont-elles produites par des éruptions
volcaniques, ou bien sont-elles dues à des tourbillons ana-
logues à nos cvclones? Nous traiterons cette question lors-
que nous aurons recueilli toutes les données nécessaires pour
la résoudre. Une circonstance nous ])orterait dés à présent à
adopter l'assimilation avec les cyclones : c'est que le maxi-
mum des taches coïncide avec les limites des zones où se
produit le renversement du mouvement en latitude; mais ne
nous hâtons j)as de tirer des conclusions qui pourraient être
prématurées.
§ y. — Rcsum' des moiacments des taches.
On voit, par tout ce que nous avons dit jusqu'ici, qu'au
lieu d'observer le mouvement de rotation du corps solaire
lui-même, nous en sommes réduit à étudier celui de son at-
mosphère. Nous sommes donc dans les conditions où se trou-
verait un astronome ([ui voudrait, en se plaçant dans la Lune,
déterminer le mouvement de rotation de la Terre, en prenant
un nuage pour point de repère. Il lui faudrait tl'abord étu-
dier la circulation atmos})hérique et en déterminer les lois,
tâche bien difficile, et à peu près impossible dans de pareilles
circonstances.
Les connaissances que nous avons acquises nous permet-
tent cependant de diviser les mouvements des taches en trois
catégories :
La première comprend tous les mouvements généraux , et
à ce point de vue le résultat le plus important est l'inégalité
des rotations sur les divers parallèles; la vitesse angulaire est
- 173 -
maxiiniim ;'i r(''(Hi:ilciii\ et clic (limiiiiic l()fs(nic la lafitiidc
auiiinciilc.
La (Iciixicmc calci^oric <'()in|)r('ii(l les inoiiNcnu'iits appa-
rciils (lus a la j)aralla\c «le jn-oroiidciir et à la réfraction. La
nrcniici'o i\c ces Ai'ux causes étant cluumcc |)ai' la mctliodc
d'obsiM-N atioii c|iic nous a\nus |)i'o|)()S('c, il reste seuleinent la
seconde, dont I influeiKn* n'a |)as encore été sulfisannneut de-
terniinee, mais fjui n'est pas à néj^lii^M'r.
].a troisième contient tous les mouvenjcnls irréj^uliers et
extraordinaires (jui dépendent des causes mêmes qui |)rodui-
s<'nt le> lacMies, causes encore bien obscures et qui l'estei'onl
longtemps iucoinnies.
Nous avons fait remarquer plusieurs fois que ces mou-
vements se produisent surtout au moment de l'ajjparition
d'une tache; il se forme souvent plusieurs centres sans
qu'on puisse prévoir lequel d'entre eux persévérera et for-
mera définitivement le novau de la tache. Les mêmes irrégu-
larités se renouvellent à l'époque de la dissolution finale;
aussi les taches les plus stables sont celles qui paraissent les
plus profondes.
Enfui il est impossible d'expliquer les mouvements systé-
matiques des taches par des courants analogues à nos vents
alizés. Cette Inpothèse n'explique j)as le fait fondamental
que nous révèle l'observation, savoir que la vitesse angulaire
est plus grande à l'équateur; elle n'explique })as davantage
les nombreux mouvcMuents en latitude.
L'liv[)othèse la j)lus simple est celle de la contraction duc
au refroidissement; c'est elle qui explique le plus grand
nombre de pliénomènes et en particulier ce mouvement j)lus
rapiile (jue possède à l'équateur la couche superficielle. Mais
si nous voidons descendre dans l'examen détaillé d(\s cas par-
ticuliers, il nous est impossibli* d'assigner les causes immé-
»-«r«i»»-- Ifl*'^*»»»*-. -o
diates dv chacun des mouvements que nous observons.
jMéme en admettant que les taches sont dues à des tour-
billons, nous devons avouer notre ignorance sur les circon-
stances qui déterminent leur formation, car des causes gé-
nérales et permanentes ne suffisent j^as pour expliquer des
phénomènes aussi variés et aussi capricieux.
Nous ne connaissons pas la profondeur de la couche ga-
zeuse que nous étudions ; si nous considérons la haute tem-
pérature du globe solaire, nous devons penser que cette
couche est très-épaisse, et qu'il n'y a point de novau solide
dans le sens que nous donnons ordinairement à ce mot. Dans
tous les cas, si ce, noyau existe, il doit se trouver à une
grande profondeur au-dessous de la surface.
173
ClLVriTUE YIL
VAniATio.NS siici i.Ai II i:s i)i;s taches.
§1. — Recherches historiques.
Après avoir étudié la slructuiv et les nioiivenieiUs des
taches, ou est uatiirellemeiit porté à se demander si Iciiis
apparitions à différentes épocpies sont assujetties à queUjuc
loi générale. Cette question est une de celles cjui ont beau-
couj) occupé les astronomes modernes. Les plus anciens
observateurs ont remarqué (ju'il n y a pas clinque année un
nombre «'gai de taches. Il v a eu des époques ou il s'e.st
écoulé des mois et des années sans cju'on puisse en observer
aucune. Alème en admettant que cette dernière affirmation
soit im peu exagérée, et qu'elle résidte du peu de précision
avec laquelle les observations ont été faites et de la faiblesse
des instruments (ju'on employait autrefois, il n'en est pas moins
vrai que le nombre des taches est extrêmement variable, et
(ju'il v a des époques où elles sont très-rares.
\V. Tlerschel est le premier cpii se soit occupé de cette
(juestion; il chercha à établir un rapj)ort entre les variations
des taches et la météorologie terrestre, et, à défaut d'autre
élément, il compara le nombre annuel des taches au prix dn
ble; mais, on le comprend, il ne pou\ait rien résulter d un
siMnblable travail. Sans doute, les phénomènes météorolo-
gitpies du globe doivent dépendre, dans une certaine mesure,
— 17G —
des ^ icissitudcs solaires : nous en verrons une preuve frap-
pante ; mais le terme de comparaison choisi par Herscliel n'a
aucune relation directe avec l'état du Soleil.
De nos jours, cette question a été étudiée à fond par
M. Wolf , directeur de l'Observatoire de Zurich. C'est à son
zèle qu'on doit un recueil très -riche et très-intéressant du
plus grand nombre des ojiservations anciennes, qui étaient
ensevelies dans les archives et dans les répertoires; c'est lui
qui a cherché à les coordonner, à les rendre comparables, à
combler autant que possible les nombreuses lacunes qui
existaient entre les différentes séries.
L'observateur le plus attentif, à l'époque où les taches
furent découvertes, c'est Scheiner; mais il nous avertit lui-
même qu'il n'a pas tenu compte de toutes les taches qu'il a
aperçues; il n'a enregistré que celles qui pouvaient lui fournir
les éléments de la rotation qu'il cherchait à déterminer.
Plusieurs observateiu's ont fiit après lui des séries d'obser-
vations détachées; mais quelques-unes ont été perdues, les
autres contiennent de grandes lacunes. Jean Gaspard Stau-
daclier, à Nuremberg, observa avec plus de constance pen-
dant cinquante ans, de 17^9 à 1799. Avant lui, lesCassini,
Maraldi et autres s'en occupèrent, mais seulement d'une
manière indirecte : ils se contentaient, en faisant l'observation
méridienne du Soleil, de noter ce qu'il y avait de plus impor-
tant. Zucconi et Flaugergues nous ont aussi laissé de bonnes
séries, que M. Wolf a utilisées en les rendant comparables
entre elles par les corrections les plus vraisemblables qu'on
puisse emplover en pareille circonstance. La difficulté prin-
cipale vient de ce que tous les observateurs n'ont pas em-
plové des instruments également puissants; celui qui était
armé d'une meilleure lunette observait et enregistrait des
taches qui auraient échappé aux autres : les nombres inscrits
— >lM>.'»Ji'*'»^gf<<<aHy.-iy
— 177 —
dans lours r('<,Mstr('s (rohscrvatioii ne sf)iit donc pas compa-
rables entre eux. ]M. Woli a clicrclié à remplacer ces nombres
par ceux qu'auraient enregistrés les observateurs s'ils avaient
employé des lunettes conipaiablcs a un modèle déterminé.
Il est résulté de ce ti'a\ail une chroniciue j)i'es(pie continue
des taches solaires depuis une époque assez reculée jusqu'au
moment où cette étude a été reprise avec une grande acti-
vité.
C'est le baron Schwabe, de Dessau, ([ui, dans les temps
modernes, s'en est occupé avec plus d'assiduité et de con-
stance. De 182G à 1868, il n'a pas manqué de faire des ob-
servations quotidiennes toutes les fois que le temps l'a permis.
Cette série est précieuse, parce qu'elle se relie avec celle de
Carrington, et que celle-ci, à son tour, se rattache à celle
de ]M. Sporer et à toutes les observations photograjjhiques et
autres, qui se font maintenant de toutes parts. Toutes ces
observations, quoique faites par des procédés différents,
sont facilement rendues comparables.
De nos jours, il y a plusieurs savants qui observent avec
soin les taches solaires; mais, aujourd'hui comme autrefois,
il y en a peu qui aient assez de persévérance. La méthode
photographique est excellente, mais elle prend beaucoup de
tem|)s et occasionne des dépenses considérables. Quelques
savants ont décrié les dessins d'une manière injuste r un des-
sin assez grand, fait sur projection par un habile dessinateur,
avec une lunette portée ])ar un mouvement d'horlogerie,
peut soutenir la comparaison avec une épreuve photogra-
phi(|ue, et en opérant ainsi on a j)his de chances de per-
sévérer dans ces observations. Nous apprenons avec regret
que l'observatoire de Kew a interrompu ses observations
photographiques ; espérons qu'elles seront continuées à
Greenwich avec le même appareil.
I. 12
178
§ II. — Elude statistique du nombre des taches solaires.
Le baron Schwabe, en étudiant sa longue série d'observa-
tions, a reconnu une périodicité très-évidente. Des maxima
et des mininia Irès-prononcés se succédaient à un intervalle
de dix à onze ans. Il est bien vrai que, dans une pareille
étude, il y a des éléments un peu défectueux. D'abord, on ne
peut pas observer le Soleil tous les jours, et les lacunes qui
résultent du mauvais état du ciel viennent nécessairement
au£;menter le nombre des jours où il n'v a point de taches.
De plus, le nombre des taches est toujours un peu arbitraire;
il y a souvent des groupes qui , par leurs subdivisions , se
prêtent à différentes manières de compter ; mais, dans une
masse d'observations aussi considérables que celles du baron
Schwabe, ces différences se compensent l'une l'autre et dis-
paraissent dans le résultat final. En effet, la loi est si saillante
qu'il suffit de jeter un coup d'œil sur son tableau pour re-
connaître qu'aucune objection ne saurait l'ébranler. Ce
tableau étant très-intéressant, nous le reproduisons ici, en y
ajoutant le résultat des observations faites au Collège Romain
pendant les quatorze dernières années. Nous avons aussi
ajouté une colonne contenant le résultat des recherches de
jM. de la Rue sur les observations de Carrington et sur celles
de l'Observatoire de Kew.
Les dessins de Schwabe étaient exécutés à une très-petite
échelle, 6 ou 7 centimètres de diamètre : aussi les résultats pou-
vaient être entachés de quelques inexactitudes, et l'on pouvait
se demander s'ils seraient assez exacts pour être comparés,
par exemple, aux épreuves photographiques. Or cette série se
compénètre avec celle de IM. Carrington et celle des astronomes
de Kew, M. de la Rue, profitant de cette circonstance, a com-
~ 17!l -
part' les aniu'cs tuinimiiics. et le résultat a ctr trùs-satisfaisant,
(le sorte (|ii(', en x* sci'n.iiiI (11111 coclfii'iciil l'oiiNciiablc, on a
j)U (loiiiicr a toutes ces obscr\ations le même clejjjré de j)ré(i-
sion. \()i( i un extrait de la comjjaraison entre les nombres
lie Scli\vabe et ceux de i\c\v. <)n solar pliysics, |). ().y
V n.ss.ui.
.\ K.\N.
18C2,
CM
1 () mois.
I ;3
'•'7
18G3,
Cil
() iiii)is. .
1,1
^\)
ISOi,
Cil
1 ?. mois. .
r '^o
I I "i
T<)t;il... .
... 3'J4
û' 1
Les dilferenees ne sont jias exagérées et elles ne sauraient
infirmer la valeur des conclusions que nous allons exposer.
La méthode la plus exacte, la seule rationnelle, consiste à
évaluer la poi'tion de la surface (jui est recouverte d«^ taches;
le système qui consiste à évaluer le nombre de taches con-
duira-t-il au même résultat ou aménera-t-il des conséquences
différentes? Pour résoudre cette question, ^I. de la Rue a
fait évaluer la surface totale des taches en millionièmes de
l'hémisphère visible. Ce calcul a été fait avec une admirable
patience pour les trois séries de Schwabe, de Carrins^ton et
des astronomes de Kew; on a évalué séparément l'ombre, la
pénombre et l'ensemble, en faisant, bien entendu, la correc-
tion relative à la déformation apparente qui se produit à me-
sure fpi'on s'éloigne du CL'ntr(\ Les résultats de cet innnense
travail sont consignés dans plusieurs tableaux annexés aux
sa^ants Mémoires publiés de i8G5 à iS-jo dans les Transac-
tions philosophiques, sous ce titre : Researches on solar physics,
by W. de la Rue, Ralfour Stewart, Renjamin Lœvv. C'est du
derni(MOIémoire, page i 28, que nous avons extrait les nombres
relatifs cUix années i8'32 à 18G8, insérés dans le tableau
ci-après. Dans cette cinquième colonne, l'unité est le mil-
lionième de la surface de ! Iieniis])hère solaire.
180 -
Tableau du nomhiT de taches pendant quarante-sept a/is.
JOURS
JOIRS
NOMBRE
SUPERFICIE
COLLÈGE
ANNÉES.
d'observations.
sans taches.
ties taclies.
des taches.
ROMAIN.
1826
2/7
22
1 kS
1827
2/3
2
i6i
1828
28i
0
225
1829
2i'f
0
199
1830
2'7
I
190
1831
239
3
ii9
1832
270
19
8'.
iq'j
1833
267
'39
33
73
1834
273
120
5i
142
1835
2'.4
iS
173
837
1836
200
0
272
i',07
1837
168
0
333
1236
1838
303
0
283
876
183'J
2()3
0
1G2
8t7
1840
26:i
3
102
57 j
1841
283
1 j
102
3^0
1842
307
6'.
68
209
1843
3l2
''l9
34
108
1844
32 1
1 1 1
52
'97
1845
332
29
..',
396
1846
3.'i
I
IJ7
599
' 1847
276
0
2J7
1127
1848
278
0
33o
1 112
i 1849
28:)
0
238
753
1 1850
3u8
2
1S6
383
! 1851 ,
3o8
0
l'i'
638
1852
337
2
12J
32 2
1853
299
1
9'
33o
1 1854
3i\
65
67
lyS
1855
3i3
i',6
3 s
82
1856
321
193
3'.
40
1857
3>',
J2
98
227
1858
333
0
202
763
1859
3 ',3
0
20J
1390
2J7
1860
332
0
2 1 I
1343
23 1
1861
322
0
20',
i3io
23 I
1862
317
3
160
1 iu3
168
1863
33u
2
'2f
7Î9
.63
1864
32J
■ ^
i3o
8i3
97
1865
307
26
93
549
86
1866
3'i9
76
45
199
81
li67
3l2
igj
25
188
32
1868
3oi
12
ICI
ii9
92
1869
'79
0
19S
1870
•17
0
3o3
1871
38o
0
3o4
1872
3i J
0
292
1
i
- ISI -
(".(' l;tl)l('aii osl à la fois iiiléressaiit cl li'cs-iiislriK tif. I.cs
iionil)rt's ([Il il coiitit'iit parlent assez clairement, et il suKil de
les examiner avec un peu d attention pour reconnaître ICxac-
titude des conclusions (jue nous allons en tirer.
i" H V a des maxima et des minima j)criodiques, et l'anipli-
îude de cette période est comj)rise entre lo et 12 ans. Pour
en déterminer la \aleui' avec j)lns de précision, (juelques
astronomes ont eu i(^cours aux observations anciennes.
"NI. Wolf, (le Zurich, a fait à ce sujet un travail intéressant
cpi'on trouve dans son ouvrage sur les taches solaires [Mil-
thcdungeii der SonnenJJecken . Il a pu établir la chronologie
Fig. fîS.
des phases que le Soleil a parcourues depuis la découverte
des taches jusqu'à nos jours. Ses calculs l'ont conduit à une
période de 1 1 ans et -g. ]M. Lamont avait trouvé, de son côté,
10 ans YJT^; mais ce nombre ne représente pas assez exacte-
ment les dernières observations.
2" C"-ha([ue maxinunn est plus rapproché du minimum pré-
cech'nt (|ue du suivant, de sorte que la courbe présente la
forme indiquée par \'<\Jig. G8. L'ordonnée augmente pendant
3 ans Y^, elle diminue (uisuite pendant 7 ans ~-^. D'après
M. de la Rue, l'accroissement durerait 3 ans ^^7^, *^^ hi dimi-
nution - ans Y^. La coïncidence est surprenante, vu la di-
versité des méthodes qui ont conduit à ces résultats presque
identiques, les uns ayant évalué le nombre des taches, les
autres avant mesuré leur superficie. Les différentes pé-
— 18-2 —
riodes ne sont pas absolument identiques, comme on peut
le voir dans la fi,^. 71, extraite des travaux de M. de la Rue
(1 832-1 8(38); mais on a remarqué que, si dans une période
la partie décroissante est retardée ou accélérée, la partie
ascentlante de la période qui suit s'allongera ou se raccour-
ciia également. D'après cette remarque, on a pu annoncer
Fi". On.
1 ■ ■ ' 1 1 1 ' 1 1 1 ' 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ' ' 1 ■ ' ' 1 1 1 ' 1 ' 1 ' 1 ' ' ' ' ' '
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1 1 1 1 i
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1 1 1 1 1 1 ! 1 L 1 1 ' 1 1 1 1 II i ! 1 r 1 1 1 1 ! 1 i
' l'ss's IJSg' i'm? 1838 1859 18G0 1861 1862 1803 186* 186ï 1»«6 1801 lg6« 1869 1«70 11/1 1
que la première partie de la période actu(41e serait très-
accélérée, ce qui s'est vérifié
Lay?»-. 6c), qui n'est qu'une réduction de celle de M. Sporer,
indique rigoureusement, dans sa partie supérieure, la marche
du phénomène de i854 à 1871. La ligne continue corres-
pond à l'hémisphère nord, la ligne ponctuée à l'hémisphère
sud.
- 183 —
3° Nous empruntons aii\ travaux de M. Wolf la série des
maxinia et des niinima observés et enregistrés, pour l<'s
époques précédentes, par différents observateurs. Nous ajou-
tons à chacune de ces dates un nombre qui fait connaître
avec quelle approximation les différentes époques sont con-
nues. On peut remarquer que rincertitude est beaucoup plus
grande dans les observations anciennes que dans les plus
récentes.
Tableau des époques des md.rhna et iiiinirnci des taches solaires^
par M. ^Voi.K.
MAXIMA.
MIMMA.
Série a
i
•ïcienne.
1C10.8
± o, ',
1G!5.0
±Z 1.".
1619,0
± I . .')
1G2G,0
-— 1 , Il
1(334,0
rb 1 .11
1639.5
rt I.o
1G45.0
± 1 .'•
IGoô.O
::; -.'.o
16G6.0
rt 3.0
1G75.0
± i.o
1G79,5
:îr -i,o
1G85,5
± 1 , .")
1689,5
±L •_>,.) ■
1(193.0
•.-r 2.0
1698.0
::*: •_>,!)
1705.0
± 5.11
1712,0
:+: 1 ,<>
1717.5
± I .()
1723.0
±: I.o
1727.5
:r 1,..
, 1733.0
± \ ,j
1738,5
=r I . ")
1745,0
± i,o
Sérif! n
odcriie.
1750,0
± i.(.
1755,7
:+: 0,5
17G1.5
:±r 0,5
17GG,5
=: 0..')
1770,0
±0,5
1775, S
± 0.5
1779,5
±: o,.'i
1784,8
i o,5
1788.5
± 0.:.
1798.5
± (.,.'.
1-04,0
± 0.1
1810.5
:n 0,5
181G,8
:r 0,.")
1823.2
■^ it.î
1829,5
± 0,J
1833.8
±0.1
1837,2
± 0,j
1844,0
rîz o. >
1848. G
rr. 0,.')
1856. 2
±: o,j
1860,2
= 0.1
1867,1
dr o.i
lig. 7».
iHs:
iili
ssb:
;Bë3
— 184 —
Afin de mettre cette loi en é\iclence
tlans tous ses détails, nous reprodui-
sons {Jig. 70) la courbe construite par
M. Wolf pour résumer la marche des
variations annuelles. M. Carrington a
construit une courbe tout à fait sem-
blable. Les abscisses représentent les
années et les ordonnées le nombre des
taches observées.
L'étude de cette courbe montre deux
choses : 1° la période est bien undé-
cennale, comme nous l'avions annoncé;
2" cependant elle n'est pas aussi simple
qu'on pourrait le croire au premier
abord ; en réalité, il y a deux périodes
supei'posées, l'une semi-séculaire, l'autre
undécennale; nous n'avons pas d'obser-
vations anciennes assez précises pour
reconnaître la loi de la variation sécu-
laire, nous ne pouvons que constater
son existence.
Les derniers travaux de JNL Wolf
fixent la durée de cette période à 55 ans |-
Selon Loomis , une période de calme
régna entre 18 10 et 1825.
3° Il est intéressant de comparer les
époques obtenues par M. Wolf pour les
maxima et les minima avec celles de
]\L de la Rue. Les époques de M. de
la Rue sont les suivantes :
- 185 —
Minimum. Maximum.
1833,91 l836,97
1843,7?. 1847,87
1856, 3o 1859,67
1 8G7 , 1 ■?.
lntcr\iiUcs entre les nii/iiina.
Ans.
I" 9'8'
2' i-,58
S'' 10, 58
Moyenne •<^>99
I/iteivallcs entre les ma.rinid.
Ans.
r*" '0,90
2'' I I , 80
Moyenne 1 i ,35
Ces nombres s'approchent l^eaiieoup tle la période de
1 1 ans 7j- tromce par ^I. Wolf; avec ini aussi petit noniljre de
périodes, il était impossible d'espérer mieux.
4" Il V a cependant de grandes irrégularités dans le détail
des différentes séries; pour en donn(M' inie idée, nous repro-
duisons ici [Jig. yr) la courbe donnée par ]M. de la Rue ('),
sur laquelle on peut suivre la marche accidentée du phéno-
mène. La ligne ponctuée indique les valeurs movennes, la
ligne pleine fait connaître les valeurs réelles.
La phase la ])his saUlante de celte courbe, c'est une recru-
descence très-sensible qui se produit très-peu de temps après
le maximum proprement dit.
(') Pliilosophi'cal Triuisaccioiis, PI. W'XI; 1S70.
- 186 —
5^* Les passages des maxima aux minima sont accompagnés
d'une circonstance assez curieuse. En disposant les taches
d'après leur longitude et leur latitude sur un diagramme assez
Fi[j. 71.
serré, 31. Carrington a montré que leur latitude va en dé-
croissant à mesure qu'on approche du minimum; puis, lorsque
leur nombre va en croissant, elles se montrent à une latitude
plus élevée. Cette loi se vérifie encore dans la dernière pé-
riode, à partir du dernier minimum qui s'est produit en 1867,
comme il résulte des observations de 31. Sporer et des nôtres.
Le tableau suivant peut servir à étudier le fait que nous ve-
nons de signaler; la. Jig. G9, construite, dans sa partie infé-
rieure, d'après le même tableau, montre encore mieux la
manière dont varient les latitudes , et comment elles passent
quelquefois sans transition d'une valeur à une autre.
- 187 -
Tahlcau dc^ Intittidcs ni(\i rnncs et des fit-ijucnca des taches of/senées
par M. Si'oRFR.
lll.MISPlIKnE M)RD.
lltMISPUÈRE Sl'D.
LES DF.tX UKMISPUËRES.
Fréquente.
I.alllucle
Kré(|uemc.
I.aiiiude.
Fréquence
l.nlllu.l.?.
185i
i38
10. 2G
90
9-V
228
9-9'
18 jj
.',G
-■"-
48
8.35
9'l
7-79
1856
■il
S. 3 3
3.-7
9
32
((.0
28.72
3o
35
8..j3
28.97
1857
5)
3.',
23.5G
i.')7
2 ',.36
3 10
23.9
18j8
23G
20.67
.J2G
20.57
762
20 . 60
1859
',3'.
.7.33
537
17.07
9^J
17.18
18G0
7'-
1 7 . 80
G;).-,
1G.7G
i',07
'7- -'9
18G1
(n>
l'|.22
563
.',.',8
Il 85
i',.3',
1SG2
373
12.7',
/|00
M. 98
773
1 2 . 3 '1
1S63
3oG
"'•7!>
2G2
lu. ',3
5G8
10.62
18Gi
283
11.07
2',1
10. iG
527
1 0 . 66
18G5
2 DU
9.2(i
172
10. iG
372
9 -07
18GG
ini
9.3G
83
8.40
18',
8.93
18G7
i3
7-9'J
2G.8',
8
52
7-41
22.92
7.88
23.71
ISi.S
'7'^
5|-0'l
27S
21..S3
',56
a3.o5
IMV.I
/,28
2 1 . G8
•179
21. G3
907
21.65
I>7()
738
I () . ()l]
7G5
18.88
i5o3
'7-9'l
1S71
■'">!)
17.G.S
582
' i-G'i
loi) 1
1 G . oG
()" Les variations dos taclies rappolleiit iiatuivllcmciit les
oljscurcissements du Soleil qui, au dire des historiens, se sont
produits en plusieurs circonstances; mais il faut procéder avec
beaucoup de discernement. Un grand nombre d(" ces phéno-
mènes qui ont attiré lattention du peuple ne sont ([lie des
éclipses mal observées et encore plus mal décrites ^' . Dans
d'autres circonstances, l'obscurcissement a été produit par
des brouillards secs très-persistants; tel est probablement
(') M. Roche, Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, t. LXlll.
p. 38',.
- 1S8 -
relui (|ui. au dire de Kepler et de Gemma-Frisius, eut lieu
en i547- ^^ " t^^t pas impossible que quelqu'un de ces phéno-
mènes soit dû au passage d'un nuage de matière cosmique,
ou à une quantité prodigieuse de petites taches, ou encore à
une condensation extraordinaire de matière absorbante à la
surface de la photosphère ; mais nous ne saurions rien affirmer
de certain à cet égard.
C'est ainsi que, d'après Virgile, qui s'est fait l'écho d'une
tradilion qu'on retrouve dans Thistoire, le Soleil s'est obscurci
à la mort de César :
nie etiam extincto miseratus Caesare Romam,
Qiuim caput obscura nitidum ferriigine texit,
Inipiaque œtcrnam timueriiiit sœcula noctem.
En l'an 553 et en l'an 626 de l'ère actuelle, le Soleil resta
obscurci pendant plusieurs mois; mais ces faits, d'ailleurs
mal observés, et rapportés sans doute avec beaucoup d'exa-
gération, se sont présentés à des époques qui paraissent com-
plètement indépendantes les unes des autres, tandis que les
variations que nous venons d'étudier offrent une régularité
presque mathématique.
§111. — Recherches sur les causes de la périodicilé des taches.
Une périodicité aussi bien constatée devait naturellement
inviter les astronomes à rechercher les causes qui peuvent la
produire. La seule présence des taches dans la région zodia-
cale avait fait soupçonner à Galilée une relation de dépen-
dance entre les taches et la position des planètes (* ); mais il
(') Seconde K-ttre ii \'elser.
- 180 -
i\ \ a I.i ([111111 s(»ii|>(;()n <|ui ir<'st pas suffisaniiiicnt justifié.
Il nous est iiiipossiltlc de rien alfirnicr de ccrtiiu sur cette
question. I .a i aux- (Icteiininaiili' de la periotlicité peut être
iiileiieure au corps solaire, cl dcpcndic d<' ( ii'coiistaiices (|ui
nous restei'oiit a jamais cachées. \.\\c peut aussi être exté-
l'ieure : elle peut élre due à l'influence des planètes ou à
I action du milieu (pie traverse le Soleil. Celte dernière iivpo-
tliése est peut-être moins probable; il ne nous reste alors à
examiner que l'influence des planètes.
Dapies AI. Wolt, leur attraction serait la cause réelle de la
périoilicité cpu nous occupe, cette attraction produisant a la
surface du globe solaire de véritables marées (\u'\ donnent
naissance aux taches, et ces maré(\s elles-mêmes aNant des
variations périodiques dues aux déplacements périodiques
des astres qui les produisent. On avait même cru j)ou\()ir
affirmer (pie la période principale coïncidait avec la révolu-
tion de Jupiter; mais M. Carrington a fait voir que cette coïn-
cidence, j)iirement accidentelle dans une époque, ne se repro-
duit pas dans les périodes suivantes, et qu'on n'en peut tirer
aucune conclusion sérieuse ('). L'action de Mercure et de
A énus serait peut-être plus efficace. Leur distance au Soleil
est peu considérable, ce qui rend leur influence plus sen-
sible; mais, d'un autre coté, leur masse nous parait bien
faible pour produire de .semblables effets. On ne peut donc
pas trancher cette cpiestion .sans un examen sérieux; c'est
aux astronomes mathématiciens qu'il appartient de l'étudier
et de la résoudre par le calcul.
(') Nous sommes vraimeiil surpris de voir souvint cilor M. Cariington comme fa-
vorable à la coïncidence de la révolulioii de Jupiter avec la période des tache» : c'est
lui, au contraire, qui a démontré que cette coïncidence est purement accidentelle
pour repoque particulière qu'on avait examinée.
- 190 -
M. delà Rue et ses savants collègues, MM. Stewart et Lœvy,
ont laborieusement étudié ce point de la physique solaire.
Ils paraissent être arrivés à cette conclusion que les conjonc-
tions de Vénus et de Jupiter ont une certaine influence sur le
nombre des taches et sur leur latitude, et que cette influence
est moins considérable lorsque Vénus se trouve dans le plan
de Téquateur solaire. Et, de fait, un grand nombre des iné-
galités de la courbe reproduite plus haut [fig. 'ji) corres-
pondent réellement avec des positions particulières de ces
deux planètes.
Pour reconnaître avec plus de précision ces coïncidences
et l'importance qu'il convient d'y attacher, M. de la Rue a
fait un dernier travail dans lequel il a analysé séparément dif-
férents groupes de taches, s'attachant principalement à celles
qui ont donné lieu à des séries d'observations plus continues
et plus complètes, surtout lorsque les observations corres-
pondent à la partie de la révolution la plus centrale. Après
avoir étudié -^94 groupes différents, il est arrivé aux con-
clusions suivantes :
i'* Si nous menons un méridien passant par le milieu du
disque solaire et représenté par un diamètre perpendiculaire
à l'équateur, on trouve que la grandeur moyenne des taches
n'est pas la même par rapport à ce méridien. Il parait cer-
tain que la correction de perspective ne suffit pas jjour
expliquer cette différence , et qu'il faut introduire un autre
élément pour obtenir que les dimensions apparentes des
taches soient les mêmes de part et d'autre. L'explication
de ce fait n'est pas encore bien certaine ; voici la plus pro-
bable : les taches sont entourées d'un bourrelet saillant qui
semble disparaître en partie pendant le trajet. Ce bourrelet
est plus relevé sur le bord antérieur que sur le bord posté-
rieur; il en résulte que les taches doivent paraître plus pe-
- im -
tites lorsqu'elles sont dans la partie orientale du disf|ue. plus
«grandes lorstju'elles sont dans la partie occidentale; car,
dans la j)reniière posiliou, la \ue rencontre un obstacle plus
ele\(' cpii cache une pai'tie de la taciie elle-même.
2" AI. de la Hue a étudie parliculièrement les taches ohsei-
vées à repo([ue où les planètes inférieures, Vénus et ^lars, se
trouvent à des distances hélioc<'ntriques de la Terre égales à
o,()0,i8o, a^odegrés; comme les lac lies (pii corre.spondent à
ces époques sont nécessairement peu nombreuses, il v a ajouté
celles (pii correspondent à des positions peu différentes, <'t il
est arrivé à ce résultat : les taches sont plus grandes dans la
partie du Soleil qui est opposée à Vénus et à Mercure, elles
sont jdus petites du coté de ces deux planètes. On obtient le
même résultat, .soit avec les figures de Carrington, soit avec
les photographies de Rew.
3" Cependant on ne remarque pas que Jupiter ait une sem-
blable influence. La révolution de cette planète est de si
longue durée (pi'on n'a peut-être pas encore fait un a.ssez
grand nombre d'observations. Cette influence devrait être
fa( ile à remarquer, car si l'on calcule l'action des planètes
comme on le fait pour h^s marées, en la regardant comme
directement proportionnelle aux masses et inversement pro-
portionnelle au cube des distances, l'influence de Jupiter
l'emporte de beaucoup sur celle de Vénus.
Quoi qu'il en soit, on doit avoir une liante estime pour ces
travaux si éminemment j)ropres à nous éclairer sur les rela-
tions qui existent vn[rc les taches et la position des j)lanètes.
M. Wolf croit apercevoir une certaine influence^ de Sa-
turne; mais, on nous permettra de le dire avec fraiu bise, il
est trop facile de se faire illusion dans la manière de grouper
et de combiner les nombres pour que nous ]iuissions ad-
mettre ce dernier résultat.
— 192 -
M. de la Rue a remarqué que les grandes taches sont géné-
ralement situées aux extrémités d'un même diamètre. Cette
même loi s'applique aussi bien souvent au développement des
grandes protubérances. Cette coïncidence s'accorderait bien
avec l'hypothèse d'une action analogue à celle qui produit
les marées.
Quel que soit le degré de probabilité de ces explications,
nous ne devons pas nous dissimuler que nous sommes encore
loin d'une démonstration rigoureuse. Si nous considérons
avec attention les variations périodiques des taches, nous ne
tarderons pas à nous convaincre cpiil est impossible de les
relier directement avec une fonction astronomique quel-
conque, car les taches se présentent d'une manière soudaine
et irrégulière qui contraste trop manifestement avec l'action
continue et progressive des perturbations de la Mécanique
céleste. 11 n'v a qu'une réponse à faire à cette objection. Les
taches et leurs variations seraient des manifestations visibles
de l'activité périodique du Soleil, activité qui dépendrait elle-
même de l'action des planètes et de leurs positions relatives. La
cause ainsi définie de ^acti^ité du Soleil peut être très-régii-
lière ; cette activité elle-même peut varier d'une manière con-
tinue sans que les phénomènes qui en résultent possèdent les
même continuité et la même régularité. C'est ce cjue nous
vovons sur la Terre dans la succession périodique des saisons.
La position du Soleil, et par conséquent sa manière d'agir
sur notre globe varient avec une continuité remarc[uable, et
cependant les phénomènes météorologicpies cpii en résultent
sont irréguliers et capricieux. Nous verrons bientôt que les
savants inclinent de plus en plus à croire cpie les taches ne
sont que des effets secondaires produits par des causes plus
importantes et plus radicales.
Qu'il y ait là quelque mystère caché, c'est ce qui résulte
- H)3 —
avec cv idriicc di' ce fait tivs-curiciix (jiic la période iiiidcrcii-
iialc de la Naïaation dos taclics coiiicidi' (runc inanicrc aiis-,i
inattciidiic (|ii(' (ertainc awc la pci'iodc des Nariatioiis du
niaiinctisiiic Icnvstro. Nous nous coutcntons (riudicjucr ce
fait inijxn'laut , nous rcscrNanl d'en narlcr en dclail i()i'S(|U('
le moment sera \ eiui.
(Juelle (|ue soit notre ignorance relativement au\ causes
<|ui peuvent produire les variations de l'actixité solaire, nous
pouvons du monis tirei* une conclusion des lenianpies j)récc-
dentes : c'est (pie le Soleil est loin dètre parvenu à un étal
de calme et de tran([uillité; il est, au conti'aire. le siège d une
nn!nens(^ activité; cette acti\ité est sujette à de nond)reuses
variations périodiques cpii doivent, à leur tour, influer sur
l'intensité de ses radiations calorificjnes et lunnneuses, et
réagir ainsi sur les planètes qui reçoivent de lui la chaleur, la
lumière et la vi(^
i3
- i;i:;
LIVRK m.
DK I.'ATMOSI'III Kl. SOI. mi; I
I > T R o n l C T I () > .
Dans les Cliapilivs précédents, nous avons souvent parlé
d'inic atniosplière gazeuse et transparente envclopj)ant le
Soleil, et dont l'existence résulterait nécessairement des idées
que nous avons admises sur la nature de la couche photosphé-
rique. Nous devons maintenant aborder l'étude de cette atmo-
sphère et examiner les preuves directes de son existence. Ces
preuves seront déduites : i'^ de l'absorption cpi'elle exerce
sur les radiations lumineuses, chimiques et calorifiques;
2" des études spectroscopiques; S'' des j)héiiomènL's qu'on
observe pendant les éclipses totales. Ce troisième Livre sera
consacré aux deux premières questions ; nous parlerons des
éclipses dans le quatrième.
i3.
196
CHAPITRE PREMIER.
ABSORPTION DES RADIATIONS PAR LATMOSPHERE SOLAIRE.
Dès les premiers temps où commencèrent les études sur le
Soleil, Lucas Valérius, de l'Académie des Lincei, fit remarquer
que l'image du Soleil est plus brillante au centre que sur les
bords. Ce fait important fut révoqué en doute par Galilée ('),
mais il était exact. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner
un instant, dans une chambre noire, l'image du Soleil pro-
duite à l'aide d'une bonne lunette siu' un écran blanc; on
reconnaît immédiatement que h^s bords sont beaucoup moins
lumineux. Scheiner dit quelque part (-; : Sol circa 7?îargines
fnlvus est, et in medio clarior. Il remarqua que cette couleur
rougeàtre qui caractérise les bords du disque est un peu fuli-
gineuse, et qu'elle n'a pas de limites nettement tranchées.
Bouguer essaya de déterminer par des mesures photomé-
triques le rapport qui existe entre l'intensité lumineuse du
centre et celle d'un point situé à une distance égale aux trois
cjuarts du ra^ on ; il trouva ce rapport égal à — - — -, mais près
des bords l'intensité décroit beaucoup })lus vite.
Arago révoqua en doute les résultats trouvés par Bouguer,
mais personne ne les conteste plus aujourd'hui, et nous les
(') Galilée, OEuvres, t. VI, p. 198.
(-; Rosa Ursina, p. 621.
- 11(7 -
;i\()MS vérifies iioiis-iurmc eu nrcsciicc de s;i\;iiils Ircs-coinné-
tciits. l'diii" faire ees mesures avec précision. \<)i(i le j)r()eé(lé
que nous avons employé. Notre écpiatorial elaiil renfermé
dans un dôme transformé en eliamlire noire, nous axons, à
l'aide d'un puissant oculaire, produit une projection du So-
leil ayant en\iron i mètre de diamètre. Afin d'affaiblir davan-
tage la lumière, ce qui est une conilition cssenliellc pour
Fij. 7a.
apprécier les intensités relatives, nous mettions un dia-
plii'agme à l'objectif, et nous faisions réflécliir le ravon émer-
gent sur l'inpoténuse d'im prisme à angle droit. L'image ainsi
produite comprenait à peu |)res la moitié du disque solaire;
on la recevait sur un écran noir MN fig. 72) ayant deux
ouvertures de i centimètre de diamètre, et les deux faisceaux
lumineux a et 6, reçus sur un é.ran blanc PQ, étaient exa-
nnnés par un procédé pliotometrique. Les deux ouvertures
étant mobiles, on pouvait étudier tles faisceaux pris à volonté
dans luie partie quelconcjue du disque solaire.
Lorsque les ravons ainsi étudiés appartiennent au cenlre
- 198 —
(le l'image, on trouve que la lumière est blanche, et que son
intensité est à peu près la même dans tous les points. Lors-
qu'on dépasse le quart du rayon , on trouve une différence
très-sensible; mais, lorsqu'on arrive auprès du bord, la diffé-
rence devient extrêmement grande, non-seulement pour l'in-
tensité, mais aussi pour la couleur; la lumière émise par cette
partie du Soleil est d'un rouge enfumé, et cette circonstance
présente un obstacle très-sérieux à l'exécution des mesures
photométriques. Ce phénomène est très-important, car cette
coloration des bords du disque explique parfaitement la
teinte que présente l'horizon pendant les éclipses, au moment
où le Soleil ne nous éclaire que par cette zone extérieure.
L'appareil étant disposé de manière que l'un des deux
faisceaux partit du contour même du disque, l'autre d'un
point situé à une distance du centre égale aux trois quarts du
rayon, le faisceau le plus brillant fut reçu sur un prisme biré-
fringent, et l'on obtint ainsi deux nouvelles images dont cha-
cune était plus brillante que celle qui émanait du bord.
Afin d'évaluer plus facilement l'intensité relative des deux
faisceaux, on fit usage d'un photomètre à roue mobile dont
les ouvertures étaient variables, et (jue l'on pouvait faire
tourner très-rapidement à l'aide d'un engrenage. Nous trou-
vâmes ainsi qu'en des points situés, l'un à i minute, l'autre
à 5 minutes du bord, h^s intensités lumineuses étaient dans
le rapport de i à 3. De plus, au second de ces points, l'inten-
sité lumineuse était les | de celle du centre , de sorte que
le rapport entre le point le plus éloigné et le centre serait
I 2 ?. I „ 1 ■ I
t: X - = - = — r = o,2 2. Lu prcuaut des ponits plus rap-
proches du bord, l'intensité serait encore plus faible, mais
elle devient très-difficile à évaluer, à cause de la teinte ron-
gea tre que possède cette région. Les résultats que nous don-
- l'JO -
nous ici sont plus saillants ([uc ceux de lîougiier; nous ne les
croyons cependant pas exagérés, et on les trouvera probable-
ment trop faibles si Ton reprend les mêmes expériences, en
tenant compte de la différence de couleur dans l'évaluation
des intensités. On peut maintenant se r(>ndre compte du
man(pie de netteté et de j)récisi()n que présente le bord du
Soleil dans les observations ordinaires, et suitout dans l'ob-
servation des éclipses.
Il est impossible de douter de l'existence d'une coucbe at-
mospbérique quelconque dont le pou\oir absorbant produit
cette dimiiuition de l'intensité lumineuse ; on peut seulement
se demander connnent elle est constituée. Est-elle élevée et
diffuse c(Hnme notn^ atmosplière qui produit des effets sem-
blables pour les rayons qui la traversent liorizontalement, soit
dans un sens, soit dans l'autre? Est-elle, au contraire, peu
épaisse, mais d'une grande densité, et produisant .son effet
d'après une loi toute différente? Pour répondre à ces ques-
tions, on ne peut pas se contenter d'expériences dans lesquelles
l'action physiologique des ravons lumineux est la seule règle.
Nos sens ne sont pas d'assez bons juges, leurs appréciations
n'étant pas toujours comparables; il faut avoir recours à des
observations plus exactes et susceptibles d'une plus grande
précision. Disons seulement que la rapidité avec laquelle la lu-
mière décroit près des bords portv3 à admettre une atmosplière
assez mince et fortement absorbante.
Sans cette absorption, le Soleil serait, connue la Lune,
uniformément lumineux sur toute sa surface; nous pou\ons
même dire que les bords seraient plus brillants que le centre.
Nous savons, on effet, que la surface de la photosphère est
parsemée de gi'anulations très-nettes qui disparaissent près
des bords. O's granulations résultent des cônes ou mamelons
lumineux (jui se détachent sur un fond noir; à mesui'e (|u'on
- 200 —
s'éloigne du centre, ces cônes mamelonnés se projettent Ton
sur l'autre et finissent ainsi par cacher complètement le ré-
seau noir; le bord devrait donc être plus brillant, ])uisqu'il
n'offre à nos regards qu'une surface lumineuse exempte du
réseau obscur qu'on voit au centre. Un astronome distingué
a supposé, il est vrai, que le réseau noir s'élève au-dessus des
cônes lumineux au lieu d'être situé plus bas; mais ce n'est
(|u'une hypothèse, et elle ne repose pas sur des raisons assez
positives pour que nous nous arrêtions à la réfuter.
§ II. — Absorption des rayons chimiques.
Il y a aussi de grandes différences entre les radiations chi-
miques qui émanent des différents points du disque solaire.
INous avons pu constater ce fait en fixant sur des plaques da-
guerriennes plusieurs phases de l'éclipsé de i85i. Dans ces
épreuves, le Ijord intérieur du croissant était parfaitement
tranché, tandis qu'on pouvait à peine définir la limite exté-
rieure du corps solaire. Depuis lors, toutes les observations
photographiques ont confirmé ce résidtat.
Nous avons déjà donné la figure de M. Rutherfurd, où la
\ariation de l'intensité est nettement accusée ; nous reprodui-
sons ici [Jig. 73 ) la photographie faite à Ely avec l'hélio-
graphe de M. Selvyn, dans laquelle on reconnaît parfaitement
la diminution du pouvoir photogénique. Cette diminution est
assez grande pour empêcher d'employer la Photographie dans
l'étude des dimensions du Soleil; car le diamètre de l'image
dépend de la durée de l'exposition, ou de ce qu'on appelle
dans les photographies ordinaires le temps de pose. Nous
avons fait des photographies dans le but spécial de déter-
miner cette différence. Lorsque la plaque sensible était ex-
— 201 -
posée à la luniicrc priulant un t'ni|)s aussi coui'l (|uc |)()ssil;l(',
ou j)()U\ait apprécier la diniiuuliou de la luniiciv dans uuc;
étcuduc é^alc au tiers du ravouà partir du bord ; mais, lorsque
l'expositiou était j)lus prolongée, c'est à ])eine si cette dimi-
nution ('tait s('nsd)l(', niéiue auprès du hord. De j)lus, le dia-
mètre de 1 imai'C devient ii()tal)len)ent plus i;rand lorscpi'ou
augmente la durée de l'expositiou. Nous a\ons lait successi-
Fi'c- 73.
vement deux épreuves eu opérant chaque fois de la même
maniei'e, mais en réglant la largeur de la fente glissante qui
laisse pénétrtM' la lumière de manière à avoir des intensités
qui soient dans le rapport de i à 10. Ces deux épreuves, qui
auraient dû avoir le même diamètre, différaient de 2 milli-
mètres, ce qui, pour une valeur totale de i4i millimètres,
donne la différence énorme de 27 secondes. Nous a^ons en-
core conc lu de ces expériences que sur le disque solaire, à
li seconiles du hord, l'intensité des ratliations chimiques est
])lus faihie cpie sur la pénondjre des taches; car, dans les
— 202 —
épreuves obtenues par les procédés les plus rapides, on dis-
tinguait parfaitement la pénombre, tandis que le contoin- du
disque n'était pas reproduit.
La détermination du diamètre solaire par les observations
photographiques est donc très-incertaine, et c'est à tort que
certains savants proposent de supprimer complètement les
observations optiques pour y substituer la Photographie.
Nous parlerons plus tard des autres inconvénients que pré-
sente le procédé photographique lorsqu'on l'emploie pour
étudier les (hfférentes phases des éclipses de Soleil.
On devra se prémunir contre ces difficultés si l'on veut em-
plover la Photographie pour étudier le passage de Vénus en
1874- Lorsqu'on veut obtenir des épreuves où le contoin^ du
(Hsque soit nettement tranché, l'action de la lumière doit
durer assez longtemps ; mais alors les taches disparaissent
presque complètement, et les pénombres sont comj)létement
effacées, comme nous l'avons remarqué en Espagne. Il est
vrai que l'image de Vénus ne saurait disparaître de la même
manière, car elle se détachera sur le disque du Soleil connue
un cercle complètement noir; mais la diffusion du pouvoir
chimique pourra exercer une certaine influence, et il se pré-
sentera d'autres difficultés que nous ne saurions discuter ici.
Les observateiu's ont déjà étudié toutes les difficultés qui
doivent se présenter, et nous attendons avec impatience le
résultat de ces expéditions lointaines ( ' ).
La dis])arition des taches dans les épreuves photogra-
phiques s'accorde parfaitement avec les mesures photomé-
triques de jNL Chacornac, donnant à l'intensité lumineuse des
(') L'impression de ce volume sera trop avancée au moment où nous connaîtrons
les résultats de ces observations pour que nous puissions en entretenir nos lecteurs;
mais nous donnerons dans le tome II un exposé des dernières découvertes.
- ;>03 -
bords solaires une \alciii' à peu près égale à icllc des né-
nom])r('s; car l'image du bord n'est j)arfaitenieiif \(ime
cju'au moment où les taches sont à peu près effaeées.
Outre ralfaiblisscment général qu'éprouve l'action j)lioto-
gcnique auprès des bords, on remarque sur le disque des ré-
gions dont l'action est moins cnei'gi([U(^ ; on serait j)orté à at-
tribuer ces inégalités à la pi'ej)aration < liimique, mais elles se
reproduisent avec tant de constance dans les différentes
épreuves ([u'elles doivent évidemment correspondre à des
inégalités dans le pouvoir photogénique. Il est difficile de
mesurer avec exactitude ces variations, et cette mesure n'a
jias encore été faite. Il est plus facile d'étudier les v.iiiations
de tenqiérature, et nous allons exposer les méthodes f[ue
nous axons suivies dans cette mesure.
§ 111. — Absorption des rayons calorifiques.
Pour déterminer la température relative des différents
jioints du Soleil, nous nous sommes servi de l'appareil des-
tiné aux projections; l'écran sur lequel se produit l'image
était percé au centre d'une ouverture derrière laquelle on
plaçait une pile thermo-électrique extrêmement sensible. Le
galvanomètre était placé sur un support scellé au nnn-. de ma-
nière à éviter toutes les vibrations (pi'aurait pu produire le
mouvement du dôme. In diaphragme, recouvert de velours
noir, était placé derrière la pile, afin d'empêcher tous les
ravons étrangers de venir troul)ler l'expérience; dans le même
but. on tendait des draps noirs sui' le parcpiet et autour du
dôme. Sur le diaphragme antérieur, une règle graduée en ])ar-
ties du diamètre solaire faisait innnédiatement connaîti'e la
j)osif ion (lu j)oint observé })ar ra|)port au centre ou au contour.
— 204 —
Dans une première expérience faite le 19 mars i852 (i), la
pile étant complètement ouverte et l'image médiocrement
agrandie, la déviation du galvanomètre fut de 3i degrés pour
le centre, et de 21 degrés pour une surface égale prise auprès
(\u bord. Afin d'obtenir des résultats plus exacts, on adapta
à la pile un diaphragme dont la surface équivalait à peu près
à ini carré ayant pour coté un arc d'une minute, et l'on régla
l'instrument de manière à obtenir des variations de tempéra-
ture proportionnelles aux angles d'écart de l'aiguille. Pour
rendre les résultats toujours comparables entre eux, on re-
j)résenta par 100 le ravonnement observé au centre, et l'on
obtint ainsi la table suivante :
DISTANCE DE LA PILE
au centre ilii Soleil, cxpiimée
cil mimiles.
-+- 14,90
-^ I I ,3i
— 10,90
- 14,88
NOMBT.E
exprimant la ladiation
de chaque point.
57,39
88,81
99 '48
81,3?.
54 , 34
Ces observations ont été faites du 19 au 23 mars i852. Le
signe -h indique la partie du disque située au-dessus du
centre; le signe — indique la partie située au-dessous.
(')Nous marquons celte date, parce que, dans les ^tti de l'Académie des N. Lincei,
il y a une grande confusion pour les dates des publications. Certaines expériences
postérieures aux nôtres ont été publiées à une date antérieure à celle qui leur con-
vient. Personne ne s'est occupé de cette recherche avant nous. On a prétendu que
M. Henry, de Washington, nous a devancé; c'est inexact : M. Henry reconnaît lui-
même notre priorité. M. Henry et Arago avaient l'intention de travailler cette ques-
tion, mais par des procédés très-différents des nôtres et qui n'auraient probablement
conduit à aucun résultat bien certain. Du reste, ces projets n'avaient pas encore été
publiés à l'époque où nous avons fait nos observations.
— tîOo —
Dans CCS cxjicrionccs, il nous lut inipossiljlc (l'a|)|)r()(licr
(lu bord à moins d'une iniinitc. l'ius tard, en rcpctant les
uicnics observations avec le grand écjuatorial de ]\Ierz, nous
avons pu aller phis loin; nous avons trouve une diminution
encore j)lus sensible, car à une minute du l)ord lintensité n'é-
tait nius (|ue o..')!'. de celle du centre; en nous rapprocliant
encore davantage du bord, nous avons trouvé qu'elle deve-
nait jjien inférieure à o, jo. Mais à cette limite extrême, même
en emplovant les movens d'observation les })lus précis, on
rencontre des dilficultés qu'il est impossil)]e de surmonter
complètement. On est obligé, sous peine tro])tenir des ivsid-
tats très-irréguliers, de laisser à la pile une certaine ouNcr-
ture ; mais alors la région que l'on examine est loin de
posséder une radiation uniforme. De plus il est unpossible
d'étudier isolément le bord, car les mouvements inevita])les
de l'image ne j)ermettent pas de le retenir exactement au
même j)oint de la pile; aussi nous n'avons pas pu pousser
l'exactitude aussi loin (pie nous espérions, et nous avons cessé
de poursuivre ces reclierclies; cependant les résultats obtenus
sont assez intéressants.
Les nombres que nous avons cités dans le tal)leau précé-
dent conduisent à deux conclusions : I. La température,
comme la lumière, diminue, dans le disque solaire, du centre
à la circonférence. Ce fait, alors contesté, fut mis bors de
dont»' par nos expériences. IL La clialeur n'est pas symétri-
(juemenl répartie dans les deux bémisplières. Pour expliquer
ce fait, (pii ressort évidemment de nos cliiffres, on ne peut
faire que trois liypotlièses : i" la différence serait due à une
influence de l'atmosplière terrestre ; 2" elle existerait dans le
Soleil lui-même, mais serait purement accidentelle; 3° elle
serait constante, et alors elle mériterait d'être étudiée avec
soin.
— 20(3 —
Pour éliminer la première de ces causes, on fit l'étude com-
j)arative de deux points situés systématiquement de part et
d autnule l'équateur solaire, en examinant d'aljord le point le
plus bas , j)uis en observant le point le plus élevé un peu plus
tard, lorsqu'il fut arrivé à la même hauteur que le précédent;
cette manière, l'influence de l'atmosphère terrestre, étant la
même dans les deux cas, devait disparaître dans les diffé-
rences. Les résultats furent les mêmes qu'auparavant, ce qui
montre que la première hypothèse doit être abandonnée.
La seconde ne vaut pas mieux, car les observations furent
prolongées pendant plusieurs rotations consécutives sans que
les nombres fussent modifiés.
Les différences sont donc constantes, et leur cause réside
dans le Soleil. Mais quelle est cette cause? Est-ce une diffé-
rence réelle de température? N'était-ce pas ])lutot la position
particulière de l'équateur solaire, qui se projetait alors sur le
disque au-dessus du centre? Poui' résoudre cette question,
on prolongea les observations jusqu au mois de septembre,
époque a laquelle l'équateur se trouvait projeté sur l'hémi-
sphère opposé. Le résultat fut le suivant : jusqu'au mois
d'août, ou trouva que la température était plus élevée dans
l'hémisphère supérieur; mais plus tard, et surtout pendant le
mois de septembre, la différence fut le plus souvent en sens
contraire. Le tableau suivant contient les moyennes des résul-
tats obtenus du 8 au i5 septembre :
listance au centre.
Radiation en degré:
-^ 14, ?•
10,3
-+- 10,5
i4,G
centre 0,0
17,8
— 10,5
i5,^8
-■4,2
10,4
Ces résultats sont éviJemment en désaccord avec ceux du
— -207 —
mois (le mars, et la comparaison aUciifivcde ces deux époques
foiiduit aux coiicIusi(jiis sui\aut(,'s : i" la température est plus
éle\ee dans les régi(jus é([uatoriales; 2'-' cependant lliemi-
spliére nord parait un peu plus cliaud que l'iicmisplière sud.
l'our contrùler ce dernici" résultat, ([ue sa sinji;ularité même
recommandait à notre attention, nous avons employé Ir j)io-
cédé suiNant.
Soient bd [fii^. 74) 1 axe de l'ellipse suivant laquelle se pro-
jette ItMpiateur solaire au mois de mars, ah et cd les cordes
des deux parallèles menées par les extrémités b et d {\v cette
ellipse. Si l'équateur solaire possède une températuif plus
élevée que les zones voisines, les points b et d doixcnt être
plus cliautls que les points a et c. Au contraire, lorsque l'é-
quateur se projette suivant ac fig- 75), les points a et c doi-
F'c- :h-
Fia- :3
Ncnt être a une température plus élevée que les points b et d.
Avec cette méthode, on peut éliminer l'effet produit par l'at-
mosphère terrestre en observant près du méridien. Nous
avons fait ainsi un grand nombre d'observations d'abord avec
l'équatorial de Cauchoix, puis avec l'équatorial de Merz. Les
résultats qui se trouvent exposés dans les Mémoires de notre
Observatoire ont toujours été concordants, et ils nous ont
fourni les moyennes suivantes :
1° Pour les mois de mai et juin [fig. 74),
a
b
iG-'.G
d
— 208 —
0° Vers la fin de septembre [fig. yS),
a b c d
20", Ti '9°i 7 ?. 1°, I 02", o
On reeoniiait parfaitement que sur l'éqiiateur la tempéra-
ture est maximum. De plus, si l'on compare avec Féquateur
le 3o^ parallèle, les temj^ératurcs de ces deux points sont
entre elles dans le rapport de i5 à iG. On trouve des diffé-
rences encore plus saillantes en prenant pour termes de com-
paraison des points plus rapprochés des pôles; mais nous
ne les avons pas utilisés, afin d'éviter l'influence des diffé-
rences de hauteur et de réfraction. Nous n'avons jamais ob-
servé de variations de température aux différentes longi-
tudes; nous n'oserions cependant pas affirmer qu'il n'en
existe point, et peut-être en découvrira-t-on dans des re-
cherches postérieures.
Nous avons toujours ti'ouvé une température plus basse
dans les taches et dans les régions qui les environnent; aussi
a\ons-nous noté de nombreuses anomalies dans les'lois que
fjous cherchions à reconnaître, lorsque nous étions conduit à
observer un point voisin d'une tache. On doit donc, de pré-
férence, faire ces observations aux époques des niinima des
taches.
Il y aurait lieu de répéter ces observations de temps en
tem])s, afin de voir si les lois que nous avons indiquées
sont bien constantes; mais nous en avons été détourné j^ar
d'autres occupations. Du reste, ces recherches ne sont pas
aussi faciles qu'on pourrait le croire : elles demandent beau-
coup de patience ; les conditions météorologiques gênent
souvent les observations, même dans la saison la plus favo-
rable; aussi beaucoup de séries demeurent elles incomplètes,
et par conséquent inutiles. Ajoutons que, dans les pays
— :Î00 —
cliaiuls, ces observations sont tres-pt-nibles en été, et ce-
jx'ndant e'est alors (inCllcs s(M'ai(Mit plus faciles cl plus pro-
fitables.
^ n. — Conséquences qui découlent des observations
précédentes.
Les faits cpie nous venons (Tenoneer conduisent directe-
ment aux. conclusions suivantes :
i" Toutes les radiations éprouvent une absorption consi-
dérable cpii va en croissant depuis le centre du disque solaire
jusqu'au bord, où cette absorption atteint son maximum.
2° Les régions équatoriales sont à une température plus
élevée que les régions situées au delà du io^ degré de la-
titude, et la différence est au moins de -p^.
3° La température est ini peu plus élevée dans l'hémi-
sphère nord que dans l'hémisphère sud.
4*^ De même que les taches émettent moins de lumière,
elles émettent aussi moins de chaleur que les autres régions.
La première de ces conclusions nous permet de démontrer
rigoureusement qu'il existe une atmosphère autour du Soleil.
Pour bien comprendre notre raisonnement, il faut se rappeler
les principes sur lesquels s'appuient les astronomes pour
analvser les effets dus aux atmosphères des corps célestes.
Soient bkd Jîg. 7(3) la surface du Soleil, AoB la surface
extérieure de son atmosphère. Les ravons émis par le corps
solaire traverseront une couche atmosphéri([ue dont lepais-
seur sera d autant plus grande (juils seront partis d'un j)oint
plus éloigné du centre. La j)his petite épaisseur sera ok ,
pour un ravon partant du c<'ntre; la plus grande sera bn,
pour un ra\on partant (hi bord; (A\o prendra une ^aleur in-
I. .',
— 210 —
termédiaire, telle que hm^ pour un point situé entre le bord
et le centre. Des observateurs placés dans le Soleil en ces
différents points apercevraient la Terre à des hauteurs zéni-
thales différentes. Au point k^ correspondant au centre du
disque solaire, la Terre apparaîtrait au zénith; du point è, on
la verrait à l'horizon; du point A, situé entre deux, on la
verrait à une distance du zénith mesurée par l'angle hCk.
Dans ce trajet, les ravons qui sortent de l'atmosphère solaire
se trouvent dans les mêmes conditions, quant aux résultats,
que ceux qui pénètrent dans l'atmosphère terrestre; ainsi le
Fig. -;6.
maximum d'absorption a lieu pour h^ bord où le rayon sort
horizontalement; le minimum correspond au centre, où le
rayon sort suivant la verticale. Il est facile de calculer, d'a-
près la théorie, l'absorption qui correspond à un point donné
d'où la Terre serait vue à une distance zénithale 5, cet angle
étant également celui que font avec la verticale du lieu les
rayons qui se dirigent vers la Terre. En prenant la moyenne
des nombres que nous avons donnés dans nos tableaux, on
arrive aux résultats suivants :
Distance au centre.
Valeur de
t
0,00
0 ;
0. 0
11,10
43.55
'4»9^
68.38
Intensité lumineuse.
100,00
85, g6
55,86
- ûl\ -
En inlroduis.iiit tes nniiilircs dans les loriniilf^s , on |)cnl
cjilculcr ral)S()i"|)ti(Mi produih' r\\ un ponit ([Ut'lconcjue de la
surface solaire; on ti'on\(* ainsi (ju'cn un point (|ui corres-
pond aux ^ du ra\()n cllr «st cigale à 0,72"). IJoui^iicr a\ail
frou\é o,'j2f). On no saurait dcsirci' une conicidcncc plus par-
faite.
( )n \()it (pie la (piaiitilc de clialtin' (pii parvient à s'ei hap-
per du Soleil se trouve sini;ulièrement réduite par 1 action
atniospliérifpie; mais, conmie cette action n'est pas la même
pour tous les points, on est conduit à se poser les deux cpies-
tions suivantes : i"* quelle est l'absorption exercée par latuio-
sphère dans la direction de sa plus faible épaisseur, c'est-
à-dire pour y = o? 2** quelle est l'absorption totale, et par
conséquent (juelle serait la radiation absolue, s'il n'y avait pas
d'atmosphère? On peut répondre à ces questions en em-
ployant les formules connues, bien qu'elles ne soient qu'ap-
prochées, car les données relatives au Soleil ne sortent j)as
des limites que les astronomes ont adoptées en établissant ces
formides.
Les résultats sont inscrits dans le tableau suivant. On
trouve dans la première colonne la jiosition du point qui a
servi de base au calcul; dans la deuxième, la valeur corres-
pondante de l'angle 0, c'est-à-dire la distance zénithale de la
Terre vue du Soleil ; dans la troisième, l'intensité de radiation
(jui reste après l'absorption pour le point situé au centre du
disque, la radiation totale étant exprimée par l'unité; enfin
la quatrième indique la fraction de la radiation totale c[ui
parvient à sortir de l'atmosphère solaire, et se répand réelle-
ment dans l'espace.
li-
212
rosiTio.N
sur
LE HAYON.
VALi.in
I, 'AN(!1. E 0.
INTENSITÉ
RiiSIDLELLE
AU CENTRE.
TOTALE.
o,GGC)
o,7JO
0,875
0 1
4.!.;i:>
48. 3',
G8./,<)
0,28.33
0,2'|oG
0, 'i"i-5
0,1019
0,0794
0,1711
IMoycime. . .
0. 3(>().')
0, I T7.J
Les cliiflVes de la dernière colonne proviennent de deux
sources différentes : ceux de la première et de la troisième
lionne résultent de nos observations tliermométriques, ceux de
la deuxième sont déduits des données de Bouguer. Les résultats
inscrits dans la troisième et la quatrième colonne ne sont pas
constants, comme ils devraient l'être; ceux qui correspondent
aux valeurs 0 = 4^^"^^' et 0 = o8'^49' diffèrent ])resque d'un
tiers; cette différence est par trop grande. Il faut en con-
clure que les lois admises pour l'atmosphère de la Terre ne
s'jqipliquent pas à celle du Soleil. La rapidité avec laquelle
se produisent les variations auprès du bord nous avait déjà
conduit à la même conclusion, et nous de\ons pcmser plus que
jamais que l'absorption se produit en tres-gi-ande partie dans
des couches relativement très-basses, mais douées d'un pou-
voir absorbant très-considérable.
Malgré cette difficulté, il v a des conclusions très-frap-
pantes qui demeurent toujours vraies , bien que les nombres
ne soient qu'approchés ('). Telles sont les suivantes : 1° au
centre du disque, c'est-à-dire perpendiculairement à la sur-
(') M. Plana a démontré dans les Astron. Nadir., i\° Si3, que d'une petite erreur
dans les données il résulte une assez grande erreur dans les conclusions. De plus, une
erreur négative indue sur les résultats plus qu'une erreur positive. T'oir aussi Laplace,
Mécanique céleste, Livre X, Chapitre XIII.
- i>13 -
face (le la pliotosphcTC, l'al^soi-plioii arrête les -3- environ, on
|)lns exaetenient les y^,*',, de la forée totale; 2** l'action totale
(le cette env('lo|)|)c al)sorl)ante snr riiéniisphère visible du
Soleil est tellement j:rantle, qu'elle ne laisse» sortir ([ne les —^
delà radiation totale, le reste, c'est-à-dire y^^, étant absorbé.
En d'autres termes, si le Soleil était dépouillé de son atmo-
splière absorbante, il nous paraîtrait huit fois plus chaud et
plus brillant cpi'il ne paraît actuellement.
Cette influence surprenante de l'atmosphère solaire a l'a-
vanta<;e d'empêcher une dispersion trop grande et troj) rapide
de la chaleur solaire. I.a force vive des radiations reste ainsi
emmagasinée dans latniosphère du Soleil, et contribue à con-
server sa haute température. L'absorption ne j)ro(luit auc une
perte réelle ; elle ne détruit point les radiations qu'elle arrête
au passage; elle empêche une dispersion qui serait inutile et
même nuisible pour les planètes. Que deviendrait, en effet,
notre globe sous une radiation huit fois plus grande que celle
(pii se produit actuellement? L'expérience prouve que, dans
les climats où le ciel est pin-, on ne peut pas impunément ix's-
ter exposé aux rayons du Soleil si l'on double leur puissance
par mie simple réflexion sur un miroir |)lan; si donc h' rayon-
nement devenait huit fois plus considérable, aucune créature
ne jjourrait plus vivre sur notre planète.
Il faudra tenir compte de cette ahsorption atmosphérique
lorsqu'on voudra essaver d'évaluer la température du Soleil,
car les calculs qu'on ferait sans en tenir compte donneraient
évidemment ini résultat huit fois trop faible.
Du reste, il n'est pas surprenant qu'une atmosphère si con-
sidérable possède un grand pouvoir absorhant, car l'atmo-
sphère terrestre, qui nous paraît si transparente, absorbe
suivant la verticale un ([uart îles rayons qui tombent sur sa
surface supérieure.
21-
l.'atmosphcre solaire possède-t-elle une absorption élective
et une ihermoehrose spéciale? Melloni nous adressa lui-même
cette question^ et pour y répondre nous avons eu recours à un
£;rand nombre d'expériences; nous avons fait passer les rayons
solaires à travers différentes substances : l'eau, le verre, le
quartz enfumé, etc., mais nous n'avons obtenu aucun résul-
tat bien certain. Cela tient évidemment à ce que, à l'influence
de l'atmosphère solaire vient s'ajouter celle de l'objectif et
de l'oculaire, influence bien suffisante pour dépouiller les
rayons qu'on observe des éléments déjà connus comme étant
les plus thermochroïques.
Nous verrons plus tard que les radiations solaires ne sont
pas homogènes, même lorsqu'elles nous arrivent suivant la
verticale , et qu'il existe sans doute une thermochrose ; mais
cette étude demanderait des instruments plus délicats que
ceux dont nous disposons.
La belle expérience de M. Tvndall sur la calorescence,
c'est-à-dire sur la transmission isolée des rayons obscurs à
travers une dissolution d'iode dans le sulfure de carbone,
est un fait qui prouve l'existence d'une véritable thermo-
chrose. Nous en parlerons plus tard en discutant la composi-
tion de l'atmosphère solaire; pour le moment, qu'il nous suf-
fise d'avoir constaté l'existence de cette atmosphère, et d'avoir
montré l'énorme pouvoir absorbant qui en résulte.
— 2i5 -
CIl.VPITRi: II.
ANALYSE SPECTUAI.K DE LA L T M I E K E SOLAIHE.
AVANT-PHOI'OS.
Les méthodes (ju emploient les astronomes pour étiicli<'r le
ciel dépendent nécessairement des progrès de la Physique.
Nous venons d'exposer en détail les observations faites il y a
peu d'années pour déterminer la nature de l'atmosphère so-
laire ; il était imj^ossil>le de faire mieux et d'aller plus loin ;
mais, dans les dernières années qui viennent de s'écouler, la
science s'est enrichie d'un instrument nouveau et puissant qui
permet de pénétrer plus avant dans la connaissance de la ma-
tière et de sa constitution intime : cet instrument, c'est le spec-
troscope. A l'aide de cet admirable appareil, nous pouvons,
dans certains cas, reconnaître, même à distance, la nature
chimique des corps, et, jusqu'à un certain point, leur état
physique. C'est lui qui nous fera connaître d'une manière
plus certaine la nature et le mode d'action de l'atmosphère
qui environne le Soleil.
Pendant longtemps les astronomes se sont bornés à étudier
les mouvements des astres, leurs masses et leurs volumes;
l'analyse spectrale nous permet de dépasser les découvertes
admirables de nos prédécesseurs; elle nous donne le moyen
de déterminer la nature de la matière qui compose les corps
célestes. La lumière <'st le seul aident qui nous mette en re-
lation avec ces mondes lointains; c'est à elle (jue nous de-
— 21C —
vons demander des renseignements sur leur constitution
physique et leur composition chimique
La science de l'analyse spectrale est maintenant assez ré-
pandue. Depuis la première édition de ce Livre, on a publié
un certain nombre d'ouvrages spéciaux, entre autres l'excel-
lent travail de INI. Schellen : Die spectral Analyse; les Lectuj-es
on spectriun analysis, de Roscoë; les Spectres lumineux ^ de
jNL Lecoq de Boisbaudran (' ). Nous ne croyons cependant pas
pouvoir nous dispenser de donner ici un aperçu sommaire des
principes de cette science nouvelle ; nous éviterons ainsi au
lecteur la peine de recourir à d'autres ouvrages. D'ailleurs
l'étude du spectre solaire forme la base de l'analyse spec-
trale et de ses applications à la physique céleste; c'est pour
celte étude qu'on a imaginé les instruments les plus puis-
sants : nous ne devons donc pas nous contenter de passer
légèrement sur ce sujet dans un ouvrage sur le Soleil. Ceux
d'entre nos lecteurs qui voudraient s'instruire à fond de cette
science et de ses méthodes pourront consulter les ouvrages
spéciaux; quant à ceux qui sont familiers avec cette étude, ils
pourront omettre la lecture de quelques-uns des paragraphes
suivants. Nous y avons cependant recueilli des données his-
toriques qui ne seront pas sans intérêt, même pour les per-
sonnes les plus instruites.
(') ;\I. Lecoq de Roisbaudian ne parle pas du spectre solaire, son livre étant des-
tiné aux recherches de Chimie minérale; mais, parmi les spectres qu'il décrit avec
beaucoup d'exactitude, il en est plusieurs dont la connaissance est très-utile, indis-
pensable même, pour les recherches solaires.
- ^217 ~
§ 1. — Premiers ira^aiLv sur l'analyse de la lumière solaire
par le prisme.
Il s(Mnl)lc (lu'oii oITrant à nos regards les hrillaiites eoii-
leiirs (le larc-eii-i iel la nature ait voulu nous in\ iter à exa-
miner la conij)ositit)n tic la lumière et à étudier sa nature.
Cependant ee mvstère ne fut dévoilé que bien tard. Depuis
longtemps on eonnait le verre triangulaire : c'est ainsi qu'on
désignait autrefois le prisme: sa propriété de colorer les ob-
jets les plus grossiers et de les transformer en un amas de
pierres précieuses, en faisait un amusement vulgaire, mais
peu digne de l'attention d'un pliiloso[)lie. Le P. Grimaldi fut
un de ceux qui l'étudièrent avec le })lus de soin et de succès.
Il perça une ouverture dans le ^()let d'une cbambre noire,
introduisit par là lui ravon lumineux et lui fit su])ir l'action
(lu |)risme; il put alors observer attentivement le sp(>ctre
solaire et en donner une description très-soignée. Après cette
expérience intéressante, il en fit luie autre sur la transmission
du ravon solaire à travers des splières pleines d'eau , puis il
proposa une explication de l'arc-en-ciel, dont la théorie ma-
thématique fut donnée plus tard par Newton (Grimaldi, Phy-
sico-mathesis de lamine, prop. XXX et seq., p. 235, etc.).
La Jig. 77 montre la disposition de la première expérience de
(irimaldi. Le rayon solaire SI), re(;u par le trou d'un volet dans
la chambre obscure, est brisé par l'angle A du prisme ACB ;
il s'étale en reproduisant les couleurs de l'arc-en-ciel et en
dessinant le spectre RV sur la paroi opposée. Newton répéta
ces expériences et reconnut (pie les différents rayons du
spectre peuvent subir, sans altération, l'action d'un second
prisme.
- 218 -
Nous reproduisons la figure originale (78) que Newton eii-
^ova à son ami Arlautl. de Genève. ]iour lui faire connaître
FJg- "■
cette découverte, en v ajoutant le mot: célèbre : Xec variai
lux fracta colorem ('). Cette impossibilité de décomposer un
Fi>. -:8.
rayon qui a deja traversé un preiiiier prisme constitue en
réalité la découverte de Xevvton: mais il alla plus loin, re-
(M L'original se trouve dans la bibliothèque de Genève, où nous l'avons découvert.
— 21*) —
composa la liiinicrc Ijlanclic, iixa les iionis dos différentes
couleurs et les propoihous dans les([uelles on doit les cond)i-
ner [)our reproduire une lumière analo<j;ue à celle du Soleil.
l)e])uis Newton, ^Vollaston est le premier qui ait fait faire
à cette branche de l'Optique un progrès sérieux. Ku re-
gardant lUie fente étroite à travers lui prisme, il vit (pic le
spectre, au lieu d'être continu, présentait des lacunes ou raies
noires qui le partageaient en plusi<'urs parties. Cette décou-
verte passa inaperçue; elle resta stérile pour la science, jus-
f "S- 79
qu'ail moment où Fraunhofer, voulant déterminer d'une ma-
nière précise l'indice de réfraction des verres qu'il employait,
aperçut et découvrit de nouveau le même phénomène ; il
imagina des méthodes pour étudier ces raies, les dessiner et
fixer leur position par des mesures exactes.
L'expérience fondîmientale de Fraunhofer se fait de la
manière suivante. Sur un plateau horizontal JNIN [fig- 79),
on place un prisme triangulaire P, de cristal très-pur; à une
certaine distance se trouve luie fente F, très-étroite, à bords
parallèles, éclairée, à l'aide d'un héliostat, par ini ravon de
lumière solaire. Ce ravon tombe siu* le prisme, et, après avoir
subi la déviation sous l'angle mininuun, il entre dans l'objec-
tif (1(^ la luiK'tte QL , qui sert ainsi à étudier les différentes
220
parties du spectre. Afin de bien discerner les raies, il faut d'a-
bord viser directement la fente, et disposer l'oculaire de
manière à la voir nettement; puis, après avoir placé le prisme
sur le trajet des ravons lumineux dans la position qui convient
au minimum de déviation, on observe avec la lunette, et, en
allons, eant légèrement l'oculaire, on met au point de manière
à voir nettement les raies. Si le prisme est de bonne qualité
et si la lunette est achromatique , on apercevra un nombre
très-considérable de raies très-fines ; on en voit un spécimen
dans la fig. 3, Pi. I, où les principales seulement sont re-
présentées. Cette figure est assez semblable à celle de Fraun-
hofer ; elle a été tracée par M, Van der Willingen. Fraunhofer
désigna les raies principales par les lettres suivantes : A dans
le rouge extrême, B dans le rouge, C dans le rouge orangé,
D dans le jaune orangé, E et ^ dans le vert, F au commence-
ment du bleu, G dans l'indigo, H dans le violet Ces lettres
ont été religieusement conservées; on y a joint des chiffres
destinés à faciliter la comparaison avec le tableau des lon-
gueurs d'onde que nous donnons plus loin. Les raies ne cor-
respondent pas aux limites qui séparent les couleurs les plus
tranchées du spectre. Le lecteur apprendra par la figure déjà
citée à reconnaitre leur position.
§ IL — Spectroscopes, ou instruments destinés à observer
le spectre solaire.
Le mode d'observation adopté par Fraunhofer est encore
préférable pour un grand nombre de recherches ; il a cepen-
dant l'inconvénient d'exiger que la fente soit située à une
grande distance. Pour la lumière solaire, qui est très-vive, on
peut encore dans ces conditions obtenir un spectre assez bril-
221
laiit vt distiiii^iKM' siifrisaintncut les raies. Il n'en ost pas de
nuMiie pour les autres recherehes et, en particulier, pourlana-
Ivse (le la lumière provenant des autres corps célestes : elle
serait impossible par ce procédé.
On la donc modifié en raj)proeliant la fent<' du prisme;
mais, pour maintenir le parallélisme des ravons incidents et
afin (pi'on ne soit pas oblige d'éloigner l'oculaire à mie troj)
grande distance de l'objectif, on a ajouté entre le prisme et
la fente une lentille acliromatifpKMlont le fover coïncide avec
la position coupée par la fente. Au sortir de la lentille les
ravons sont parallèles entre eux comme si la fente était si-
tuée à un<' grande distance; ils traversent le prisme qui les
disperse et ils sont ensuite reçus par l'objectif de la lunette.
Le système de la fente avec la lentille ainsi disposée constitue
ce qu'on appelle le collimateur.
Soit F Jig. 80) un point de la fente éclairée par une lu-
mière homogène. Les ravons divergents tombent sur la len-
tille C du collimateur qui les rend parallèles. De là ils tra-
versent le prisme Pet sortent parallèles entre eux. Ils tombent
ensuite sur l'objectif de la lunette, convergent en O au foyer,
où on les observe avec l'oculaire.
oc>o
Si la lumière n'est pas homogène, chaque rayon aura un
foyer différent sur le plan focal mOn de l'oculaire, et l'en-
semble constituera le spectre.
L'idée d'emplover un collimateur dans les spectroscopes
ordinaires est due à Zantedeschi, de Padoue; c'est Amici, de
Modène, qui l'a adaptée le premier aux instruments destinés
à observer les étoiles.
L'instrument de Fraunhofer ainsi modifié s'appelle un spec-
troscope, et l'on peut augmenter son pouvoir dispersifen multi-
pliant le nombre des prismes : de là les spectroscopes simples
et les spectroscopes composés. Tout spectroscope est formé es-
sentiellement d'un collimateur, d'une série de prismes et d'une
lunette; en enlevant les prismes et en regardant directement
la fente on voit un rectangle blanc et très-étroit. On aper-
cevra cette fente sous un angle d'autant plus petit que le col-
limateur et l'objectif de la lunette seront à plus long foyer.
Si l'on remet les prismes dans leur position, à la place de la
fente on voit une série de raies brillantes et de raies noires
d'autant plus nettes que la fente est plus étroite. Pour essayer
le spectroscope, la méthode la plus facile consiste à examiner
un tube de Geissler contenant de l'hvdrogène raréfié, ou une
lampe à alcool salé On voit dans la lumière du gaz une suite
de raies fines dont quatre sont extrêmement brillantes. Avec
la flamme de l'alcool salé, ou simplement avec celle d'une
bougie où l'on a mis un peu de sel, on distingue dans le jaune
deux raies très-fines parfaitement parallèles.
Une des conditions les plus nécessaires pour avoir nettement
les raies du spectre, c'est que le prisme soit constamment
dans la position qui correspond au minimum de déviation.
Pour cela il faut que le rayon incident et le rayon émergent
fassent des angles égaux avec les faces des prismes. Or, grâce
à la dispersion, l'angle d'émergence n'est pas le même pour
22.1
les ravons de roiilciirs (linri-ciilcs : il faut donc \aiior la dis-
position i\u j)risnic, siiitoiil poiii" les laNons les plus réfraii-
i;il)U's. On peut a la njj^iu'ur se dispenser de celte j)réeaiitioii
pour les petits instruments; mais elle est nécessaire pour ceux
(pu ont ini urand pou\oii- dispei'sif.
Nous a\()ns employé un a|)j)areil (pii donne un spectre Irès-
étalé et très-net avec un seul prisme, mais en emplovant de
fortes lunettes (y?^. 8i). AU et CI) re|)résentent respectivement
le collimateur et la lunette. Le collimateur est fixe, la lunette
Fij. 8i.
<'st mobile sur une règle pouvant tourner autour de l'axe qui
supporte le prisme. La lunette et le collimateur sont reliés
j)ar deux tiges à charnière qv et/?e. De la monture du prisme
part une tige qui entre dans u\i anneau placé lui-même à
l'intérieui-de la charnière e. Il résulte de ces dispositions qu'en
faisant varier l'angle formé par la lunette et le collimat<'ur la
tige est toujours bissectrice de cet angle, et que, par suite, le
prisme garde sa position qui est celle du minimum de dévia-
tion.
M. Kirchhoff est le premier qui ait introduit plusieurs
prismes dans le spectroscope. Son appareil (Jig. 82) se compo-
sait de quatre prismes de Steinhcil, posés sur une plate-forme
à laquelle étaient adaptées de grandes lunettes : c'est ainsi
(pi'il a fait les n^clierehes nécessaires pour la construction des
c><9'.
grandes planches dont nous parlerons bientôt. Ce spectro-
scope est puissant, mais il présente l'inconvénient d'exiger
des modifications continuelles dans la position des prismes
pour obtenir le maximum de déviation. Il est très-difficile
d'obtenir ce résultat pour un ensemble de plusieurs prismes.
On a longtemps cherché à résoudre ce problème : les solu-
tions j)roposées ont toujours été compliquées et imparfaites;
Fig. 80.
il paraît cependant qu'on réussit actuellement sans trop de
difficultés.
Il faut distinguer les spectroscopes destinés aux études de
la Chimie de ceux qui doivent être employés à l'étude des
astres. Les premiers peuvent être très-loui'ds, supportés par
des pieds massifs et armés de longues lunettes; mais pour l'As-
tronomie on doit éviter ces machines pesantes, car on doit
les adapter aux lunettes qui sont destinées aux observations
ordinaires. On doit donc chercher à faire des instruments
légers pour conserver l'équilibre des machines; aussi pré-
fère-t-on employer des prismes nombreux et des lunettes très-
coinics, ce (|iii a ciuoi'c d'aiilrcs aNanlaj^cs |i()ur I Astro-
iiniiiic.
\a\. Jig. iS'3 représente im s\ sterne de six prismes moiités
sur une plate-rornio; OC est le collimateiii'. 1\K' la lunette
FiU. 83.
ir " \
d'observation, et FF' un petit collimateur qui porte, au lien
de la fente, une échelle dont l'image est réfléchie dans la
lunette par la face du dernier prisme. Cette échelle sert
à prendre approximativement les positions des raies. Si
l'on veut plus de précision il faut un micrométr(\ Les six
prismes sont reliés ensem])le |)ai' une roue; une pièce de
cui\re ])erniet de les mettre au mininunn de déviation. Cette
disposition est très-imparfaite, et de plus elle ne j)ermet
I. i3
— i>2G —
pas iremployer plus de six prismes. j\I. Lockyer a cependant
employé un instrument semblable j^our faire ses admirables
découvertes.
En combinant la réflexion avec la réfraction, on est par-
venu à obtenir une dispersion plus grande avec un plus petit
nombre de prismes. M. Janssen, qui eut le premier cette idée,
obtint avec deux prismes et demi l'effet qu'on obtient avec
ciii(| parla métliode ordinaire. jM. Littrow en employa quatre
Fis- 84.
et demi qui équivalaient à neuf. Pour obtenir ce résultat, le
dernier prisme est coupé en deux; sa seconde face est ar-
gentée, de manière à réflécbir la lumière ; les ravons, après
cette réflexion, reviennent sur leurs pas en continuant à se
disperser à travers les premiers prismes qu'ils avaient déjà
traversés. \jx fig. 84 représente un spectroscope à réflexion
construit par Î\I. Secrétan. La lumière pénètre par la fente F,
elle est réfléchie par un petit ])risme p et renvoyée à l'objectif
de la lunette O qui fait l'office de collimateur. Elle traverse les
quatre prismes et arrive au demi-prisme -. Arrivée là, elle est
réfléchie de nouveau et renvovée à travers les prismes vers
— 9-27 —
rolijtTtil, (l nu elle se l'cnd a lOciilairc () . Cd appareil a dos
axaiifaijes sérieux, mais il est dillicilc de le régler et d amener
exactement les prismes au minimum de déviation.
Al. Young, de Dartlimoutli -Collège , en Amérique, et
M. (.1 ublj, de Dublni, ont imagine de faire revenir la lumière
[)ai' un autre procédé. A la face postérieure du dernier |)risme
{Jig. 85) ils soudent un prisme rectangulaire o) ; le ravon, en-
tré pu" le collimateur C, après a\oir trav(M'sé le système des
prismes par leur partie supérieure, pénètre dans le prisme
rectangulaire par la face hypoténuse; puis il subit deux ré-
flexions totales sur les cotes de l'angle droit, et revient à tra-
vers la partie inférieure des prismes, dans la lunette L. La
Fi-. 85.
Jig. 85 représente la position théorique du collimateur et de
la lunette par rapport au prisme réflecteur; on a supprimé
les prismes intermédiaires.
La /ig. 86 représente le spectroscope à réflexion tel que
nous l'avons fait construire, ?s'^ous y avons introduit une lé-
gère modification, afin de pouvoir l'équilibrer j)lus facilement
en rad;!})tant à la lunette. Les prismes sont joints ensemble
par des charnières situées à leurs angles intérieurs et ils sont
placés dans la position qui correspond au minimum de dé-
viation. Cette position n'étant pas la même pour les rayons
des différentes couleurs, il a fallu rendre les prismes mobiles
et imaginer un mécanisme qui permit de les amener tous en
peu de temps dans l'orientation convenable. La monture de
chaque prisme ])ort(\ à sa partie postérieure, une qucnie di-
visée par une fente longitudinale. L'un des bords de cette
— 2:î8 —
fente porti^ des dents qui engrènent a\ec un pignon. En fai-
sant tourner ee pignon à l'aide d'un Ijouton, on met tous les
prismes on mouvement, et on les amène ainsi dans les posi-
tions suecessives qui eorrespondent au minimum pour les dif-
Fifî. 86.
férents rayons. Ce méeanisme, qu'on peut appliquer à tous
les spectroscopes, permet de passer facilement et rapide-
ment d'une couleur du spectre à une autre, tout en se main-
tenant dans les meilleures conditions pour observer nette-
ment les raies.
Ces spectroscopes , dont le pouvoir dispersif est considé-
— li:) —
l'.ihlc, sont utiles |)(>i 11" (•citiiiics ctiidcs ; in;iis on |)(Ut, la plu-
part (lu ti'nij)s, cmplox »i' dos ap|)ai'cils nionis puissants. I.ors-
(pi ils (loiNcnt être adajjtcs à des lunettes, ds peiiscnl ('tre
plus simples et plus coiniiioiles.
\A\.Jîg. 87 représente le speetroseope dont nous faisons lia-
l'i;:. S-.
bitiiellemcnt usage, et dont on peut modifier la puissance en
y adaptant à volonté un nombre de prismes variant de un à
cinq. La lettre t représente le gros bouton du tube de la lu-
nette équatoriale à laquelle s'adapte l'instrumenL; p est le
cercle de position qui, à Taiile d'une roue intérieure et d'un
pignon, sert a faire tourner toute la maeliine autour de l'axe
de la lunette; c est le tid)e (pii eonlienl le collimateiu'; r re-
— 230 —
présente les plateaux qui portent les prismes et qui peuvent
se séparer à volonté: /est le tuLe de la lunette du spectro-
scope ; o Toculaire à réflexion latérale qui permet à l'observa-
teur de prendre une position plus commode. A la hauteur du
point c se trouve une large ouverture par laquelle on voit la
fente du collimateur et l'image du Soleil qui s'y projette ; nous
recommandons beaucoup l'emploi de cette ouverture, car
elle facilite singulièrement les recherches spectrales, surtout
pour les bords du Soleil. Le pouvoir réfringent de ces prismes
est tel, que le rayon émergent est parallèle au rayon incident
pour les ravons jaunes. Si Ton veut rendre la dispersion plus
considérable, on n'a qu'à ajouter deux prismes à vision di-
r c
recte, l'un entre l'objectif de la lunette et les prismes, et l'autre
entre les prismes et l'objectif du collimateur, ^ous nous con-
tentons ordinairement d'un seul de ces prismes additionnels.
Afin de ne pas trop compliquer la figure, on a supprimé le
mécanisme qui sert à amener les prismes au minimum de
déviation.
Nous venons de nommer les prismes à vision directe; ces
instruments sont très-utiles dans l'analyse spectrale. Ils ont été
inventés par M. Amici, de IModène, et perfectionnés ensuite
par M. Hofmann, de Paris. C, C, C {/ig. 88) sont trois prismes
de crown à peu près rectangulaires, soudés à deux autres de
flintF, F également rectangulaires. Les prismes achromatiques
ont la propriété de dévier les rayons lumineux sans leur faire
subir de dispersion ; le svstème que nous venons de décrire
produit l'effet contraire, il les disperse sans les dévier. Ces
- 231 —
appareils sont excellents, et l'on parvient à obtenir, en les em-
ployant, une dispersion tloul)le de celle que produisent les
instruments ordinaires. M. Hofmann construit dexcelh'nts
s|)ectroseopes avec lui seul prisme à vision directe: MM. Merz
et Tauher ont obtenu une dispersion exceptionnelle en les
combinant deux à deux.
La fig. 89 représente le spectroscopc à vision directe de
31. Merz; ah est le colhmateur; hc l'ensemble des deux
prismes, ce? la lunette. La fente /" est munie d'un bouton à
léte divisée pour mesurer l'ouverture de la fente, et l'oculaire
Fi[j. 90.
c'
porte un petit micromètre pour mesurer les distances relatives
des raies.
M. Rutlierfurd, de New- York, a proposé un système de
prismes composés qui n'est pas à vision directe, mais qui pro-
duit mie dispersion équivalente à celle de trois prismes or-
dinaires. C, C, C" i/ig. 90) sont trois prismes de crown ; en /.
/' se trouvent deux prismes en flint lourd qui est très-disj)er-
sif. Le rayon sort de ce système fortement dispersé et légère-
ment dévié, de sorte f|ue, avec un petit nond)re de prismes.
— 232 —
on peut avoir une dispersion très-considérable ('). M. Hof-
niann construit actuellement des systèmes très-dispersifs com-
posés de trois prismes seulement [fig. 91).
Cette dispersion ne peut cependant pas être indéfinie : l'in-
tensité de la lumière se trouve assez affaiblie, surtout dans
la partie plus réfrangible. L'épaisseur du verre à tra\erser de-
\ient bientôt très-considérable, surtout quand on emploie
l(^s prismes à vision directe. Cbaque svstème présente à ce
point de vue des inconvénients particuliers; dans les spectro-
scopes ordinaires, il y a de nombreuses réflexions sur les faces
et, ces réflexions se produisant sous d(\s angles assez grands,
F'S- 9'-
la lumière transmise se trou\ e considérablement affaiblie. Les
réflexions sont moins nombreuses dans les prismes à Aision
directe; mais, en revanclie, l'épaisseur est plus considérable,
ce qui fait compensation. Nous ne saurions dire d'une ma-
nière générale quel est le meilleur svstème ; car il est pro-
bable, ici comme toujours, que le même instrument ne sau-
rait servir à toutes les reclierclies. A mesure c|ue l'occasion
s'en ])résentera nous indiquerons les avantages cpie présente
chaque combinaison.
Aa'cc des prismes convenablement disposés, on peut faire
ini excellent hélioscope. Devant la fente d'un spectroscope
ordinaire, à une distance de 10 à aS centimètres, on place un
prisme à vision directe, qui intercepte le faisceau des rayons
(') Pour idiis de détails, voir Monihly Notices of Astronomical Society. London.
— 2; 13 —
sohiin's, cl produit sur l;i fciitc un spectre confus. En obser-
vant ce spectre avec le spcctroscope ordinaire à fente étnjitc,
on voit une image du Soleil très-nette, colorée des couleurs
du sprctre, j)résentant les images du bord, des tacbes et des
facules exactement comme on les voit avec un Ncri'e coloré. Si
Ton place le boi'd du (lis(pi(' solaire [)res de la raie C de l'In-
drogène ou de toute autre raie de la cbromospbère, on voit
T 0
;
»•
h
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b
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i
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b
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" o je t) i
les raies brillantes, a rextérieur du disque, dans la pai'tie qui
appartient à la cbromospbère et aux protul^érances. On peut
mesui'er la iiauteur de celles-ci par la distance du bord a la-
quelle se trouve la raie renversée. I>a ibéorie du })béno-
mène est très-simple, l.e spectre confus formé sur la fente
{Jig. 92) est composé de plusieurs spectres superposés et qui
appartiennent à différents points du disque solaire. Le spcc-
troscope qui reçoit ces spectres mélangés les sépare les uns
des autres et les dispose dans l'ordre des points du disque
solaire d'oii ils émancMit. De là l'image entière du Soleil
dans le cbamp de la lunette et les détails qui sont d'au-
- 23-i -
tant plus distincts que la fente est plus étroite. D'après nos
observations, l'image du Soleil aperçue ainsi près de l'horizon
est moins agitée et moins confuse que celle que l'on voit avec
les verres colorés ordinaires. Comme ce moven permet de dis-
tinguer les enveloppes solaires qui sont en dehors du disque
d'avec le disque lui-même, on peut s'en servir pour déter-
miner les points précis où se produisent les éruptions; on
pourra aussi l'utiliser dans l'étude des éclipses et du passage
des planètes, pour observer la Lune et les planètes avant leur
entrée sur le disque solaire.
§111. — Description du spectre solaire.
La figure du spectre solaire que nous venons de donner,
dans des proportions modestes , d'après Fraunhofer et Van
der Willingen, n'était qu'un premier essai et comme le pré-
lude des grands travaux qui devaient être exécutés dans cette
science nouvelle et inépuisable. M. Kirchhoff est le premier
qui ait donné un travail étendu et complet; son spectre, de-
venu classique, ne contient pas seulement les raies solaires :
il y a ajouté un grand nombre de raies appartenant aux dif-
férents corps simples de la Chimie. Ce travail, publié d'abord
à Berlin, puis à Londres, a été reproduit dans \q?> Annales de
Chimie et de Physique; il contient la pai'tie la plus intéres-
sante du spectre , depuis la lettre A jusqu'à la lettre G de
Fraunhofer. Le groupe situé au delà de A y est coté 38o mil-
limètres, et la lettre G correspond à 2900 millimètres; la
longueur totale est donc 2"\520. M. Thalèn a continué jus-
qu'aux raies H , de sorte que , entre ces deux limites , le
spectre embrasse une étendue de S'^jSyo. Ce travail monu-
mental a été exécuté avec l'excellent spectroscope de Stein-
heil [Jig. 82); mais pour les parties extrêmes on a dû se con-
I
— î>ao —
(enter <l lin nliis [k lit nnnilti'e de j)iMsnies. I.a Innetle spec-
trale puitait un UR'tauisme muni diin tiaeelel a 1 aide (UkjucI
on j)ouvait tracer sur une plant lie la position des raies. On
a |)U ainsi eKaniincr rlKUjue raie et étudier les détails de sa
structure; on les a classées d'après leur largeur et leur inten-
sité, car toutes les lii^nes sont loin d'être semblables; outre
([u'elles n'ont pas toutes la n)("'me larii;eur, on \()it, en les étu-
diant attentivement, (|u'elles ne sont pas toutes également
noires; elles ont prescjue toutes des contours nettement ter-
minés: mais il y en a qui ne présentent pas ce caractère et
(pii sont dilïuses sur les bords. Il v a au contraire tles raies
lumineuses cpii sont plu-> brillantes (pie les autres : on en voit
un exemple frajipant auprès du i^roupe du magnésium, au
point qui correspond à la longueur d'onde 5iG5,5. On v voit
une magnifique bande brillante^ très-étroite; il y en a aussi
un grand nondjre dans le violet. Certaines bandes qui, dans
les instruments ordinaires, paraissent comme estompées, sont
en réalité composées d'un grand nombre de lignes parfaite-
ment distinctes, comme on le voit a\ec un spectroscope ayant
un grand pouvoir dispersif; mais quelques-unes d'entre elles
sont réellement diffuses sur les bords, et il est impossible de
les décomposer, quelle que soit la puissance de l'instrument
que l'on emploie. Nous pouvons citer comme exemple les
rai<'s du groupe 15.
M. Kir( liholT a été aidé dans ce travail par AI. Ilofmann,
car sa vue était trop affaiblie pour (ju'il put l'exécuter tout
seul. Dans le tableau descriptif du spectre, dont nous donne-
rons bientôt un extrait, la largeur des lignes a été indiquée
par les lettres a, b, c, d, e, f, g, leur feinte plus ou moins
noire j)ar les cbiffres i, 2, 3, 4, 5, 0; mais il y a tant (\r va-
riétés dans les raies, au point de \ ue de lintensité. de la lar-
geur et de la diffusion, qu'on ne réussira jamais à faire une
— 236 —
figure géométrique du spectre qui soit autre chose qu'une gros-
sière ébauche, lui véritable squelette. Le meilleur moyen qu'on
puisse employer, c'est de le reproduire par la photographie,
comme l'a fait M. Rutherfurd, de New-York, et tout dernière-
ment JM. Draper. JNous reproduisons, en gravure sur cuivre,
dans la PL II, la partie du spectre voisine de II, telle que l'a
obtenue ]M. Draper par les procédés de la photolithographie.
]\Ialheureusement ce procédé n'est applicable qu'à la partie
du spectre qui contient des rayons chimiques depuis F jus-
qu'aux rayons ultra-violets; le rouge, le jaune et une partie
du vert sont incapables de produire ime impression suffisam-
ment nette ; mais nous espérons que la science surmontera
cette difficulté, et l'on nous assure que ]M. Yogel v est déjà
parvenu en mélangeant au collodion des substances rouges,
par exemple de l'aniline.
En attendant, nous profiterons des travaux déjà faits et des
descriptions optiques que nous ont légués d'infatigables ob-
servateurs; tout cela est suffisant pour les parties les plus
pratiques et les plus intéressantes de la science.
Le travail de INL Kirchhoff, quel que fût d'ailleurs son mé-
rite, avait deux défauts considérables. D'abord on s'est aperçu
que son échelle n'était pas constante dans toute son étendue,
car il est bien difficile que ses prismes aient toujours été dis-
posés au minimum de déviation. De plus, l'échelle étant arbi-
traire, il était difficile d'en reconnaître la proportion et de
l'appliquer à d'autres systèmes de prismes n'ayant pas la même
nature. Les physiciens ont donc cherché à modifier ce travail
déjà si remarquable, de manière à le rendre parfait, en adop-
tant une échelle invariable basée siu' la longueur même des
ondes lumineuses qui correspondent aux différents points du
spectre. Un spectre tracé d'après ce principe serait absolu-
ment indépendant de la nature des prismes et de la manière
— iWl —
(Idiil lis aiiiiiiciil clc coiiiliiiics; mais il \ aurait iiii antre axaii-
tagc très-considérahlc, c^'^t (|u il serait i(l('nti([(i(' a (chii (jiiOii
ol)tioiit j)ai' iiit('rl(M"oii(M' an niovcii des réseaux.
(Test Fraunholcr (|ui apprit aux physiciens à nl)teiiir de
très-l)eaux spectres sans faire iisa^e du prisme, en utilisant les
pluMioinènes de difiractinn. I.oi'scpi'on lait passer la lumière
j)ai" nne lente étroit*', on obtient des li*anL;cs brillantes, dont
la découverte est due à Griinaldi; ces franges deviennent
heaucouj) plus larges et plus distinctes lorsqu'f)n emploie une
série de fentes j)arallèles. Krauidiofer obtint d'abord ces lentes
en traçant, an diamant, une série de raies parallèles et très-
serrées sur des plnpies de verre dore : c'est ce qu'il appela
des réseaux, l^iis il reconnut que la couche d'or était inutile
et (pion arrivait au même résultat en traçant les raies sur le
verre lui-même. Pour obtenir les s[)ectres de diffraction, on
vise avec une bonne lunette une fente trés-éloignée ou bien
son image jdacée au fover d'un colhmateur, j)uis on inter-
j)ose la plaque de \('rre ravc'e sur le trajet des raNons; on peut
au.ssi recevoir dans la limette la lumière réfléclu<' sur la sur-
face rayée, surface qui alors peut être métallique. Dans les
deux cas, au lieu des franges de diffraction, on voit une série
de spectres dans lesquels on peut distinguer les raies, connue
dans celui qu'on obtient avec le prisme.
Il V a cependant une différence entn* les spectres de dil-
Iraction et celui de réfraction. Ce derniei' est déforme^ : le
roueje et les l'axons moins l'ch'angibles sont condenses; le
violet et les ravons plus réfrangibles sont dilatés outre me-
sure. Les réseaux donnent, soit par réflexion, soit par trans-
mission, des spectres où la déviation est précisément propor-
tionnelle à la longueur d'onde, plus étalés du cote du rouge,
|)lus contractés du côté du violet (jue les spectres dus à la
réfraction à travers les prismes.
— 238 -
Ces spectres de cliffi'action , bien connus des physiciens,
n'avaient jamais été employés par les astronomes, à cause de
la difficulté qu'il y avait à se procurer des réseaux assez grands
et assez régulièrement construits. Cette difficulté vient d'être
surmontée : M. Rutlierfurd, à la fois savant distingué et ar-
liste habile, a réussi à graver non-seulement sur verre, mais
aussi sur le métal des miroirs , des réseaux ayant inie surface
d'environ i pouce carré, et contenant 4ooo lignes parfaite-
ment égales et rigoureusement parallèles. Nous devons à la
générosité de M. Ptutlierfurd deux de ces précieuses plac[ues,
dont la structure est irréprochable : Tune est en verre et l'autre
en métal.
Les ravons réfléchis sur les réseaux métallic[ues donnent
des spectres magnifiques. Le spectre de premier ordre est
très-vif et équivaut au moins à celui qu'on obtient avec deux
bons prismes de flint. Celui du second ordre est double en
étendue ; celui du troisième ordre est triple, et il équivaut au
spectre obtenu à l'aide de six ])rismes. JMalheureusement il
est difficile de dépasser le second ordre, car au delà les spec-
tres se superposent en partie, les couleurs et les raies se con-
fondent. Le violet du premier ordre et le rouge du second se
mélangent déjà, et il faut, pour les séparer, se servir de verres
colorés. Dans les spectres d'ordre plus élevé, il se produit un
phénomène curieux : on peut a\oir dans un même champ
très-étroit deux lignes très-éloignées rune de l'autre, par
exemple C et F, ces deux raies appartenant toutefois à deux
spectres différents superposés; cette particularité peut être
très-utile en certains cas.
A part les inconvénients résultant de cette superposition,
les spectres ainsi obtenus sont excellents pour l'observation
des protubérances solaires; ils sont aussi très -avantageux
toutes les fois qu'on veut emplover les procédés photogra-
I
— 2:{«J —
i)Iiiqii('S. parce f|ii<' les ra\()iis (liiuiujtics ne sont pas absor-
bés pai" celte ivllexioii comme ils le sont par le passage à tra-
vers les prismes.
Dans plusieu!"s circonstances, nous avons emplo\é cette
métliode poui' I ()l)ser\ati()n du Soleil, et nous en a\ons re-
connu les a\antai;es; mais il \ a une clifliculte cpii empêchera
toujours il'en faire un usage habituel : c'est l'oxydation d[\
miroir: aussi, malgré le poids des prismes et l'absorption
qu'ils produisent, on les emploiera toujours de préférence
aux réseaux métalliques. Quant aux réseaux sur cristal , ils
n ont pas un assez grand pouvoir réflecteur.
H V a de si grands a^antages à emplover un spectre con-
struit d aj)rès les longueurs d'ond(% que nous avons pris le
parti de reproduire dans cet Ouvrage les planches du spectre
normal que 31. Angstrom a exécuté le premier. Ce savant a
commencé par reconnaître les principales raies de Kirchhoff
en déterminant la longucMU' d'onde ([ui correspond à chacune
d'elles; puis il les a (lis[)osées dans les Tables dans l'ordre (pii
corresjDond à ces longueurs. C'est ce travail que nous re])i\)-
duisons dans les quatre Pi. III, IV, F et VI. L'usage en est fa-
cile, et elles ne demandent aucune explication. Les chiffres
qu'on lit siu' l'échelle représentent les longueurs d'onde ;
chaque division a i millimètre de longueur et correspond à un
dix-millionième de millimètre de longueur d'onde. Comme on
peut estimer le dixième de chaque division, on parvient à éva-
luer les cent-millionièmes de millimètre, ce qui donne une
idée de la perfection des mesures micrométriques actuelle-
ment employées dans ces recherches.
Le spectre de ]\L Ar.gstrôm s' arrêtant aux raies H, nous
avons emprunté la suite au travail de j\L Cornu, jusqu'aux
rayons chimiques dont la longueur d'onde est ûy^j dix-mil-
lionièmes de millimètre.
— 240 —
Quant aux raies qui aj^partiennent aux différentes sub-
stances, elles sont indiquées à la partie inférieure d'après la
méthode adoptée déjà par M. Rirchlioff. Les raies multiples
qui aj)partiennent à un même corps simple sont reliées par
inie ligne droite horizontale, sous laquelle on a écrit en abrégé
le nom de ce corps. Le fer avant un très-grand nombre de
raies, on lui a donné une zone à part, à l'extrémité de laquelle
se trouve son nom, Fe. Les autres substances ont été placées
au-dessous; leurs raies sont indiquées par des lignes verticales
en traits pleins, qui se continuent en traits ponctués à travers
la zone du fer jusqu'à la bande spectrale, afin de faire voir la
coïncidence lorsqu'elle a lieu. Les raies dues à l'absorption
de notre atmosphère, et qui présentent un aspect diffus lorsque
le Soleil est près de l'horizon, ont été estompées sur une hau-
teur plus ou moins considérable, suivant leur largeur et leur
intensité. Celles qui sont propres aux éléments de l'air sont
tracées dans une zone spéciale précédées de ce mot : Aer.
Cette figure ne présente qu'ini seul inconvénient, et nous
l'avons déjà signalé, c'est cjue l'échelle de séparation des raies
est différente d'un bout à l'autre de la figure, si on la com-
pare au spectre de réfraction : dans le rouge elles sont plus
espacées; elles sont au contraire plus rap]:>rochées dans le
violet. Mais, dans la pratique, cet inconvénient disparait, car
dans le champ d'uu a])pareil puissant on ne voit à la fois
qu'une portion très-bornée du spectre, et il suffit de s'orien-
ter sur quelqu'une des lignes fondamentales pour se rendre
compte de l'étendue relative de l'espace qui sépare les diffé-
rentes raies.
Pour faciliter au lecteur qui posséderait les planches de
Rirchlioff la com])araison avec le spectre normal, nous re-
produisons la Table suivante, où les nombres de la figure de
Rirchlioff sont mis en regard des longueurs d'ondes données
- 2il -
par les (l(U\ s;i\aiils cmiiiciils, MM. ^ an dci- W'illin^M'ii et
An{;str»)iii. ()iia (oiistM'vi', d'après Kirclilioll, les noms des
siil)slances aii\(pielles apj)artieiuient iliflerentes lignes, a\('c
les indications d intensité et tle largeur. On poiUTa, pour
«voir dv plus anijiles renseignements, consulter le travail de
Van (Ici- \\ illingen (^ Musée Teyl<'»% vol. I, fasc. II, p. 5r)) et le
spectre noi mal de AI. Ani^slroni dans les Actes de la Société
d'Upsal, 3^ .série, t. \ I.
Pour l'explication de la dernière colonne de notre tableau
nous renvovons le lecteur au Chapitre suivant, dans lequel
nous exposerons la théorie des spectres lumineux et la coïn-
cidente des raies brillantes qui caractérisent certains corps
avec des laies noires du spectre solaire.
i6
__ q;-2 —
Tableau des longueurs cl 'onde ivhitives au.r raies principales du spectre
solaire, d'après les mesu/vs de ^I. Vax der Willixoex, comparées atcc
celles de MM. Angstrom et Kirchhoff.
1
j
i
LETTRES
(le
Fraunliofer.
NOMBRES
et
lettres
de
VanderWil-
lingen.
LONGIEURS
en millionièii
mè
selon
V. d. W.
d'onde,
lies de niilli-
re
selon
Angstrom.
.NOMBRES
de
la figure
de
M. Kirchhoff
intensité
et
largeur
scion 1
le même.
Sl'BSTANCES
correspondantes.
I a
763,36
„
II
Il
A
I /2
760,92
761,2
404, I
6
Diffose aux bords.
2 a
728,13
//
II
//
2/2
724,38
II
•<
/'
3 «
7i8,97
II
II
II
3 ,3
718,86
II
II
II
B
4 a
4 /5
687,48
687,12
687,5
592,6
6 c
II
Diffuse aux bords.
C
5
6
656,56
65i,9i
656,8
G94,i
711,5
6 c
Hydrogène,
7
649.77
"
719,5
II
8 a
628,11
"
"
II
8 ,5
628,00
II
"
„
625,90
II
II
"
Atmosphérique. Très-
forle. fî de Erew-
ster.
9
619,45
619,2
849,7
3 c
Fer.
10
616,49
616,3
863,9
5 b
Calcium.
"
614.3
874,3
4 b
Baryum.
1 1
613,96
6i3,9
877,0
\c
Fer.
12
612,52
612,4
884,9
4 b
Calcium, cobalt.
i3
610,52
6iû,5
894,9
2 c
Calcium.
i4 «
i4y
589,86
589,26
590,0
589,4
1002,8
1006,8
6 b
6 b
Sodium.
1
i5
562,70
II
1200,4
ri
i6
56i,8o
56r ,80
1207,3
5 g
Fer,
17 •
553, 19
//
1280,0?
II
18
547,86
II
I 324,0?
»
19
545,33
546,0
1343,5
6 c
Fer.
20
537,38
537,4
1421,6?
5 b
Fer.
21
533, o5
533,2
I 463,0
5 c
Fer. Double.
E
22 y.
527,24
527,4
l522,7
6 c
Fer. Calcium.
22 ^
527,04
527,3
i523,7
6 c
Fer.
23
523, 5o
523,7
i569,6
5 c
Fer.
-
24
522,96
II
1577,5
II
25
5i8,63
5i8,8
1634, I
^S
Magnésium.
— '■21A —
Tdhliitit (les longueurs d'onde relntives ttu.r raies jnim qxdes du speitie
salaire , d'apn's les mesures de M. Van UKa AVii.lingkn, comjxtrées ente
eelles de MM. Angstrom tY Ivirciiuoff. (Suite.)
LETTRES
Fraunliufor.
NOUDRES
Cl
Icllrcs
do
Van.lerWil-
lln^-en.
LONGlEin
en iiiilllonlr
III cl
selon
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s d'ondi',
iicsdemilll-
re.
selon
Anijslroni.
MlUDRES
do
la llKure
<lo
SI.Kiruhliori
INTENSlTt
el
largeur
selon
lo uiiuio.
.«ilBSTANCES
corresponilanles.
b
•-G
5 1 7 , 5 1
'*'7.7
1648,8
G/"
.Magnésium.
•J7 0.
517, i4
5.7,-{
i653,7
0.
Kcr. Nickel. D.fluse
aux liuriis.
^7 /3
517,07
517,2
i655,6
6 c
Fer, maïBésium. Dif-
fu«e aa\ l,orils.
27 •/
516,96
«
II
,.
-.iS
5io, 18
II
17^0, '1-"
„
39
508,27
II
1777. '1?
II
3o
5o4 , 37
II
1834 ?
II
3i
496,01
496.1
1961,0
4
Fer.
32
489,38
489,5
2041,4
fi b
Fer. Douille.
33
487. 4G
487-1
2066,6
5 c
Fer. Double.
!•
34
486.39
486,5
2080,0
^S
lljdrogi'na.
35
467,00
II
2309
II
3G «
453,75
II
24S9,-1?
II
3G ,3
453,39
•<
"
"
.3G y
453,06
II
"
•<
37
438,58
438,6
2721,6
6
Fer. Très-ldfgo.
38
434,28
434,3
2798,6
6
Hydrogène. Diffuse,
large.
39
.',32,74
432,8
2821 ,9
6
Fer
G
40
43.,, 2
43 1,0
2854.4
6
Fer.
4'
427,52
427. J
II
..
Fer.
42
426,27
426,2
..
/'
Fer.
43
.',■22, S:
422.9
Il
II
Caliiuin. Doul.lj.
44
4.4,55
/|'4.7
II
"
Douille.
45
4 1 3 , 5 1
II
•<
//
4G
4.0,38
4.0,',
"
Uydropi'-ne. I..1 ,'.
«I.ms les cloiL'S du
:" lyiM!.
17
407,95
407,5
1'
//
For. Forle.
48
406,75
406, G
..
II
Fer. Forle.
49
4^4.79
404,8
//
II
Fer. Forte.
5o
4o3,6i
II
II
»
".
5l K
397,. 3
397-2
■•
"
Calcium.
H,
50 ,3
.393,76
393,6
"
Calclu:ii.
— 244 —
CHAPITRE III.
THÉORIE GÉNÉRALE DES SPECTRES LUMINEUX.
§ T. — Comparaison de la lumière solaire avec les autres
lumières.
Le seul moven d'arriver à connaître la nature et la cause
des raies noires que nous observons dans le spectre du Soleil,
c'est d'étudier à ce même point de vue les autres lumières,
soit naturelles, soit artificielles. Cette étude est facile et elle
avait été déjà commencée par plusieurs savants. Fraunliofer
avait examiné le spectre dû à la flamme de l'alcool salé, et il
avait reconnu qu'il est seulement composé d'une double
ligne jaune qui correspond au groupe des raies D du spectre
solaire. John Herschel, Fox Talbot et Brewster étudièrent
différentes flammes ; ils trouvèrent que leurs spectres étaient
discontinus, formés de plusieurs raies séparées et indépen-
dantes, mais constantes pour une même substance : aussi
Brewster affirma- 1- il qu'on peut reconnaître la nature des
corps par la simple inspection du spectre auquel ils don-
nent naissance. Nous avions nous-méme étudié le spectre
de l'étincelle électrique, ainsi que Wheatstone, Masson,
Brewster, mais tous ces travaux étaient épars et sans unité ;
il fallait les coordonner entre eux, en comparant les diffé-
rents spectres avec celui de la lumière solaire. C'est là
- 2la —
le truNail (jiii a vie act<)m|)li pai'MM. riiiiiscii cl Kirtliholf
d'abord, puis j)ar Tlofinaii cl Tlialcn. Cette comparaison
n'exige pas d'aiili-c appareil (|iic le spcctroscope dont nous
avons déjà parle : il sullil de mettre la source lumineuse
qu'on veut étudier en avant de la fente du collimateur, en
adoptant un procédé quelconque qui permette d'introduire
à la fois dans l'appareil les ravons émanés de cette source
et ceux de la lumière solaire. Pour cela on dispose un pclit
prisme devant la fente, de maiîicrc à la couvrir dans une moi-
tié de sa longueur; les faces de ce prisme réfléchissent la lu-
mière dont on veut faire l'analvse, de manière à la diriger
dans le tube de la lunette, parallèlement à son axe; en même
temps, un rayon de lumière solaire pénètre par la partie de
la fente demeurée libre. Alors on voit dans le champ de l'ap-
pareil deux spectres distincts, mais juxtaposés : l'un produit
par la flamme qu'on étudie, l'autre dû au ravon solaire.
Comme les deux parties de la fente composent une seule et
même ligne droite, les raies qui ont même indice de réfrac-
tion doivent occuper des positions identiques dans les deux
spectres, et, par suite, elles doivent être rigoureusement sur
le prolongement l'une de l'autre. Lorsqu'on a besoin d'une
plus grande précision, on fait arri\ cr les deux lumières direc-
tement par la même fente, et on les superpose ainsi parfai-
tement. On ne peut pas toujours employer cette méthode ;
mais, lorsqu'on parvient à voir ainsi les deux spectres à la fois,
elle est de beaucoup préférable à la j)récédente.
En opérant ainsi, on est arrivé aux conclusions suivantes :
i^ Lorsqu'on examine des corps simplement incandescents,
comme les charbons de l'arc voltaïque, un fil de platine tra-
versé par un courant électrique, la chaux, la magnésie, la
zircone échauffées par la flamme du gaz oxy-hydrogène, le
charbon en suspension dans la flamme d'une lampe ou dans
— 2iG —
celle d'une bougie, etc., on obtient toujours un spectre con-
tinu, sans aucune raie noire ou brillante.
2° Toutes les fois qu'un corps, brûlant à la pression ordi-
naire, donne naissance à un composé gazeux, il produit une
flamme dont le spectre est discontinu : ainsi la flamme d'une
bougie présente, dans la partie plus lumineuse, un spectre
continu; mais il y a toujours à sa base une partie bleuâtre,
dans laquelle s'effectue la combinaison du carbone et de
roxYo;ène-, cette partie donne un spectre discontinu, où l'on
distingue trois groupes de raies vertes et bleues, nettement
séparées les unes des autres et brillant d'un vif éclat. Ces raies
sont dues soit au carbone, soit à l'un de ses composés, et leur
ensemble forme une échelle excellente pour l'étude de cer-
taines lumières. Ce spectre est représenté dans \a/ig. 98, oîi
la hauteur des lignes verticales est proportionnelle à l'inten-
sité des raies correspondantes.
On peut encore obtenir les raies principales de ce spectre
en examinant au spectroscope la flamme du cyanogène ou
celle d'un autre composé du carbone. On les voit encore très-
nettes dans le milieu de l'arc bleuâtre qui se produit entre les
deux charbons, lorsqu'on fait l'expérience de la lumière élec-
trique avec une forte pile. Ainsi, pendant que les charbons, qui
sont simplement incandescents, donnent un spectre continu,
l'arc voltaïque donne le spectre représenté dans la y?»-. 9/1,
où les raies brillantes sont accompagnées de bandes estom-
jiées OH lormc de ('.iiiiiclurcs. De |)lii.s, l(•^ dciiv jxMcs don-
lUMit des s|)C'ctivs dillcrcnts l'un de laiihc. Il \ a donc, dniis
ce petit intervalle, trois sjirctres dislinc ts. Poni* les étudier
separénuMit, il laut, à l'aide tlunc lentille eonvergente, jiro-
jeter sur la lenle du spectroscope l'image de l'are voltaïque;
SI l'on ne prend pas eelte précaution, le pi'isine l'ecevra à la
fois les rayons de tonte natni'c \enaiii de^ deux charbons et
de 1 intervalle (pii les se[)are; on auiM aloi-s un s|)ectre à peu
près continu.
On peut employer plusieurs méthodes pour étudier les
raies que produisent les métaux dans leur combustion ; ou
peut les brûler en les introduisant dans une flamme assez
chaude; on peut encore brûler un de leurs sels, comme on
fait dans les feux d'artifice; on peut enfin recourir aux étin-
celles électriques. Lorsqu'on brûle dans une lampe une dis-
solution alcoolique de sel marin, on obtient d'une manière
très-remarquable la raie jaune du sodium, qu'on peut séparer
en deux avec des instruments un peu puissants. Le chlorure
de cuivre, l'azotate de strontiane, le carbonate de lithiue
introduits dans la mèche de la lampe donnent des raies
vertes et rouges qui servent à caractériser ces métaux. Les
lampes à alcool ne produisent pas une température assez
élevée jiour les métaux plus refractaires; on emploie alors
l(^ bec de Bunsen, dans lequel on brûle un mélange de gaz
d'éclairage et d'air atmosphérique. On obtient ainsi une
flamme bleue dont la température est très-élevée, et qui ne
donne pas le spectre continu de la flamme blanche ordi-
naire.
Fifj. 95.
Lorsqu'on veut utiliser l'étincelle électrique, on a recours,
soit à une forte pile, soit à une bobine d'induction, et l'on fait
jaillir l'étincelle entre deux rhéophores composés des métaux
qu'on veut étudier.
Dans ces circonstances, pendant que la combustion ou la
combinaison chimique s'effectue, une même substance donne
toujours les mêmes raies lorsqu'elle se trouve à la même tempé-
rature. \js.fig. 95 fait voir les raies principales qui se déve-
- iilO -
loppciit <'ii l)rrilaiil (l<'s iiictaiix alcalins : potassiiiiii fR),
sodiuni (Na), lilliiiiin Li), stroiitiiiin (Sr), calciimi (Ca),
l)arviini (Ba), nil)itliiiin i Rl^ , c;rsiiim (Cs).
3" Si l'on fait varier la tempéra Inrc ou le degré de conihiis-
tion pour les corps composés, ou ohtieut des spectres très-dif-
férents les nus (les autres. J^orscpiil s'agit des gaz, la j»ressiou
à laquelle ils se trouvent au inoineiit de la eombuslioii exerce
une très-grande influence : quekjues-uns de ceux qui donnent
des raies nettes, à une faible pression, donnent des spectres
continus lorsqu'ils sont soumis à inie pression très-considé-
rable, résultat qu'on attribue à ime température plus élevée.
On essaye généralement les gaz en les amenant à un degré suf-
fisant de raréfaction dans des tubes fermés connus sous le
nom de /ubes de Geissler, dans lesquels on fait passer la dé-
cliarge d'une bobine d'induction. On remarque alors que la
plupart d'entre eux donnent des spectres différents, suivant
la tension de la décbarge : ainsi l'azote donne un magnifique
spectre cannelé lorsqu'on fait passer une étincelle ayant une
tension assez faible [fig. 96, AzI, n'^S); mais, lorsqu'on intro-
duit un condensateur dans le circuit et que la tension de la
décharge devient très-grande, alors le spectre est discontinu
et composé de raies isolées, dont l'aspect est très-différent
du précédent (Pliicker,y/^^ 96, Az II, n°4)- La même chose ar-
rive pour l'oxygène, le carbone, le soufre, etc. Dans ces ex-
périences, les gaz agissent à peu près comme des vapeurs mé-
talliques; mais, en général, leur spectre est très-complexe :
ainsi riivdrogène donne quatre raies principales, une dans
le rouge, la deuxième dans le bleu, et deux autres dans le vio-
let ; il présente en même temps un grand nombre de lignes
pins faibles, dont lintensité varie à mesure que la tension de-
vient plus forte ifig. 9<), 11 I, n° i). Si la température s'élève
dune manière suffisante, les bandes diffuses disparaissent et
— 250 —
il ne reste que les quatre raies principales [fig. 96, H II,
n°2) ( ' ). Mais lorsque la pression est plus élevée, les raies
vives indiquées ci-dessus s'étalent et deviennent des bandes
(Wiillner), et enfin on finit par avoir des spectres continus
sous de très-fortes pressions (Frankland). Ce fait avait été
annoncé par M. Frankland, qui l'avait observé en examinant
Fis. 96-
AzII
\
le spectre du à l'explosion d'un mélange d'oxygène et d'hy-
drogène, mais il a été mis hors de doute par les expériences
de M. Cailletet, faites sous une pression de 5o atmosphères.
Alors le spectre de l'azote et celui de l'hydrogène deviennent
brillants et continus. On ne peut pousser plus loin les pres-
sions, car le verre devenant conducteur de l'électricité, à
cause de sa haute température, la lumière disparaît subite-
ment. On ne passe pas brusquement d'un spectre linéaire à
(' ) La quatrième raie n'est pas représentée dans la figure.
un spectre continu : on \(nl d'abord les l'aies peu lumi-
neuses à la pression ordinaire s'élargir et se dilater pro-
gressivement; à i5 atmosphères elles paraissent estompées;
à mesure ([u'on augmente la pression, elles s'étendent davan-
tage et finissent par remplir complètement les intervalles qui
les séparaient : alors le spectre est continu, et, même avec
une étincelle d'un tiers de millimètre, la lumière est assez
vive pour éclairer un vaste laboratoire. (Cailletet.)
On a beaucoup discuté sur l'origine des spectres multiples
des gaz : quelques savants pensent que chaque gaz possède
réellement des s|)eetres différents, suivant les circonstances;
d'autres pensent (|u"il Tant attribuer ces différences à des im-
puretés sans lesquelles chacpie substance aurait un spectre
unique. On s'est demandé si les changements que jîrésente
le spectre tiennent à la différence de pression ou Ijien seule-
ment à la variation de la température. Cette dernière cause
semble avoir la principale influence, l'accroissement de pres-
sion n'ayant d'autre effet que d'exiger une température plus
élevée. Lorsqu'on fait passer la décharge de la bobine dans
un tulje qui n'a pas partout le même diamètre, on observe
dans la partie la plus large lui spectre à bandes, tandis que
la partie étroite donne un spectre linéaire. Les phénomènes
que nous venons de signaler sont très-importants; nous nous
contentons d'en exposer brièvement les lois. Les physiciens
ne sont pas tous d'accord dans la solution de ces questions;
mais il parait que l'opinion qui admet la possibilité des
spectres multiples pour une même substance, selon la tem-
pérature, gagne du terrain.
4" La plupart des métaux donnent des spectres discon-
tinus composés de quelques raies brillantes qui séparent de
larges bandes obscures. Ces spectres ont donc une composi-
tion inverse de celle du spectre solaire, dans lequel domine
— 5.-;'2 —
la partie lumineuse. 11 y a cependant quelques substances
qui donnent im spectre composé d'un grand nombre de raies
])rillantes, le fer par exemple, surtout quand on le soumet à
Faction d'une forte pile de Bunsen. En employant, comme
l'ont également fait IMM. Angstrom et Thalèn, une pile de
cinquante éléments, nous avons compté jusqu'à cinq cents
raies. M. Tlialèn en a compté deux cents dans le spectre du
titane. Quelques métaux semblent, au premier abord, donner
lui spectre continu, dans lequel on remarque quelques raies
plus brillantes : c'est ce qui arrive lorsqu'on brûle du magné-
sium. Dans ce cas le spectre continu provient de l'oxyde qui
se forme et qui, porté par la combustion à une température
élevée, se comporte comme un corps simplement incandes-
cent, émettant des rayons de toute nature.
M. Cailletet a reconnu que, sous de fortes pressions, les
raies des métaux deviennent diffuses et estompées, comme
celles des gaz, et ils donneraient sans doute des spectres
continus si l'on pouvait obtenir des pressions assez fortes,
combinées avec de très-hautes températures. Lorsqu'on brûle
du sodium en grande quantité dans l'arc voltaïque, on voit
ses raies se dilater d'une manière très-remarquable : il semble
donc que la largeur des raies peut dépendre, non-seulement
de la pression, mais aussi de l'épaisseur plus ou moins grande
de la couche de vapeur.
Lorsqu'on étudie les spectres des métaux avec l'étincelle
d'induction, il faut bien se garder d'attribuer au métal toutes
les raies qu'on observe. Un grand nombre d'entre elles ap-
partient à l'air atmosphérique ou au gaz dans lequel se fait
l'expérience ; ces raies du gaz domineront dans le spectre
si l'étincelle est courte et environnée d'une auréole : elles
diminuent au contraire lorsque l'étincelle acquiert une lon-
gueur suffisante.
I
- 2r,3 -
5" Le résultat le pins siiipiciiaMt, c'est celui ([\ion ob-
tient CM juxlaposaiit, tomme nous l'axoMS indiqué, le spectre
tluS(»l<'il et celui tl'un métal. Ou Iiounc <[ue, pour uu h<ju
nombre de substances, les raies brillantes correspondent
exactement à certaines raies noires du spectre solaire : ainsi
l(\s raies caractéristiques du sotlium coïnc ident d'une manière
précise avec les raies D de Fraunbofer; les raies que l bydro-
gène produit dans le rouge, dans le bleu et dans le violet,
coïncident avec les raies C et F, et avec la trente-liuitiéme
et la quarante-sixième de Van der Willingen (voir le tableau
qui se trouve à la fin du Cliapitre précédent). Les raies du
fer correspondent également à des raies bien dét<'rminées de
la lumière solaire. M. Rirchhoff a trouvé plus de soixante
coïncidences; Angstrom en a trouvé jusqu'à quatre cent
quatre-vingt-dix et plus. Dans le tableau que nous avons
inséré à la fin du Chapitre précédent, nous avons indiqué le
nom des substances dont les raies correspondent à celles du
Soleil; mais notre tableau est incomplet, et nous aurions pu
ajouter un grand nombre de métaux dont le nom n'y figure
pas ; mais notre intention n'est pas de donner un traité com-
plet de spectroscopie.
On aura des indications plus complètes en étudiant la figure
spectrale de ^I. Kirchhoff dans les quatre planches repro-
duites dans les Annales de Chimie et de Pliysique '3^ série,
tome LX\ III, mai i8G'3, et l\^ série, tome I, avril i864) '• l^s
j)arties inférieures des échelles partielles représentent les raies
métalliques qui correspondent à des raies noires du spectre
solaire. Nous reproduisons, d'après M. Angstrom, la liste des
raies dont on a ainsi constaté la coïncidence :
Ilydrogùnc 4
Sodium f)
Barviiin 1 1
- 251 —
Calcium ^5
Magnésium 4"^(3?)
Aluminium ^ (i*)
Fer 490
Manganèse 57
Chrome 18
Cobalt 19
Nickel 33
Zinc 2
Cuivre 7
Titane 200
Nous pouvons ajouter quelques noms à cette liste : M. Loc-
kver a dernièrement reconnu dans le Soleil la présence du
strontium, du cadmium, du plomb, du cérium, de l'uranium-,
on y trouve donc tous les métaux appartenant au même
groupe que le fer. M. Lockyer a cherché inutilement les mé-
taux dont les oxydes se décomposent facilement : l'or, l'ar-
gent, le mercure, etc. Il n'a pas trouvé non plus le chlore, le
brome, l'iode, etc. Nous avions déjà reconnu la présence du
plomb.
§ IL — Spectres d'absorption.
La coïncidence des raies noires du spectre solaire avec les
lignes brillantes de quelques spectres métalliques était trop
extraordinaire pour ne pas exciter vivement l'attention des
physiciens; mais, quoique cette coïncidence, au moins pour
le sodium, fût connue depuis le temps de Fraunhofer, on
n'avait encore trouvé aucune explication satisfaisante. Fou-
cault avait remarqué une singularité que présente la com-
bustion du sodium dans l'arc voltaïque. Ce métal donne d'or-
dinaire une ligne brillante correspondant à la raie D ; mais ,
lorsqu'on le brûle en grande quantité, on voit, dans certaines
— 2X5 —
tircoiislaiices, aj>|>.ir;iîfr<> un sjicrtre j)lus ctciidii cl à pou
près contimi, dans Iccjurl la ligne jaune est remplacée par
une raie noire, (le fait resta isolé et inexj)li(pié juscpi'au mo-
ment où Kireiiiioir le ratt.iclia a sa tiiéoric générale. Cette
ligne noire est j)ro(lnite, selon lui. par l'absorption (pTexerce
la vaj)eur du sodium environnant le j)oint lumineux.
Yoiei un(^ expérience très-simple qui met bien en évidence
l'absorption produite par la vapeur de sodium. On prentl
deux lampes dans lesquelles on fait brûler une dissolution
alcoolique de sel marin, et on les dispose de manière à ce
que, pour l'observateur, elles se projettent en partie l'une
sur l'autre, comme l'indique \^fig- 97. On verra que, dans la
région où les deux flammes se superposent, celle de derrière
])arait noire et fuligineuse : cet effet est dû à ce que les rayons
émis par la flamme placée en arrière sont absorbés et arrêtés
au passage par la vapeur qui se trouve dans la flamme placée
en avant.
Lorsqu'on brûle une quantité considérable de sodium, on
obtient, à la place des lignes brillantes, des raies noires bien
prononcées et sensiblement dilatées {fig. 98), Ce pliénomène
— ^o6 —
s'explique également par l'absorption que produisent les va-
peurs métalliques sur les* rayons lumineux émis par la
flamme. Ce renversement des raies du sodium présente une
circonstance bien importante : l'absorption des rayons lumi-
neux s'étend de part et d'autre à une grande distance, et les
raies, tout en restant distinctes et nettement tranchées à l'in-
térieur, se dilatent sur leurs bords extérieurs comme de vé-
ritables bandes. Cette dilatation des raies noires se produit
dans les mêmes circonstances que celle des raies brillantes;
l'étendue occupée par ces bandes sombres est proportion-
nelle à la largeur que présenteraient les raies D s'il n'y avait
pas renversement. Il parait donc que le sodium peut, dans
certaines circonstances, donner de larges bandes à la place
des lignes nettement tranchées qu'on observe ordinairement.
Le thallium et quelques autres métaux présentent des phé-
nomènes semblables.
On connaissait depuis longtemps des exemples d'absorp-
tion produite par des vapeurs. Par exemple, lorsque la lu-
mière solaire a traversé une couche d'acide hypoazotique ou
de vapeur d'iode, elle donne des raies qui n'existaient pas
auparavant. Ce fait s'observe également lorsqu'on regarde à
travers ces gaz une flamme ordinaire dont le spectre est con-
tinu; les raies dues à l'absorption s'y produisent également,
et il est bien plus facile de les reconnaître.
Les gaz qui composent notre atmosphère ont aussi une
puissance d'absorption assez considérable; ils peuvent donc,
en faisant disparaître certains rayons lumineux, donner nais-
sance à quelques-unes des raies qu'on observe dans le
spectre. Cette absorption atmosphérique étant d'autant plus
grande que la lumière traverse une couche plus épaisse, le
spectre doit varier avec la position du Soleil ; les raies doivent
être moins nombreuses lorsqu'il est près du zénith, plus
— oriT —
ahoiidaiitcs lorsqu'il est j)rrs do 1 horizon. Il est facile dOI)-
server cette différeiice avec un simple prisme ou avec un
spectroscope de poche de llofhnaun. ].ajig. i, PL I, due a
M. Jansseii, donne une idée île ces variations pour la [)arti(^
la moins réfrangihle tlu spectre. Dans le rouge extrême, on
v(jit se développer d(^ lari;(s ])aniles noires, qui n'existaient
pas hjrsque le Soleil était pins élevé. Dans l'orangé surtout,
entre C et D, près de la raie 8/3 de Van der Willingen, on voit
se former une ligne nommée (>" par Pirewster fig- 2, PL /),
Fie- 99-
Ha bcU'cId t.
! H il
5 S
95
100
105
110
suivie de plusieurs traits parallèles entre eux. Entre C® et D
il se forme ordinairement un très-grand nombre de lignes, et
quelques-unes de celles qui existaient déjà deviennent nota-
blement plus larges. Dans les PL III à VI du spectre normal
de ^I. Angstr()m on a estomj)é les lignes qui sont influen-
cées par l'absorption atmo.spliérique.
Nous rejDroduisons dans la fig. 99 le groupe de lignes at-
mosphériques, situées entre 94?^ <'t io3,2 de Rirchhoff, tel
(pion le \oit avec un spectroscope à sept prismes lorsque le
Soleil est auprès de l'horizon. Ces raies sont beaucoup j)lus
marquées en ete qu'en liixcr; l'Ucs sont alors plus noires cpie
la rai<' D, et l'ensemble de la partie sombre est plus étendu
que la |)artie lumineuse (pii forme le fond du spectre, l.lles
I. .,
- 2j8 —
sont aussi plus visibles lorsque Tair est brumeux et bumide.
Au delà de D il se forme une grande bande nommée â par
Brewster. Pendant l'iiiver, elle est composée de raies très-
fines ; mais en été elle devient très-sombre, et les différentes
lignes qui la composent laissent à peine un intervalle entre
elles. Enfin on remarque un autre groupe dans le vert, à peu
près au milieu de l'intervalle qui sépare b et F ; le violet en
contient également un certain nombre.
Quelques-unes de ces raies sont dues, sans aucun doute,
aux gaz qui composent notre atmosphère; les groupes du
vert, en particulier, appartiennent à l'azote. Celles qui se
trou^ ent dans le jaune et dans le rouge sont presque exclu-
sivement dues à la vapeur d'eau. Nous l'avons constaté en
examinant ces spectres, dans différentes circonstances at-
mosphériques, en notant le moment où les raies apparaissent
H mesure que le Soleil s'abaisse en approchant de l'horizon,
et enfin en analysant pendant la nuit la lumière émise par des
flammes situées à une grande distance. De plus, nous avons
vu ces mêmes raies se manifester au moment ou des nuages
légers passaient devant le disque du Soleil, ce qui montre
l'influence de la vapeur d'eau qu'ils contiennent. M. Janssen
a confirmé cette explication en examinant la flamme d'un gaz
à travers un tube rempli de vapeur d'eau à haute pression.
Il pourrait cependant se faire qu'un certain nombre de raies
soient dues à des substances encore inconnues, qui sont ré-
pandues en assez grand nombre dans notre atmosphère,
surtout dans la saison chaude, où elle est chargée de vapeurs
d'origine végétale qui sont généralement très-absorbantes. La
plupart, cependant, dépendent assurément de la vapeur
d'eau, comme nous l'avons prouve en faisant simultanément
des études spectrales et des observations hygrométriques.
— ±rj
^ lii. — RciiKcrscrncnl des specUes.
Il résulte (le roxpositmii précédente (ju un spectre peuL
être discontinu j)()ur deux, raisons Lien différentes : i° parce
tpie, «Ml réalité, les rayons émis par la source lumineuse ne
sont pas continus : telle est la lumière de l'étincelle élec-
trique, celle des métaux volatilisés, etc.; 2° le spectre peut
tlevenir tliscontinu j)ar l'action absorbante d'une substance
gazeuse ou d'une vapeur, et cette vapeur peut être celle de
la substance l)rùlée. F^es vapeurs métalliques étant très-ab-
sorbantes, comme nous l'avons vu pour le sodium, j)our-
raient l^ien produire un résultat semblable dans la lumière
solaire , et c'est de là que résulteraient les lignes noires du
spectre. Cette idée si féconde se présente naturellement à
l'esprit comme une conséquence de tout ce que nous venons
de dire. Ajoutons cependant qu'il n'est pas nécessain' (|ue les
vapeurs soient incandescentes : il suffit que la température
soit assez élevée pour réduire le métal à l'état de fluide élas-
tique, température qui n'est pas la même pour toutes les sub-
stances. Ainsi Kirclihoifa pu constater l'absorption produite
par le sodium avec des tubes pleins d'hydrogène qui conte-
naient la vaj)eur de ce métal à une température assez basse.
On peut reproduire cette expérience bien simplement, de
la manière suivante : on dirige le spectroscope vers le Soleil,
comme pour les observations ordinaires, puis on met devant
la tente du collimateur la llamme d'une lampe dans laquelle
on a mis une dissolution alcoolique de chlorure de sodium :
on Aoit aussi les raies D devenir j)lus sombres et s'élargir
considérablement, si la vapeur métallique est abondante. La
flannne tloit avoir des dimensions considérables. On réussira
«7-
— 200 —
plus facilement si, au lieu d'employer de l'alcool salé, on pose
sur la mèche un peu de sodium ou de carbonate de soude.
Lorsqu'on brûle dans l'arc voltaique certains métaux, le so-
dium, le thallium, le magnésium, etc., les raies, qui sont
brillantes lorsque la flamme est petite, deviennent noires au
milieu et ])ordées d'une lumière très-vive, si la flamme de-
vient ]dus brillante; de sorte que la ligne brillante parait
divisée en deux par une raie noire très-fme. C'est le renverse-
ment produit dans la région centrale par la petite atmo-
sphère de vapeur métallique qui environne l'étincelle ; ' ;.
Cette expérience, due à 31. Cornu, est analogue à celle de
Foucault dont nous avons parlé, et dans laquelle on analyse
au spectroscopc la lumière produite par la combustion d'une
masse plus considérable de sodium. Nous l'avons vérifiée
pour le sodium, le magnésium, le fer, le thallium, etc.
Toutes ces expériences supposent, comme condition essen-
tielle, que la couche extérieure dans laquelle se produit l'ab-
sorption est à une température plus basse que la région d'où
émanent les rayons. De là le principe fondamental de ces
recherches : .4 une basse température, une vapeur absorbe
précisément les rayons lumineux que la même substance
émettrait si elle était incandescente. Ainsi la vapeur de so-
dium produit, par son absorption, des raies noires à l'endroit
précis où le même métal produit des raies brillantes pendant
sa combustion. Ce fait généralisé constitue ce qu'on appelle
le renversement du spectre, et l'on peut énoncer d'une ma-
nière générale le principe suivant : Une vapeur absorbe préci-
sément les rayons quelle est capable d'émettre lorsqu'elle est
incandescente ; de sorte que le pouvoir émissif et le pouvoir ab-
(' ) Comptes rendus des séances de l' Académie des Sciences, t. LXXIII, p. 33:.
— 201 -
sorhanl sont complémenuùtcs iiin de raulrc. Clettc règle sup-
pose toujours, comnio ((indition essentielle, que la vapeur
absorbante est à une température plus basse que celle du
corps rayonnant.
La tliéorie physique de ces plunoniènes est assez facile à
établir par une simple comparaison entre l'optique et l'acous-
tique, comparaison à laquelle nous conduisent naturellement
les idées actuelles, d'après lesquelles la lumière résulte des
ondulations d'un fluide étlicré. Un grand nombre de corps
sojîores, à cause de leurs formes irrégulières, ne peuvent
émettre que des bruits résultant d'une multitude de sons con-
fus et correspondant à des longueurs d'onde différentes; il
y en a d'autres, au contraire, qui, se trou^ ant dans de meil-
leures conditions, produisent des sons musicaux parfaitement
définis et déterminés ; ces sons musicaux sont produits par
des vibrations toutes isochrones, et ils se propagent par des
ondulations toutes de même longueur; ils sont tout au plus
accompagnés de quelques harmoniques à la quinte, à l'oc-
tave, etc.
Il se produit quelque chose d'analogue pour les corps lumi-
neux. Les corps simplement incandescents, retenus et gênés
par des liens moléculaires, émettent des ondulations de toute
nature et de toute longueur, dont les indices de réfraction
prennent toutes les valeurs possibles entre deux limites ex-
trêmes : de la résulte nécessairement un spectre continu. Les
mêmes substances réduites en vapeur, délivrées des entraves
de la cohésion, vibrent avec plus de liberté, émettent des
ondes lumineuses dont la longueiu' dépend uniquement de la
masse vibrante et de sa force vive. Ces ondes sont en petit
nom])re et nettement définies ; tout au plus sont-elles accom-
pagnées de quelques autres ondulations que nous pourrions
appeler harmoniques et dont les longueurs ont des rapports
— 262 —
commensurables avec celle de l'onde principale. Par exemple,
les raies C et F de l'hydrogène sont dues à des rayons dont
les lonojueurs d'onde sont presque rigoureusement dans le
rapport de 4 à 3, rapport qui caractérise en acoustique l'inter-
valle de Vut au/a; la différence est seulement de ^. La troi-
sième raie du violet, comparée à la raie C, donne le rapport
de f à I, avec une différence également très-petite; en faisant
abstraction de cette différence, nous aurions le rapport qui
caractérise l'intervalle du ré au la. Dans plusieurs substances,
les raies spectrales sont réunies par groupes (fer, magnésium,
carbone, etc.); or, d'après M. Hinrichs, si l'on étudie les dif-
férentes raies d'une même substance, on trouve que leurs
longueurs d'onde peuvent être représentées par les termes
d'une progression arithmétique, et la raison de cette pro-
gression demeure constante pour un même groupe ; elle
peut toujours s'exprimer par un nombre assez siinple, qui
dépend de la forme et du volume des atomes. Ajoutons cepen-
dant que les vibrations d'un corps ne se réduisent ainsi à un
petit nombre d'ondes régulières que jusqu'à une certaine
limite de température et de pression ; au delà de ces limites,
les ondes de longueurs différentes deviennent de plus en plus
nombreuses, et l'on finit par avoir un spectre continu. C'est
ce qui arrive pour l'hydrogène dans les expériences de Caille-
tet et de Pliicker ; on en voit encore des exemples dans la com-
bustion vive du sodium, du thallium, etc.
Ces théories peuvent présenter quelques difficultés de dé-
tail, mais on ne saurait contester le principe général qui en
est le fondement : les molécules parfaitement libres d'un gaz
doivent vibrer d'une manière simple et nettement définie,
absolument comme les corps de forme et de masse détermi-
nées qu'on emploie en acoustique pour produire des sons mu-
sicaux d'une très-grande pureté.
— 2yi>) —
Il arrive souvent que certains corps sonores, susceptibles
tie rendre des sons nuisicaux bien détermines, se mettent en
\ï\)V,{['\on par sympa/flic. Il suffit pour cela que, dans le voisi-
nage, un instrument (piele<)n(|ue fasse entendre le son que ce
corps est capable (1<* j)r(>(liiii-(', ou iiicnic l'une de ses banno-
niques. C'est ainsi (|uc les cordes d'ini j)iaiio, (ruiic liarpc ou
d'un violon peuvent, sans avoir été directement ébranlées,
s<> mettre à résonner sous la seule influence des ondes aé-
riennes. Lors(pi't)n parle devant un piano ouvert, on entend
frémir les cordes qui sont d'accord avec la voix. Les belles
expériences de Meyer prouvent que ces vibrations se trans-
mettent à des diapasons placés à des distances trés-considé-
rables et qu'on peut les rendre visibles par des moyens très-
simples.
Les molécules d un gaz doivent éprouver quekjue ciiose de
semblable, relativement à la lumière. Lorsqu'elles sont frap-
pées par des ondes éthérées, ces molécules demeurent le plus
souvent indifférentes, parce qu'elles ne sont pas capables de
vibrer à l'unisson; mais, s'il survient un mouvement vibra-
toire correspondant à la longueur d'onde qu'elles peuvent
elles-mêmes produire, ou ayant avec cette longueur un raj)-
port assez simple, elles en subiront immédiatement l'influence,
comme les cordes sonores subissent l'influence des vibrations
aériennes. Mais alors les molécules ainsi ébranlées absorbe-
ront le travail de l'onde lumineuse qui les a frappées, et, le
mouvement étant ainsi intercepté par le milieu qu'il allait
traverser, le rayon lumineux cessera de se propager et sem-
blera s'éteindre. Une couche de molécules gazeuses peut donc
absorber les ravons (pii lui sont svmpathiques, c'est-à-dire
ceux (|ui correspondent à la longueur d'onde qu'elle-même
peut produire en vibrant, ce qui revient à dire qu'une sub-
stance réduite à l'état de gaz ou de vapeur absorbe précisé-
— 264 —
ment les ravons que cette même substance est capable d'é-
mettre lorsqu'elle est incandescente. Il est bien vrai que, par
le fait même de cette absorption, la masse gazeuse augmente
la force vive qu'elle possède, que sa température s'élève et
que, par suite, elle devient elle-même rayonnante, ce qui tend
à substituer une raie lumineuse à la raie noire qu'elle pro-
duit; mais la ligne noire ne jîourra disparaître qu'au moment
où la couche gazeuse aura acquis un éclat égal à celui de la
source, condition impossible à remplir lorsque la masse de
gaz présente une assez grande épaisseur. Ainsi ces raies ne
sont pas absolument noires, ce qu'on vérifie facilement sur le
Soleil pour le sodium et pour quelques autres métaux.
Il arrive quelquefois qu'une masse incandescente émet des
rayons qui se trouvent en dehors des limites des ondes nor-
males; elle donne alors un spectre dont les raies lumineuses
sont estompées. C'est ce qui arrive lorsqu'on brûle dans l'arc
voltaïque certains métaux, tels que le sodium, le thahium, etc.
Dans ce cas, les mêmes vapeurs ne se borneront pas à pro-
duire par absorption des raies noires linéaires : leur action
absorbante s'étendra à distance, et les raies interverties seront
elles-mêmes bordées de lignes estompées. C'est ce que nous
avons vérifié pour les métaux que nous venons de citer.
Tl peut encore arriver que l'absorption soit due à un gaz
qui, au lieu de donner naissance à des ondes de même lon-
gueur que celles qui cherchent à le traverser, soit seulement
capable de produire ce que nous pouvons appeler les harmo-
niques de ces mêmes ondulations. Alors l'absorption ne sera
pas complète, les raies ne seront pas parfaitement noires, mais
leur teinte plus ou moins foncée tranchera toujours sur le reste
du spectre.
La théorie que nous venons d'exposer est actuellement
admise par les physiciens, et l'on peut même dire qu'elle est
— i>(î:; —
coiifii'nu'c par la (lilliTciuc (|iii existe cnlrc l'absorption pro-
duite par les gaz et eelle (pii est due aux corps licjuides ou so-
lides. Dans le premier (as. les raies sont ordinairement netles,
francliemenl tei-minees cl parlait^-menl isolées les unes des
auti'es: mais, lorsque les gaz sont soumis à des pressions très-
eonsiderahles, Taelion moléeulair»' j)arait déjà (aire sentir son
influence, et les rai<'s deviennent diiïuses. Lorscpi'il s'agit îles
liquides ou tles solides, l'absorption produit des zones nél)ii-
leuses, larges et mil terminées, cpiOn ne j)eut leussir a parta-
ger en raies simples, dislini tes les unes des autres. Ce résul-
tat est évidemment dû à ce ([iw les liens moléculaires, assez
forts dans les solides et même dans les liquides, sont faibles
ou à peu près nuls dans les gaz.
Cette théorie est générale, et l'on peut l'appliquer à d'au-
tres cas qu'à l'absorptiou des raies spectrales produites j)ar
les vapeurs des corps simples. On peut l'appliquer, par
exemple, à l'absorption exercée sur la chaleur rayonnante
par les gaz composés. On voit alors que les liens de la cohé-
sion moléculaire ne sont pas les seuls qui contribuent à déter-
miner la nature de cette absorption et que ceux de l'affinité
chimique et de l'état de combinaison exercent aussi une in-
fluence très-considérable. Ainsi un sim])le mélange d'hydro-
gène et d'azote, comprimés de manière à occuj)er le même
volume que le gaz ammoniac auquel ils pourraient donner
naissance, absorbe une très-faible quantité de chaleur; il en
est bien autrement de l'ammoniaque, qui, dans les mêmes
circonstances, manifeste un pouvoir absorbant soixante fois
plus considérable; on en peut dire autant de l'oxvgène et de
l'hydrogène : leur mélange possède un pouvoir absorbant
beaucoup plus faible que celui de la vapeur d'eau qui résulte
de leur condjinaison. Les gaz simples ont, en général, un
pouvoir absorbant très-faible, et, par conséquent, ils émettent
— 266 —
aussi fort peu de lumière, même lorsque leur température est
très- élevée ; c'est ce qui fait que le mélange d'oxygène et d'hy-
drogène donne une flamme très-pàle, quoique très-chaude.
Outre les radiations lumineuses, le Soleil émet aussi des
radiations chimiques et thermiques; nous en parlerons plus
tard. Appliquons maintenant à l'étude de la photosphère et de
sa constitution les principes que nous venons d'exposer.
— 207 —
CHAPITRE IV.
APPLICVTION DFS PRINCIPES PRECEDENTS A L ETl [)E DE I.V CONSTITITION SOLAIRE.
^1. — Explication des raies noires du spectre solaire.
Avant U's découvcrtos tliies au spoctroscopo, on avait es-
sayé à plusieurs reprises d'explicpier les raies noires décou-
vertes par Fraunlîofer. On les attribuait à des interférences
entre les ravons voisins, ou bien au défaut de continuité dans
l'indice de réfraction des ondes étbérées qui partent du So-
leil. L'explication est devenue bien plus simple depuis que
le spectroscope nous a lait connaître les conditions dans les-
quelles s(» produit le phénomène. Les raies sont simplement
des lacunes produites par l'absorption due aux vapeurs métal-
liques qui composent ratmosphère solaire; chacune d'elles
est en réalité le spectre renversé de quelque substance, dont
la plupart nous sont inconnues. Si la lumière parvenait jus-
qu'à nous telle qu'elle est émise par la photosphère, le spectre
serait continu comme celui de la flamme d'une bougie, car,
à cause de la grande ])ression que les couches solaires sup-
port(^nt et de leur température élevée, tous les métaux doivent
donner un spectre continu , comme dans les expériences de
Caillelet et de Frankland; mais, au-dessus de la masse lumi-
neuse, les rayons rencontrent une couche de vapeurs qu'ils
sont obligés de traverser : c'est là que se produit l'absorjjtion.
Ces vapeurs sont à une température inférieure à celle de la
— 268 —
photosphère, mais assez élevée cependant pour qu'elles pa-
raissent lumineuses dans quelques circonstances.
Si donc nous pouvions isoler du Soleil cette couche atmo-
sphérique, si nous pouvions la projeter, non sin^ le fond bril-
lant (le la photosphère, mais sur le fond noir de l'espace,
nous verrions, à l'aide du spectroscope, des lignes brillantes
diversement colorées à la place des raies noires dont nous
avons parlé jnsqu'à présent. Telle est l'indication de la théo-
rie, et nous verrons que ces prévisions ont été confirmées par
les résultats de l'observation.
M. Rirchhoff, à qui nous devons l'explication que nous ve-
nons de reproduire, pensait que l'atmosphère solaire doit
a^'oir une grande épaisseur; il croyait en trouver la mesure
dans l'étendue de la couronne qui environne le Soleil pen-
dant les éclipses. Il n'en est pas ainsi; la couche absorbante
est en réalité très-mince, comme nous le verrons dans le
quatrième Livre.
Dans le Chapitre premier de ce troisième Livre, nous avons
étudié d'une manière générale l'absorption des rayons lumi-
neux partis du Soleil, et cette étude nous avait déjà conduit
à admettre l'existence d'une atmosphère dont la nature nous
était inconnue. Nous savons maintenant que cette atmosphère
est gazeuse, qu'elle est composée de vapeurs métalliques, les
mêmes en partie que nous connaissons et que nous étu-
dions sur la Terre, quoiqu'un grand nombre de ces sub-
stances nous restent encore inconnues. Ce résultat ne doit
surprendre personne, car on admet assez communément que
la matière qui compose l'univers doit être à peu près la même
dans ses différentes parties , et d'ailleurs la température du
Soleil doit être assez élevée pour volatiliser toutes les sub-
stances connues. Nous nous occuperons plus tard de la tem-
pérature du corps solaire: mais, en nous en tenant aux éva-
— 2C9 —
liiatioiis les plus motliTCOS , nous pouvons diro que cctlc
teni|)t'r;ituiv sulfil trùs-aniplcnK nt poui- Nolatiliser tous k's mé-
taux dont les raies rcnvorstH-s sr retrouvent dans le spectre.
Dans la fabrication de l'acier par le procédé Bessenier, on
obsei've des phénomènes cpii serviront à faire comjirendre
notre pensée, i'.c procède consiste à décarbiu'er la ionte en
lançant \i\\ coui";iiil d'air conijuiiiie à traxcrs la masse en fu-
sion. Au commencement de l'opération, la flamme ilonne
naissance à un spectre continu, présentant quelquefois les
raies du sodium, dues à tles fragments de matière végétale ou
à des poussières atmos|)liériques. Un peu plus tard, le car-
bone étant presque complètement brûlé et la température
s'étant considérablement élevée, l(\s raies du sodium appa-
raissent de nouveau; puis, à mesure que l'opération s'avance,
le spectre perd peu à peu sa continuité; on voit se dessiner
les raies brillantes du carbone et du fer, avec celles du cal-
cium, du magnésium et d'un grand nombre d'autres sub-
stances qui se trouvaient dans le minerai, et que le traitement
métallurgique n'a pas complètement éliminées. Le spectre est
alors magnifique et, d'après l'évaluation des hommes compé-
tents, la température ne dépasse pas 3ooo degrés; on en peut
conclure qu il suffit de quelques milliers de degrés pour vo-
latiliser les métaux les moins fusibles et pour communiquer
à leurs vapeurs un pouvoir émissif et un pouvoir absorbant
analogue à celui que possède l'atmosphère solaire.
Nous sommes donc en droit d'admettre que l'atmosphère
du Soleil contient des vapeurs métalliques, et que ces va-
peurs, en absorbant certains rayons lumineux, donnent nais-
sance aux lacunes qui constituent les raies de Fraunhofer.
Cette induction est, du reste, puissamment confirmée par une
coïncidence qui suffirait à elle seule pour prouver la thèse
que nous exposons en ce moment : nous voulons parler de la
— 270 —
coïncidence parfaite des raies noires du spectre solaire et des
raies brillantes des métaux, coïncidence qui serait inexpli-
cable si nous ne savions pas que les substances capables de
produire par émission des raies brillantes sont aussi capables
de produire par absorption des raies noires ayant même in-
dice de réfraction et occupant la même position dans le
spectre.
Cette théorie repose sur deux assertions fondamentales :
l '^ au-dessous de l'atmosphère absorbante, il existe une couche
lumineuse qui émet des ravons de toute nature, et ces
rayons, s'ils nous arrivaient sans être modifiés, donneraient
naissance à un spectre continu; 2° l'enveloppe atmosphé-
rique, dans laquelle se trouvent les métaux volatilisés, pos-
sède une température inférieure à celle de la couche kimi-
neuse.
La première de ces deux assertions peut s'entendre de deux
manières : la photosphère peut être composée, comme le
sont les nuages, d'une espèce de brouillard dû à la condensa-
tion des vapeurs métalliques; elle serait formée d'un amas
de gouttelettes liquides, ou même d'une poussière solide et
cristalline possédant, en vertu de sa condensation même, un
grand pouvoir émissif, et donnant naissance à un spectre
continu propre à cette espèce de poussière vaporeuse. Telle
était l'idée de Wilson; mais on peut admettre une autre expli-
cation : on peut penser que ia photosphère est gazeuse, mais
que la forte pression à laquelle elle est soumise et la haute
température qu'elle possède lui communiquent le pouvoir d'é-
mettre des ravons de toute nature et de donner naissance à
un spectre continu. La première explication s'accorde mieux
avec les apparences que présentent les taches et avec les
observations que nous avons exposées dans les Chapitres pré-
cédents. La seconde repose sur l'hypothèse d'une forte près-
- -271
sion, (loiil l'existence semble loin d'être démontrée, à la sni--
face visible du Soleil, quoi([ne elle doive être très-eonsidcrablc
aune certaine profondeur. Il résulte de tous les travaux et
de toutes les observations, (jue l'atmosplière transparente
du Soleil ne produit (pi'une réfraction très -faible sur les
rayons (jui la traversent. Comment concilier ce faible pouvoir
réfring(Mit avec la densité rpie suppo.se une forte pression?
D'ailleurs les raies de l'hydrogène ne conserNcnt leur fme.sse
que jusqu'à la pression de 44o millimètres; elles s'élargi.ssent
progressivement à mesure que l'on dépasse cette limite
(Wlllner).
Ces conclusions ont été confirmée» j)ar Lee et Lot kver; Us
ont étudié les raies qui se produisent dans un tube oii le
gaz est à la pression atmosphérique, et ils les ont comparées
avec celles que l'on obtient à une faible pression : dans le
premier cas, elles sont diffuses, tandis qu'elles sont nettement
tranchées dans le second. On serait donc porté à croire, au
premier abord, que nous pouvons déterminer la pression a la-
quelle est soumise l'atmosphère du Soleil, en étudiant la dila-
tation plus ou moins grande des raies noires que contient le
spectre solaire. iNIalheureusemcnt ce procédé serait défec-
tueux et conduirait à des conclusions erronées, car, la dila-
tation dépendant à la fois de la pression et de la température,
le pioblème est complètement indéterminé. Pour donner une
idée des erreurs auxquelles on s'exposerait en tirant des con-
clusions prématurées, nous citerons luie expérience de Lee.
Lorsque la décharge électrique traverse un tube contenant
un gaz suffisamment raréfié, les raies sont fines et nettement
tranchées; mais, si l'on interpose dans le trajet un second
tube contenant un gaz soumis à une assez forte pression, le
spectre du gaz raréfié devient lui-même diffus et les raies
s'épanouissent. C'est que l'étincelle ne peut être produite que
— 579
par une décharge plus forte et capable d'élever davantage la
température. On se tromperait donc comj)létement si Ton
voulait déterminer la pression d'un gaz par les indications du
spectroscope .
Ainsi donc, quoique l'étude du Soleil nous montre les raies
de rhydrogène un peu diffuses et environnées d'une nébu-
losité sensible, ce cpii semble indiquer un accroissement de
densité, comme le même effet pourrait être produit par une
élévation de température , il est impossible d'adopter une
opinion définitive. Il est bien vrai que sur le Soleil la pesan-
teur est vingt-huit fois plus grande cju'à la surface de la Terre ;
mais la force expansive due à la chaleur n'apporte- 1- elle
pas une compensation plus cjue suffisante? Cette question
demande é^idemment à être éclaircie par des recherches
ultérieures : nous devons , pour le moment , nous contenter
de l'exposé des faits.
M. Frankland examinant au spectroscope la flamme due
à l'explosion des mélanges d'hydrogène et d'oxygène, s'assura
qu'il se produit dans ces circonstances un spectre continu. Il
crut alors pouvoir affirmer que les gaz donnent généralement
naissance à des spectres continus, lorsqu'ils sont élevés à de
hautes températures et soumis à de fortes pressions. Ces con-
clusions n'étaient pas à l'abri de tout reproche et de toute
contestation, car M. Frankland avait en réalité analysé le
spectre de la vapeur d'eau plutôt que celui de l'hydrogène ;
mais cette étude a été reprise par ^I, Cailletet, qui a examiné
les spectres des gaz pour des pressions qu'il a progressive-
ment élevées jusqu'à 5o atmosphères. Il s'est assuré que , à
partir de 14 atmosphères, les raies deviennent déjà très-dif-
fuses et comme estompées. Cette diffusion s'accroît à mesure
que la pression devient plus grande ; à 5o atmosphères , le
spectre est uniforme et si brillant qu'une étincelle de ^ de
- 273 —
niillimètrc, pro(luit(^ par une bobine de 3o centimètres do
longueur, est capable d'éclairer un vaste laljoratoin*. A cette
pression, les raies du sodium deviennent elles-mêmes diffuses
et estompées. M. Cailletet pense cpie, sous des charges con-
venables, les métaux eux-mêmes donneraient des spectres con-
tinus. La pression de 'to de nos atmosphères ferait équilibre,
à la surface du Soleil, à une colonne de mercure de i'°,34
de hauteur, en suj)posant que ce métal pût conserver dans
ratmosphère solaire les propriétés physiques qu'il possède
dans nos laboratoires. Si nous remplaçons cette colonne de
mercure j)ar luie couche d'hydrogène, dans des conditions
telles qu'il puisse donner des raies fines et nettement termi-
nées, cette couche gazeuse vue de la Terre aura une épais-
seur de quelques secondes seulement. Il est impossible de
mieux préciser ces limites faute de données.
D'après M. Ilirn, la force chimico-moléculaire qui re-
tient imis les éléments de l'eau équivaut à une pression de
4600 atmosphères. Si l'on voulait obtenir cette même pression
à la surface du Soleil avec une colonne de gaz ayant à peu
près la même densité que l'air atmosphérique, dans les con-
ditions normales de température et de pression, cette co-
lonne vue de la Terre sous- tendrait un angle de 14 se-
condes seulement.
Rappelons maintenant les expériences de Cagniard de la
Tour et Andrews, et nous verrons combien il est difficile de se
prononcer. Ils cherchaient quelles sont les limites où se con-
fondent, pour l'eau, l'état liquide et l'état gazeux. Dans
leurs expériences, la température étant de4i5 degrés, la
pression ne s'éleva pas au-dessus de 4oo atmosphères. La tem-
pérature du Soleil étant beaucoup plus élevée, la limite sup-
pose ime pression beaucouj) plus considérable. I.a coexis-
tence de ces deux inconnues simultanées, températui-e et
I. 18
— 9»7i
pression, rend le problème indéterminé et nous empêche de
le résoudre, en admettant une opinion plausible sur l'état
physique de la matière qui compose la couche photosplié-
rique. Ajoutons, avec M. Lee, une troisième considération
dont il faut tenir compte et qui contribue à rendre le problème
])lus difficile à résoudre. Nous cherchons constamment à com-
parer les phénomènes qui s'accomplissent à la surface du So-
leil à ceux que nous produisons dans nos laboratoires : cette
comparaison est-elle légitime? Il faudrait pour cela que ces
phénomènes fussent produits, de part et d'autre, dans des
circonstances identiques ou du moins comparables. En est-il
ainsi? C'est ce que nous ne saurions affirmer, car il peut bien
se faire que les courants électriques auxquels nous avons re-
cours exercent une influence perturbatrice sur la période
d'oscillation des molécules ; il en résulterait des phénomènes
tout à fait différents de ceux que nous voulons étudier par
comparaison. Malgré les difficultés que nous venons de signa-
ler, nous reviendrons sur cette question lorsque nous aurons
étudié en détail les phénomènes que nous offre l'atmosphère
solaire.
Une seconde condition est nécessaire pour notre théorie :
l'enveloppe atmosphérique, dans laquelle se trouvent les mé-
taux volatilisés, doit posséder une température inférieure à
celle de la photosphère. Rien n'est plus naturel et plus facile
à justifier. La couche transparente étant la plus éloignée du
centre est aussi celle qui est le plus immédiatement exposée
aux effets du rayonnement; il est donc naturel qu'elle se
refroidisse plus vite et que sa température soit plus basse que
celle des couches inférieures. Elle n'en reste pas moins
gazeuse, à cause de sa température élevée et de la nature des
substances qui la composent. Lorsque ces vapeurs arrivent à
l'état de saturation, elles se condensent, mais en partie seule-
- 273 -
intMit, et il CM reslo loiijoiiis uiu' (N-rtaiiii' (juaiililc ;i l^'tat de
fluiile élasli(jii(\ C'est ainsi cjUi', dans notre aluiosplière, il
existe encore de la vapeur dC an dans les régions supérieures
aux. nuages.
La j)liotosplière émet done îles rasons de tcjule nature
caj)al)les de doiuier un sjx-ctre contiiui ; mais, connue ces
rayons ne peinent pu'\eini" juscpi'à nous suis traverser la
couche absorbante, quel que soit le j)oint vers lequel ncnis
dirigions le speclroscope, le spectre sera toujours rempli
(l'une multitude de raies noires.
D'ailleurs tous ces r.iisonuem3nts sont devenus inutiles de-
j)uis que l'observation directe nous a montré la présence des
raies brillantes à la surface du Soleil. Nous j)f)uvons afiirmer
avec certitude que l'atmosphère qui environne cet astre con-
tient, à l'état de vapeur, tous les métaux dont nous vovons
les raies renversées dans le spectre solaire : tels sont le so-
dium, le magnésium, l'hydrogène, le calcium, le baryum, le
fer, le titanium, le chrome, le minganèse, le nickel, le co-
balt, le cuivre, le zinc, etc. Malgré la différence qui existe entre
leurs densités, ces vapeurs tendent, en vertu de leur pouvoir
diffusif, à se mélanger entre elles comme les gaz proj)rement
dits. On trouve cejiendant que les vapeurs les plus lourdes
sont plus abondantes d.ins les parties basses de l'atmosphère.
En effi't , en observant au spectroscope le . bord extrême du
Soleil et en le projetant sur le fond noir du ciel, ce que nous
faisons pendant les éclipses, on a reconnu flicilement que
les raies noii'es se renversent et deviennent brillantes. Celles
tle l'hydrogène sont plus faciles à observer; on reconnaît ainsi
que ce gaz s'élève notablement au-dessus delà photosphère, et
([u'il forme une couche continue au-dessus des autres vapeurs
métalliques. Nous croyons pouvoir anticiper un jieu sur les
déveloj)pements que nous devons doiuier ])lus loin : ces
18.
— 276 —
recherches seront phis faciles à comprendre lorsque nous
aurons exposé riiistorique des découvertes qui les ont ame-
nées; nous nous contenterons ici d'exposer une observation
dans laquelle nous avons réussi à voir, au bord du disque
solaire, un spectre continu. Comme cette opération est très-
délicate, nous en expliquerons tous les détails.
Nous avons employé notre grand équatorial de 25 centi-
mètres d'ouverture ; Tirnage était amplifiée par l'objectif d'un
microscope d'Amici et se projetait nettement sur la fente du
collimateur. Le spectroscope était composé de trois prismes
en flint lourd très-dispersif ; nous y avons ajouté un prisme
à vision directe équivalant à deux autres. La fente du colli-
mateur étant parallèle au bord, le mouvement d'horlogerie
fut réglé de manière à permettre au disque solaire de s'appro-
cher lentement du champ de la lunette. L'appareil étant ainsi
disposé, nous avons pu constater les phénomènes suivants :
1° à une petite distance du bord, la lumière extérieure est
assez vive pour donner naissance à un spectre rayé de noir,
dans lequel on peut distinguer nettement les raies les plus
fines; 2° la distance devenant encore plus faible, on voit
paraître les raies brillantes de l'hydrogène; 3° ces raies bril-
lantes perdent leur intensité, et il arrive un moment où
toutes les raies noires disparaissent, à l'exception des plus
fortes, telles que D et Z>; 4*^ la couche qui donne ainsi un
spectre continu est extrêmement mince : on voit bien vite
apparaître le spectre rayé de noir, qui annonce le bord véri-
table du Soleil.
Le phénomène observé dans la troisième phase ne peut s'ex-
pliquer que de deux manières : ou bien la couche que nous
observons alors est celle qui rayonne directement et fournit
un spectre continu, ou bien c'est celle qui renverse partiel-
lement les raies noires de certains métaux , comme la couche
977 _
rose l'cmorsc colles do riivdioiicnc Dans colto (Icniicro
li\ notlicsc, ("ctlc nirinc couclic, a\;nil un pouvoir trop failjlc
j)Oiii" r<'n(li(' hnllaiitos les raies sur lesquelles elle ai;it, ne
produirait cpiun renversement j)artiel, c'est-à-dire un effa-
cement apparent de ces mêmes raies, comme il arrive j)our
riivdrogène au delà des protubérances. Cette dernière ex])li-
cation est la véritable, et elle se trouve confirmée par l'ob-
servation des éclipses. Nous verrons que M. Taccliini, sous
le \)ci\u c\r\ de Palernie, peut presque habituellement ob-
server les raies du magnésium renversées. Enfin M. Young
a confirmé notre observation en la répétant sur le mont
Slierman.
On ne doit pas s'étonner de voir persister les raies noires D
et bj car les vapeurs qui les produisent (sodium et magné-
sium) ont une faible densité et un grand pouvoir absorbant.
Après l'hydrogène et les gaz proprement dits, ces corps sont
ceux dont les vapeurs ont le poids spécifique le plus faible;
ces vapeurs s'élèvent nécessairement à une très-grande hau-
teur, et, comme elles sont très-absorbantes, elles doivent,
même lorsqu'elles sont en petite quantité, donner naissance
à des lignes très-sombres et presque noires. L'expérience
nous montre, en effet, que, sous une épaisseur de quelques
mètres seulement, la vapeur de sodium renverse le spectre
si brillant de la lumière électrique. Nous aurons occasion
de citer d'autres exemples de ce renversement qui compléte-
ront l'étude du spectre solaire.
Inobservation que nous venons de décrire est très-délicate
et très-difficile à faire : aussi exige-t-elle des circonstances
exceptionnelles et de très-grandes précautions. T>'image so-
laire doit être très-nette et parfaitement tranquille; on doit
employer im grossissement considérable et se servir d'un
spectroscope puissant.
— 278 —
Le phénomène que nous signalons ici est j)arfaitement
d'accord avec ce cjue nous avons observé pendant l'éclipsé
de 1860. Après avoir vu disparaître le bord du Soleil, nous
signalâmes une couche atmosphérique très-blanche et très-
brillante; puis on aperçut ensuite la couche rose et les pro-
tubérances. Or il semble bien cpie cette partie brillante que
nous avons aperçue entre la couche rose et le bord du discjue
est celle-là même qui donne le spectre continu.
L'atmosphère solaire doit contenir toute espèce de vapeurs
mélangées ensemble d'après les lois de la diffusion; elles
s'élèvent cependant à des hauteurs d'autant plus considé-
rables qu'elles sont plus légères. C'est ce qu'on pourra recon-
naître en examinant le tableau suivant, dans lequel on a
rangé dans l'ordre croissant de leurs poids atomicpies les sub-
stances dont on a reconnu l'existence dans le Soleil. Nous y
avons inséré l'aluminium, le silicium et le potassium, cpioi-
c[u'on n'ait pas parfaitement démontré qu'ils existent dans
l'atmosphère solaire.
Hydrogène i
Sodium 23
Magnésium 24
Aluminium 27
Silicium 28
Potassium 89
Calcium ^o
Chrome 52
Manganèse 52,5
Fer 56
Cuivre 63 ,5
Zinc 65
Baryum i 07 ou 2 X 68, 5
Si un grand nombre de corps, regardés comme simples
- 279 -
par les ciiiinistcs, et particulièrement les métaux pirciciix ,
n'onl pas encore été signalés, il n'en faut pas conclure qu ils
ne s'y trouvent point. Ce fait purement négatif peut s'expli-
cpier par la densité considérable de ces vapeurs métalliques,
qui se trouvent par là retenues dans des régions profondes
et inaccessibles à l'analyse spectrale.
Dans tout ce ([ue nous venons tle dire, nous avons tou-
jours supjiosé que les substances qui existent dans la photo-
sphère ne peuvent donner que des spectres continus : il est
cependant possible qu'il v ait aussi des corps capables de
donner directement des raies lumineuses éclia|)pant à toute
absorption, soit à cause de l'élévation considérable à laquelle
parviennent leurs vapeurs, soit parce qu'il n'y a pas au-des-
sus d'elles une couche plus froide et composée de la même
substance, qui en absorbe les ondes. C'est peut-être à cette
cause qu'il faut attribuer des bandes et des lignes beau-
coup plus vives et plus brillantes que les autres qui se trou-
vent dans certaines régions du spectre. On en voit une après
le groupe è'^du magnésium, à la longueur d'onde = 5i6,55,
et plusieurs autres dans le jaune, dans le vert et dans le violet.
Nous ne pouvons entrer à ce sujet dans de plus grands dé-
tails; nous renverrons le lecteur aux nombreuses Commu-
nications que nous avons adressées à l'Institut de France, et
qui ont été insérées dans les Comptes rendus des séances de
V Académie des Sciences, en 1868 et 1869.
§ II. — Analyse spectrale des taches solaires.
Les procédés ordinaires de l'analyse spectrale nous font
connaître l'ensemble des rayons qui émanent du Soleil après
avoir traversé son atmosphère ; mais on peut se demander
— 280 —
si toutes les parties du globe solaire émettent des rayons
identiques et donnent naissance à des spectres parfaitement
semblables. Il semble bien difficile que, sur une surface
d'une aussi grande étendue, il y ait une homogénéité par-
faite, et naturellement la pensée se reporte sur les taches.
On est porté à se demander si ces régions, si différentes des
autres à tant de points de vue, ne doivent pas aussi offrir
des particularités remarquables relativement aux radiations
qu'elles nous envoient.
Pour répondre à cette question, il ne suffit pas de diriger
simplement le spectroscope vers le Soleil : il faut analyser en
particulier les rayons provenant des différentes parties de cet
astre. Pour cela, on reçoit sur le plan de la fente l'image du
Soleil produite au foyer de l'objectif, et l'on fait tomber sur
la fente elle-même l'image du point que l'on veut étudier ;
mais l'objectif d'une lunette ne produit ordinairement en son
foyer qu'une image très-petite, et il est impossible d'en exa-
miner séparément les différentes parties : en conséquence
nous avons cherché à amplifier autant que possible l'image
des taches; sans cette précaution, il serait très-difficile de
démêler les différents phénomènes, et c'est pour n'avoir
pas employé des grossissements assez considérables que tant
d'observateurs ont échoué dans ces recherches. Nous avons
employé pour ces observations notre grand équatorial de
Merz. En plaçant à une petite distance du foyer l'objectif
achromatique d'un microscope d'Amici , nous obtenions une
image du Soleil qui, projetée sur un écran placé au lieu de
la fente, aurait eu o'",22 ou o'",23 de diamètre. L'image des
taches atteignait alors une grandeur considérable , et , par
une coïncidence très-heureuse, les taches ayant été très-
nombreuses pendant les mois d'avril et de mai 1869, nous
avons pu les étudier attentivement à ce point de vue parti-
— 281 —
ciilicr et siiixrc a\('(^ sucres les diffiTcntes pliascs qu'elles j)i'é-
senteul. I.'iinai^f d'une taelu' acquérait quelquefois plus de
o'",<)i de diamètre, de sorte que, eu limitant p.ar des dia-
plirai^nies la longueur de la fente à o'", 002 environ, on pou-
vait explor(M' succ(^ssivemenL les différentes parties de 1 ondjre
et de la pénombre. iNous avons de plus emplovc des prismes
très-puissants, dont le nombre a varié de trois à cinq. Les
mesures étaient prises soit avec une échelle graduée sur verre
et adaptée à l'oculaire, soit à l'aide de fils micrométriques.
Dans la suite de notre travail, toutes les raies ont été com-
parées avec les figures de Rirchlioff; mais, dans l'exposé que
nous allons faire, nous les rapporterons aussi à celle de Van
der Willingeu, que nous avons déjà reproduite et qui est plus
facile à reconnaître. M. Donati, de Florence, a dernièrement
employé cette méthode d'observation avec son spectroscope
à vingt-cinq prismes, et il a parfaitement vérifié nos conclu-
sions.
Voici les résultats auxquels nous sommes parvenu, et qui,
nous sommes heureux de le dire, ont été confirmés par
M. Lockyer, puis |)ar ]M. Young, de Dartmout-CoUege, et
enfin par M. Donati. Pour plus de détails, on peut voir le
^lémoire que nous avons écrit sur le spectre solaire, imprimé
dans les .4/// clclla Socielà italiana de XL cli Modena, 3^ série,
t. TI,p. I.
i'* En dirigeant le spectroscope vers les différentes régions
du disque solaire, on trouve partout les mêmes raies prin-
cipales; quant aux raies secondaires, nous ne pouvons pas
être aussi affirmatif : elles s'évanouissent en certains endroits,
mais leur disparition peut bien être due à un plus grand
éclat que possèdent ces points. On remarque cependant
des variations très-considérables auprès du bord : plusieurs
systèmes de lignes très-fines, qu'on aperçoit difficilement au
— 282 —
centre, deviennent alors très- visibles ; elles présentent en
même temps un aspect indécis et comme nébuleux , leurs
bords n'étant pas nettement terminés. C'est ainsi que les raies
du sodium ne présentent plus la même netteté et deviennent
diffuses. Pour faire avec rigueur une étude comparative, il
faut juxtaposer les spectres de deux points éloignés l'un de
l'autre; on reconnaît par là si les différences tiennent seu-
lement à l'intensité de la lumière, ou si elles sont dues à la
position et à la nature des raies. C'est ce qu'a fait tout ré-
cemment M. Hastings, astronome américain, qui a imaginé
un appared très-simple pour obtenir ce résultat. On place
devant une moitié de la fente un prisme parallélipipède P
[^fig. loo); les rayons émanés du centre du disque solaire C
subissent deux fois la réflexion totale pour entrer dans la
fente du spectroscope , tandis que les rayons provenant des
bords du disque h pénètrent directement par l'autre moitié
de la fente. Les deux spectres sont ainsi juxtaposés, et l'on
peut les examiner ensemble dans le champ de la même lu-
nette. Il va sans dire que les dimensions du prisme doivent
être calculées d'après celles de l'image que produit la grande
lunette du têléspectroscope. L'intensité des rayons se trouve
diminuée par l'absorption due au prisme et par les deux ré-
flexions qu'il produit; mais si on le dispose de telle sorte
- 283 -
(|iril rt'roivc les i'.inoiis [iroNciiant de la partie centrale du
disqiu', cette dimimilioii, loin dètrc imisihle, s( ra tiès-utilc
pour obtenir deux faisceaux de même intensité.
Même avant de faire usage de cet instrument, nous avions
déjà constaté qu'une simple diminution de lintensité lumi-
neuse ne peut pas produire les effets que nous avons obser-
vés. Ces altérations ne peuvent donc s'explifjuer (juc par
l'influence de la couche atmosphéri(|iic (juc lra\ersent les
rayons, et (|ui devient [)lus épaisse auprès du bord. Les
raies D, en particulier, sont tellement diffuses qu il est impos-
sible de ne pas reconnaître là un résultat de l'absorption.
Cependant, comme cette absorption ne devient considérable
que pour les régions très-voisines du bord, on doit dire
c[ue la couche absorbante a mie épaisseur comparativement
faible.
2° Dans le voisinage des taches, et principalement sur les
facules qui les environnent, les raies noires de 1 hydrogène
sont toujours plus faibles ; quelquefois elles disparaissent
complètement et finissent même par se renverser. La raie C
est celle qui subit les plus grandes variations. La raie F ne
disparait jamais complètement ; elle parait accompagnée
d'une autre ligne noire qui n'appartient pas à l'hvdrogène.
Les mêmes particularités se reproduisent pour d'autres raies,
surtout pour celles du magnésium. Nous verrons bientôt que
ce j)hénomène est dû à d'immenses éruptions de vapeurs
métalliques, parmi lesquelles domine l'hydrogène. Ces masses
de gaz donneraient naissance à des raies brillantes si elles
étaient isolées; mais, inondées comme elles le sont par la
lumière éclatante du Soleil , elles parviennent tout au plus
à produire un effet égal et contraire à celui de la couche
absorbante qui les enxironne. Lorsqu'elles sont assez vives,
elles peuvent produire un effet plus considérable et mani-
28i —
fcster leur présence par des
raies brillantes : c'est ce qui
arrive assez fréquemment.
Lorsqu'une tache est près
(lu bord, on voit très-souvent
les raies brillantes de l'hydro-
gène empiéter sur le disque
solaire lui-même et se prolon-
ger sur un espace de plusieurs
secondes jusqu'au noyau ob-
scur: là elles s'arrêtent brus-
quement. T.a fig. [02 repré-
sente la disposition de ces
raies brillantes. Cependant,
lorscju'une tache est traversée
|)ar un pont, et surtout lors-
f[ue le novau est recouvert de
voiles rouges, on y trouve la
raie C renversée ou du moins
très-réduite.
3° Dans l'intérieur des ta-
ches, le spectre subit une pro-
fonde modification ; l'harmo-
nie générale n'est plus la
même, et le rapport des in-
tensités lumineuses est com-
plètement changé. Certaines
lignes, qui d'ordinaire sont
à peine visibles, deviennent
très-noires et très-larges ; d'au-
ti'es deviennent indécises sur
les bords; d'autres, enfin, ne
285
subissnit miicuiu- inoilificaliou. \a\ Jig. loi montre coin-
hicii le spectre trunc taclic peut rtre complexe; elle rcjjpo-
(luit les résultais des oi)S('r\ati()iis (jiic nous a\oMs laites
Fie- 10'
c
le I I et le i3 avril i 8Gf), en examinant une tache dont nous
reproduisons ici le dessin [fig. io3). On voyait en réalité
Fi,<T. io3.
c^'
^^^i.
quatre spectres différents : i° celui du fond brillant du Soleil,
2° celui de la pénombre, ?>° celui du noyau, et 4^ celui d'un
pont très-brillant qui traversait la tache,
La bande n° 2 {/ig. loi) représente le spectre du noyau.
On y remarque ime diminution générale de l'éclat lumineux
- 28G —
et surtout des lignes très -sombres considérablement élar-
£;ies, et même de véritables bandes presque complètement
noires. On en voit une entre B et G, deux autres entre G et D,
deux autres entre E et F ; ce qu'il y a de plus remarquable, ce
sont les trois couples de raies brillantes qui se retrouvent
entre b et F.
La bande n° 1 représente le spectre du pont. On y voit ren-
versées les raies de l'hydrogène H« r= G, H/3 = F, Hy = H.
La zone n" 3 donne le spectre de la pénombre; on n'y
^oit aucune raie de l'hydrogène, ni noire ni brillante : c'est
que le spectre de ce gaz y est partiellement renversé, comme
on le reconnaît facilement en comparant cette bande avec le
n° 4, qui donne les raies principales du fond général du disque
solaire .
Il est évident cpie des modifications aussi profondes ne sau-
raient être attribuées à une simple diminution dan* Finten-
sité lumineuse. Il y a donc là une absorption spéciale et élec-
tive prodiiite par certaines substances qui se trouvent dans
l'intérieur des taches. Ce sont des phénomènes nettement
tranchés que nous allons essayer d'analyser.
4** On distingue dans le spectre général du Soleil plusieurs
systèmes de raies très-fines, très-serrées, également distantes
les unes des autres; on a désigné ces systèmes par Ite nom
de persiennes, à cause des apparences qu'elles présentent.
Dans les taches, elles deviennent diffuses et nébuleuses,
comme on peut le voir près des raies 6, 7, 8, 9 de la figure
de Yan der Willingen (711,5, 7 1 9, 5 et 864 de Rirchhoff ) et
dans le voisinage des raies i4 et i5 (1006,8 et 1204 de K.).
Lia Jig. io4 donne une idée sommaire des apparences qui
se présentent dans la région comprise entre G et D. Les sys-
tèmes de raies qu'on observe dans cette région ont une inten-
sité graduellement croissante ou décroissante ; elles sont assez
- 287 —
distinctes, mais (raj)par('n(e nébul<Mis(v Dans la ré^Moii du
vert, il y <'» h un très-grand nombre qui deviennent très-
noires dans les taches, tandis que sur \v reste du disque on
a beaui oup de peine à les distiiiii^uer. Ces systèmes ne pa-
raissent cepeiulaiil pas èlrc des créations nouxcUes tout à fait
particulières aux taches: ils correspondent ordinairement à
des raies très-faibK's indiquées par Rirchhoff; mais ces raies
prennent dans les taches un développement extraordinaire,
ce qui constitue un phénomène bien tranché et complètement
caractéristique. On ne connaît pas encore les substances qui
produisent ces persiennes; mais elhîs sont certamement ga-
Fij. io4.
zeuses, et il parait bien probable que la vapeur d'eau n'y est
pas étrangère, car nous avons vu des brouillards et des
nuages légers produire le même effet en passant devant le
Soleil.
Nous avons essayé de diminuer l'intensité générale de la
lumière solaire en mettant des diaphragmes à l'ouverture de
la lunette; mais nous n'avons obtenu par ce procédé aucun
phénomène analogue à celui que nous venons de décrire. Il
est donc impossible d'expliquer ces apparences par le seul
fait de l'affaiblissement de la lumière sur les taches. Cette
explication nous pirait inconciliable avec l'existence des
bandes brillantes, qui restent très-distinctes au mili(Mi du
fond obscur : telle est celle qui se trouve auprès de la
— 288 —
raie -j W. ( 'j 19, 5 R.), marquée par ime flèche dans \^fig. 1 04.
L'éclat que présentent ces bandes lumineuses est purement
relatif ; il résulte de ce que les rayons correspondants sont
moins complètement absorbés que ceux du voisinage. Il faut
en dire autant des couples de raies brillantes que nous avons
déjà signalées dans le vert. Des taches , qui au premier abord
paraissent insignifiantes , donnent quelquefois des spectres
qui dénoncent une absorption très-puissante; mais, en géné-
ral , il faut attendre davantage des taches circulaires, pro-
fondes et bien noires au centre.
5° Plusieurs raies appartenant à des substances métalliques
se dilatent d'une manière considérable, tout en conservant
leurs bords nettement tranchés. Il est très-facile de constater
cet élargissement dans les raies 10, 1 1 et 12 de Van der Wil-
lingen (864, 877, 893 R.). Dans le vert, il y en a qui de-
viennent trois ou quatre fois plus larges lorsque les taches
sont rondes et profondes. Nous avons constaté ce phénomène
sur un très-grand nombre de raies, qu'il serait trop long
d'indiquer ici. Nous signalerons seulement celles du calcium
et du fer, pour lesquelles le phénomène est plus saillant.
G° Les raies du sodium s'élargissent aussi; mais, contrai-
rement aux autres, elles deviennent diffuses sur les bords
et véritablement nébuleuses. La^o. io5 représente l'appa-
rence qu'offre le spectre lorsqu'il traverse deux taches. Les
expériences de ]M. Cailletet ayant prouvé que les raies du so-
dium deviennent diffuses et nébuleuses lorsque la pression
est considérable, on est autorisé à admettre que la dilatation
dont nous venons de pailler est un résultat de la forte densité
que possèdent alors ces vapeurs. Le sodium n'est pas le seul
métal qui présente ce phénomène ; dans le vert , nous avons
des raies qui deviennent très-diffuses, surtout enti'e Z> et F;
mais le sodium l'emporte tellement sur les autres, que lin-
- 289 -
fervalh? entre deux lignes consécutives disparaît quelquefois
complètement.
'j° Les raies s'clargiss(Mit graduellement dej)uis le bord ex-
térieur de la pénombre jusqu'au noyau, de snrle que leurs
Fi(;. loi.
extrémités se terminent en pointes effilées (Ji^- io6). Nous
devons en conclure que la couclie absorbante qui produit
cette dilatation va en augmentant depuis le contour extérieur
jusque vers le voisinage du noyau. Ce phénomène nous rap-
Fig. loG.
])elle une remarque que nous avons eu souvent l'occasion de
faire dans nos observations : lorsqu'on emploie de forts gros-
sissements, la ligne de démarcation entre la pénombre et la
photosphère n'est pas nettement tranchée comme celle qui
sépare la pénombre du novau. Cette particularité s'observe
j)lus facilement dans les photographies agrandies des taches ;
leur contour extérieur ne présente jamais cette netteté à la-
quelle on est accoutumé lorsqu'on observe directement avec
I. 19
- 290 -
tic faillies grossissements. Il y a donc un accroissement pro-
gressif dans l'épaisseur de la couche absorbante depuis le
contour extérieur jusqu'au noyau.
8*^ Outre ces modifications caractéristiques qu'éprouvent
les raies, on voit aussi varier l'intensité lumineuse des diffé-
rentes parties du spectre, surtout dans le rouge, dans le jaune
et dans le vert. On voit se former des bandes sombres, prin-
cipalement entre les points B et G, et dans le voisinage du
point D. Ij^Jig. 107 présente la courbe des intensités relatives
des différentes régions du spectre dans la partie la moins
Fig. 107.
I
réfrangible. Une forte bande se forme près de la raie 16 W.
(1207 R.), et une autre près de la raie 8 W. (entre 719, 5 et
85o R.). Il y a, en outre, un très-grand nombre d'autres bandes
très-fines entre 1 7 et 20 W. ( r 280 et 142 1 ,6 R.) . Ces variations
d'intensité sont faciles à constater, mais difficiles à évaluer,
car elles ne présentent rien de bien défini. Le phénomène est
cependant incontestable, et il est indépendant de l'élargisse-
ment des raies noires; car l'espace compris entre 9 et i3 W.
(85o et 895 R.) demeure très-brillant, malgré la dilatation des
raies du calcium et du fer. Notons en passant, comme une
particularité bien remarquable , que ces bandes ont une
très-grande ressemblance avec celles qu'on observe dans le
spectre des étoiles rouges.
9" ^Malgré l'absorption très-considérable qu'on observe
- i\n -
dans riiitcricur des lâches, il y a dos laics (jiii dcinciirciil
parrailciiuMil l)rillaiites, sans éprouver la iiioiiKlro variation
dans lein" iiit<'nsité. Leurs positions correspondent a des in-
tervalles indiqués j)ap Kirchliolf, coiniiic ne conleiiant aucune
raie. Ces positions, sur la fl^MU'e cjue nous avons reproduite,
se trouvent à peu j)rès entre i /j el. i5, iG et i-, i- et i8,
i() et 20, 21 et 22 de \ an (1er W illin^en. Elles sont bien re-
connaissahles, sur la figure d(^ Rirclilioff, à l'absence de toute
raie secondaire, et elles corespondent aux positions suivantes :
De i2()7,:>. h i:'.i7,'i , g ,
De i3o6,i> à i3i5,9
* 123,
10?., 7
De 1430,.'; I î38,9 \
De 1 533.3 :. 15.11, G '
120,0
!).■ 176^,1 à 1771,5 [ -^
De 1876,8 à 1884,5 \ " '^
On voit que ces bandes sont à peu près équidistantes, et
que leur largeur correspond à peu près constamment à 10 de-
grés de Téclielle de Rirchhoff. Le spectre des étoiles rouges
présente dans la région du vert de.'^ raies tout à fait ana-
logues à celles que nous venons de décrire : il semble donc
que, si le Soleil était recouvert sur toute sa surface d'une
atmospbère épaisse , comme celle qui existe au fond des
taclies, il donnerait naissance à un spectre semblable à celui
des étoiles rouges.
10" Il v a une grande analogie entre l'absorption qui se
produit dans les taches et celle qu'on observe lorsque le
Soleil est |)rès de l'horizon; mais les lignes nouvelles qui se
produisent et celles qui se dilatent ne sont pas les mêmes
dans les deux cas. Ainsi la raie G" de Brewster devient très-
large lorsque le Soleil est près de Thorizon, tandis qu'elle est
invisible dans les taches. Nous avons suivi altenli\enient
'9-
292 —
les variations qu'éprouve cette ligne auprès de l'horizon, et
nous a^ ons trouve que les persiennes se produisent de part
et d'autre de C", les raies telluriques étant situées du côté
de C, et les raies solaires du coté de U : elles n'auraient donc
pas toutes la même origine.
Les raies qui se forment près de -yW. (719 K.) sont plus
sensibles dans les environs des taches que sur les taches elles-
mêmes. La bande qui se trouve au delà du point D, et que
Brewster a désignée par la lettre 0, quoique produite par
ratniosj)hère terrestre, existe cependant indépendamment
de notre atmosphère. L'absorption atmosphérique peut ce-
pendant la renforcer dans les taches, car, lorsque le Soleil
s'approche. de l'horizon, on la voit apparaître sur les noyaux
alors qu'elle est encore invisible sur les autres points du
disque. Nous croyons aussi que les raies nébuleuses comprises
entre 7 et 8 W. (719K.) sont dues à la vapeur d'eau, car elles
sont bien plus prononcées lorsque le Soleil est près de l'ho-
rizon ; un simple cirrus passant devant le disque solaire suffit
pour les rendre plus visibles.
Malgré la haute température du Soleil, nous n'hésitons pas
à admettre que son atmosphère contient de la vapeur d'eau,
car on voit, très-près du bord, les mêmes nuances et les
mêmes bandes diffuses que nous avons souvent observées,
lorsque l'air atmosphérique est chargé d'humidité au mo-
ment où un nuage translucide passe devant le disque solaire.
§ IIL — Conséquences qui découlent des faits précédemment
exposés.
Les détails dans lesquels nous sommes entré ne sont
qu'un faible échantillon de l'immense travail qu'il reste en-
core à faire pour compléter l'étude spectrale de la surface
- 203 —
solairo. Cet examen, (ni()i([ii;' imparfait, nous roiirnil ccprii-
(lant (les priueipes féconds, d'où nous pourrons tirer un
grand nombre de conclusions.
Les taches sont des régions caractérisées par un accroisse-
ment considérable du jiouvoir al)sorbant, et le renforcement
des raies, qui se produit au bord du disque, tient évidem-
ment à la même caus<'. il va cependant une grande différence
entre ces deux ordres de phénomènes; car, tandis cpiauprés
du bord l'absorption parait due à des gaz proprement dits,
dans les taches elle est principalement produite par des va-
peurs métalliques. Lorsque les taches sont superficielles, on
voit simplement se renforcer les raies D qui appartiennent
au sodium ; lorsqu'elles sont de profondeur movenne, les
raies du calcium se renforcent également, mais on ne voit
aucune modification dans celles du fer. Enfin, lorsque les
taches sont très-sombres , ce qui permet de juger qu'elles
sont aussi très-profondes, les raies du fer subissent à leur
tour une dilatation considérable , mais moindre que celles
du calcium. La région des taches serait donc occupée par des
vapeurs métalliques assez denses, par exemple celles du so-
dium, du fer, du calcium, etc. Le sodium et le calcium,
dont le poids atomique est plus faible, sont aussi ceux dont
les raies s'élargissent davantage. Les autres métaux, le co-
balt, le chrome, le plomb, ne présentent pas de changement
appréciable, ce que nous attribuons à la densité de leurs
vapeurs qui les force à rester dans des couches plus pro-
fondes. C'est sans doute la même cause qui empêche de re-
connaître la présence des métaux précieux, dont les vapeurs
sont encore plus denses. En réfléchissant sur ces phéno-
mènes, on est conduit à admettre que, dans l'intérieur des
taches, les vapeurs métalliques sont disposées par ordre de
densité, les plus lourdes au fond, les plus légères à la
- 294 -
partie supérieure, et au-dessus de toutes les vapeurs métal-
liques le 2;az hydrogène, formant une couche continue qui
enveloppe de toutes parts le globe solaire tout entier.
Le spectre des taches ne présente point de raies nouvelles :
on n'y voit que celles de l'atmosphère solaire plus ou moins
renforcées. Il n'v a donc point de substances nouvelles dans
ces régions, mais seulement une densité plus considérable
pour certaines vapeurs. Or nous savons qu'il y a dans les
taches une dissolution continuelle de la matière photosphé-
rique ; il devrait donc en résulter une absorption élective
toute différente, si la photosphère contenait d'autres éléments
que ceux qui constituent la couche atmosphérique.
Cette conclusion resterait encore la même si, au lieu de
comparer la photosphère à un brouillard qui se dissout dans
les taches, nous la regardions comme une masse gazeuse
soumise à une pression assez considérable pour donner un
spectre continu. Dans ce cas, le gaz incandescent, se mélan-
geant à la masse de vaj^eur plus froide qui compose le noyau
de la tache, cesserait d'être aussi lumineux pour devenir re-
lativement obscur; or, comme dans ce nouvel état il ne
produit pas d'autres raies que celles de la couche absor-
bante, la photosphère doit encore être composée des mêmes
substances que la couche gazeuse qui l'environne.
Des faits précédemment exposés, nous pouvons encore
conclure que la profondeur des taches ne peut servir de
mesure à l'épaisseur de la photosphère, comme on l'a cru
jusque dans ces derniers temps. Ce qu'on mesure ainsi, c'est
l'épaisseur de la couche dense et absorbante qui occupe les
parties les plus liasses des taches. Nous voyons sur la Teri-e
des gaz plus lourds que l'air, l'acide carbonique par exemple,
former dans certaines cavités une atmosphère irrespirable,
comme dans la Grotte du Chien ; il arrive de même, sur le
— 293 —
Soleil. <|U(' les ^ap(•lll•s mct.illicjiics, maigre leur Iciidaiico
à la (lifliision, occiipciil le fond des cavités ([iii coiistitiiciit
les taches : ce (jui irein|)('clie pas (|iu' ces gaz pesants ne se
mélangent un peu avec le reste de l'atmosphère, conmie le
font, dans l'air (|ui nous entoure, l'acide carhonitjne et la
vapeur J eau.
Enfin la j)artie noii-*' (jui occupe l'intérieur des taches ne
peut être expliquée, ni par un nt)vau ohsiui' (pii serait au
centre du globe solaire, ni j).ir des scmies ou autres matières
solides flottant à la surface d'un liquitle. Cette obscurité est
due à des masses transparentes, mais fortement absorbantes,
de vapeurs métal li([ues qui, grâce à leur densité considérable,
occupent les parties les plus basses des inégalités de la sur-
face lumineuse, et remj)lissent les vides et les interstices que
laissent (jueUjuefois entre elles les masses brillantes qui nous
éclairent.
Nous nous trouvons amené par là à compléter ce que nous
avons dit dans un Chapitre précédent sur la structure inté-
rieure des taches, que nous avons représentées comme des
masses obscures envahies par la matière lumineuse : le spec-
troscope vient de confirmer cette idée, et il nous apprend que
les matières sombres sont gazeuses.
11 ne sera pas inutile de résumer ici tout ce que nous avons
dit sur ce sujet en quatre affirmations que nous devons re-
garder maintenant comme prouvées : i" la matière obscure
et la matière lumineuse ne sont pas de nature différente;
2" le no\au noii' des taches ne peut être produit par un corps
solide : il résulte de l'absorption produite par des vapeurs
dans la partie centrale de la tache où les filets de matière
hunineuse ne sont pas encore parvenus; 3° la matière bril-
lante se dissout en pénétrant dans cette masse ab-sorbante
et elle cesse d être lumineuse; [\° la masse obscure ne pourra
- 296 -
résister indéfiniment à cette action, et l'on verra le noyau se
recouvrir progressivement de la matière lumineuse qui l'en-
vahit. La disparition de la tache pourra être retardée par une
recrudescence qui amène une nouvelle quantité de matière
obscure; mais ce phénomène ne pourra pas se reproduire
indéfiniment , et la tache finira par disparaître , faute d'ali-
mentation.
§ IV. — Réponse à une objection.
On s'est demandé pourquoi nous n'observons dans le Soleil
ni r oxygène, ni l'azote, ni aucun des autres gaz qui doivent
cependant y exister aussi bien que sur la Terre. Cette ques-
tion n'est pas facile à résoudre. D'abord ces gaz pourraient
bien se trouver dans l'atmosphère solaire sans qu'il nous fût
possible de les y reconnaître, parce que, à la température
qu'ils possèdent, ils ne présentent plus les mêmes raies qu'aux
températures auxquelles nous les observons ordinairement
dans nos laboratoires. Les gaz ont tous plusieurs spectres dif-
férents les uns des autres suivant la température de l'expé-
périence et suivant les combinaisons qu'ils forment. Qu'on
prenne un tube de Geissler composé de deux parties, l'une
ayant un diamètre assez considérable, l'autre ayant une sec-
tion capillaire : on trouve dans ces deux parties deux spectres
très-différents pour le même gaz. On observe ce fait pour le
brome, le chlore et l'hydrogène. De plus, l'azote présente,
suivant les circonstances, trois spectres différents nettement
définis. Il arrive quelquefois que, pour des températures in-
termédiaires, deux spectres d'ordre différent se superposent
l'un à l'autre.
Les expériences de jNI. Chautard nous apprennent que les
— 297 —
tubes de Geisslcr (lomitiit des spi-ctrcs diffrrcnts loisiju'oii
les soumet à l'aetiou de piii^simfs ainiaiils. Le ni;i{j;iiélisme
n'agit peut-être là ([u'eu protluisaul iiulireetcmeut un eliau-
gcment de teinj)érature. Les gaz sont magnétiques ou dia-
niagnétiques : ils sont doue attirés ou repoussés par l'aimant.
Cette action, attractive ou répulsive, comprime le gaz contre
la paroi du tube; la section devient plus eti'oite, le gaz s'c-
cliaulfe davantage j)ar le passage du courant <t le spectre se
trouve modifié.
Nous savons qu'on a attribué ces différentes modifications à
des impuretés des gaz, ou à des causes inconnues; mais ces
objections ne nous paraissent point rendre raison des phéno-
mènes observés dans des circonstances très-différentes, et
nous regardons comme certain ([ue les gaz, et même les va-
peurs métalliques, présentent différents spectres sui\ ant leur
température.
En général, les s])ectres du premier ordre sont peu bril-
lants, et, par conséquent, ils ne se détacheraient [)as d'une
manière suffisante sur le fond lumineux du Soleil. De plus,
si l'on excepte l'hydrogène, il faut ime température très-
élevée pour obtenir le spectre du second ordre, le seul qui
présente des raies très-vives, analogues à celles des vapeurs
métalliques ; l'étincelle électrique, qui suffit pour ])roduire le
.spectre des métaux, est rarement capable de communiquer
aux gaz une température assez élevée pour (pi'ils donnent un
spectre brillant.
Il faut donc qu'un gaz soit porté à une température très-
élevée pour que nous jouissions reconnaître sa présence à la
surface du Soleil, et il est bien possible que l'enveloppe exté-
rieure ne soit pas ass(^z chaude j)our produire le spectre du
second ordre. L'hydrogène lui-même donne, dans le Soleil,
le spectre qui correspond à ime température modérément
— 298 —
élevée ; les raies terminées en pointe qu'on observe dans cer-
taines circonstances montrent qu'il éprouve un refroidisse-
ment Lien prononcé dans la couche la plus éloignée du centre
et dans les protubérances. Dans ce cas, l'absorption, réduite
à celle des spectres de premier ordre, est trop faible pour être
sensible : elle donne simplement lieu à des bandes plus ou
moins diffuses qu'il est impossible de distinguer d'un très-
grand nombre des raies dues à des substances inconnues.
On ne peut cependant pas dire que l'oxygène fasse complè-
tement défaut dans l'atmosphère solaire : nous avons reconnu
dans les taches des traces de vapeur d'eau ; il y a donc de l'oxy-
gène. Il est possible que dans les régions les plus élevées
l'hvdrogène se refroidisse jusqu'à la température à laquelle
il peut se combiner avec l'oxvgène, température qui est cer-
tainement bien supérieure à i5oo degrés; la vapeur d'eau
ainsi formée retomberait pour être décomposée par disso-
ciation dans les régions plus basses ; ses éléments s'élèveraient
de nouveau et formeraient ainsi une véritable circulation. Il
est également possible que l'azote se trouve dans l'atmo-
sphère du Soleil, et qu'il donne naissance aux lignes sombres
qui bordent la raie C à l'extérieur du disque , car cette raie
doit lui apparlenir, si elle n'est pas due au carbone. Peut-être
faut-il attribuer à l'azote un grand nombre de persiennes qu'on
observe dans l'intérieur des taches.
La spectrométrie est une science encore au berceau ; il faut
donc éviter de tirer de ses indications des conclusions préci-
pitées.
M. Zollner a donné une autre explication que nous allons
exposer en peu de mots. En partant des principes de la
théorie mécanique de la chaleur, il est arrivé par le calcul
à cette conclusion que, en raison des poids spécifiques et des
autres propriétés des différents gaz, en raison de la tempe-
- 299 -
rature tics-cIcM'e de la siiri'acc solaiic, et à la légèreté spé-
cifique (if I liN (irogène, une atinosplière de ce gaz, capable de
produire une pression de i8o niilliniètres, serait remplacée
par une couche extrêmement j)etite il'oxygène et d'azote ' *),
et, comme ces gaz sont très-peu absorbants, il serait très-dif-
ficile (le les reconnaître, tandis (|n une eouclie très-mince de
\apenrs nielalli(|ues pi'odnirait n\\ ellet sensil)le à cause du
grand pouvoir absorbant de ces substanc's.
On \o\l ((ue la difficulté de se faire une idée de l'état phy-
sique du So1(m1 provient de l'ignorance dans la([uelle nous
sommes de la température qui existe à la surftice de cet astre
et de la pression que produit son atmosphère. Si nous par-
venons à déterminer ces éléments, nous pourrons dire à coup
sur si Ion doit considérerla photosphère comme un gaz incan-
descent ou comme un brouillard lumineux; mais nous n'a-
vons pas encore les données nécessaires pour trancher la
question.
Pour faire toucher du doigt les difficultés qui se présen-
tent à nous, proposons un simple problème. On demande
(juelle hauteur devrait avoir une couche de matière solaire
pour produire une pression de 4070000 atmos|)hères. Nous
prenons ce nombre parce que, d'après INI. Zollner, il repré-
senterait la pression sous laquelle l'hydrogène deviendrait
liquide ^). Si la couche capable de produire ce résultat avait
dans toute son étendue la densité movenne du Soleil i./|G,
1^ l'aluni
(M Les chiffres donnés par M. Zollner sont, pour l'azote, r-— et, pour l'osv-
(jènc, — ~n~' (Voir 3'«oi'o r//«c«ro, agosto iS-o,ol P/iihsophical IHagazi/ie, no\em-
lier 1870.;
(') Cette liqiiff.iction n'est cependant qu'liypotliéliqiie, car M. Cailletet, en poussant
la pression à 800 alniosplières, n'a rien aperçu (jui indiquât une loi de conipressibilité
différente de celle (pic suivent les gaz j)arraits.
- 300 -
<>lle devrait avoir une hauteur de 989010 mètres ; vue de la
Terre, elle sous-tendrait un angle de i",383, quantité bien
inférieure à la profondeur des taches. Nous avons déjà donné
d'autres exemples de ces résultats, qui nous paraissent si ex-
traordinaires, parce que nous les comparons malgré nous à
ce qui se passe sur la petite planète que nous habitons.
Le Soleil est un monde si différent du nôtre, qu'on pour-
rait avec raison nous reprocher la témérité avec laquelle
nous cherchons à étudier sa structure. Il ne faut cependant
pas perdre courage ; depuis quelques années la science a fait
beaucoup de progrès, et ceux qui viendront après nous ne
manqueront pas de faire encore davantage.
- 301 -
LIVRE IV.
LES ECLIPSES.
CHAPITRE PREMIER.
PHÉNOMÈNES OBSERVÉS l'END.VNT LES ÉCLIPSES.
§ 1. — Historique.
Les éclipses totales du Soleil étaient jadis un sujet de ter-
reur pour les populations ignorantes et su})erstitieuses; elles
sont tlevenues })0ur la science une source de rensf^gnements
j)récieux: relativement à la constitution de l'atmosphère so-
laire. L'astre du jour, cessant alors d'illuminer notre atmo-
sphère, nous permet d'étudier certains phénomènes, curieux
et instructifs, très-utiles au but que nous nous sommes pro-
posé. Nous ne pouvons donc pas néghger cette question;
nous l'étudierons dans tous ses détails à la fois si complexes
et si intéressants. Commençons par quelques notions géné-
rales qui sont absolument essentielles.
Les éclipses totales ont toujours été observées avec em-
pressement et décrites avec enthousiasme ; mais c'est depuis
mi ti(M's de siècle seulement qu'on les étudie d'une manière
parfaitement rationnelle. Depuis cette éj)oqiie, la jierfection
des Tables solaires et lunaires, l'exactitude des données géo-
graphiques ont permis aux astronomes de calculer d'avance,
- 302 -
d'une manière rigoureuse, la ligne que doit tracer sur notre
globe le cône d'ombre projeté par la Lune, sa largeur exacte
et la durée précise du phénomène. Alors seulement les astro-
nomes ont pu se déplacer en toute sûreté pour aller observer
les éclipses, sans s'exposer comme autrefois à perdre le fruit
d'expéditions laborieuses.
L'observation des éclipses se réduisait naguère à la déter-
mination de l'instant précis où avait lieu l'occultation; les
résultats étaient utilisés pour corriger les Tables du Soleil et
de la Lune, et pour connaître avec plus de certitude le rap-
port du diamètre de ces deux astres. Comme ces calculs se
font presque aussi bien en prenant pom^ point de départ l'ob-
servation d'une éclipse partielle, il n'y avait pas un intérêt
spécial à faire de longs voyages, afm de se trouver dans la
zone de la totalité. Mais de nos jours, grâce aux découvertes
récentes et à la perfection des moyens de recherche, on se
propose avant tout d'étudier la physique solaire, et pour cela
il est indispensable de se transporter dans cette zone privi-
légiée oii l'occultation du Soleil est complète.
C'est en 1842 que, pour la première fois, l'attention des
savants fut portée sur ce point. On observa des phénomènes
qu'on n'avait pas soupçonnés jusqu'alors, et ce fut comme
une révélation véritable; un horizon nouveau semblait s'of-
frir à la contemplation des savants, et l'on ne négligea aucun
moyen pour l'étudier avec soin. Depuis cette époque, un
grand nombre d'astronomes entreprirent simultanément des
voyages, quelquefois bien longs, pour aller observer chacune
des éclipses qui ont eu lieu. Ces voyages présentent de très-
grands avantages. En multipliant le nombre des postes d'ob-
servation, et en les choisissant convenablement, on prévient
les désagréments qui, pour un observateur isolé, peuvent si
facilement résulter de l'état du ciel; mais surtout on peut
- 303 -
distinguer ;i couj) sur ( <• (|iii «-si accidcnlcl, dans les plicno-
nuMies, tic ce cjui est in (lc|)('ii(l;iiil des observateurs cl des cii-
conslanees de rt)l)servati()u; enfin une division intelligente
du travail piTinet d'ohserNer ces pluMionièncs aussi coniplc-
tcnient (juc possible, malgré leur courte durée : aussi a-t-il
sulfl dun petit n()ini)re d éclipses pour faire M\anc(M' rapide-
nieiil iCiudc de la consliluliou pli\ si(pie du SoKil ; indiquons
les princi|)alcs.
i"" Nous devons mettre en premién* ligne celle de 1842,
(|ui fut observée en France par les astronomes français, en
Italie par les Anglais et les Italiens, en Autriclie par les Alle-
mands. Arago a discuté ces observations dans un savant
Mémoire inséré dans \ Annuaire du Bureau des Longitudes
pour i84(-), et Baily en a donné une admirable description
dans les Memoirs of the R. Astr. Society, t. XV, 1846.
2^ L'éclipsé de i85i a été observée en Suède par les An-
glais, les Allemands et les Russes; une collection précieuse
d'observations a été publiée dans le tome XXI des Mémoires
de la Société astronomique de Londres.
3^ L'Amérique a fourni aussi son contingent : l'éclipsé du
3o octobre i853 a été observée par IMoesta, celle du 7 sep-
tembre i858 par Gdlis et par les Brésiliens; celles de i865
et de 1867 parle P. Cappelletti, l'astronome ]Moesta et quel-
ques autres savants. Ces observations ont beaucoup contribué
à assurer la généralité de certains phénomènes dont l'impor-
tance est devenue par là beaucoup plus grande.
4** En 18G0, les astronomes les plus habiles de l'Europe
s'étaient donné rendez- vous en Espagne; les oljservations
nondjreuses qui furent faites, et surtout les photographies
{[u'on obtint en deux points différents, font de cette éclipse
l'une des ])his importantes et des plus fertiles en conclusions.
j" Tous ces succès ont été surpassés le 18 août 18G8
— 304 —
L'éclipsé présentait une circonstance des plus favorables dans
sa longue durée, six minutes vingt-cinq secondes : c'est presque
la plus longue possible. C'est ce qui engagea les gouverne-
ments à faire des dépenses considérables, et encouragea les
savants à affronter les fatigues de longs et rudes voyages pour
aller s'installer dans des pays à peine civilisés. Ces sacrifices
ont reçu leur légitime récompense, comme nous le reconnaî-
trons bientôt en étudiant les découvertes fécondes qui en ont
été le fruit , principalement au point de vue des études spec-
trales.
6" L'éclipsé du 7 août 1869 fut observée dans l'Amérique
du Nord, surtout par les astronomes américains, et leurs
observations, si remplies d'intérêt pour les savants, ont con-
firmé et généralisé les découvertes faites, en 1860, à l'aide
de la pbotograpliie, et en 18G8 par l'analyse spectrale.
7° L'éclipsé du 2.2. décembre 1870, visible en Espagne, en
Sicile, en Afrique et sur une grande partie des côtes de la
Méditerranée, devait rivaliser avec celle de 1 860 par le nombre
des stations et par la facilité avec laquelle on pouvait les in-
staller au milieu du monde civilisé • aussi organisa-t-on un
grand nombre d'expéditions. Les Italiens s'établirent à Au-
gusta, à Catane, à Reggio en Calabre. Les Anglais occupèrent
Syracuse, Catane, Augusta, Cadix, Oran. Les Américains s'in-
stallèrent à Syracuse et à Xérès. La France, malgré la guerre
qui la désolait, envoya M. Janssen en Afrique, et le savant
astronome eut le courage de sortir de Paris en ballon, em-
portant avec lui tous ses instruments. Enfin les Portugais et
les Espagnols devaient observer sur leur territoire.
Les instruments préparés étaient tous de premier ordre :
c'étaient de grands équatoriaux mis en mouvement par des
liorloges, des spectroscopes, des polariscopes , de grands
appareils pliotograpbiques, etc. Instruments et observateurs
- 30.-; -
;i\ aient r[r f ransjxirtrs sur des iia\ii-('s de «j^ucn-c, aux Irais
(les (li\<'rs ij^ouvernomcnts. Un i^rand n()nil)ro d'amatcuiN
ôtaicul Nruiis. (Ml outre, se partager les points les plus ini-
portauls de la /one |)riviléo;iéc. Malheureusement la saison
(Hait |)eu propice, et, eu eftet, une bourrasque (pu euvaliit la
Ah'diterranée an moment (h'cisif ne j)ermit rpi'à ini petit
nombre de savants d(^ faire des observations importantes, et
encore ces ol^servations furent-elles peu sûres, à cause du
malheureux état du ciel.
S"^ Cet échec fut lieureusement réparé l'année suivante.
L'éclipsé du 12 décembre 1871 fut visilde dans les Indes, et,
malgré la grande distance qu'il fallait franchir, elle fut étu-
tliée par un grand nombre d'habiles observateurs. Ces der-
niers efforts furent coiu'onnés du plus brillant succès ; les
efforts des savants et les dépenses généreusement faites par
les gouvernements de l'Europe furent amplement récompen-
sés. Ce succès est d'autant plus heur(uix que nous reste-
l'ons bien des années sans avoir une occasion aussi favo-
rable (').
Dans cet exposé, il nous sera impossible de suivre pas à
pas chacune des relations que la science possède; nous en
tirerons seulement ce qui sera utile à notre but, en nous
aj)puvant principalement, pour ce qui concerne les phéno-
mènes généraux, sur ce que nous avons observé nous-méme
en 18G0 et en 1870. En 1860 nous étions installé dans des
conditions très-favorables, au Desierto de las Palmas , sur le
(') Pendant que nous corrigeons cette épreuve, on l'ait les préparatifs pour I éclipse
<lu 5-G ayril iS^.i, qui sera visible aux Indes, surtout dans le royaume de Siani. Les
astronomes partis pour les Indes afin d'y observer le passage de Venus attendront
cette circonstance propice, qui ne sera pas sans grand intérêt, car le Soleil est actuel-
lement dans un état de calme comparativement aux époques des dernières éclipses,
dans lesquelles les taches et les protubérances étaient bien plus nombreuses.
- 306 —
soniiiiet (lu mont Saint-Michel, à une hauteur de 720 mètres
au-dessus thi ni\onu de la mer, sur un pic isolé d'où nous
découvrions un horizon magnifique et très-étendu ; le ciel y
était d'une pureté admiraljle qui facilita beaucoup nos ob-
servations. Quant aux détails qui ne pourront pas trouver
place ici, nous ren^ errons le lecteur aux Mémoires de notre
Observatoire pour l'année i86'3 et aux autres publications de
l'époque ; indiquons particulièrement la belle description de
]M. de la Rue, que nous citerons souvent, et qui se trouve dans
les Philosophical Transactions , année 1862.
Pour les éclipses plus récentes, on consultera les Rapports
des Américains publiés par ]M. Sands, et les nombreuses pu-
blications des journaux scientifiques de 1871 et 1872.
Outre nos propres observations, nous profiterons des com-
munications orales qui nous ont été faites par les nombreux
savants avec qui nous avons été en relation dans ces mémo-
rables circonstances. Si nous agissons ainsi, ce n'est pas pour
satisfaire le sentiment puéril de la vanité personnelle, mais
afin de donner plus d'autorité à nos paroles et plus de vérité
à nos descriptions.
§ II. — Phénomènes généraux qu'on observe
dans une éclipse totale.
Une éclipse ne commence à présenter un intérêt vraiment
sérieux qu'à partir du moment où le centre du Soleil est cou-
vert par la Lune. La lumière commence alors à diminuer
d'une manière très-sensible, et lorsque approche le moment
de la totalité cette diminution est tellement rapide qu'elle a
quelque chose d'effrayant. Ce qui frappe alors, ce n'est pas seu-
lement l'affaiblissement de la lumière, c'est surtout le chan-
- 307 -
gemcnt de couleur (jne prcsciilc ut les oljjets, Toiil il('\ieiit
triste, sombre et (oniine iiirn.u ant. l.e paysage \r plus vert
se recouvre d'une teinte grise; dans les régions les plus élevées
et les plus voisines du Soleil, le ciel prend une coideur de
plomb, tandis que, auprès de riiorizon, il devient d'un jaune
verdàtre. Le visage de l'homme présente une teinte cadavé-
rique, analogue à celle (pic produit la flamme de l'alcool sa-
turé de chloruie de sodium. Cette teinte jaunâtre, et surtout
l'abaissement de la température, semblent accuser une dimi-
nution dans la puissance vitale de la nature.
En même temj)s, un silence général s'établit dans 1 atmo-
sphère : les petits oiseaux disparaissent, les insectes se ca-
chent, tout semble présager un imminent et terrible désastre.
On conçoit très-bien, dit TM. Forbes, que les populations igno-
rantes soient saisies d'une immense frayeur en \oyant ainsi
pâlir l'astre du jour, et qu'elles se figurent assister au com-
mencement d'une nuit éternelle. L'histoire nous fait connaître
les terreurs qu'éprouvaient, en pareille circonstance, les
peuples de l'antiquité, même les plus civilisés : telle fut l'im-
pression signalée par le gouverneur d'Achaie à Apollonius
de Thyane('). Le P. Faura nous dit que, pendant l'éclipsé
de 1868, des Chinois se jetèrent avec effroi dans des embar-
cations afin d'échapper au désastre; ils ne furent pas même
rassurés par la présence des astronomes qui étaient là avec
leurs instruments tout prêts à faire leurs observations.
Des circonstances secondaires, qui n'ont d'ordinaire au-
cime importance, contribuent quelquefois singulièrement à
donner à ces impressions quelque chose de saisissant. Ainsi,
en 1842, un nuage qui s'épanouissait à une |)etite distance
(') Philostr.vte, T'ie d'Apollonius, liv. VIII, chap. XXIII.
- 308 —
du SoUil paraissait aux yeux de INI. Airy comme une masse
énorme se précipitant sur la Terre avec une rapidité effrayante.
Tous les observateurs s'accordent pour décrire ces émo-
tions. Nous-méme, c{uoique mieux préparé que personne,
nous fûmes saisi par un sentiment d'oppression et, disons-le,
de fraveur involontaire; il fallut toute la puissance de notre
volonté pour nous rendre maître de toutes nos facultés à la
vue de ce phénomène imposant.
Tous les savants nous parlent dans leurs relations des im-
pressions qu'on éprouve en observant pour la première fois
une éclipse totale. Notre émotion a été moins grande la
seconde fois, et il nous semble avantageux que, pour des opé-
rations aussi délicates, l'observateur ne soit pas à son coup
d'essai. Ces impressions dépendent cependant beaucoup des
circonstances-, elles sont bien plus fortes lorsque le ciel est
sans nuage et que rien ne vient détourner 1 attention de ce
phénomène grandiose.
Lorsc{ue l'observateur est favorablement placé, il lui est
facile de suivre la marche de l'ombre totale cjui s'avance
comme un orage sombre et menaçant. De la hauteur du mont
Saint-Michel , nous vîmes cette colonne noire envahir la plaine
bien plus rapidement que ne peut le faire un orage, et avec
une vitesse analogue à celle d'une locomotive lancée à toute
vapeur.
Le capitaine Pistoïa, à Augusta, en 1870, vit cette ombre
s'avancer et traverser le ciel brumeux avec la rapidité de
l'éclair. ]M. jMarchisio, du sommet du phare de Capo dell'
Armi , en Calabre, la vit venir de l'Etna et traverser la mer
avec une étonnante rapidité. Il parait que ce mouvement est
plus frappant lorsque le ciel est brumeux, car le bord du
cône d'ombre est alors plus nettement tranché.
C'est dans cet instant sm^tout qu'on est frappé par le silence
— 309 —
solciiiu'l qui s'ciiiparr de l;i natiinî pendant cette nuit mo-
nienlanée. Au Desierto de las Palmas, en Espagne, nous étions
entouré d'une foule curieuse et bavarde, dont les conversa-
tions incessantes nous avaient Ijien contrarié pendant tout le
jour; mais, lorsque approcha le moment solennel, tout devint
tranquille, et nous pouvions compter les battements de notre
chronomèti'e aussi fiicilement que nous l'aurions pu faire à
minuit tlans la solitude; d'un observatoire. Tous les yeux et
toutes les attentions étaient fixés sur le mince croissant du
Soleil qui allait disparaître.
Dans ces derniers instants, le croissant diminue avec une
rapidité siu'prenante; bientôt il est réduit à un mince filet ter-
miné par des pointes très-aiguës; les proéminences du contour
lunaire le divisent souvent en plusieurs parties; enfin il dis-
paraît.
Aussitôt la scène change d'inie manière subite et complète.
Au milieu d'un ciel coidein' de ])lomb se détache un disque
parfaitement noir, entouré d'une gloire magnifique de rayons
argentés, parmi lesquels scintillent des jets de flammes roses.
Ce spectacle est à la fois terrible et sublime. Pour le faire
mieux comprendre, transcrivons simplement la description
naïve des impressions que l'astronome anglais Baily éprouva
en 1842, alors que les savants étaient moins familiarisés avec
ces phénomènes.
« J'étais, dit-il, tout occupé à compter les oscillations de
mon chronomètre, afin de saisir l'instant précis de la dispa-
rition totale, plongé dans un silence profond au milieu de la
foule qui se pressait dans les rues, siu' la place et aux fenêtres
des maisons, et dont l'attention était tout entière absorbée
par le spectacle qu'elle contemplait. Tout à coup, le dernier
rayon disparait, et je suis assourdi par une explosion d'ap-
plaudissements et de cris (ernVrt) (|ui éclatent au milieu de
- 310 —
cette immense miiltitude. Toutes mes fibres s'électriseiit, et
un frémissement s'empare de moi; je regarde le Soleil, et
je me trouve en face du spectacle le plus ravissant que l'ima-
gination puisse créer. L'astre du jour était remplacé par un
disque noir, noir comme la poix , environné d'une gloire
brillante analogue à celle qu'on représente autour de la tête
des Saints (y?^. io6).
Fig. io6.
» A cette vue je demeurai saisi d'étonnement; je perdis
une portion considérable de ces moments précieux, et je fus
sur le point d'oublier le but de mon voyage. Je m'attendais
bien, d'après les descriptions que j'avais lues, à voir autour
du Soleil une certaine lumière, mais faible et crépusculaire:
tandis que je voyais une auréole brillante dont l'éclat, très-
vif sur le bord du disque, diminuait graduellement et dispa-
raissait à une distance égale à peu près au diamètre de la
Lune. Je n'avais rien prévu de semblable.
- 311 -
» Je fus l)i<'ii \ilr revenu de mou étoiineiiKMit, et je mis de
n()U\o;ui \\vi\ il ma lunette, après avoir ôté le Ncrre noir de
l'oculaire, l ne nou\elle surpiise m'attendait. La ronronne
de ra^()ns (|ni enlonrail K' dis(|iie lunaire elait nilerromj)ne
en trois |)oinls par d immenses flammes de couleur de ponrpre
dont le diamètre était d'eiiNiiDn -j. minutes. jJles paraissaient
trancpiilles et présentaient le même aspect (pie les sonuuets
nei^M'ux des Alpes éclairés par le Soleil couchant. Il me lut
impossible de dislin<;uer si ces (lanuues étaient des nuages ou
des montagnes; pendant que je cherciiais à les étudier pour
en déterminer la nature, un ra\ on de Soleil hrille dans les
ténèbres, vient revivifier la nature, mais me plon^je dans cette
tristesse qu'éprouve une persomie qui voit disparaître l'objet
de ses vœux au moment où elle était sur le point de le sai-
sir. »
Quelque habitude (pi'on ait de ces phénomènes, limpre.s-
sion qu'ils produisent sur l'observateur n'en est pas moins
\ ive. Il est impossible de regarder avec hidifférence ce disque
noir qui remplace le Soleil, et l'auréole argentée qui l'envi-
ronne, étalée sur un ciel couleur de plomb qui ne fait qu'aug-
menter le contraste.
L'obscurité qui règne au moment où l'éclipsé est totale dé-
pend beaucou|) de l'état du ciel. En général, on peut la com-
parer à celle qui règne une demi-heure ou trois quarts d'heure
aj)rès le coucher du Soleil, lorsqu'on ne voit encore que les
étoiles les plus brillantes; mais ordinairement on aperçoit
\ énus longtemps avant le moment de la totalité. Par un effet
de contraste dû à la disparition rapide île la lumière, l'obscu-
rité parait plus grande qu'elle ne l'est en effet. En général, on
peut lire un livre imprimé en gros caractères, mais il est
impossible de distinguer nellemenl la graduation des instru-
ments et de voir Iheure sur une montre : aussi les obser\a-
— 312 —
leurs (loiv{Mil-ils avoir des lampes allumées pour lire les ehro-
nomètres et les instruments gradués.
La couronne, lorsque le ciel est bien pur, a une étendue
égale au diamètre de la Lune ; mais elle ne brille d'un vif
éclat que dans des limites bien plus restreintes. Elle laisse
souvent écliapper des rayons ou aigrettes d'une longueur
considérable, dont nous ain^ons occasion de parler plus tard.
Les flammes rouges sont souvent visibles à l'œil nu, et, au
Desierto, les paysans disaient que le Soleil avait du feu (el Sol
tiene fuego). Pendant l'éclipsé de 1868, elles présentaient
l'aspect de tours implantées sur la Lune ; quelques observa-
teurs, par une illusion d'optique, les prenaient pour des échan-
crures du disque lunaire.
Le premier rayon de Soleil fait disparaître toute cette scène
magique; le Soleil brille alors comme une lampe électrique,
])rojetant des ombres tranchées, mais dont les bords sont
vacillants; on croit voir des ondes lumineuses se propager
comme des bandes ondoyantes et serpentantes. La nature
encore sombre semble reprendre sa gaieté ordinaire, le sen-
timent de tristesse qui s'était emparé de tous les spectateurs
fait place à une impression douce et joyeuse.
On peut, pendant quelque temps, suivre la marche de
l'ombre qui s'éloigne, et du sommet du mont Saint-Michel
nous pûmes voir le cône sombre envelopper d'abord les îles
Columbrètes, et se répandre ensuite sur la surface lointaine
de la mer.
Telle est en peu de mots la scène que présente une éclipse
totale. Les descriptions qu'on en a faites sont souvent exa-
gérées, mais cette exagération même est une preuve de l'im-
pression profonde qu'éprouvent tous les spectateurs. Quoique
prévenus par les écrits de leurs devanciers, les observateurs
de la dernière éclipse ont éprouvé les mêmes émotions ; les
- 313 -
savants ont Ix'aucoup de peine à (aire leurs travaux et à se
«létaelier de la eouleinplation passiNc du grand speetaclc (|ue
Icui- oflW' la nature, yi. de la Jluc nous disait, et il Ta imprimé
<lans son Mémoire, qu'à la première oeeasion il se déplacerait
Nolonliers pour aller eoiilrmpjcr nue autre éelipse, mais en
simple am;it<'ur et sans ill^llaMU<'n^s, afin de jouir à son aise
<les impressions (|u"il a été obligé de maîtriser <n iSOo.
Terminons ici cet aperçu général, et entrons dans la dis-
cussion des détails scientilicjues (pii ont pour nos lecteurs et
pour nous un intérêt tout particulier.
^ IH. — Phcnimicncs qui accompagnent la disparition et la
réapparition du Soleil dans les éclipses totales.
Avant de disparaître complètement, le Soleil se réduit d'a-
bord a un mince croissant terminé par des pointes très-aiguës.
Au tiernier moment, ce filet est souvent découpé par les som-
mets des montagnes qui se trouvent sur le bord lunaire, et
l'on peut prévoir ce ])liénomène d'après la forme du contour
de la Lune que l'on voit de])uis longtemps se projeter sur
le Soleil. Si les montagnes sont nombreuses, le fdet se brise
en donnant naissance à une foule de points brillants qui res-
semblent à des grains de chapelet. Cette apparence est due
à plusieurs causes. Ell(" dépend en partie d'un phénomène
d'irradiation dont les effets sont encore exagérés par les dé-
lauts de la lunette, ou par l'imperfection de la mise au point.
Entrons dans quelques détails.
Lorsque nous regardons un corps très-lumineux, il nous
parait toujours |)lus grand qu'il ne l'est réellement. Ainsi
éclairons vivement luie carte découpée comme l'indique I.i
Jîg. 107 ; elle nous présentera raj)parence indiquée par la
- 314 -
Jig. io8; la partie blanche paraît dilatée en sorte qu'au centre
les ansfles qui se touchent réellement paraissent détachés l'un
de l'autre.
Tout le monde connaît le phénomène curieux de la lumière
cendrée qui se présente dans les premiers jours de la nou-
velle Lune; outre le croissant vivement éclairé par le Soleil,
on distingue nettement le reste du disque faiblement éclairé ;
mais, par un effet d'irradiation, le croissant semble appar-
tenu' à un disque plus grand que celui de la Lune. Cet effet
de l'irradiation, très-considérable à l'œil nu, est beaucoup ré-
duit dans une lunette; mais il n'est jamais complètement
détruit.
Fig. 107. Fig. 108.
\%:^
On a encore attribué à la même cause un phénomène im-
portant qui rend difficile l'observation du passage des pla-
nètes sur le Soleil. Supposons qu'on cherche à déterminer
l'instant précis du second contact intérieur. La planète se dé-
tache très-nettement comme un petit cercle noir sur le disque
brillant du Soleil. Elle est encore à une certaine distance du
contour, lorsque l'observateur voit se former un cordon ou
ligament noir {^fig. 109) qui va en s'élargissant de plus en
plus jusqu'au moment où les deux disques semblent tangents
intérieurement. L'observateur reste donc incertain du mo-
ment précis où a eu lieu le contact, ne sachant s'il doit noter
le moment où s'est fermé le filet noir {^fig. 109), ou celui du
contact apparent {Jig. 1 10).
- 313 -
Tout (leviont facile à explicjucr si l'on n'marqiic que le
Soleil, pa»* iiii effet trirradialioii, ou par quelque autre cause
senihlahie, doit nous paraître j)lus «jjraud qu'il ne l'est en réa -
lité. Il est limité, non j)ar son contour apj)areut , mais par
un ( (Mc le dnn plus petit diamètre, que nous indiquons ])ai"
une liijjiie ponctuée. l,ors(pie l;i planète arrive à cette limite,
le contact a réellement lieu, tous les rayons lumineux venant
de cette réijion du Soleil sont intercej)tés, et le fdet noir doit
Fig. 109.
Fit;. "0-
se former. Les mêmes phénomènes ont du se produire en
.sens inverse au premier contact intérieur. Ainsi donc, pour
les contacts intérieurs, ce qu'il faut observer avec soin, c'est
à l'entrée le moment où le filet noir se brise, à 1 1 sortie celui
où il se forme. T.eP. TIell a .soigneusement remarqué ces phé-
nomènes en I 7(39, dans son observation du passage de Vénus:
il a noté fort heureusement l<>s différentes époques où le bord
du (lisqu<' jîarut entamé, celles où se forma et celles où se
brisa \c cordon noir, ce qui a donné un excellent moyen de
déterminer le moment de l'entrée réelle. Les observations
du 1'. Tlell avaient été décriées, mais |)Our des motifs étran-
— 31G —
gers à la science. Les discussions de M. Littrow et de M. Faye
ont prouvé qu'elles sont exactes, et M. Faye a été jusqu'à
dire : « Il nous sera difficile de faire mieux en 1874 »•
A l'occasion du dernier passage qui a eu lieu le 8-9 dé-
cembre 1874? on a apporté la plus grande attention à ces
phénomènes, mais les résultats ne sont pas encore assez con-
nus pour que nous puissions donner ici ces conclusions. Ce-
pendant, d'après les travaux préliminaires exécutés à l'Ob-
servatoire de Paris et à celui de Greenwich, il paraît que ces
apparences tiennent plus à des défauts de la lunette qu'à un
phénomène d'irradiation. C'est ce qui explique que certains
observateurs les ont constatées pendant c[ue d'autres n'ont
rien vu de semblable (').
Ce qu'on observe pour les planètes se vérifie aussi pour la
Lune pendant les éclipses. Soient a, b, c ' fig. r 1 1 ) une série
(') Le P. Hell fait remarquer avec raison que, des quatre contacts qui ont lieu au
passage d'une planète sur le Soleil, on ne peut utiliser que les deux qui ont lieu à
l'intérieur du disque solaire. Dans les deux autres , comme on ne voit pas la pla-
nète, on ne peut apprécier le contact qu'après qu'il a eu réellement lieu, !^ous avions
annoncé que pour les prochains passages on pourrait aussi tirer parti des deux con-
tacts extérieurs, en employant la combinaison hélioscopique spectrale que nous avons
indiquée précédemment. Avec cette combinaison, on voit la chromosphère rouge qui
entoure le Soleil et l'image directe du Soleil, et l'on pourrait profiter du moment oii
la planète entame cette couche rose pour préparer l'observation et prendre avec préci-
sion l'instant exact du contact avec le bord solaire. En employant ce procédé, nous
avons pu voir la Lune avant qu'elle entrât sur le disque du Soleil dans l'éclipsc
du 2j mai 18/3.
Quelle que soit la perfection des lunettes que l'on construit actuellement, le phé-
nomène des grains de chapelet qu'on observe dans les éclipses semble prouver qu'elles
donnent au disque solaire un diamètre exagéré. Il est maintenant prouvé que l'hélio-
scope spectral permet d'éviter ce grave inconvénient, et il y aurait alors un double
avantage à l'employer. Rappelons que ce système est différent de celui qu'on avait
proposé avant nous; l'ancien produit de telles déformations qu'il ne permet pas
d'observer les bords du disque et des taches; avec le nôtre, au contraire, on peut
distinguer les plus petits détails aussi bien qu'avec un verre coloré, et le champ est
aussi grand qu'on le veut.
- 317 -
(le proéniiiKMicr liinairrs; lorstjii'cllos arriveront au bord vé-
ritable (lu S()l<'il iii(li([ii('' par la li^iic ponctuée, elles devront
former une série de filets noirs; l'anneau apparent se trou-
vera ainsi séparé en plusieurs parties, qui prendront facile-
ment la loi'me de grains irrégulièrement ai'rondis, si aii\ cir-
constances ([ue nous Nenons d'indi(juer \ient s'ajouter une
c(M'taine imperfection dans la lunette ou tlans la mise au point,
(les «crains sont bien connus sous le nom de Baily's heach, ou
Fig. III.
chapelet de BaiK, du nom de l'astronome anglais qui les a
signalés le premier.
Dans notre observation au Desierto, nous avons ^u les
pointes très-effilées du croissant se briser, mais sans que les
fragments offrissent l'apparence des grains de chapelet ; cela
tient à l'absence de longues chaînes de montagnes, mais aussi
à l'excellente lunette de Fraunhofer que nous avons employée.
M. de la Rue a fait les mêmes remarques, et tous les observa-
teurs sont unanimes à reconnaître que ces illusions diminuent
beaucoup lorsqu'on a soin de mettre exactement au point en
faisant mouvoir de temps en temps l'oculaire, à cause des
- 318 -
variations de la longueur locale des lunettes, variations qui
sont dues aux changements de température. Elles sont, en par-
ticulier, très-sensibles avec les tubes en métal, et il faut y faire
bien attention, surtout pour les photographies.
Pour bien étudier la disparition du croissant il faut que
r oculaire soit garni d'un verre gradué (' ), et l'on doit le tenir
à la main afin de pou^ oir en modifier la position, et l'enlever
au dernier instant. On reconnaît alors que la lumière est très-
faible auprès du bord. Ainsi, en regardant par la partie
niovenne de notre verre, nous aurions jugé que le Soleil était
disparu, tandis qu'il était encore très-visible dans la partie la
plus mince. Deux ou trois secondes avant la disparition to-
tale, nous vîmes la couronne encore très-pàle, mais nette-
ment formée.
Le dernier filet lumineux ne disparut pas avec cette instan-
tanéité qu'on observe dans l'occultation des étoiles; il dispa-
mt graduellement, et il nous fut bien difficile d'évaluer la
fraction de seconde. Au moment où je jugeai l'occultation
complète, j'enlevai le verre coloré, mais il restait encore un
filet de lumière si vif, que j'en fus un instant ébloui. Il dis-
parut cependant assez vite pour que je pusse continuer mon
observation, et je le vis se transformer peu à peu en un arc
de lumière rose terminé par une infinité de pointes. Celles-ci
furent éclipsées à leur tour au bout de six secondes, et alors
parurent les protubérances ou flammes rouges.
Ces détails de notre observation sont conformes à ceux qui
ont été donnés antérieurement par M. Airy, et plus tard par
le P. Cappelletti et M. Stephan. M. Airy, en 18/^2, était ac-
compagné d'un observateur qui regardait à l'œil nu, et qui
(') Voir p. 3',.
('tait chai'L;** de l'aM'i'tir du moinnil on le Soleil serait sur le
|)oiiit (le disparaili'c. Mais, lors(|U On lui donna le signal dent
ou liait convenu, M. \ii\ axait déjà noté linstaut de la dis-
parition : aussi, avant enlexe le Ncrre noir de la lunette, il
lut liappe par un \ il ra\on de lunnere. MM. Sieplian et lissc-
land \ lient ([iiel(|ue eliose de senii)lal)le dans lObserNation
<pi ils tirent au\ Indes en nSdS. \'oici counnent ils s'ex-
priment : ' l.e lieuxiènie eontaet ne lut pas sui\i d une dis-
parition brusque de toute lumière ^ ive. Après lu disparition
du bord du Soleil, la Lune nous parut encore connne bordée
d'un contour lumineux [leu é[)ais, d un ([uart d<' ininut(î
einiron, d'un éclat presque comparable à celui du Soleil.
Cet anneau est tellement l)rillant (pTil peut induire en erreur
sur rexistence véritable du contact. >
Le P. C'appellelti dit à son tour, à propos de l éclipse cpi il
observa au Cîliili, le 2;) avril i865 : « Pendant la totalité, la
Lune était entourée d'un anneau { anillo) d'un quart de mi-
nute environ; autour de c<'t anneau se trouvait la couronne »
Cet anneau a été également signalé à Mantawalok en 1 8G8.
Xous avons observé les mêmes apparences en Sicile pendant
Téclipse de 1870; après avoir enlevé le verre noir, nous vîmes
encore une lumière très-vive, malgré la présence d'un image
qui se j>récipitait rapidement sur le Soleil et le couvrit c[uel-
ques secondes plus tard.
Nous [)ourrions ajouter d'auti^es témoignages, mais ceux
([ue nous venons de citer sufiiseiit pour montrer qu'il v a
entre la photosplière et la couronne une couclie très-bril-
lante que nous retrouverons également dans les pbologra-
pbies.
Comme cette couche brillante est bordée de lumière rose,
il est évident qu'on ne peut pas faire abstraction de la teinte fin
— 320 —
verre eoldré qu'on emploie, lorsqu'on veut comparer diffé-
rentes observations, qu'il s'agisse des éclipses, du passage des
])lanètes ou des mesures ordinaires. Pour nous en assurei",
nous avons mesuré le diamètre du Soleil en employant suc-
cessivement un verre bleu et un verre rouge, et nous avons
trouvé une différence de deux secondes environ.
Firr. i i:
Pour résoudre complètement cette question, nous avons
pris le diamètre solaire avec le spectroscope, soit avec notre
système de prisme additionnel placé en avant de la fente, soit
avec le spectroscope ordinaire. Nous l'avons toujours trouvé
plus petit de o,5* à 0,6% ce qui correspond à un arc de 7 à 1 1".
Dans la dernière observation du passage de Vénus, M. Tac-
cliini a confirmé d'une manière éclatante le résultat de nos
observations. En observant au spectroscope, il a noté la
sortie de la planète deux minutes plus tôt que les autres ob-
- 321 -
servatclirs (jiii cniplox .tient les mctliodcs ordinaires 11 y a
donc une dllfércnce cc)nsidéral)Ic dans la valeur quo l'on
trouve pour \c diamètro solaire, suivant qu'on observe avee
une lunette ordinaire ou avee un speetroseope. Deux éclipses
ont été observées au speetroseope, l'une par M. Lorenzoni,
l'autre par nous; dans les deux cas, il v eut un retai'd pour le
eoninieneenient d»' Teelipse, tandis (pie la fin fut avancée :
le diamètre solaire parait donc pins petit lorsqu'on observe
au spcvtroscope.
De tout ce que nous xcnons de dire il résulte que le Soleil
n'est pas limité par un contour géométrique nettement dé-
fini ; sur ses bords il y a luie région où la lumière s'éteint
rapidement, mais graduellement, et cette région a une éten-
due de quelques secondes, comme nous le constaterons en-
core par la photographie. Le speetroseope nous apprend
qu'une portion de cette bande appartient à la chromosphère,
et que la photosphère a un diamètre notablement plus petit.
A la réapparition du Soleil, les phénomènes se reprodui-
sent en sens inverse; mais quelques-uns d'entre eux sont
alors plus faciles à saisir, l'œil n'étant plus, comme au com-
mencement, ébloui par la lumière. Par exemple, on distingue
plus nettement le bord dentelé, de couleur rose, qui environne
le disque; on peut même continuer à voir les protubérances
et la couronne quelques instants après la réapparition du So-
leil. En 1860, M. de la Rue put voir une protubérance avant
la totalité, en regardant le Soleil par réflexion sur une glace
non étnniée : M. Bruhns en vit une deux minutes après que
l'éclipsé eut cessé d'être totale, et les mêmes phénomènes ont
été observés depuis en différentes occasions. D'ordinaire,
cependant, les protubérances ont une lumière beaucoup plus
faible que celle de l'enveloppe rose, car elles ne deviennent
visibles que quand celle-ci est éclipsée.
1. ai
— 322 —
JSous parlerons plus tard de la nature et des formes des
protubérances; qu'il nous suffise, pour le moment, de si-
gnaler une illusion d'optique qui s'est produite assez souvent,
et dans laquelle l'imagination joue un grand rôle. Comme le
mouvement de la Lune dévoile successivement chacune de
ces flammes, plusieurs observateurs ont cru qu'elles se
formaient en effet sous leurs veux. Nous savons maintenant
que les protubérances existent indépendamment de l'éclipsé :
l'obscurité ne fait que les rendre visibles.
Un peu avant la fin de la totalité, la couronne devient gé-
néralement plus vive dans la partie du Soleil qui est sur le
point de reparaître, et l'on voit se former un arc rose, d'une
étendue considérable, embrassant à peu près un sixième du
contour solaire. Schumacher le vit avec une étendue de 90 de-
grés; le P. Cappelletti n'en vit qu'une longueur de 5o à 60 de-
grés. Cette étendue dépend de la différence des diamètres
apparents de la Lune et du Soleil ; lorsqu'on la connaît, on
peut calculer la hauteur de la couche rose, et c'est ainsi qu'on
l'a évaluée à i5 ou 20 secondes. En Espagne cet arc occu-
pait une étendue de 60 degrés. Comme j'observais sans
verre coloré, il arriva un moment où la lumière devint trop
vive; je retirai l'œil de la lunette, et en ce moment même
le Soleil apparut; il brillait au milieu du ciel comme une
lampe électrique. La couronne fut encore visible pendant
^ingt-cinq secondes, et même, en cachant avec la main la
partie brillante, je pus la distinguer pendant quarante-cinq
secondes (').Les ombres étaient parfaitement tranchées, mais
vacillantes.
{') Ces données pourraient servir à évaluer le pouvoir éclairant de la couronne;
car, au moment où elle disparaît, son intensité lumineuse est égale à celle du faisceau
de rayons qui part du Soleil.
- 323 -
Il iiii|)()i'i(' (le i'('mar(|iit T (|ii asaiil la réapparition du Soleil
rcclal (If la linnicrc inc Jorca a rclircr I iril de la limcllc ; cet
éclat lie j)ro\('iiait pas du i)()i"(l du Soleil liii-nicuK', mais scii-
Icnient de celte eoiielie tres-hrillaiite (jui se trouve iinnié-
diatenient au-dessus de la pliotos|)lK're. Ce fait et une foule
d autres ol)ser\ations moiitriMil (|U a 1 i lin comme au lom-
mencemeut on rem;ii'(jne une i^i'adalion rapide, mais sensible,
de II Unniere entre la couche rose el la photosphère.
^ l\ . — Phénomènes physiques observés pendant la totalité.
L'occultation du Soleil est toujours accompagnée d'un
abaissement sensible de température et d'une foule d'autres
phénomènes qui sont très-intéressants à étudier.
lîeaucouj) d'observateurs ont remarqué de grandes oscil-
lations au bord du Soleil, au moment de sa réapparition. I^e
P. Cappellelti dit (pi'elles lui rappelaient les vagues de l'O-
céan au cap Tlorn. La cause de ce phénomène se trouve cer-
tainement dans notre atmosphère, et non dans le Soleil lui-
même. Le refroidissement anormal qu'elle vient de subir
occasionne souvent des brouillards, des nuages, quelquefois
même des halos, connne on l'a observé au Cliili {//g. 112).
Ce phénomène s'est reproduit à Augusta, en Sicile, pendant
l'éclipsé de 1870. Les nuages placés à une petite distance du
croissant solaire et fortement illuminés donnèrent naissance à
de magnifiques irisations dont la netteté allait en aus^mentant
à mesure que le croissant devenait plus mince. Les nuages irisés
ne sont pas rares, même en dehors d(\s éclipses; mais la i:;ran-
deur du disque qui les éclaire est un obstacle à la netteté des
teintes développées par les interférences. La surAice éclai-
rante diminuant a mesure cpi'on s'approche de la totalité,
— 324 -
on se trouve dans dos conditions assez semblables à celles
([n'indique la théorie pour la production de ces phénomènes.
L'arc irisé observé à Augusta avait environ G degrés de dia-
mètre ; la couleur rouge était à l'extérieur, le bleu à l'inté-
rieur.
Les Ijrouillards et les nuages sont à craindre, surtout dans
la saison froide, où l'air est déjà dans un état voisin de la sa-
turation ; peu de temps après l'occultation, la température
Fig. ii3.
-^^t ji^ZZ.. >j*ft*' ^p^îi
s'abaisse d'une manière assez sensible pour c[ue l'air soit sa-
turé, et la vapeur d'eau se précipite sous forme de brume.
C'est ainsi que se produisirent les nuages qui nous empêchè-
rent de mieux réussir les observations que nous avons faites
à Augusta.
La disparition et l'apparition du Soleil sont accompagnées
d'ombres vacillantes et de franges lumineuses qui paraissent
traverser l'horizon. Cette observation a été faite dans beau-
coup d'éclipsés, mais surtout en 1842 et en 1860. Tout
dernièrement, le P. Faura, à Mantawalok, a cherché à re-
présenter le phénomène par le dessin que nous reproduisons
dans \^fig. II 3; mais il faut remarquer que ces lignes ser-
- 325 -
jx'ntaiilcs n'ont pas ivcllcnient la régularité qu'on leur a
donnée dans le dessin.
Pour faire cette observation, le P. Faura avait étendu sur
le sol une grande feuille de papier blanc sur laquelle s(;
détachaient les lignes ondulées qu'il a essayé de reproduire.
Ces bandes ont été observées aussi dans les deux dernières
éclipses. Les professeurs Costa et Seguenza, près de .Alessine,
les virent courir sur un mur blanc : ils ont trouvé que le dessin
du P. Faura représente bien le phénomène ; d'après leur éva-
luation, elles j)ouvaient avoir de G à 8 centimètres de large.
M. Legnazzi, à Terranova, en Sicile, vit les mêmes bandes se
produire sous ses yeux, mais avec moins de régularité. Du
haut du phare de Capo dell' Armi, très-près de la ligne de la to-
talité, -AI. ]Marchisio vit venir de l'Etna l'ombre lunaire bordée
de franges ayant environ i mètre de largeur apparente. On ob-
serva le même phénomène à ^Icssine, en dehors de la zone dv. la
totalité, mais très-près de ses limites ; les observateurs éprou-
vèrent la même impression que si l'éclipsé fût devenue totale
pendant un instant, ce qui ne pouvait avoir lieu, A Reggio, en
Calabre, dans la zone de la totalité, mais très-près du bord,
les ondes produisirent, en passant, la même sensation que si
la Terre avait éprouvé un mouvement d'oscillation : hommes
et chiens en furent effrayés. jM. Escandon, à Xérès, a vu les
bandes ondulées traverser le spectre qu'il observait en ce mo-
UK'nt. ]\[. Oudemans les a observées dans la dernière éclipse,
mais avec une forme différente de celle qui est représentée
dans le dessin du P. Faura.
Quoi qu'il en soit, tous les observateurs sont d'accord sur
les points suivants : i° les bandes existent réellement; 2° elles
ont une grandeur apparente variable, suivant la distance de
l'objet sur lequel elles sont projetées ; 3" elles sont animées
d'un mouvement d'oscillation très-rapide; 4° tdles accom-
- 326 -
pagiuMit l'ombre et paraissent principalement sur son con-
tour; elles s'inclinent de manière à être tangentes au point
(lu croissant solaire qui disparaît le dernier.
Ces phénomènes ont été constatés par un assez grand
nonil)ro d'observateurs pour qu'on ne puisse pas douter de
1(HU' existence, mais il est bien difficile d'en donner une ex-
plication satisfaisante. On a voulu les attribuer à la diffrac-
tion ; ils seraient produits par l'interférence des rayons qui
rasent le bord du disque lunaire; mais cette théorie est en
contradiction avec les j)rincipes de l'Optique. D'abord, pour
produire des bandes d'interférence, il faut que le bord du
corps opaque (la Lune dans ce cas) soit éclairé par un point
lumineux placé derrière lui, tandis que le Soleil a un dia-
mètre de 2" degré. De plus, dans la diffraction, on n'ob-
serve que trois ou quatre franges, régulièrement colorées,
dont l'intensité va en décroissant depuis la première jusqu'à
la dernière. Ici rien de pareil : on a compté jusqu'à dix,
douze et vingt franges, et généralement elles ne sont pas
toutes colorées.
Il n'est donc pas probable qu'elles proviennent d'une in-
terférence proprement dite, mais elles peuvent bien résulter,
comme la scintillation des étoiles, d'une oscillation des ravons
lumineux. Le point, ou plutôt la ligne ravonnante, c'est le
mince croissant du Soleil. Les changements dans la tempéra-
ture de 1 air et les variations de densité qui en résultent pro-
duisent un déplacement alternatif des ravons, les renforçant
en un point pour les affaiblir en un autre. C'est ainsi que
M. Escandon, à Xérès, a vu des bandes semblables se proje-
ter sur un mur placé devant lui, pendant qu'il tournait le dos
à une montagne placée à distance et au-dessus de laquelle ap-
|>araissait le Soleil levant. Nous avons vérifié en partie cette
observation; mais les bandes que nous avons aperçues étaient
- 327 -
loin (laNoir le parallélisme i"ei;iiliei' (jiroii attriljiie à celles
des éclipses. Cette irrégularité peut cepentlant tenir aux con-
ditions atinosj)héri(|ues, et si le phénomène a été si saillant
en Sicile pendant 1 éclipse de iH^o, il faut peut-être l'attrihuer
à la grande agitation de l'air causée par le violent orage qui
lontlit sur ll-tna. Les bandes \ues a lia\ei's le spectre solaire
semblent eonllrmer cette explication, car elles étaient sem-
blables à celles ([ui traversent les spe( li<'s stellaires auprès d(î
l'horizon.
Ces Iranges sont [)lus Irappanles et plus laciles à observei'
près des bords de la zone où l'éclipsé est totale, et même en
dehors de ses limites. C'est que, dans ces régions, le crois-
sant solaire conserve plus longtemps une faible épaisseur,
tandis que dans les régions centrales de la totalité cet état
ne dure qu'un instant.
Quoique cette explication nous paraisse exacte, nous at-
tendrons cependant, pour nous faire une opinion définitive,
(ju'on nous donne des descriptions plus précises que celles
([ui ont été faites jusqu'à présent, et c'est pour cela que nous
attirons sur ce point l'attention des observateurs.
Nous avons déjà dit qu'on voit l'ombre de la Lune s'avan-
cer à la surface de la Terre. Nous avons rapporté les obser-
vations de Forbes et de M. Marchisio. Le capitaine Pisloia,
qui observait l'éclipsé de iSjo sur la citadelle d'Augusta,
nous a donné la description suivante : Lorsque le Soleil s'é-
clipsa complètement, on aperçut dans le ciel une bande ob-
scure dirigée du sud-ouest au nord-est; on la vit disparaître
rapidement : sa teinte était sombre, mal terminée sur les bords
et comme estompée isfumata)^ de sorte que, dans la direction
du nord-ouest au sud-est, le ciel présentait cet aspect froid
et jaunâtre qu'on observe en \\\\vv au coucher du Soleil.
Cette bande s'avança rapidement au-dessus de la tète de l'ob-
328 —
servateur vers le nord-est. Avant l'apparition du Soleil, on
vit à l'angle sud-ouest paraître une espèce d'aurore ; la bande
sombre avait alors l'aspect représenté dans Isi Jîg. ii4 "• il
Fij. 114.
parait qu'un ciel brumeux et voilé est plus propre y faire
remarquer ce phénomène
Fig. II 5.
Il est facile de se rendre compte de cet aspect crépuscu-
laire. Pendant l'éclipsé, l'observateur est éclairé, non-seule-
ment par la couronne, mais aussi par la lumière qui illumine
au loin l'horizon. Supposons que le Soleil soit au zénith au
points [fig. II 5), o étant la position de l'observateur. Me-
- 329 -
lions une lion/oiilalc (jiii l'ciuoiilrcra en II les limites de l'at-
nK)S[)licrc; le i-a\(»iio// de lOmln'c lunaire, vu du centre C de
la Terre, ne sous-lend j^uere ([u un ant;le de i dcf^rc, même
dans une éclipse de six minutes de durée, tandis que la lon-
gueur oll sous-tend au moins 7 degrés. Donc, au point o,
l'observateur sera éclaire paila partie de 1 atmosphère située
au dessus de //Il ; mais cette lumién; sera nécessairement très-
faihle, car elle provient d'une partie assez restreinte du
Soleil, et, de plus, elle tondje sur une région élevée et, par
consecpient , raréfiée de Tatmosplière. De là cette coloration
jaune que présente l'iiorizon : c'est qu'il est éclairé seule-
ment par les bords tlu Soleil, dont la teinte, ainsi que nous
l'avons vu précédemment, est d'un jaune fuligineux.
Le capitaine lîuffa a mis eu évidence cette teinte jaune par
une expérience intéressante. U exposa en plein air une bande
de papier sur laquelle étaient peintes les couleurs du spectre
solaire; à mesure que le Soleil s'éclipsait, il vit disparaître
progressivement les couleurs les plus réfrangibles ; quelques
instants avant la totalité, le violet, l'indigo et le bleu étaient
devenus invisibles, tandis que les autres couleurs étaient voi-
lées par inie teinte sombre. Il arriva au même résultat avec
des étoffes jjleues et jaunes : les premières étaient presque
invisibles, tandis que les autres étaient simplement voilées.
La même chose arrive au coucher du Soleil, car on voit alors
le violet et le bleu disparaître avant les autres couleurs. Tous
ces phénomènes s'expliquent facilement par la théorie que
nous venons d'exposer.
— 330
CHAPITRE IL
DE LA COURONiNE.
§ I. — Apparences générales.
Le phénomène qui frappe le plus, lorsqu'on observe une
éclipse à l'œil nu, c'est l'auréole brillante qui entoure la
Lune et qui a reçu le nom de couronne. Les anciens l'avaient
remarquée, et ils en avaient conclu que l'éclipsé n'est jamais
totale. Nous lisons dans Plutarque le passage suivant : « La
(( Lime, encore que quelquefois elle cache tout le Soleil, elle
« (Téclipse) ne dure pas tant de temps, ni n'a pas telle lar-
'( geur, ains apparaît toujours autour de sa circonférence
c quelque lueur, qui ne permet pas que les ténèbres soient
« bien noires et profondes et parfaitement obscures (' ). »
Les observateurs la mentionnent toujours comme un phé-
nomène extraordinaire et constatant avec certitude l'existence
d'une atmosphère lunaire ; mais nous sommes certains main-
tenant qu'il faut en chercher la cause dans le Soleil lui-
même.
L'observation la plus ancienne où l'on trouve ce phéno-
mène décrit avec quelques détails remonte à l'année 1239;
elle est citée par Muratori [Ann. Re. ItaL, t. XIV, col. 1097).
Le chroniqueur dit qu'on vit un cercle autour du Soleil, avec
(') Opéra mornlia. De facie in orbe Lunœ. Tratluclion d'Ainyot
- 331 -
un Iroii ciiflimiiiK' dans la partie inlcriciire (' \ Il s'a<:;it sans
<lontc (rniic j)rolul)('raucc. (.lasiiis r()l)S('r\a aussi à C.oïinhi'c
le ■> [ aoiit 1 '»()(), et il eu parle avec siii'prisc.
La première dcsc rijition laite d'une mauieic scieiihfiquc
est due à Wassenius, ([ui ohserxa le .> mai 17V); il remaivjua
ou même temps les llauuues rnui^es (pie uous apj)el()us main-
tenant N's protubéranees, et les regarda eomme des images
flottant dans l'atmosplière de la T.iuie. A partir de cette
époque, tous les observateurs sont d'accord dans leurs des-
crij)tions. C'est toujours une auréole formée de rayons diver-
gents ; ces ravons partent d un anneau qui environne la
Lune, ilnul l'éclat tivs-Nif, d'un blanc argentin ou nacré, s'é-
tend a une distance variable avec les circonstances atmosphé-
ritpies, mais ordinairement égale au diamètre lunaire.
On a essavé d'évaluer l'intensité lumineuse de la couronne,
mais les résultats obtenus sont très-différents les uns des
autres. C'est qu'en effet il est bien difficile de faire une sem-
blable é^alllati()n , à cause des variations extraordinaires et
exceptionnelles que présente la lumière dans une éclipse. Ce
qui est certain, comme nous l'îivons déjà noté, c'est qu'en
1 8G0 nous avons pu distinguer la couronne quarante secondes
après la réapparition du Soleil. On peut même, sinon lavoir,
au moins constater son existence pendant un temps beaucoup
plus ( onsidérable, six ou sept minutes en\iron avant et après
la totalité. Kn effet, si l'on j)rojette sur un écran l'image du
Soleil, on voit qu'en dehors du disfjue solaire on distingue
encore nettement la silhouette de la Lune jusqu'à une dis-
tance considérable. Cela tient à ce que le disque lunaire
tranche par son obscurité complète sur la région voisine du
vSoleil où se développe l'auréole,
(') Qnoddam foranion erat ijiiitum iii rirculo Solis ex parte inlVrioii.
- 332 —
D'après notre évaluation , le pouvoir éclairant de la cou-
ronne ne doit pas être inférieur à celui que possède la pleine
Lune dans les circonstances les plus favorables, par exemple
en hiver, lorsqu'elle est pleine et très-près du zénith. En effet,
l'éclat de la Lune permet de voir les étoiles de première et
même de seconde grandeur, tandis que pendant les éclipses
on distingue à peine les plus brillantes. Ce qui fait alors pa-
raître les ténèbres si affreuses, c'est la rapidité avec laquelle
elles se produisent.
Il ne faut cependant pas oublier que, pendant la totalité,
l'observateur est éclairé , non-seulement par la couronne,
mais par la lumière qui provient des parties lointaines de
l'air a tmosphérique .
L'éclat de la couronne dépend beaucoup de l'état de l'atmo-
sphère. Sous le beau ciel des Indes, pendant l'éclipsé de 1868,
sa lumière était très-belle, et à sa clarté on pouvait facilement
lire des caractères de moyenne grandeur. En 1842, pendant
que Baily observait à Paris une couronne très-brillante, M. Airy
la voyait très-paie à Turin, où le ciel était brumeux. En i85i ,
à Gottembourg, en Suède, elle était très-belle, tandis qu'à
Lilla-Edet, en Suède également, elle était faible et peu étendue.
Plusieurs savants, entre autres M. Janssen dans son expé-
dition de 18'ji aux Indes, ont été si frappés du brillant éclat
de la couronne, qu'ils ont cru devoir en conclure que la cause
de ce phénomène est certainement dans le Soleil. Il n'y a là
rien qui doive surprendre les personnes qui ont été comme
nous témoins de ce spectacle sous le beau ciel de l'Espagne.
A part ces différences, dues à la transparence de l'air, on
peut toujours distinguer dans la couronne trois régions bien
définies, quoique les lignes de séparation ne soient pas nette-
ment tranchées. La première est une zone très-vive ayant
3 ou 4 minutes de largeur, possédant la couleur et l'éclat de
— 333
l'argoiil. \iitniir (1(> celle ^wenùvvc zoiu^ s'en trouve imo se-
conde dont la luiiiirrc pi'ésciite une gradation tics rajjidc, et
dont le l)ord ovtciicur se confond avec le ciel. Enfin de la
\\r>.
première partent un certain nombre d'aigrettes lumineuses,
composées de lignes brillantes entrelacées, et dont la lon-
gueur, variable suivant les circonstances, atteint quelquefois
le double du diamètre de la Lune.
Jj-\/ig. I iG montre l'aspect de la couronne telle que nous
- 334 —
l'avons observée au Desierto de las Palmas, en 18G0 ; mais cet
aspect est loin d'être constant dans une même éclipse, et il
varie encore beaucoup plus d'une éclipse à l'autre. Il suffit,
pour s'en convaincre, de comparer ce dessin à celui de
Baily {fig- loG; et à celui du P. Cappelleti [Jig. 112). Nous
en verrons d'ailleurs d'autres exemples.
Fig. 117.
Dans les éclipses postérieures, on a fait une attention parti-
culière à ces apparences, afin d'en découvrir la cause. Dans
les observations faites, en 1869, aux Etats-Unis, la plupart
des dessins donnés par les différents astronomes peuvent se
ramener à un tvpe commun, dont ils s'écartent fort peu : c'est
une espèce de carré grossièrement ébauché, ayant des aigrettes
aux angles. ha.Jig. 1 1 7 présente la forme observée par ]M. East-
man, à Des Moines. ]M. Gould, à Burlington, observa d'abord
une forme semblable; mais, deux minutes plus tard, il la
trouva singulièrement modifiée.
- 335 -
Dans les fipjiires prérédcntcs, la zone brillante qui cntouro
inniic'diatcnioiit le discuic de la Liiiic possède une largeur assez
considérable. Il n'en fut pas de même en Sicile, en i.S-o :
cette partie ainiulaii-e était très-étroile, de sorte (pie les ra\ons
send)laieiil partir chi Iiord même de la Lune. La fig. \ iS re-
Fiff. II 8.
produit le dessin exécuté par M. Taccbini, d'après l'obser-
vation qu'il fit à Terranova. Ce dessin est assez d'accord avec
la description donnée par le P. Serpieri. Les rayons sont nom-
breux, nettement détaches les uns des autres, situés sur le
j)rolongement du diamètre de la Lune; ils vont en se rétré-
cissant, à leur extrémité, en forme de pointe. jNIais il y eut,
pour cette éclipse, une grande variété de dessins, et les diffé-
rences furent si grandes, qu'on fut conduit à se demander si
- 336 -
les apparences décrites et représentées par les différents ob-
servateurs ne dépendaient pas de la structure et de la dispo-
sition particulières de leurs yeux. Rappelons cependant que le
ciel était très-troublé et le Soleil assez peu élevé au-dessus de
l'horizon ; par conséquent, si les apparences n'étaient pas les
mêmes, il faut en chercher la cause dans notre atmosphère.
Dans l'éclipsé observée aux Indes en 1 8 j i , il y a plus de res-
semblance entre les différents résultats, et les principaux
rayons, situés sur le prolongement du diamètre, ont été ^als
])ar plusieurs observateurs dans les mêmes positions avec les
mêmes formes.
Lorsqu'on fait ces observations à la hâte et à l'œil nu, il est
difficile qu'elles soient parfaites. Si l'on se sert de lunettes,
les résultats obtenus par plusieurs observateurs pourront être
très-différents les uns des autres. Si l'on emploie un fort gros-
sissement, la couronne paraîtra beaucoup moins large, com-
posée d'un simple anneau étroit, diffus et sans rayons
(Maclear). Pour avoir une idée exacte de ce phénomène, on
doit l'observer avec une lunette ayant un champ considérable
et un faible pouvoir amj^lifiant.
Nous ne pouvons reproduire ici tous les dessins que pos-
sède la science ; mais nous ne pouvons laisser de côté celui
que M. Liais a fait au Brésil. Il nous a paru très-bizarre au
premier abord, mais très-intéressant, comme nous le verrons
bientôt. On v remarque [fig- 1 1 9) quatre feuilles principales,
presque normales au bord du disque lunaire. Quelques au-
tres, moins importantes, sont inclinées et accompagnées de
nuages suspendus entre les rayons. Le P. Serpieri parle de
quatre coupes renversées, observées dans l'éclipsé de i8yo, et
dont la forme rappelle celle de ces feuilles. Le dessin de
M. Liais présente au premier abord un aspect étrange, mais
nous verrons bientôt qu'il a un mérite singulier.
337 —
3 ÏI. — Difjèrenlds rci^ions (li)n( se compose la couronne.
La prciuirrc et la plus vive de ces i-(''j4i()iis, c'est raniicaii
brillant ([ui se troiixc iinincdialciiiciil en ( onlact am'v la plio-
tosplicrc, <'t la malicrc rose paiail rire en Misixiisioii dans
cette couche elle-même. Son éclat est tellement viF, qu'il peut
occasionner des doutes sur le moment précis de la totalité
I Cappelletli, Stéphan, Tisserand, etc.). Lorsque les circon-
stances atmosphériques sont favorables, cet anneau, quoique
très-affaibli, possède encore im éclat remarquable. On peut
évahier sa largeur à i5 ou 20 secondes.
— 338 —
Autour (le cette première couehe, et eu contaet immédiat
avec elle, se trouve uue autre régiou oii la lumière est encore
assez vive, dans laquelle se produisent les protubérances, et
(|ui s'étend jusqu'à une distance de [\ ou 5 minutes. Elle est
(l'un blanc d'argent, et tellement brillante, qu'elle présente
un aspect nacré. Quelques observateurs parlent de couches de
lumière; mais cette expression n'est pas exacte, car l'intensité
lumineuse varie par gradation insensible, sans qu'on puisse
assigner de limite précise entre les différentes couches.
La couronne est parfaitement concentrique au Soleil; les
r.pparences cpi'elle présente pendant l'éclipsé ne permettent
pas d'en douter, car elle est beaucoup plus brillante dans la
partie où le Soleil est plus voisin du bord lunaire. On ne peut
donc plus l'attribuer à l'atmosphère de la Lune, et il faut
nécessairement la regarder comme appartenant au Soleil.
Au-dessus de cette région commence l'auréole proprement
dite; elle est souvent irrégulière, et son contour, loin d'être
uniforme, comme on l'avait supposé (^l'abord, présente sou-
vent des inégalités et quelquefois même des cavités très- pro-
fondes . Plusieurs observateurs avaient déjà fait cette remarque ,
et surtout Gillis en Amérique, où il étudia l'éclipsé de i858.
Les parties les plus brillantes correspondent en général au
voisinage des protubérances et à la base des aigrettes. En iS'yo
et en 1871, on a observé dans certains endroits des cavités
très -profondes, des espèces d'interruptions qui arrivaient
presque jusqu'au Ijord du disque lunaire ; c'est ce que les
Anglais appellent rifts : leiu- position a été déterminée avec
assez d'exactitude par les observations optiques et surtout
par les photographies. On les trouvera représentées dans les
dessins que nous reproduisons un peu plus loin.
On ne peut pas beaucoup compter sur les observations op-
ti(|ues pour apprécier exactement ces particularités. D'abord
- 33fl -
il est toujours (liffic ilc d'cNiilucr l'iulciisilc duiic lumici'c dans
CCS circoiistaiiccs, siiiloiit l()is(|iril u \ a p.is de contour uct-
tcinciit tranclic. Eu second lieu, ces ol)ser\ati()Us sont laites
à la liàtc, les savants étant ociupcsa des clioscs bien plus iin-
|)orlantes. Souvent même les dessins sont laits grossièrement,
de mémoire, ioiscjne ICclipse est terminée. J.e seul moven
d a\()n" des mesures exactes, c'est la plioto^i'apliie, et nous
allons exposer les rcsidtals obtenus j)ar ce procède.
^ 111 . — Photographies des éclipses. Etendue de la couronne.
En 18G0, deux expéditions s'occupèrent, pour la picmière
fois, de photographier l'éclipsé : j\L \\ arren de la Rue à Riva-
bellosa, et nous au Desierto de las P aimas, en compagnie de
l'expédition espagnole qui était dirigée par j\L Aguilar.
Les photographies de ->E W. de la Rue, obtenues en grossis-
sant l'image du Soleil avec l'oculaire, reproduisirent admirable-
ment les protubérances et leurs accessoir<\s; mais la couronne
n'v est visible que dans sa partie la plus brillante et la moins
élevée. Nous avons, an contraire, photographié l'image directe
donnée par robjectif, ce qui donne luie plus grande quantité
de huniere et un chamj) plus étendu. Tous les observateurs
ont depuis emj)loyé c<' procédé, car il j)resente de grands
avantages, sans aucun inc <!n\enient, puisqu'on peut toujours
obtenir ensuitedt^s épreuves agrandies. Les photographies que
nous avons exécutées reproduisent la couronne dans tout son
éclat; nous les conservons toujoui's, et, dernièrement encore,
nous les avons étudiées en détail.
Nous reproduisons dans \\\jig. 120 une éjucuNC que nous
avons obtenue en quarante second(\s. La ligne XY représente
la position d'un {A tendu dans la lunL'tte et destiné à donner
— 3i0 —
l'orientation de la figure. L'axe polaire du Soleil est dirigé
suivant PP'.
Une étude, même superficielle, de cette épreuve montre
que la couronne n'a pas la même étendue dans toute sa cir-
conférence. Dans les régions polaires, elle est plus étroite, et
Tiç;. 150.
P
P'
sa hauteur atteint à peine la moitié de celle qui correspond
aux régions équatoriales. La différence de niveau qui existe
entre ces régions ne se produit pas par une gradation continue
et insensible, mais, à une distance d'environ 3o degrés des
jiôles, on remarque une variation qui est incompatible avec
toute loi de continuité. Il y a en ces points des dépressions
considérables, puis le contour se relève d'une manière irré-
gulière et rapide jusqu'à environ !\5 degrés de l'équateur. Le
- 3H -
maximum absolu correspontl à cette dernit'^re position, et non
à l'équateur proprement dit, rjuoifpi'il v ait là aussi de grandes
variations ; mais iei les irréj;ularités du contour ne présentent
ni symétrie ni règle précise.
T.es taches blanches représeiilciil les protubérances; elles
sont diffuses et semblent pénétrer dans l'intérieur du disque
lunaire : c'est le résultat d'une longue exposition, d'abord à
cause du déplaccMuent de la T.une, el siu'tout à cause de la
diffusion de l'action chimique. Quant à l'intensité de la lu-
mière, on peut aussi remarquer qu'elle n'est pas la même dans
foutes les régions, et qu'elle n'est pas toujours plus grande
dans les parties où la eouroime est plus étendue. La compa-
raison de nos différentes épreuves nous donne le moyen d'ap-
])récier comment varie cette intensité .suivant la distance au
bord du Soleil. Ainsi une exposition de six secondes nous
donna à peine une trace de la couronne; une exposition de
<louze secondes )ious donna ime étendue plus considérable ;
en quarante secondes nous avons obtenu l'image de l'auréole
dans toute son étendue.
Tous ces résultats furent confirmés, en i8(')8, par les pho-
tographies obtenues dans les Indes par le major Tennant;
mais une des plus belles épreuves est due à M. Whipple, qui
observait récli|)se du y août iSGrj à Shelbvville, au Ren-
tucky. C'est cette photographie que nous reproduisons dans
\^Jig. 12 r. Elle est d'une netteté extraordinaire; outre les
différences de hauteur, qui v sont aussi bien accusées que
dans nos observations du Desierto, on y remarque des cour-
bures très-prononcées, qui correspondent à de véritables jets
lumineux, dont l'importance est très-grande. Dans la région
polaire, sur ini rayon de i5 à 3o degrés, la couronne a une
élévation peu considérable; puis elle se soulève brusquement
en formant des panaches curvilignes, dont la convexité est
- 342 —
tournée vers les pôles. Il y a partout des irrégularités frap-
pantes; mais, eu quatre régions, situées à environ 45 degrés
de l'équateur, on remarque des maxima Lien prononcés.
hajig. 122 représente la couronne, telle qu'elle a été pho-
tographiée à Cadix, le 22 décembre 1870, par les astronomes
américains Un léger brouillard a enlevé à l'image la netteté
qu'elle aurait dû avoir, et, de pkis, la petitesse du diaphragme
a limité l'étendue de l'auréole dans les régions équatoriales,
I^e bord nettement tranché qui la termine dans ces parties
montre avec évidence qu'elle n'v est pas représentée tout en-
tière, tandis qu'au pôle elle est bien complète, puisqu'il reste
un intervalle entre elle et le diaphragme. Vers l'ouest, il y a
une cavité très-prononcée, qui fait ressortir la courbure des
rayons émanant de la couronne. Dans tous les autres points
- 3t3 -
où il V a dos solutions de continuité, l'effet du brouillard a été
troj) considérable j)our qu'on puisse reconnaître ces détails.
A Syracuse, iNI. lîrotliers a obtenu une épreuve dans laquelle
on observe des cavités ass(v. semblables à celles de h^Jig. 122;
mais, conune elle a été prise vers la fin de la totalité, l'image
de la couronne est très-excentrique; et d'ailleurs le brouill.u'd
Fi{j. 122.
qui régnait au moment de l'observation ne permet pas d'atta-
cher une grande importance aux détails.
La couronne est donc moins élevée dans les régions po-
laires, sur ime étendue de 5o ou 60 degrés; mais est-ce un
fait accidentel ou une loi constante? Cette question présente
un grand intérêt, et, à ce point de vue comme à beaucoup
d'autres, nous attachons le plus grand ])rix aux épreuves
photographiques de INI. Davis, que loril Lindsay avait envoyé
— 3i4 —
à ses frais dans les Indes pour y observer l'éclipsé du 12 dé-
cembre 1871. Lord Lindsay a fait reproduire sur verre les
photographies agrandies de IM. Davis; puis, ces cjireuves sur
verre étant mises dans un stéréoscope , il en a fait exécuter
un dessin qu'il a publié et que nous mettons sous les yeux
Fiff. 123.
du lecteur [^fig. ii"^). Nous reviendrons plus tard sur ce
dessin pour discuter les détails qu'il représente avec tant de
netteté.
Les figures originales sont un peu ovales. Ce résultat est
dû au mouvement de la Lune qui, en se déplaçant, découvre
à l'est une partie nouvelle de la couroime, tandis qu'à l'ouest
elle en recouvre une partie égale, mais qui a déjà produit une
- 3r; -
impression suffisante sur le cliché. La puissance actinique tic
la lumière est si grande auprès du bord, cpi'il lui suffit d'un
temj)s très-court pour produire une impression complète : la
Lune peut bien recouvrir cette réf|;ion, mais elle ne peut pas
effacer l'image qui existe déjà. Il en résulte (pie son disque
parait moins large dans la direction de son mouvement, ce
qui tlonne une figure ovale.
M. Davis a pu faire cinq éjn-euves successives pendant la
totalité ; mais, dans la j)rennère et dans la cinquième, la dis-
tribution des aigrettes est un peu excentrique. La courbure
des l'ayons est facile à constater dans toutes ces images , mais
on voit que les arcs des pôles sont inégaux : celui du sud est
beaucoup plus large que celui du nord. Ces photographies,
comme toutes les précédentes, nous montrent que la plus
grande hauteur de la couronne correspond, non à l'équateur,
mais à une latitude élevée.
Les épreuves de lord Lindsay offrent une particularité très-
curieuse : la première et la cinquième, mises ensemble dans
un stéréoscope , produisent un reUef très-surprenant. Dans
chacune des deux images , la Lune est ovale , et elle paraît
parfaitement ronde dans le stéréoscope. Les rayons se déta-
chent derrière la Lune et, les deuv figures se complétant l'une
l'autre, on distingue parfaitement leur structure saillante et
compliquée. Le grossissement de l'appareil, combiné avec la
transparence délicate des épreuves, fait ressortir les moindres
détails. C'(\st d'après ce relief stéréoscopique que lord Lind-
say a fait exécuter le dessin que nous reproduisons dans la
Jig. 123. ^Malgré tous les efforts que nous avons faits pour
rendre ce dessin aussi exact que possible, nous devons aver-
tir le lecteur qu'il est loin de reproduire l'effet optique des
photographies sur verre. Nous y attachons une si grande im-
j)ortance que nous croyons de\oir l'analyser en détail.
— 3iG —
Ce qui frappe d'abord l'attention , ce sont les ouvertures
arq et Ml quc^ laissent entre eux les rayons qui tournent leur
convexité vers les pôles. Cette courbure est nettement pro-
noncée, et on la retrouve sur chacune des cinq photogra-
phies : ce n'est donc pas le résultat de la vision stéréo-
scopique. Nous voyons dans le cadran nord -est (^) trois
rayons «, h, c. Il est évident qu'au point c il y a deux rayons
superposés, ou du moins il y a une branche qui se tourne
vers le point b, formant ainsi une feuille dans l'intérieur de
laquelle on aperçoit le rayon h en forme de fer de lance. Au
milieu de tous ces rayons sont suspendus de petit nuages, d^
trop légers pour que le dessin puisse bien les représenter.
\ers l'est, dans la région équatoriale, nous voyons une
branche ramifiée e; sa forme nous rappelle des observations
faites pendant les éclij^ses précédentes. On avait aperçu des
rayons semblables, mais on les attriljuait à une illusion d'op-
tique : tels sont, par exemple, le bois de cerfwx au Desierto
par M. Cepeda, les crochets observés par Struve, etc.
Nous voyons ensuite une branche droite y, avec deux ra-
mifications dirigées vers le sud, l'une plus grande et sensible-
ment recourbée, l'autre plus petite et presque droite.
Les rayons suivants, g et h, dans le cadran sud-est, forment
une courbe dont les concavités sont dirigées l'une vers
l'autre; il en résulte une espèce de feuille semblable à celles
qui ont été observées au Brésil par M. Liais.
Dans la direction du pôle sud, on remarque la grande ou-
verture i qui fait le pendant de celle du nord; ces deux ca-
vités nous avaient fait deviner la direction de l'axe polaire
avant de connaître l'orientation de la figure.
C) Le lecteur rcmarquora que, sur la /ig. 133, l'ouest se trouve placé à droite et
l'est à gauche.
- 317 -
Dans le cadi-.iii snd-oiicst imiis \n\()iis les i"a\niis curvi-
lignes /et /, (|iii (Miihi'assciit (litre eux deiiv masses très-
l)rill;mles et loi'meiit par leur eiiseinhle une autre <»s])èc(' de
feuille. Du c-ùté d»' l'ouest il \ ;i d(nix faisceaux de rayons,
//?, //, Irès-lei^èfenieul recoiulies et |)i*es(jue |)er|)eiidi(ulaices
à re(|uateur, iudi<|naiit une antre leudle : ini image lég(^r est
suspendu enti-e eux.
Knfln, dans le cadran nord-ouest, nous trouvons les ravons
(), p, {] foi'uiant une leuilli^ très-bien circonscrite, cpii com-
])lète le contour iusipi a la i;i"ande ou\erture /•. Si l'on \('Ut
examinei" sans parti [iris le dessin de]\I. Liais et le comparer
à celui (pie nous \eiions d'examiner, on reconnaîtra fju'il v a
entre les (hnix des points de ressemMaiice bien frappants. ( )n
doit comprendi'e qne, dans mi examen rapide (pii n'a pu
durer (jue cpielques instants, M. Liais n'a pu faire une cLudo
j)arfaite connue celle que nous faisons à tète reposée sur une
photographie.
On commettrait donc une i;i"ande (MTCur si l'on admettait
encore, après tous les détails cpie nous venons de donner,
que la couronne se compose d un anneau peu épais et par-
faitement uniforme, connue on la voit dans les lunettes puis-
santes. Ces instruments, vu leur pouvoir amplifiant, sont
incapables de faire voir un objet peu lumineux; ils anéan-
tissent, pour ainsi dire, la paifie de la couronne la plus exté-
rieure (jui est moins lumineuse, et qui contient les détails
irréguliers que nous venons de décrire; ils ne laissent voir
que l'anneau brillant qui entoure immédiatement le Soleil,
dont la conqiosition est à peu près homogène, comme l'in-
di(pieiit les photographies ell(\s-mèmes. La couronne ne se voit
donc bien (pi'à \\v\\ nu, ona\ecuii faible grossissement ; et,
même alors, il est bien dilfîcile d'en étudier les détails, car
l'œil, passant brusquement de la \\\v lumière du jour à une
- 348 —
obscurité assez grande , n'est pas capable de distinguer des
nuances aussi délicates : on ne peut les étudier à coup sûr
qu'en les fixant par la photographie.
]M. Maclear a déjà fait cette remarque, car, ayant observé
successivement avec deux lunettes, il trouva qu'avec la plus
faible la couronne présentait la même forme qu'à l'œil nu ,
tandis qu'avec l'autre, qui avait un pouvoir considérable,
elle se réduisait à un anneau mince et vmiforme ('). Du reste,
au témoignage de tous les observateurs, l'iiomogénéité cesse
à une distance du Soleil égale à 5 ou 6 minutes, et, en réalité,
la plupart des ramifications que nous venons de décrire ne
sont nettement sensibles qu'à une distance encore plus
fijrande.
§ R . — Des aigrettes.
Nous appelons aigrettes ces longs panaches rectilignes qui
se détachent de l'auréole, semblables aux rayons de lumière
qui sortent entre les nuages lorsque le Soleil est près de 1 ho-
rizon.
Si les observateurs sont peu d'accord pour fixer les limites
de l'auréole , ils le sont bien encore moins par rapport à ces
aigrettes qui s'en échappent et se prolongent souvent à des
distances considérables. Les descriptions diffèrent d'une
éclipse à l'autre, et pour une même éclipse il semble que le
phénomène ait été différent suivant la station d'où il a été
observé. Comme cette question est intéressante, nous l'exa-
minerons avec soin, afin d'engager les astronomes à l'étudier
attentivement dans les prochaines éclipses.
(') Voir Revue scientifique, et Month. Not. R. Astr. Society.
- 3t0 -
Dans les obscM'vatlons anciennes, on s'est l)orné à nous in-
diquer l'existence des ravons divergents, en évaluant grossiè-
rement leur étendue. En 1842, les descrij)tions furent détail-
lées, mais encore assez, défectueuses. A Turin et à Pavie, Airy
et Bailv ne font aucune mention de ce phénomène. A Milan,
Picozzi et ]Magrini aperçurent deux faisceaux d<' ravons. Dans
la France occidentale, on signala également deux faisceaux
opposés. Arago vit près du point culminant de la Lune une
large tache lumineuse formée de jets entre-croisés qu'il com-
parait à ini écheveau de fils entrelacés; Peytal les comparait
à un paquet de chanvre. D'autres observateurs remarquèrent
(|ue le prolongement de cesraNons ne passait point par le
centre du .Soleil, ni par celui de la Lune, et ([lie plusieurs
étaient recoiu'bés. A Toulon, on distingua trois faisceaux; les
deux principaux étaient sur la ligne d'entrée et de sortie de
la Lune. Petit en vit également trois, ainsi que Struve, qui
leur assigna une longueur de i'',5.
On le voit, ces relations sont confuses et contradictoires.
Il est impossible de reconnaître d'inie manière précise s'il
s'agit des franges de l'auréole ou de véritables aigrettes. Nous
retrouvons la même incertitude pour Péclipse de i85i et
poiu' les suivantes. En i8Gonous n'observâmes ce phénomène
que très-raj)idement, vers le milieu de l'éclipsé. Les aigrettes,
dont nous avons donné le dessin , nous parurent tranquilles
comme les ravons qu'on voit entre les nuages au couclier
du Soleil. M. Cepeda, qui observait près de nous, vit un rayon
l'amifié comme* un bois de cerf; mais peut-être cette obser-
vation se rapporte-t-elle, ainsi que les suivantes, à la région
de l'auréole. M. Fielitzch, à Castellon de la Plana, non loin
du Desicrto , vit deux jets lumineux qu'il comparait aux
branches d'une lyre. M. Struve, à Pobes, vit cinq rayons bien
tranchés : l'un d'eux était recourbé en forme de crochet.
- 350
Le 29 août 18G7, M. Groscli vit deux grandes masses de
rayons dans la direction de l'équateur solaire, et une double
aigrette renversée près du pôle.
Fig. 124'
En 1868, on vit aux Indes de grandes irrégularités dans la
couronne, mais nous manquons de détails précis. Ijijig. 124
a été dessinée par le capitaine Bullock, qui conduisit à Man-
tawalok les professeurs du collège de Manille. On y remarque
surtout un rayon transversal , qui parut seulement deux mi-
- XA -
mitos aprrs la totalitr et persista jiistiu'a la fin. Sa (lircctiou
est ()l)Ii([uc j)ar rapport aux autres rayons (pii parunul drs
le counniMucinciit. Ca' dessin se n'oomniandr par sa i,'ran(l('
exactitude, ear il a été eoiitrnlé j)ar d'autres dessins exécutés
a la clianihrr noire. ( )n iia |ainais l'éiissi a ph()t()<;rapiiier les
aigrettes; c'est poni' snpj)leei' à celle impuissance de la plio-
t()graj)hie (pie les prolesseurs de Manille ont iniai^ine !<■ j)ro-
ccdv suivant. Ils pre|)araient d'aNance des feuilles sur les-
quelles étaient esijuissées l'éclipsé et l'auréole ; de cette
nianièn^ en introduisant ces feuilles dans la chambre noire,
on pouN.iil en loil peu de temp.s tracer a\ec exactitude les
figur(\s <()i'resj»on(lant aux dilïerentes phases.
Nous dexons rappeler ici le dessin curieux ([ue le P. Cap-
pelletti exécuta au Chili en i8Gj Jig. i 12, p. 'i2o).Le rayon
principal était loin d'avoir une forme symétrique, et il diffé-
rait complètement des autres. Sa lumière était ])lanche et
tres-\i\{'; l'un de ses bords était nettement terminé, tandis
que l'autre était diffus et allait en s'évanouissant progressive-
ment. Enfin le P. Cappelletti fait observer que ce rayon si
remanpiable correspondait à la principale des protubérances.
En général, si l'on étudie sur les dessins des observateurs la
distribution des aigrettes, on v reconnaîtra à peu prés la
forme d un carré ou d'un hexagone dont les angles corres-
pondraient aux points les plus élevés de lauréole. Lors(ine
le ciel est sulfisamment j)ur, il v a une ressemblance assez
grande entre les dessins faits par différents observateurs ])en-
dant une méuK» éclipse. Il n'en est pas de même lorsque l'air
est troublé, car alors il v a des différences trè.s-considérables.
Nous avons déjà donne /îg- 1 i H) le dessin exécuté par ^I.Tac-
chini à Terranova en iHjo; il est assez d'accord a\ec le phé-
nomène observé à Capo dell' Armi par le P. Serpieri ; mais la
ressemblance est loin d'être pailaite.
— 332 —
Tels sont, en résumé, les renseignements que nous possé-
dons sur ces curieux appendices. Quelle est leur cause? Faut-
il la chercher dans le Soleil, dans la Lune ou dans notre
atmosphère? Après un long examen, nous sommes convaincu
que leur cause première est dans le Soleil, mais que leurs
apparences peuvent être notablement modifiées par la pré-
sence de la Lune et par les circonstances atmosphériques.
Afin de nous faire comprendre plus facilement, nous rap-
pellerons une expérience très-facile à répéter, et que nous
avons faite à l'occasion de l'éclipsé d'Espagne. Qu'on fasse
au volet d'une chambre obscure un trou grossièrement ar-
rondi, dont les bords aient des dentelures ; qu'on le ferme
imparfaitement à l'aide d'un bouchon, et qu'on fasse passer
à travers les interstices un faisceau de rayons solaires. En
regardant de côté, on verra une série de rayons parallèles ;
mais, si l'on place l'œil sur l'axe même du faisceau, on verra
une couronne de ravons divergents s'étendant à une grande
distance des trous. L'expérience réussirait également si l'on
fermait un trou parfaitement rond avec un bouchon échan-
cré sur son contour. Cette apparence est un simple effet de
perspective , analogue à celui qui produit les rayons que
l'on observe entre les nuages auprès du Soleil couchant.
Cette expérience nous montre qu'une échancrure très-petite
peut donner naissance à un ravon d'une très-grande lon-
gueur; cette longueur serait encore bien plus grande si l'air
était rempli de poussière ou de fumée d'encens.
Appliquons ces résultats aux phénomènes qui se produisent
pendant les éclipses. Le Soleil peut donner naissance à des
rayons semblables, soit par ses protubérances, soit par les
parties les plus brillantes de la couronne, qui agiront autour
de la Lune comme les échancrures du volet agissent autour
du bouchon; mais on se tromperait complètement si l'on ju-
- 3tid —
t;('ait (les ilinuMisioiis de la mas:-.»' Imiiincusc qui |)r()(liiit ce
pliciiomrnc par retendue du rayon (jue l'on aperçoit. ('.ett<'
et< lulue dépend beaucoup du pouNoir réflecteur de l'atino-
spliére et surtout de la [)ositioii de l'observateur. Liie masse
lumineuse, dépassant le contour de la I.une de (pielcpn's se-
condes seulemeni, peut, sui\ant ICi lai (|u Clic possède, éclai-
rer l'atmosphère tciresire à une piofondcui" ( onsidérable, et
icU{' profondeur se ti'aduira par une /o/i^'^z/cwr proj)ortionnelle
du ra\on \isil)le. La T.une elle-même, a\ec son profil dentelé,
contribuera à la production du phénomène en laissant passer
des faisceaux hnninenx pins ou moins larges, plus ou moins
nett<'ment terminés. La foiine des ravons dépendra surtout
(h' la position de l'observateur; h's effets de parallaxe aui'ont
une influence très-considéral)le, et, à quelques kilomètres de
distance, on pourra voir la couronne et ses rayons sous des
aspects très-différents.
Enfin l'atmosphère terrestre n'est pas toujours susceptible
d'être également éclairée dans tous ses points; car, en cer-
tains «'udroits, elle est plus transparente; en d'autres, elle est
plus chargée de vapeurs : de là résulteront des lignes capri-
eteu.ses, produisant un effet analogue à celui des rayons lumi-
neux qui traversent une cliambre obscure, lorsqu'on soulève
<le la poussière sin- leur passage. L'analvse spectrale nous ap-
prend que, si l'air atmosphérique est peu transparent, on
observe les raies propics des protubérances à une grande dis-
tance du Soleil, et jusque sur le disque de la Lune. Rien n'est
plus facile à comprendre : la seule lumière qui arrive dans
cette direction jusqu'à l'observateur vient nécessairement de
la couronne et des protubérances; mais elle est réfléchie et
diffusée par l'atmosphère, et le spectroscope doit révéler sa
présence dans tous les points voisins.
Telles sont les idées générales que nous proposons pour
I. 23
— 3o4 —
expliquer le phénomène des aigrettes, et il nous semble que,
si Ton veut les contrôler par les données des observations, on
reconnaîtra qu'elles sont exactes et applicables au sujet qui
nous occupe.
Si nous examinons les dessins donnés par les différents ob-
servateurs, nous trouverons qu'ils s'accordent le plus souvent
à donner aux rayons la direction des principales protubé-
rances, surtout dans la région de l'équateur et dans celle des
taches. Le P. Cappelletti a fait cette remarque, et elle est assez
bien vérifiée par les dessins de 3Ioesta en i853, de Gillis en
i855, et par les nôtres mêmes, quoique nous ne prétendions
pas à une très-grande exactitude. Cette coïncidence est par-
faite dans les dessins de BuUock.
En 18G0, M. Plantamour observa la couronne et la des-
sina trois fois, au commencement, au milieu et à la fin. Dans
le premier dessin, outre la couronne, il a tracé trois faisceaux
de rayons correspondant aux protubérances dans la région
d'entrée; dans le second, il y a cinq faisceaux, deux à l'est,
trois à l'ouest; enfin, dans le troisième, il v a également cinq
faisceaux, mais ils se trouvent tous dans la région de sortie et
correspondent aux nombreuses protubérances qui parurent
dans cette région à la fin de l'éclipsé.
Cette observation est d'accord avec celle de Mantawalok,
où le capitaine Bullock vit, deux minutes après la totalité, se
former un ravon oblique dirigé vers l'une des protubérances.
D'autres observateurs, entre autres Pope Hennessy, assurent
que ces ravons paraissaient animés d'un mouvement facile à
constater. Ce mouvement a])parent s'explique aisément si l'on
se rappelle que la Lune, en changeant de position d'un instant
à l'autre, fait également varier la position des parties éclai-
rantes par rapport à l'observateur.
Reste à expliquer la forme courbe que possèdent certains
- 3aS —
IMNOIIS. (Jllcl(|lics-ims sont lirs-cniirls <•! ne sClciidriil n.is ;iij
(Ifl.i (les limites de I aiircolc ; nul doute (|tie eeii\-lii ir;i|)|);ir-
tieinient reelleineiit au Soleil. Pour les j)liis longs, on peut
encore faire une large part à notre atniosplière, en aclnictlant,
connue nous l'axons déjà dit. <|ne (cs coiu"l)es dépendent de
la manière dont la v.i|)eur est dislrihuee dans l'air. C.ette cx-
|)licaliou. ([ue nous axons proposée jadis, ne laisse pas <pie
d èfi'e plausible ; mais il laut bien reconnaître (|ii(lle ne saii-
l'ait s applupiei' à tous les cas. Nous eu înous actpiis la con-
viction en rellecliissaut sui' un pliénoniène dont l'ohserN ation
Fig. 12.").
est due à M. Tacchiui. Ce jeune astronome voyageait sur la
^léditerranée, à Ijord d'un bateau à vapeur, et il observait le
couclier du Soleil, le 8 août iSf)"). lls'apereut cpie le di.sque
solaire était comme surmonté de deux aigrettes lumineuses,
|)areilles à deux boucles de cbexcux renversé(\s eu sens op-
j)o.scs (/?^. I 2j). Leur liaut<'ur au-dessus du disque était tout
au plus égale aux -^ du disque lui-même, jjitin ces aj)pen-
dices suivaient assez bien le mouvement du Soleil, et ils s'en-
foncèrent, connue lui, au-dessous de riiorizon.
M. Taccliini nous donna avis du |)lienomène dont il avait
été témoin, et immédiatemeiiL nous compulsâmes le registi'e
où sont inscrites les obsersations cpie nous faisons i'('*guliéri'-
— 3o6 —
nient sur les taches solaires. Nous trouvâmes que, ce même
jour, il (le\ait y avoir sur le bord du disque une tache accom-
pagnée d'une grande facule, ayant à peu près la forme décrite
par M. Tacchini [fig- 12G); nous l'avions observée la veille à
quelque distance du bord, et elle devait y être arrivée le
8 août au soir. Aussi n'avons-nous pas hésité à admettre que
l'aigrette observée à ce moment pourrait bien être produite
par une de ces masses lumineuses qui accompagnent les fa-
cules et deviennent visibles dans les éclipses.
De nouvelles observations sont venues confirmer cette idée.
FifT. 126.
IM. Grosch, au Chili, pendant l'éclipsé totale du 29 août iSG'y,
a observé un faisceau de rayons recourbés, tout à fait sem-
blable à celui qui a été dessiné par M. Tacchini (' ). Tout der-
nièrement, un voyageur nous a assuré que, sur la fin du mois
de février 18G9, il a vu, à Pœstuni, le Soleil se lever avec
une aigrette analogue à celles qu'il présente dans les éclipses.
Ilâtons-nous de dire que ces explications ne reposent plus
miiquement sur quelques faits isolés qu'on pourrait être
(' ) Voir BuUelin rnétéorologiijne du Col/éife Romain, p. 87; 1SG7.
- 357 —
fente de i('\(K[ii('r en ddiitr. Moiis saxons maintenant (jii il se
produit dans le Soleil de \iolentes éruptions : la matière qui
le compose est lancée à des Iiaulenrs considérables, avec des
vitesses qu'on évalue à plus de i>oo kilomètres par seconde.
Si ces mouvements avaient li<'U dans le vide absolu, les
masses projetées avec une aussi grande vitesse paiviendiaient
à des bauteurs incomparablement plus jurandes (pie la lon-
«jjueur des aigrettes. T.a résistance de latmospliére (pii enloui'e
le Soleil doit ralentir bien \ite ces mouvements; mais ell<'
doit cependant permettre à la matière lumineuse de s'élever
assez liaut pour que nous puissions expliquer ainsi la pro-
(hution des panacbes. Nous verrous que, avec le spectro-
scope, ou a pu observer des protubérances dont la hauteur
atteignait sej)t et huit minutes; et cejx'iidant les observations
spectrales ne font voir (jue les ])arties les plus brdlantes.
Les ravons obliques seraient produits par des faisceaux lu-
mineux lancés dans leur direction. On a objecté qu'il est im-
possible d'admettre que la longueur réelle de ces faisceaux
surpasse { du rayon solaire. La raison serait que plusieurs
comètes ont passé si près du Soleil, au moment de leur péri-
bélie, qu'elles auraient du n-ncontrer ces ravons; (pi(% s'ils
avaient luie aussi grande étendue, le mouvement de ces astres
aurait dû éprouver, dans ce milieu nécessairement résistant,
un ralentissement qui n'a jamais été constaté.
Il est assez facde de répoudre à cette objection. Quelques
comètes ont dû traverser non-seulement les ravon>, mais la
couronne elle-même. En passant ainsi à travers l'atmosphère
solaire, elles ont pu se volatiliser en partie et s'échapper en-
suite, à l'état de vapeur, connue font les bolides et les étoiles
filantes dans l'atmosphère terrestre. Pour démontrer que les
choses n'ont pu se passer ainsi, il faudrait connaître la partie
de l'orljite (jui précède le périhélie, et dans les cas dont il est
— 358 —
ici question il nous est im})ossible de la connaître d'une ma-
nière suffisante.
Parmi les comètes qui ont dii pénétrer dans la couche où se
produit l'auréole, on doit citer avant tout la plus célèbre,
celle de i843, qui passa à une distance du Soleil égale à y de
son rayon. Elle a dû nécessairement produire une agitation
considérable dans Fatmosplière solaire. Nous nous rappelons
parfaitement la première observation que nous en fîmes à
Lorette, le soir même où elle fut visible pour la première
fois. Une circonstance très-extraordinaire accompagna l'ap-
parition de cette comète; la lumière zodiacale était très- vive
et légèrement teintée de rouge : aussi y eut-il quelque diffi-
culté à distinguer ce qui appartenait à chacun de ces phéno-
mènes; la comète semblait faire partie de la lumière zodiacale
et s'en détacher connue une simjîle ramification. Les mêmes
apparences furent constatées à Nice j^ar un astronome très-
distingué, M. Cooper. Si donc on observe dans certaines
éclipses des rayons de forme extraordinaire, il est possible
qu'ils soient produits par quelque explosion violente, ou bien
par le passage de quelque corps étranger à travers l'atmo-
sphère solaire.
Nous ne voulons pas dire cependant que notre atmosphère
ne joue aucun rôle dans la production de ces apparences;
son action est, au contraire, incontestable dans la plupart des
cas, et elle suffit bien souvent pour tout expliquer.
§ V. — Polarisation de la lumière de la couronne.
La couronne est-elle lumineuse par elle-même, ou bien
nous envoie-t-elle par réflexion une lumière d'origine étran-
gère? Cette question peut être résolue de deux manières : par
- ."CiO -
le spcclroscopc il |);ir le |)( (l.iiiM'opc. Nous xcri'ons plus l;u(l
coinincnl 1 auaKsc sjx'cir.ilc jx'iit nous ^uidn- dans cette
étude, <'l nous serons alors ( onduils a regarder connne cer-
tain (jue la couronne esl lumuieuse par elle-nièine, et (jue la
plus grande partie de la lumi«'re cpTelle nous en\oie |)ro\ient
(le la radiation (pn lui esl propi'e. Alais n'y a-t-il j)as aussi
([uel<pies ra\ons relleclns mélanges a\ec ceux (jui émanent de
sa propre substance? Le polariscope j>eut seul répondre a c<'tte
(juestion.
La lumièn» de la couronne fut étudiée à ce point de vue,
en 18G0 par ^L Pra/.mowski, en 18G8 par le capitaine Braun-
iield et par le capitaine llerschel; ils trouvèrent tous cpielle
était sensiblement polarisée. Nous-mème, en i8()o, nous trou-
vâmes des traces de polarisation; mais, comme les astronomes
français et américains assuraient le contraire, la question ne
pouvait être regardée comme résolue, ni dans un sens, ni dans
l'autre. Elle fut reprise en 1870, et on crovait l'avoir (.lélini-
tivement trancliée, car tous les savants qui s'en étaient occu-
pés avaient reconnu l'existence d'une certaine (juantite de
hniiiere polarisée : ce sont MM. Blaserna, Ranvard, Brett,
Picquering, Langlev, etc. ; mais, à la suite des observations
faites j)endant l'éclipsé de 1871, les avis furent de nouveau
partagés. C'est donc une question à rej)rendre, ou plutôt il
faut cliercli('r quelles sont les causes qui amènent des diffé-
rences aussi grandes ilans 1 étude tlu même phénomène.
Entrons à ce sujet dans quelques détails.
Il paraît que toutes les divergences proviennent des instru-
ments que l'on emploie et du mode d'observation. M. Praz-
mowski, observant avec un double quartz, trouva unt^ polari-
sation radiale. MM. iilaserna et Ranvard employaient im
polariscope à bandes de Savart, et comme, avec cet instru-
ment, il est difficile, dans de semblables circonstances, de dé-
— 360 —
terminer le plan de polarisation, M. Blaserna , à Augusla, ne
j)ut que constater l'existence de la polarisation, sans pouvoir
en déterminer le plan. D'après lui, la quantité de lumière po-
larisée serait très-considérable et à peu près égale à celle qu'on
observedans un ciel serein à 4o degrés du Soleil. L'état du ciel
n'était pas favorable à ces observations, car il était un peu
l^rumeux; grâce à cette circonstance, IM. Blaserna a pu re-
garder ses résultats comme plus concluants qu'ils ne le sont
en réalité : nous verrons qu'on peut élever des doutes à ce
sujet. M. Ranyard, dans une station voisine d'Augusta, mais
où le ciel était pur, trouva une polarisation considérable dans
le plan radial du Soleil.
Nous ne devons cependant pas dissimuler une difficulté.
]M. Becker (' ) et ]M. Picquering (^) nous assurent qu'ils ont
vu les franges de Savart, non-seulement sur la couronne, mais
jusque sur le disque de la Lune. M. Lockyer, en 1871, les a
Aues partout, toujours parallèles et dans la même direction,
tandis que d'autres observateurs assurent n'avoir rien vu de
semblable.
En présence de ces témoignages opposés, il ne nous appar-
tient pas de prendre un parti et de trancher la question ; mais
on nous permettra quelques réflexions. On sait qiie l'air atmo-
s])hérique, lorsqu'il est chargé de vapeurs, produit des diffu-
sions et des diffractions, d'où il résulte quelquefois des cercles
irisés qui, pendant les éclipses, acquièrent un éclat extraor-
dinaire; Les rayons lumineux pourraient bien aussi se polari-
ser en traversant une couche épaisse d'air humide : de là une
cause d'erreur dans les observations dont il est ici question.
31. Tyndall a, en effet, démontré que certaines vapeurs dif-
(') Monthlj Notices, t. XXXI, p. 5g.
(-) Nature, t. III, p. 5g.
- 3GI —
fusent cl pol.iriscnt ctrangonicnt les rayons lumineux qui les
traversent, et, de plus, il a constaté que, au coucher du So-
leil, les rayons qui passent auprès des nuag(^s peuvent être
polarisés ('), ce qui permet d'élever des doutes sur la légiti-
mité des conclusions de ceux qui ont constaté la polarisa-
lion.
Les phénomènes observés au Soleil couchant se produisant
dans des conditions assez semblables à celles des éclipses, on
devra v attacher de l'importance et les étudier sérieusement.
Nous avons fait une observation toute récente à l'occasion
des expériences que faisait ]\I. Blaserna sur la lumière élec-
tii([ue. Il projetait le faisceau lumineux de la colline du \ inii-
nal sur ]Monte-]Mario ; lorsque les rayons passaient au|)rès de
notre observatoire, sans cependant nous arriver directement
de manière à nous faire voir le point lumineux, nous avons
pu constater que la lumière qui éclairait l'air atmosphérique
était fortement polarisée. La lumière qui rase le disque lu-
naire pendant les éclipses pourrait de même être polarisée
par notre atmosphère qu'elle traverse ensuite.
Dans l'incertitude où nous mettent des témoignages con-
tradictoires, nous nous contenterons de faire remarquer que
les faits n'ont pas été bien constatés, qu'on n'a pas assez bien
déterminé les circonstances dans lesquelles ils se produisent, et
qu'on n'a pas les éléments nécessaires pour les expliquer et en
tirer les conséquences. Ainsi il n'est pas prouvé que la pola-
risation observée pendant les éclipses soit due à une réflexion
sur les molécules de l'atmosphère solaire ; il n'est pas prouvé
que la couronne nous envoie d'autre lumière que celle qui lui
est })ropre.
(■) Les Mondes, t. XIX, j.. 171.
- 362 -
Supposons, en effet, que l'air atmosphérique ou Ja vapeur
d'eau ait le pouvoir de polariser la lumière par transmission,
mais en petite quantité; ces quelques rayons seront comme
noyés dans les torrents de lumière que le Soleil nous envoie
en plein jour : on ne pourra pas en constater l'existence. Il
n'en sera pas de même pendant les éclipses, lorsque la lumière
du Soleil cesse d'arriver jusqu'à nous. Les faisceaux de rayons
à peu près parallèles qui rasent les bords de la Luné pro-
duisent sin' nos yeux, comme nous l'avons déjà expliqué,
l'effet de ravons divergeant en forme de panaches. Ces rayons,
par l'action des molécules de gaz qu'ils rencontrent en les ra-
sant, pourront se polariser d'une manière d'autant plus sen-
sible que l'air est plus chargé de vapeurs.
Ce n'est pas une théorie que nous prétendons exposer ; nous
hasardons une hvpothèse, et nous invitons les physiciens à
étudier, avant la prochaine éclipse, cette question importante
et curieuse; en attendant le résultat de leurs traAaux, nous
ne pouvons que suspendre notre jugement.
§ VI. — Considérations générales sur la couronne.
Pour terminer l'étude de la couronne, nous devrions parler
de 1 analvse spectrale de sa lumière; mais nous nous réser-
vons de traiter spécialement ce sujet dans l'un des Chapiti^es
suivants. Bornons-nous à résumer ici les conclusions qui ré-
sultent de tout ce que nous venons de dire.
1° Les dessins que nous avons reproduits montrent d'une
manière évidente que l'étendue de la couronne est loin d'être
uniforme. Nous l'afhrmons sur la foi des épreuves photogra-
phiques. Il est bien vrai que la forme de l'image ainsi obtenue
dépend uniquement des radiations actiniques; il est cepen-
- 363 -
dant impossil^le d'aclmettre qu'il puisse exister des inégalités
semblables dans l'activité chimique, s'il n'y avait pas des iné-
galités de même nature dans les radiations lumineuses. L'i-
mage photographique peut donc nous donner une idée exacte
de la forme réelle de la couronne.
2° On peut se demander s'il n'y a point quelque relation
entre ces apparences et quelque phénomène solaire déjà
connu. Au premier coup d'oeil, on voit que la plus grande
élévation de la couronne correspond à la région des taches et
des facules ; on sait, en effet, que le maximum des taches se
produit, non pas à l'équateur, mais dans les latitudes qui en-
vironnent le trentième parallèle. Il faut cependant remarquer
que la région la plus élevée de l'aïu'éole dépasse considéra-
blement la zone des taches, puisqu'elle s'étend jusqu'à 3o de-
grés des pôles et quelquefois plus loin. Nous avons cherché
à nous expliquer cette différence, et nous avons reconnu
qu'elle tient à la loi de distribution des protubérances et des
facules. On admet que les facules accompagnent généralement
les taches ; et cependant, en étudiant attentivement la surface
du Soleil, dont nous projetions l'image dans une chambre
parfaitement obscure, nous avons constaté que les facules, ou
granulations brillantes, s'étendent bien au delà des limites des
taches. Très-souvent, et surtout dans les périodes de grande
activité, elles forment autour des pôles des zones bien tran-
chées et parfaitement visibles. Il semble que la partie la plus
élevée de la couronne s'étend jusque-là, et nous le reconnaî-
trons plus clairement encore lorsque nous aurons étudié les
protubérances.
Une longue série d'observations nous a prouvé que cette
distance aux pôles est très-variable ; à l'époque de la dernière
éclipse (i2 décembre 1871), elle était si faible qu'on voyait
des protubérances jusque sur les pôles, où d'ordinaire il n'y
— 364 —
en a pas. Nous verrons, dans les éclipses prochaines, si cette
explication est fondée.
3** Quant aux ravons curvilignes de l'auréole qui ont été
observés directement, et dont les observations photographi-
cpies ne nous permettent plus de révoquer l'existence en
doute, ils prouvent que les parties supérieures de l'atmosphère
solaire ne sont pas occupées par des masses en repos, mais
qu'il V a dans ces régions des mouvements extrêmement ra-
pides. Cette conclusion, qui s'impose à tous ceux qui exami-
nent sans prévention les photographies de lord Lindsav, avait
vivement frappé M. Janssen pendant ses observations, et il l'a
hautement proclamé à son retour des Indes.
Cette couche atmosphérique doit d'abord être animée d'une
circulation calme et régulière, analogue, sauf la rapidité, à
celle cpii existe dans l'atmosphère des planètes ; mais, en
outre, il doit y avoir des mouvements violents et irréguliers,
de véritables explosions, soudaines et gigantesques, provenant
de masses considérables cpii sont lancées de bas en haut par
les couches les plus basses. Au miheu de la circulation géné-
rale, il doit se produire des actions particulières et locales
dont l'influence est d'autant plus grande qu'il s'agit de masses
énormes portées à une température ti^ès-élevée. Il y a là toute
une série de problèmes qui se posent naturellement à nous
et dont la solution nous conduira sans doute à des consé-
quences inattendues. Qu'il nous suffise pour le moment d'ap-
})rcndre par cet exemple combien il faut être réservé lorsqu'il
s'agit de rejeter des faits constatés par des hommes éminents,
pour cette seule raison que nous ne pouvons les expliquer.
On trouve une différence assez grande entre les figures qui
représentent les différentes éclipses. Nous ne devons pas en
être surpris, et il ne faut pas se hâter de l'attribuer aux dé-
buts des observations. Ces différences peuvent exister réelle-
- 365 -
ment, aussi bien que les variations des taches et des protubé-
rances. La dernière éclipse s'est produite à une époque de
grande activité solaire : c'est pour cela peut-être que la cou-
ronne présenta nlors un plus grand éclat. Si une éclipse se
produisait à une époque de calme, les apparences seraient
tout à fait différentes.
4° On ne connaît j)as encore avec certitude l'étendue de la
couronne, ou du moins de l'atmosphère qui en est le siège.
Nous ne connaissons que la limite qui est déterminée par le
pouvoir optique de nos instruments, par la sensibilité physio-
logique de nos organes et par l'impressionnabilité de nos pré-
parations chimiques. Pour les régions qui dépassent ces li-
mites, nous ne savons rien. Il peut exister là une matière
plus raréfiée n'exerçant aucune action appréciable sur nos
sens. On a supposé, et ce n'est pas sans raison, que cette
atmosphère s'étend à une distance très-considérable, et que
c'est elle peut-être qui produit la lumière zodiacale, comme
l'avait déjà soupçonné Olbers; mais, sans aller aussi loin,
nous pouvons bien penser qu'elle arrive jusqu'à l'extrémité
des aigrettes, et nous verrons qu'il n'y a rien d'impossible
dans cette hy|:)Othèse.
5** Tout le monde admet à présent que la couronne appar-
tient au Soleil ; mais on peut se demander si l'on ne pourrait
pas arriver à la voir en tout temps par un procédé quelconque,
par exemple par des éclipses artificielles. Nous savons que,
dans des circonstances particulières, M. Tacchini en a vu
quelque chose auprès de l'horizon; dernièrement encore il
a pu la voir complètement en plein jour. Voici ce qu'il nous
écrivait le 28 mai 1871 : « Au zénith, le ciel était d'un bleu
très-foncé; je n'ai jamais rien vu de pareil. A 9 heures, je
regardais vers le Soleil en cachant son disque, et j'ai observé
une auréole dont voici la forme [fig. 127). Après avoir fait
— 3G6 -
cette observation, je priai M. Delisa d'en faire une semblable,
sans rien lui dire de ce que j'avais vu. Au bout de quelques
Fig. 127.
heures, il avait terminé son dessin ; en voici la forme [Jig. 1 28).
» Le changement de direction que nous remarquons dans
le plus grand panache tient sans doute au mouvement que la
sphère céleste avait exécuté dans l'intervalle des deux obser-
— 367 -
valions, r.c soir le Soleil parut à l'Iiorizon avec une traînée
bien sensible, de forme triangulaire, avant une couleur jaune-
Fig. 128.
orange. Cette traînée était dans la din^ction de Jupiter et de
A cnus. ))
En terminant sa lettre, ÎNI. Taccliini reconnaît l'importance
du ])rojet que nous avions proposé, de faire des observations
_ 368 -
semblables sur l'Etna, où l'atmosphère présente une teinte si
foncée. Les essais que nous avons faits à Augusta à l'époque
de l'éclipsé nous montrent qu'il y aurait là pour la science un
intérêt de premier ordre. Le ciel de la Sicile est d'une pureté
admirable ; celui de Rome parait en comparaison sale et bru-
meux.
Signalons encore une idée qui n'est pas sans importance.
La science moderne a constaté qu'il existe des amas de ma-
tière cosmique, analogues aux nébuleuses, circulant comme
des comètes dans l'intérieur du système solaire, et qui, au
moment du périhélie, se trouvent très-voisins du Soleil. Ce
fait n'est peut-être pas étranger à certaines apparences extra-
ordinaires qui se présentent pendant les éclipses. Ne serait-ce
point à quelqu'une de ces masses cosmiques, fortement
éclairée par la lumière solaire, qu'il faudrait attribuer les
ravons et les arcs recourbés dont nous avons déjà parlé plu-
sieurs fois? Le temps pourra seul faire connaître la valeur de
ces idées, qui ne sont en ce moment que de simples conjec-
tures .
La couronne a donc son siège dans le Soleil et non dans
la Lune, mais c'est un phénomène très-complexe. Elle est
certainement lumineuse par elle-même, mais on n'a pas
encore prouvé qu'elle est incapable de réfléchir la lumière
solaire. Les limites apparentes dépendent principalement de
l'activité du Soleil, mais elles subissent aussi l'influence de
notre atmosphère. Ses limites véritables nous sont inconnues,
et elle s'étend probablement jusqu'à la lumière zodiacale.
- 369 -
CHAPITRE III.
DES PROTUBERANCES 0 1: PROEMINENCES ROSES QUON OBSERVE
PENDANT LES ÉCLIPSES TOTALES DE SOLEIL.
AVANT-PROl'OS.
Le phénomène des protubérances est maintenant connu
de tout le monde : aussi pourrait-on penser qu'il est inutile
de retracer l'histoire de leur découverte. Nous avions, en effet,
l'intention d'omettre cet article; mais, outre l'importance
réelle du sujet, nous trouvons là un exemple frappant du
procédé analytique employé par la science contemporaine.
Nous verrons avec quelle patience et quelle persévérance elle
a su étudier les plus minces détails, et arriver à des décou-
vertes admirables à l'aide de phénomènes qui paraissaient
insignifiants au premier abord. C'est ainsi qu'on voit tou-
jours avec plaisir les sources d'un grand fleuve.
§ I. — Premières observations des protubérances .
Ce fut pendant l'éclipsé du 8 juillet i8'|2 que l'attention
des astronomes fut attirée par ces protubérances, qui s'élan-
cent autour de la Lune comme des flammes gigantesques, de
couleur rose ou fleur de pécher. La surprise que leur causa
ce phénomène inattendu ne leur permit pas de faire des ob-
servations précises, de sorte qu'il y eut un désaccord com-
I. 24
- 370 —
plet entre les différentes relations. Baily remarqua trois proé-
minences très- vastes, presque uniformément réparties du
même côté [Jîg. loG, p. 3io}. Airy en observa trois en forme
de dents de scie, mais placées au sommet [fig. i 29). Arago en
Fig.
vit deux à la partie mférieure du disque fig- i3o). Struve et
Fig. i3a.
Schidlofsckv remarquèrent les mêmes qu'Arago, et de plus ils
notèrent une bande rose embrassant un arc de 45 degrés en-
viron. A Vérone, ces flammes demeurèrent visibles quelque
temps après l'apparition du Soleil.
Ces appendices avaient des dimensions considérables.
L'astronome français Petit mesura la bauteur de l'un d'entre
- 371 -
eux et la trouva égale à l'A^' ? ^^ qui équivaut presque à 6 dia-
mètres terrestres, e'est-à-dire à 80000 kilomètres. Les appré-
ciations des autres observateurs variaient entre i minute et
2 secondes.
La discussion s'ouvrit aussitôt sur la nature de ces protubé-
rances. On les prit d'abord pour des montagnes; mais cette
opinion était inconciliable avec les observations d'Arago,
quelques-unes de ces prétendues montagnes étant très-incli-
nées, surplombant même assez fortement pour que l'équi-
libre fût impossible. La plupart des savants les regardèrent
comme des flammes ou comme des nuages. Quelques-uns,
se fondant sur le peu d'accord qui régnait entre les observa-
teurs, déclarèrent que c'étaient de pures illusions d'optique,
des effets de mirage produits à la surface de la Lime : telle
était l'opinion de Faye, de Marquez, de Feilitzscb. Il était
donc indispensable de faire des observations ultérieures, de
surveiller avec soin les éclipses suivantes et de recourir aux
observations passées.
En réalité, ces phénomènes n'étaient pas nouveaux ; mais,
comme il arrive souvent pour les choses extraordinaires dont
nous n'avons aucune idée, on n'avait rien compris aux récits
d'ailleurs inexacts et exagérés des observateurs. Ils avaient
parlé d'échancrures vues dans^le disque lunaire, de flammes,
d'éclairs, de nuages et d'orages vus dans l'atmosphère de la
Lune. Cette apparence d'échancrure notée par quelques ob-
servateurs est due à un phénomène d'irradiation ; elle se pro-
duit facilement lorsqu'on observe à l'œil nu ou avec un faible
grossissement, comme on l'a encore remarqué dans l'éclipsé
de 1868 (Hennessy, Ray).
De toutes les observations anciennes, la plus détaillée est
celle que Wassénius fit à Gothenbourg, le 2 mai lySS. Dans
la couronne qu'il attribue à l'atmosphère de la Lune, il crut
24.
— 372 —
voir flotter plusieurs nuages rouges ; l'un d'eux paraissait plus
grand que les autres, et semblait composé de trois masses
superposées, complètement séparées du disque lunaire. [Philos.
Transact., t. XXXVIII, p. i35; et Astr. ^achr., n°463.) La
fig. i3i montre bien que ce sont des nuages, mais il reste
Fi-. i3i.
à savoir s'ils appartiennent réellement à la Lune ou s'ils ne
dépendent pas du Soleil.
Fiîî. i3>.
On attendait avec impatience l'éclipsé de i85i qui devait
être totale en Suède. M. Airy organisa une expédition et pré-
para des instruments destinés à prendre des mesures précises.
Au moment de la totalité, il observa d'abord une protubé-
rance a [Jig. i32) ayant la forme d'une équerre terminée en
pointe; au-dessous se trouvait un petit cône, et plus loin,
au point d, un petit nuage suspendu. Un peu plus tard il
distingua une pointe c ; puis au bout d'une minute la protu-
— 373 —
bérancc b située à l'aiitre extrémité du diamètre; enfin parut
en dernier lieu un arc rosé e. Les autres observateurs remar-
quèrent les mêmes phénomènes avec de légères différences de
formes. La figure donnée par M. C'arriiigton est presque
identique; on y remarque seulement un léger nuage blan-
châtre joignant la protubérance principale avec le nuage
isolé d. Cependant la protubérance a n'a pas tout à fait la
même forme dans les dessins exécutés par des observateurs
très-éloignés les uns des autres. M. Tlind a donné le dessin
suivant [fig. i33). M. Dawes a donné une forme intermé-
Fiîî. 1.33.
diaire entre les deux, et de plus l'arc e [fig. i32) lui parut
beaucoup plus étendu. iNL Talbot, placé presque à la hmite
de la zone de totalité, vit ce même arc rose embrasser une
étendue à peu près égale à une demi-circonférence.
Ces observations nous permettent de formuler avec certi-
tude les conclusions suivantes : i° Les protubérances ne sont
pas des montagnes; cette hypothèse est inconciliable avec
leurs formes; 2° on doit les regarder comme des masses ga-
zeuses, dont la forme est assez analogue à celle de nos
nuages; leurs courbures rappellent assez bien la fumée qui
s'échappe de nos volcans; 3° la variété des formes attribuées
à une même protubérance peut tenir à des variations réelles;
— 374 —
mais elle peut résulter aussi du peu d'exactitude des des-
sins; 4° il y a une relation évidente entre ces protubérances
et les arcs roses déjà observés en 1842, mais qu'on observa
beaucoup mieux cette fois : on peut légitimement supposer
que ces arcs forment la partie visible d'une couche continue
qui enveloppe complètement le Soleil; 5" on voyait la gran-
deur des protubérances s'accroître du coté que quittait la
Lune et diminuer du coté où elle s'avançait : donc c'est sur le
Soleil que se trouve le siège du phénomène; 6° tous les obser-
vateurs n'ont pas vu le même nombre de protubérances; ils
ne leur ont pas assigné exactement la même place. Cela tient
à la rapidité du phénomène, dont la totalité dure si peu de
temps, qu'il n'est pas possible d'examiner le contour du
disque avec l'attention qu'on y apporterait dans d'autres cir-
constances.
Ces résultats ne parurent pas assez sûrs à un certain nombre
d'astronomes. Les mesures semblaient peu exactes, les des-
criptions peu concordantes; aussi continua-t-on à regarder
ces phénomènes comme des illusions d'optique et des effets
d'interférence et de mirage. Pour convaincre tout le monde,
il fallait des témoignages irrécusables, des mesures d'une
exactitude toute mécanique; la Photographie pouvait seule
répondre à ces exigences, et c'est pour cela qu'on y attacha
tant d'importance en 1860.
A part ces doutes peu fondés, il restait encore à résoudre
plusieurs questions importantes : 1° quelle est l'intensité lu-
mineuse des protubérances? 1^ quelle est leur couleur pré-
cise? 3*^ ont-elles quelque relation avec les taches et les fa-
cules? Pour répondre à ces questions, il faut avoir recours à
des mesures très-exactes, mesures que la Photographie peut
seule exécuter en aussi peu de temps. Cependant, comme la
Photographie, surtout dans des circonstances aussi excep-
— 37-) -
tionnelles, est un moyen de recherches capricieux et peu sur,
on eut soin de contrôler ses indications à l'aide d'instruments
spéciaux permettant d'obtenir directement et rapidement
des mesures suffisamment précises. Pour cela, les astronomes
ont proposé différents moyens qu'il ne sera pas inutile de rap-
peler ici. Ces procédés ne manquent pas de valeur ; ils n'ont
rien perdu de leur importance, et ils pourront toujours servir
dans les circonstances où il serait difficile d'employer des mé-
thodes plus parfaites.
Pour mesurer les dimensions des protubérances, on pro-
posa de diviser le champ de la lunette en petits carrés par des
fils assez gros et tendus suivant deux directions rectangulaires,
à des distances mesurées d'avance. Ce procédé présentait de
grands avantages, mais il avait l'inconvénient d'encombrer le
champ de la vision. Nous avons réussi en employant un moyen
un peu différent. Le champ de notre lunette fut muni de deux
fils de platine médiocrement fins, faisant entre eux un angle
assez aigu pour qu'on put évaluer les dimensions des protu-
bérances sans faire usage de vis micrométrique. Pour prendre
les angles de position, nous mimes à l'oculaire une alidade
portant une pointe, et mobile devant un cercle de carton; la
pointe, pressée au moment convenable, laissait sur le carton
une trace qu'on pouvait ensuite étudier à loisir pour en dé-
duire l'angle de position.
Le succès fut complet, comme nous le verrons bientôt, et
nous recommandons aux observateurs ces moyens sûrs et ex-
péditifs. Seulement, la Photographie ne nous apprenant rien
sur les couleurs, il fallut y suppléer par des observations di-
rectes; mais tous les observateurs n'éprouvent pas, en pré-
sence du même objet, des impressions identiques : leurs yeux
ne sont donc pas des instruments comparables. Cependant ils
s'accordaient tous à dire que les protubérances étaient d'un
— 376 —
rouge plus ou moins clair, mélangé d'un violet analogue à
celui de la fleur de pêcher. On remarqua cependant que la
protubérance recourbée de i85i était blanche à sa base, et
cette remarque s'applique également aux protubérances de
1860; le rose était la couleur dominante, mais sur les bords
on voyait des nuages jaunes parfaitement marqués, la base
étant blanche. M. de la Rue fit la même observation. Cet
astronome avait préparé des étoffes de différentes couleurs,
qui devaient servir de terme de comparaison ; mais cette mé-
thode ne put donner aucun résultat, faute de lumière pour
éclairer les étoffes. On pourrait employer des flammes colo-
rées ou, mieux encore, des tubes de Geissler éclairés par un
courant électrique; mais l'analvse spectrale a fait abandonner
tous ces projets. On n'a cependant pas dit le dernier mot sur
cette question. Dans l'éclipsé que nous avons observée en Si-
cile, nous avons vu une magnifique protubérance couronnée
par un beau sommet jaune, et notre observation a été confir-
mée par le P. Denza : il faudra voir si c'est un fait isolé ou
s'il s'en reproduit de semblables dans les éclipses prochaines,
et la Photographie ne peut rien nous apprendre à cet égard.
Dans d'autres circonstances, on a trouvé sur les épreuves pho-
tographiques des protubérances que personne n'avait obser-
vées directement, d'où il faudrait conclure qu'il y en a qui
n'émettent que des rayons chimiques. De plus, il y aurait lieu
de comparer les résultats de l'observation directe avec ceux
de l'observation spectrale. Aussi, quels que soient les progrès
de la science et la perfection de nos procédés, malgré l'emploi
si précieux des méthodes photographiques, il ne sera pas inu-
tile, dans les prochaines éclipses, de faire aussi de bonnes ob-
servations optiques des protubérances.
- 377 -
§ II. — P/iolograp/iies obtenues en Espagne pendant
l' éclipse de 1860.
Afin de mettre le lecteur au courant des moyens employés
par les astronomes pour photographier les éclipses, nous ex-
poserons en détail les préparatifs qui furent faits en 18G0 et
les résultats qu'on obtint alors. Quelques essais avaient déjà
été faits précédemment; mais cette tentative est la première
qui ait été couronnée d'un succès véritable. Pour les expédi-
tions suivantes, nous nous bornerons à enregistrer les résul-
tats. Nous avons déjà dit que deux expéditions furent organi-
sées pour observer photographiquement l'éclipsé de i8(Jo : la
j)remière par M. de la Rue, la seconde par nous, avec la colla-
boration de M. Aguilar, directeur de l'Observatoire de Ma-
drid, et de M. le professeur jMonserrat, de Valence. M. de la
Rue choisit Rivabellosa, près de l'Atlantique, tandis que nous
avions pris position au Desierto de las Palmas, auprès de la
^Méditerranée.
Nous avions tous les deux une grave difficulté à vaincre,
car nous ignorions complètement le pouvoir photogénique
que possède la lumière pendant les éclipses; nous ne savions
donc pas s'il nous serait possible d'obtenir des épreuves en
opérant avec la rapidité qu'exigeaient les circonstances. M. de
la Rue avait adopté l'hèliographe de Rew, et, comme les images
formées directement au foyer de l'objectif étaient très-petites,
il préféra les agrandir avec l'oculaire. Nous préférâmes, au
contraire, prendre l'image directe donnée par l'objectif de
Cauchoix. Cette image, ayant 2% millimètres de diamètre,
donnait déjà des résultats parfaitement visibles, et d'ailleurs
il nous restait toujours la ressource de l'agrandir par l'un des
procédés connus. Deux raisons nous portèrent à préférer cette
— 378 —
méthode : i° la faible intensité de la lumière, qui, en la sup-
posant égale à celle de la pleine Lune, semblait devoir exiger
une minute d'exposition si nous agrandissions l'image : en
opérant sur l'image directe, nous trouvions plus de sûreté ;
2° cette méthode nous permettait de faire un plus grand
nombre d'épreuves dans le même temps, et, par conséquent,
de fixer un plus grand nombre de phases.
Le résultat a prouvé que les deux systèmes sont excellents
et que chacun d'eux a ses avantages. On distingue plus de
détails dans les images agrandies; mais l'image directe fixe
une plus grande étendue de la couronne.
Notre première plaque ne fut exposée que pendant six se-
condes, et cependant, outre les protubérances, elle montre
une trace parfaitement sensible de la couronne. La deuxième
fut exposée pendant vingt secondes environ ; mais trois se-
cousses imprimées à l'équatorial pendant ce temps ont pro-
duit autant d images distinctes et séparées des protubérances :
il faut en conclure qu'avec un objectif de 6 pouces, comme le
nôtre, un temps très-court suffit pour la reproduction de ces
appendices. Le choix de la méthode dépend donc du but
qu'on se propose; mais, avec les moyens si délicats dont on
dispose aujourd'hui, on peut abréger la durée de l'exposition,
et il n'est pas nécessaire d'employer de très-grandes lunettes.
Lord Lindsay a obtenu des résultats merveilleux en agran-
dissant des images qui n'avaient que 8 ou lo millimètres de
diamètre. Pour les protubérances, si l'on veut les photogra-
phier avec l'objectif seulement, elles seront toujours brûlées,
à moins que l'exposition ne dure qu'un instant ; aussi vaut-il
mieux les agrandir avec l'oculaire. Si l'on n'emploie que l'ob-
jectif, avec une exposition absolument instantanée, on pourra
parfaitement distinguer les détails des protubérances.
Un an après l'éclipsé, nous avons, avec M. de la Rue lui-
11
- 379 -
même, agrandi nos petites photographies, de manière à obte-
nir des épreuves ayant les mêmes dimensions que les siennes,
et nous avons trouvé une identité parfaite dans les détails les
plus délicats. La seule différence consistait en ce qu'à Riva-
bellosa les protubérances supérieures étaient j)lus hautes,
tandis qu'elles étaient un peu plus petites au Desierto; le con-
traire avait lieu pour les protubérances de la partie infé-
rieure. Ce phénomène était dii à une petite différence de pa-
rallaxe, les observateurs étant, l'un un peu au nord, l'autre
un peu au sud de la ligne centrale de la totalité [voir les Mé-
moires de robsen'aloire du Collège Romain, i8G3).
Il suffira donc de décrire nos photographies et de les com-
parer avec celles du savant anglais. Nous reproduirons ici les
trois plus importantes, la première, celle du milieu et la der-
nière.
Iu3i Jig. i34 représente la première épreuve prise immédia-
tement après le commencement de la totalité. Elle contient
sept protubérances principales :
A. Protubérance ayant deux sommets très-rapprocliés et
peu élevés. Dans les photographies de jM. de la Rue, elle est à
peine visible, on n'aperçoit que les deux sommets; cela tient,
comme nous l'avons dit plus haut, à un effet de parallaxe.
C. Grande j^rotubérance en forme de nuage, inclinée de
45 degrés, arrondie à sa base, pointue au sommet, ])ossédant
une structure hélicoïdale, comme le montre la figure agrandie
de M. de la Rue.
E. Petits nuages très-déliés dont l'ensemble forme une
corne recourbée, ayant une hauteur d'environ n' l\o" . Cette
protubérance, retrouvée à la loupe dans nos petites photo-
graphies, décida M. de la Rue à les agrandir pour les compa-
rer aux siennes. Cette circonstance prouve la précision de nos
clichés. Malheureusement, de INIadrid on fit circuler, immé-
— 380 —
diatement après l'éclipsé, des épreuves sur papier assez défec-
tueuses, ce qui nuisit beaucoup à nos photographies, dans
l'esprit même des savants, jusqu'au moment où la reproduc-
tion, faite sous les yeux de M. de la Rue lui-même, vint jus-
tifier ce que nous avions avancé sur l'identité de nos résul-
tats comparés aux siens.
Fig. i34.
H. Amas compliqué de petits nuages dont la partie infé-
rieure forme une espèce de croix.
G. Amas énorme de matière brillante qui a solarisé les
épreuves, de sorte que les détails intérieurs ont disparu. Sa
forme arrondie prouve qu'elle n'était pas en contact immédiat
avec le Soleil, mais suspendue dans son atmosphère. Vue dans
la lunette, elle offrait parfaitement l'aspect d'une chaîne de
montagnes, par les dentelures et les pointes jaunâtres qui la
terminaient à son sommet. On peut remarquer que cette pro-
— 381 —
tubérance semble pénétrer dans le disque de la Lune et y for-
mer une entaille. Cette apparence est due au mouvement
même de la Lune pendant la durée de l'exposition de la
plaque, La Lune, avançant dans la direction où se trouve la
protubérance, ne pouvait détruire l'impression déjà produite
par la partie brillante, tandis que sa présence empêchait
l'action de la couronne qui n'est pas aussi rapide. Dans les
photographies agrandies, on voit que les bords de la protu-
bérance sont parfaitement tranchés, tandis que celui de la
Lune reste indécis. Cette circonstance explique aussi un phé-
nomène curieux qu'on a remarqué dans les photographies de
M. de la Rue : les plaques ayant été exposées une minute, le
mouvement de la Lune s'est fait sentir plus fortement ; aussi
son bord parait-il double, et c'est à l'intérieur de son disque
qu'on voit l'arc rosé dont nous avons parlé
L Flamme gigantesque, ou plutôt énorme cumulus, dans
lequel on distinguait des nuances de jaune et de rouge. M. de
la Rue la comparait à un arbre abattu.
R. Proéminence à deux sommets, dont l'un, plus délié et
moins vif, se prolonge en forme de corne. Cette protubé-
rance est plus petite dans nos photographies que dans celles
de M. de la Rue, pour une cause analogue à celle qui a pro-
duit l'effet contraire au point A,
Dans toute la partie gauche, on ne voit encore aucune pro-
tubérance.
La ligne noire XY représente un fil tendu dans la lunette
et dirigé suivant le parallèle céleste, afin de relever la position
des protubérances par rapport à l'équateur solaire.
La deuxième photographie {^fig- i35) avait d'abord été reje-
tée comme inutile, ainsi que nous l'avons dit ci-dessus, car, à
cause d'un choc donné à la lunette, il s'était produit des im-
pressions multiples, mais en réalité elle est, par cela même,
- 382-
très-précieuse : elle prouve d'une manière évidente la puis-
sance actinique de ces flammes, car quelques-unes de ces
impressions ont été produites en moins de trois secondes [*).
La troisième photographie {/ig. i36) a demandé trente se-
condes d'exposition. Les protubérances commencent à mon-
trer leurs sommets du côté gauche, et elles deviendront de
plus en pkis distinctes. Ce qu'il y a de plus remarquable dans
Fis. i35.
cette figure, c'est la couronne. Elle est très-irrégulière, mais
on peut remarquer qu'elle présente une étendue plus consi-
dérable à droite et à gauche que dans les autres directions,
c'est-à-dire qu'elle est plus développée dans le plan de l'é-
quateur que suivant la ligne des pôles, et plus encore à la la-
titude de 4o à 5o degrés. Nous avons déjà relevé ces détails
en parlant de la couronne; mais nous devons ajouter ici que
(') Lajîg. i35 représente les protubérances en noir, comme elles sont dans les cli-
chés, tandis que toutes les autres figures les représentent en blanc, comme on le voit
dans les épreuves positives.
- 383
la «gravure est iiu apahlc, malgré le talent merveilleux des
artistes, de reproduire toutes les nuances qu'on observe dans
les originaux.
La dernière de nos photographies est représentée dans la
fig. 137. A la suite (lu point K, on reiuontre une petite proé-
minence, et, entre les deux, une autre encore plus petite.
Fij;. i3ri.
Elles ne sont pas visibles dans les épreuves de M. de la Rue,
à cause de la différence de parallaxe que nous avons déjà
signalée.
L est une protubérance très-élevée dont le sommet est net-
tement tracé dans toutes les photographies.
En Q est un arc rosé très-étendu ; il est solarisé dans
notre épreuve, et il n'a pas été mieux réussi dans celle de
M. de la Rue. Heureusement que nous pouvons, par des ob-
- 384 —
servations directes, rétablir les détails qui sont effacés. Un
instant après le milieu de la totalité, je regardai la région où
le Soleil allait sortir du cône d'ombre; je vis paraître une
série de flanunes vivement colorées en jaune et en rouge, et
surtout je remarquai un nuage allongé de couleur rose, par-
f;iitement suspendu dans l'intérieur de la couronne. J'en don-
Fig. 1,37.
nai immédiatement avis à mes collègues, afin qu'ils pussent
contrôler mon observation, et je fis aussitôt le dessin qui est
reproduit dans \^fig. i38.
Cette forme était pour moi du plus grand intérêt, car je la
regardais alors comme décisive au point de vue de la théorie ;
elle confirmait, d'une manière éclatante, des idées que nous
pouvons maintenant appuyer sur des bases encore plus solides .
Il est regrettable que, dans cette phase, les deux séries de
photographies se soient trouvées imparfaites; mais enfin nous
— 38rj -
possétloiis 1rs (l()("iMn(Mils nécessaires pnui- constat* r ce (|ne
nous désirions connaître. La encor»' nons reniar(|U(!ns (|ue les
protubérances empiètent sur le (listjue de la Lune, ( oiunie
nous l'aNonsdejà lait ol)ser\<'r. Nous retrouvons aussi la j)r()-
tubéiance K, la dernière (jue nous a\ons signalée dans le
dessin d<' \d Jti(. liS.
Afin de j)on\ oir comparer nos pliotographios avec celles de
M. de la Rue, nous les a\()ns agrandies de manière à obtenir
une figure de même dimension c[ue les siennes; puis, après
avoir builé une épreuve pour la rendre transparente, nous les
avons superposées et nous avons pu constater une identité
T\a. 1.18.
parfaite, sauf les détails indiqués ci-dessus; aussi croyons-
nous iiuitile de reproduire les dessins de M. de la Rue.
De ces importantes observations on peut évidemment tirer
les conclusions suivantes :
1° Les protubérances ne sont pas de simples apparences
produites par des illusions d'optique : ce sont des pliénomènes
réels avant leur siège dans le Soleil. Nos observations a\ant
été faites à deux points distants l'un de l'autre d'une centaine
de lieues, il est impossible de suppONcr (pie des figures aussi
nettes et aussi identicjues soient produites par un pbénomène
de mirage ou par quebpie autre cause semblable.
2° Les j)rotubérances sont des amas de matière lumineuse
ayant une grande vivacité et possédant inie activité photogé-
nique très-remarquable. Cette activité est si grande, que j)lu-
sieurs des protuljérances que nous voyons sur nos épreuves,
— 386 —
et précisément hi protubérance E {Jig.i?>l\), n'ont pu être
observées directement, même avec de bons instruments : c'est
peut-être parce qu'elles n'émettaient que des rayons chimi-
ques et peu ou point de rayons lumineux.
S** Il y a des amas de matières protubérantielles suspendus
et isolés comme des nuages dans l'atmosphère. Si leur forme
est variable, les variations se sont produites assez lentement
pour qu'il ait été impossible de les constater durant un inter-
valle de dix minutes.
4° Outre les protubérances, il existe une couche de la
même matière, et qui enveloppe le Soleil de toutes parts. Les
protubérances proviennent de cette couche : ce sont des
masses qui se soulèvent au-dessus de la surface générale et
s'en détachent même quelquefois (' ). Quelques-unes d'entre
elles ressemblent aux fumées qui sortent de nos cheminées ou
des cratères des volcans, et qui, arrivées à une certaine hau-
teur, obéissent à un courant d'air en s'inclinant horizonta-
lement.
S*' Cette conclusion ressort évidemment de la protubé-
rance C ; elle avait déjà été mise en évidence par les nom-
breuses protubérances observées en i85i et surtout en i855.
6° Le nombre des protubérances était incalculable. Dans
l'observation directe, le Soleil nous parut tout environné de
flammes; elles étaient tellement multipliées, qu'il nous parais-
sait impossible de les compter. L'observation photographique
a pleinement justifié cette première impression (^ ).
7° La hauteur des protubérances est très-considérable,
(') Cette conclusion fut alors regardée comme une hypothèse hasardée; c'est
maintenant une vérité qu'on vérifie tous les jours.
(') Nous savons maintenant que le nombre des protubérances est très-variable
avec le temps. En iSCo, le Soleil était dans une époque de grande activité.
I
— 387 —
surtout si l'ou remarque que, pour l'évaluer, il faiit tenir
eompLe dv, la j)artie éclipsée par la Lune. Ainsi la protubé-
rance E n'a pas moins de 3 minutes de hauteur, ce qui
correspond à ro fois le diamètre de la Terre; les autres ont
pour la plupart de i à 2 minutes d'élévation.
§ 111. — Obseivations poslcrieiires des protubérances. — Leurs
relations avec la couronne.
Les phénomènes observés en 18G0 ont été confirmés par
toutes les observations postérieures. J^^fig. iSc) est tirée des
photographies du major Tennant, photographies exécutées à
Ountoor, dans les Indes, pendant l'éclipsé de 1868, et repro-
duites à Londres par M. de la Rue. On y voit la route suivie
j)ar la Lune, ainsi que son contour au commencement et à la
fin de la totalité. On y voit également la position de l'équateur
solaire et celle des pôles ('). Dans la gravure anglaise on avait
exagéré la grandeur des taches. Nous leur avons restitué leur
position et leur grandeur véritables, d'après les observations
faites le même jour au Collège Romain.
O^tte figure parle assez par elle-même et fait voir quelles
sont les dimensions des protubérances. Par l'observation di-
recte, on avait trou\ é pour la corne A une hauteur de 3 mi-
nutes; il résulte de l'observation photographique que cette
hauteur est réellement de 3' 22", plus de 10 fois le diamètre
de la Terre, environ 65oooo kilomètres.
Dans cette éclipse, le nombre des protubérances n'était
pas moins grand qu'en 1860. De plus, les observateurs étant
(") Monthlj Notices ofastr. Soc, t. XXIX, p. 3.
25.
— 388 —
échelonnés sur une ligne très-longue, leurs observations em-
brassent un intervalle de temps plus considérable. Or on
trouve que la grande protubérance photographiée à Aden par
Texpcdition allemande diffère un peu de celle qui a été pho-
tographiée à Guntoor. On a donc la preuve d'un mouvement
Fig. 139.
intérieur qui s'est produit d'une manière sensible pendant un
intervalle de quarante minutes. La réalité de ce mouvement
et des changements qui en sont la conséquence parait d'ail-
leurs confirmée par les dessins des différents observateurs.
Ainsi, à ^Malacca, les observateurs français représentent la
protubérance A inclinée vers la droite. Deux heures quarante
minutes plus tard, à ^Nlantawalock, elle apparaissait comme
une tour droite avec une pointe dirigée dans le sens op-
- 389 -
posé ( //i,'". 1 'lo.l) . A \(l(Mi rllc paraissait inclinéeàdroilc, tandis
(|u'à Lal)()uan elle se (Iiii<;eait vors la gauche. Du reste les ob-
servations opti(|ues s'accordcnl avec les photographies pour
la représenter avec une structure spirale, comme l'indique la
fig. i4o, due au major Tennant. La réalité de ces variations
ne peut plus être révo([uée en doute.
On a également remarqué dans les photographies les traces
de l'arc rosé et une nébulosité assez vive s'étcndant de l'ccjiia-
teur solaire jusqu'à la région des taches, observation cpii jus-
tifie ce que nous avions dit en 1860 de la forme elliptique de
l'atmosphère solaire. Cette atmosphère est indiquée dans la
fig. i3f) par un trait ])oiictué. En i8Gj, le P. Cappelletti avait
observé dans la même région une hmiière plus vive, et il avait
jîu faire cette remarque malgré un voile de nuages qui cou-
vrait la couroiuie.
Les astronomes américains ont fait d'intéressantes photo-
graphies pendant l'éclipsé de 1869. Ils ont obtenu des impres-
sions directes en une seconde, ce qui montre une fois de plus
la grande activité chimique de la lumière des protubérances.
Il faut aussi en conclure qu'on peut photographier un grand
nombre de phases de la même éclipse en se servant de châssis
qui permettent de produire plusieurs impressions successives
sur les différentes parties d'un même cliché : on évite ainsi
la perte de temps qui est inséparable de l'opération lorsqu'on
est obligé d'enlever le châssis pour en mettre un autre à sa
place. Nous avions préparé nos appareils pour suivre cette mé-
— 390 —
tliode au 20 décembre 1 870, mais l'état du ciel ne nous permit
pas de réussir, l^^fig- 1 4 1 montre quelle était ce jour-là la distri-
bution générale des protubérances et l'élévation considérable
qu'elles atteignaient. Celles qui sont désignées par les chiffres
4 et 5 avaient une hauteur de 2'i5", c'est-à-dire environ
8- fois le diamètre de la Terre. Elles ressemblent à des jets de
matière gazeuse ou à des nuages entraînés par les courants
Fig. i^i.
violents. La photographie reproduisit les arcs lumineux au
delà des limites qui leur étaient assignées par les observations
optiques. Ces épreuves furent oljtenues directement au foyer
de l'objectif. Le D'" Curtis obtint les siennes en agrandissant les
images avec l'oculaire ; elles donnent au contour des protubé-
rances une structure vaporeuse qui convient parfaitement à
de véritables nuages.
Tels sont les résultats auxquels on est parvenu en étudiant
ces phénomènes dans les occasions si rares et si aventureuses
- 391 -
(les éclipses; nous pouvons les nvsunicr de la nianirrc sui-
vante.
Le Soleil est environné d'une atmosphère très-élevée, dont
la hauteur est au moins éiiale à la moitié de son ravon. Elle
est plus étendue à l'équatcur qu'aux pôles, et de plus sa hau-
teur et son é( lat présentent deux maximum de part et d'autre
de ré([uateur entie 3j et 4'> degrés de latitude. Dans cette
atmosphère flotte une couche continue de matière rose, pos-
sédant un grand pouvoir photogénique, dont la hauteur est
^ariable et le contour irrégulier. Cette matière se soulève
quelquefois et forme tantôt des colonnes verticales, tantôt des
nuages isolés ; ces colonnes et ces nuages sont entraînés d'une
manière très-appréciahh^ par des courants atmosphériques.
La couche rose possède une hauteur plus considérable et une
plus grande activité photogénique dans la région des taches,
là même où nous avons déjà constaté la plus grande élévation
de température.
j\Iais il aurait fallu bien des siècles pour arriver à connaître
la structure de cette couche et les mouvements dont elle est
le siège, sans l'heureuse découverte qui nous permet mainte-
nant de l'observer tous les jours et d'étudier à chaque in-
stant sa composition chimique et les variations capricieuses
qu'elle subit. Les premiers pas faits dans cette voie méritent
d'être connus, et c'est pour cela que nous allons exposer en
détail l'historique de cette découverte.
— 392
1
CHAPITRE lY,
OBSERVATIONS SPECTRALES FAITES PENDANT LES ÉCLIPSES.
§ I. — Xalure chimique des protubérances .
Avant l'année 18G1, on aurait regardé comme impossible
de déterminer la nature chimique des substances qui se
trouvent dans les corps célestes; mais, depuis les découvertes
de MM. Bunsen et Kirchhoff, depuis les progrès de l'analyse
spectrale, ce problème est devenu du même ordre que ceux
que le chimiste résout chaque jour dans son laboratoire.
Nous ne reviendrons pas sur les premiers principes de cette
science, que nous avons exposés précédemment.
A l'approche de l'éclipsé de 1868, on se proposa d'étudier
particulièrement la nature des protul)érances en profitant des
nouvelles découvertes de l'analyse spectrale. Les questions
à résoudre étaient les suivantes :
1° Les protubérances sont-elles composées de matières so-
lides et doit-on les comparer à des nuages simplement incan-
descents, ou bien sont-elles des masses véritablement ga-
zeuses?
2° Quelles sont les substances qui entrent dans leur com-
position ?
La première de ces deux questions devait être résolue aus-
sitôt qu'on dirigerait un spectroscope vers les protubérances ;
il s'agissait simplement de voir si le spectre était continu ou
non. Nous savons, en effet, qu'une matière simplement incan-
~ 393 -
descente produit un spectre continu : c'est ce qui arrive pour
le charbon qui se trouve en suspension dans la flamme d'une
bougie. Les gaz eux-mêmes peuvent donner un spectre con-
tinu lorsque leur température est extrêmement élevée; mais,
toutes les fois qu'on obtient un spectre composé de raies bril-
lantes séparées les unes des autres par des espaces noirs, on
a certainement affaire à une matière gazeuse dont la nature
chimique peut être déterminée par le nombre et la position
des raies. Le problème était, en pratique, plus difficile qu'on
ne l'avait supposé d'abord; mais ces difficultés n'effrayèrent
pas MM. Janssen, Rayet, Herschel, Weisse et Tennant qui se
dévouèrent à ce travail .
Il fallait avoir des lunettes puissantes, capables de former
des images assez nettes des protubérances; de plus, ces lu-
nettes devaient avoir un mouvement automatique, afin que
les images produites sur la fente du spectroscope v fussent
retenues pendant un temps assez considérable. Les spectro-
scopes devaient avoir un pouvoir dispersif assez grand pour
séparer les raies ; il fallait cependant éviter d'exagérer leur
pouvoir, afin de perdre le moins de lumière possible. Il y avait
donc lieu d'étudier les meilleures conditions pour bien obser-
ver, et, comme il était impossible de faire des essais prélimi-
naires, on devait croire que la ])remière éclipse servirait sur-
tout à faire l'épreuve des différentes méthodes. En vue de
faciliter le succès, nous proposâmes d'employer un spectro-
scope simplifié, réduit à un simple prisme à vision directe
placé entre l'objectif et l'oculaire ('). En observant ainsi, on
aurait décomposé la lumière des protubérances comme on
fait pour la flamme d'une lampe à alcool dans laquelle brûlent
(' ) Comptes re/idi/s des séances de V Académie des Sciences, t. I.XVI, p. l^oi.
- 394 —
plusieurs sels différents. On n'a employé ce procédé que plus
tard; mais, avec d'autres méthodes, on a obtenu de bons ré-
sultats, comme nous le verrons bientôt.
Toutes ces difficultés ne découragèrent pas les astronomes,
et leurs efforts furent couronnés par un magnifique succès.
Les observateurs les plus heureux furent ]M. Janssen à Gun-
toor, M. Rayet à ]Malacca, le capitaine Herschel et le major
Tennant à Guntoor, M. Weisse à Aden. L'éclipsé présenta
des circonstances très-favorables; l'énorme protubérance A
(fig. i39 et i4o) fut immédiatement aperçue par les observa-
teurs qui dirigèrent vers elle tous leurs instruments et consta-
tèrent immédiatement un spectre discontinu formé d'un petit
nombre de raies brillantes. La première partie du problème
était donc résolue : on avait acquis la certitude que les pro-
tubérances sont des masses gazeuses.
Il s'agissait alors de reconnaître la nature des substances
qui les composent, et cette seconde question n'était pas aussi
simple que la première; car il s'agissait de fixer la position
des raies par rapport à une échelle quelconque, en prenant
pour terme de comparaison le spectre d'une substance connue
ou celui du Soleil. Il y eut dans cette partie des observations
une incertitude bien pardonnable, vu la difficulté de l'entre-
prise, difficulté qui fut encore accrue par la présence des
nuages.
L'analyse la plus détaillée est celle de M. Eavet. Il observa
dans le spectre de la protubérance A sept raies principales,
dont quelques-unes avaient une telle vivacité qu'elles produi-
saient une espèce de queue dans le champ de l'instrument. La
Jig. iL\'2 est la reproduction de celle qui fut publiée dans les
Comptes rendus des séances de V Académie des Sciences. Dans
cette figure, on a employé les mêmes lettres que Fraunhofer
pour désigner des raies que l'on croyait coïncider avec les
- 39a -
siennes; mais il y tut (|ii(l(|uc's incxarliludes dans cette appré-
ciation. On a désigne par 1> la raie qui correspond réellement
à la raie C de Fraindiofer ; quant à celle qu'on a marquée D, sa
position n'est qu'approchée, ainsi que celle de G. La position
de F est rigoureusement exacte. Janssen et Herschel ont si-
gnalé la vraie position de C; Herschel ne put cependant la
donner d'une manière précise à cause des nuages qui gênèrent
ses observations.
iNI. Rayet mit successivement la fente de son spectroscope
dans deux directions rectangulaires; aussi sommes-nous par-
faitement certains que le spectre ainsi observé appartient bien
b F,
Il I I
réellement à la protubérance. Dans une seconde observation,
il analysa la lumière d'un second point, et il ne trouva plus
qu'une seule raie située dans le violet, d'où il faudrait con-
clure que toutes les protubérances n'ont pas la même compo-
sition chimique.
L'existence de la raie F étant parfaitement constatée, on
était bien sur que le gaz hydrogène était l'une des ma-
tières composant cette protubérance ; mais il fallait déterminer
la nature des gaz auxquels appartiennent les autres raies. La
température était évidemment très-élevée et comparable à
celle que produit le passage de l'étincelle électrique dans les
tubes de Geissier. Du reste cette comparaison sert à expli-
quer la couleur rose des protubérances, puisque l'hydrogène
se colore ainsi lorsque, après l'avoir raréfié, on l'illumine par
une décharge électrique.
n
- 396 —
Cette étude était cependant incomplète, car il fallait s'as-
surer de l'identité des différentes raies. Cette détermination
paraissait exiger qu'on attendit une nouvelle éclipse ; mais
M. Janssen nous a dispensés de cette longue attente par une dé-
couverte de la dernière importance. Il fut vivement frappé du
brillant éclat de quelques-unes des raies des protubérances, et
il se demanda alors si ces mêmes raies ne seraient pas visibles
en plein jour. Malheureusement le ciel se couvrit de nuages
peu de temps après l'éclipsé, et il lui fut impossible ce jour-
là de vérifier sa conjecture. Dès le lendemain il se mit à
l'œuvre, et il eut l'insigne bonheur de voir en plein jour les
raies des protubérances. La fente de son spectroscope étant
exactement tangente au bord du Solf^il, à un endroit où la
veille il avait remarqué une flamme, il aperçut une raie
brillante colorée en rouge, correspondant à la raie C de
Fraunhofer; puis, dans le bleu, une autre raie brillante cor-
respondant exactement à la raie F. Ces deux raies sont pré-
cisément celles de l'hydrogène, et, par conséquent, ce gaz
est la principale des substances qui composent les protubé-
rances.
Le jour même où cette nouvelle arriva en Europe (20 oc-
tobre), M. Lockyer amionçait que, de son côté, il avait pu
voir, sur le bord du Soleil , les raies de l'hydrogène accom-
pagnées d'une raie inconnue située près de la raie D. Cette
découverte était assez importante pour qu'on s'occupât im-
médiatement de la vérifier, et il nous fut possible d'y réussir
le jour même où la nouvelle nous parvint. Les recherches
furent alors poursuivies avec ardeiu' par un grand nombre
d'astronomes. MM. Lockyer, Zôllner, Rayet, Wolf se mirent
à l'œuvre pour exploiter ce champ fécond, et nous avons
essayé de rivaliser de zèle avec eux. Nous parlerons, dans le
Chapitre suivant, de l'abondante moisson qui a été le fruit de
397 —
ce travail : nous devons en ce moment exposer la suite des
études qui ont été faites sur le même sujet pendant les
éclipses.
^ IL— Spectre des protubérances et du bord solaire
dans les éclipses postérieures de iS-yo et de iByi.
I/étude des protubérances pendant les éclipses présente
toujours un grand intérêt , ne lïït-ce que pour constater l'i-
dentité des raies qu'on observe dans les deux cas, et l'exac-
titude des formes déterminées par l'observation spectrale.
Cette étude fut donc reprise en 1869 par M. Harkness à Des
Moines en Amérique, et par M. Young à Burlington ; ils em-
ployèrent pour l'observation des protubérances des méthodes
plus parfaites et des instruments plus puissants que tous ceux
dont on avait disposé jusqu'alors.
L'appareil se compose de deux lunettes unies ensemble et
dont les axes sont parfaitement parallèles; l'une des deux est
munie d'un spectroscope , l'autre est disposée auprès de la
première comme un chercheur , mais elle est plus puissante
que ne le sont les chercheurs ordinaires : il serait même bon
que son pouvoir amplifiant fût égal à celui de la lunette spec-
trale. Elle contient un réticule composé d'une pointe très-
aiguë ou de deux fils très-fins croisés à angle droit, et l'appa-
reil doit être assez bien centré pour que le même objet forme
son image, d'une part à la croisée des fils du réticule dans le
chercheur, d'autre part sur la fente du spectroscope dans la
lunette principale. L'astronome peut donc, au moyen d'une
échelle convenablement éclairée et bien fixée dans le spec-
troscope, examiner sans préoccupation les raies qui s'offrent
à ses yeux, pendant que son aide, se servant du chercheur,
— 308 —
dirige siiccessivemoiit rappareil sur les différentes protubé-
rances qui environnent le disque de la Lune.
La /?"•.! 43 représente la position exacte et la grandeur
approchée des protubérances observées ce jour -là par
M. Eastman. C'est à cette figure que se rapportent les lettres
FiîT. i13.
contenues dans le tableau suivant avec la position des raies
correspondantes, indiquée d'après l'échelle de Kirchhoff.
PROTLBÉRA.NCES.
POSITION DF.S UAIES d' APRÈS l'ÉCUELLE DE KIUCUIIOFF.
a
69.3
loo;
i'i'j:
„
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//
C
693
1007
i'(97
n
2069
"
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•497
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2770
f
6)3
1007
'I97
//
2069
2770
Couronne seule.
"
//
•'.97
//
/'
II
La raie GyS correspond à C de Fraunhofer ou Ha de l'hy-
— 309 —
(Iro^t'iK*. A la pl.K <' (le loo-, il laut sans doiilc lue mi-, (jui
correspoiul à la raie jaune des protubérances. Cette raie, noin-
méc 1)3, est à une distance de !)' du sodium nn jxii plus
ijjrande (|ue le double de ICspae»' ("onipns entre ces deux
lignes. La raie 1/197 t^'st probablement identique à celle de la
couronne, (pii correspond à i.]'^!\. Le nombre 2oG() coires-
pond à IIj3 de lliydro^ène, i(")ii apparti» nt au magnésium
ou peut-être au fer, 2770 correspond probablement à Hy de
riivdrogène. La position de toutes ces raies n'est pas rigou-
i-eusement exacte; mais les divergences sont assez faibles poui"
qu'on puisse les attribuer aux erreurs d'obser\ation (pii
sont inévitables dans ces circonstances ( *).
Le tableau que nous avons mis sous les veux du lecteur
conduit à admettre que les raies ne sont pas les mêmes dans
toutes les protubérances; mais M. Ilarkness exj)liquc cette
tlifférence j)ai' les circonstances mêmes de l'observation. Une
même protubérance ne donne pas, en effet, le même nombre
de raies suivant le point qu'on examine : il v en a plus à la
base et moins au sommet. Il parait probable qu'elles doiuie-
raient le même spectre si on les observait toutes à la même
hauteur.
Quelques observateurs ont aperçu d'autres raies que celles
qui sont contenues dans le tableau précédent; mais ils n'en
ont pas fixé la position d'une manière précise, ce qui enlève
à leurs observations une grande partie de leur valeur.
En 1870, quoique les astronomes fussent principalement
occujiés à étudier la couronne, on ne négligea cependant pas
l'étude des protubérances. MM. Nobili et Lorenzoni à Terra-
nova et ]\I. lUu'ton à Aui^usta obsiM'vèrent des raies très-
(') foir la coUcctioa intitulée : Rci>orts f)ubl. bj corn. Sands, p. G4.
- 400 -
nombreuses ; mais la présence des nuages ne leur permit pas
d'en fixer la position d'une manière précise. Pour nous,
comme nous avions pris la direction des opérations photo-
graphiques, il nous fut impossible de nous occuper des ob-
servations spectrales, si ce n'est à la fin de la totalité, comme
nous le dirons dans le paragraphe suivant.
§ III. — Décomerles dues à F étude spectrale
du bord solaire.
Les découvertes les plus importantes qui furent faites pen-
dant les éclipses de 1870 et de 1871 sont celles qui firent con-
naître la constitution des bords du disque et révélèrent, par
conséquent, la nature intime de la couche la plus extérieure
du globe solaire.
Occupés, comme nous l'étions, à l'exécution des photogra-
phies, il nous fut impossible d'observer le spectre pendant la
plus grande partie de l'éclipsé; mais aussitôt que la totalité
fut terminée, en quelques secondes seulement, grâce à un
mécanisme très-simple, nous pûmes diriger notre spectro-
scope vers la pointe effilée du croissant solaire, Nous fûmes
très-surpris de voir un spectre tout à fait discontinu, et nous
pensâmes immédiatement que la fente du collimateur était
sans doute chargée de poussière. Nous n'aurions pas dû
nous arrêter à cette pensée, car la ]:)0ussière aurait produit
des lignes longitudinales, tandis que les raies brillantes que
nous avions sous les yeux étaient perpendiculaires à la lon-
gueur du spectre ; sans prendre le temps de la réflexion,
nous regardâmes la fente pour la nettoyer; mais nous trou-
vâmes qu'elle était très-élargie : on l'avait ainsi disposée pour
étudier directement les protubérances. Nous reconnûmes
— 401 —
alors que nous avions sous les yeux: un phénomène jusqu'a-
lors inconnu, et, après avoir rétréci la fent(>, nous dirigeâmes
de nouveau l'instrument vers l'angle du croissant solaire. La
discontinuité subsistait encore , mais beaucoup moindre
qu'auparavant; au bout de quelques secondes elle cessa com-
plètement et le spectre reprit sa structure ordinaire. Nous
avions donc observé un spectre d'une nature toute particu-
lière, composé d'une multitude de lignes brillantes et ren-
versées, qu'il nous fut impossible d'analyser, et qui appar-
tient exclusivement au mince filet du bord solaire.
M. Young fut plus heureux ; occupé exclusivement de l'é-
tude spectrale, il put observer complètement le phénomène
que nous n'avions fait qu'entrevoir.
Voici ses propres paroles : « Quelques instants avant la
totalité, j'avais disposé la fente tangentiellement au bord so-
laire, et je regardais la raie i474 ^^li menait de s'illuminer
ainsi que celle du magnésium et du fer. A mesure que le
croissant devenait plus mince, je notais l'évanouissement suc-
cessif de toutes les raies situées dans le champ de l'appa-
reil, mais rien ne m'annonçait le beau phénomène dont je fus
témoin à l'instant où la Lune couvrit complètement toute la
photosphère. Alors le champ se remplit subitement de raies
lumineuses qui brillèrent comme un éclair et disparurent peu
à peu; au bout de deux secondes, il n'en restait plus rien,
si ce n'est les deux que j'avais aperçues tout d'abord. Je ne
puis pas sans doute assurer que toutes ces lignes brillantes
occupaient dans le spectre la même position que les raies
noires qui les avaient précédées ; je crois cependant en être
certain, car j'eus le temps de remarquer cette identité dans
différents groupes, et je fus frappé de l'intensité relative et de
la disposition générale de ces raies comme d'une chose qui
m'était bien familière. Cette observation confirme l'existence
I. 2G
— 402 —
du spectre continu trouvé par Secchi au bord du disque, et
je crois qu'elle appuie les idées de Rirchhoff sur la constitu-
tion du Soleil et sur l'origine des raies du spectre {*). »
Telles sont les paroles de M. Young. Nous reviendrons
bientôt sur sa dernière réflexion. Nous devons en ce moment
continuer le récit des observations faites sur le même sujet.
Le phénomène signalé par Young était trop important pour
qu'on ne prit p:is des mesures afin de l'observer de nouveau
en 1871, et il fut en effet l'objet des recherches de plusieurs
savants. Dans l'impossibilité où nous sommes de reproduire
toutes les observations qui ont été publiées, nous croyons
devoir donner ici le texte même du Rapport de M. Maclear,
le plus heureux de tous les observateurs :
(( Au moment du premier contact, aucun changement ne
fut signalé dans le spectre En maintenant pendant un quart
d'heure la fente du collimateur tangentiellement à la pointe
septentrionale du croissant, on vit la ligne C très-brillante
dans toute sa longueur; la ligne F était aussi lumineuse,
mais faible. La fente ayant alors été disposée perpendiculai-
rement au croissant, quatre lignes brillantes devinrent vi-
sibles près de la raie C qui conserva son éclat : l'une était
à sa droite, à une distance plus petite que 10 unités de Kircli-
hoff ; les trois autres étaient du côté du rouge, à une distance
plus petite que 20 unités (^). Les longueurs de ces lignes
variaient d'un instant à l'autre, mais non pas simultané-
ment; en moyenne, elles occupaient { de la hauteur du
spectre visible.
» A 6^'5 1"\ temps moven, vingt-cinq minutes après le pre-
(') \ o\r American Journal of Science, febr. iS'7!, el Nature, i febr. 1871.
(') Ces ligues seiiiblciu être celles qui deviennent très-noires dans le spectre des
taches.
- 403 -
mier contact, le spectroscope étant dirigé vers une large pro-
tubérance, on vit la raie C s'allonger jusqu'à occuper la moi-
tié de la hauteur du spectre. Neuf minutes plus tard, la pointe
du croissant coïncidnit avec une autre protubérance située à
environ i3 degrés du nord.
» A y** 8™, avec un spectroscope à vision directe dont la fente
était dirigée suivant un rayon du discpie solaire, je vis une
raie brillante un peu plus réfrangible que la bande de l'azote,
située entre b et F. Vers i83o de l'échelle de Rirchhoff, il y
avait une raie très-faible qui disparut bientôt ; mais presque
aussitôt la raie F parut se dédoubler sur une hauteur à peu
près égale à sa hauteur ordinaire, \ du spectre.
» A 7'' 23™, observant de nouveau avec le spectroscope à
six prismes dont la fente était perpendiculaire au croissant,
j'ai vu les raies de l'hydrogène, puis D, E et 6 de même épais-
seur dans toute leur étendue, et en même temps plusieurs
autres raies commençaient à devenir visibles : autant que j'ai
pu en juger, c'étaient toutes les raies du fer situées dans l'in-
tervalle compris depuis la demi-distance de D à E jusqu'au
delà de b. Ces raies du fer conservant leur éclat et devenant
plus nombreuses, j'appelai M. liOckyer pour le rendre témoin
de ce phénomène; nous le summes ensuite pendant deux ou
trois minutes, jusqu'au moment où il fallut se disposer à ob-
server la totalité. Pendant ces deux ou trois minutes, les
pointes du croissant avaient passé de nord 38 degrés est à
nord 70 degrés est. Les raies demeurèrent d'ailleurs visibles
juqu'au moment où je déplaçai la lunette pour disposer la
fente tangentiellement au point où devait se produire le pre-
mier contact intérieur. Le champ du spectroscope était alors
rempli de lignes brillantes se détachant sur un spectre coloré et
éclairé juste assez pour montrer les lignes noires bien connues
du spectre solaire. Au moment de la totalité, la lumière dimi-
26.
— 40i —
niia, et les raies brillantes augmentèrent rapidement en nombre
et en éclat. A partir de ce moment, elles pâlirent , non pas
instantanément, mais assez vite pour qu'il me soit impossible
d'indiquer l'ordre de leur disparition. Toutefois, les raies de
l'hvdrogène D et ^, et quelques autres comprises dans l'in-
tervalle qui les sépare, restèrent visibles plus longtemps.
Celles-ci ayant disparu à leur tour, le champ devint complè-
tement obscur. »
Telle est la relation de 31. Maclear. La seconde partie
de l'éclipsé fut malheureusement perdue pour lui ; mais
M. Pringle et le capitaine Fyers ont, pendant cette seconde
phase , observé en partie le même phénomène ; plusieurs
autres observateurs ont également aperçu des raies brillantes.
M. Respighi , qui observait avec un simple prisme placé en
avant de l'objectif, ne vit aucune raie au commencement de
la totalité; mais il les observa au moment où elle allait cesser.
M. Pringle nous fait connaître une circonstance importante :
après avoir vu une multitude de raies brillantes, il observa
pendant quelques instants un spectre continu très-faible et
d'une étendue peu considérable. M. Respighi, observant près
du bord lorsque le croissant était encore très-mince, remarqua
que les raies de Fraunhofer étaient sensiblement plus noires
que de coutume.
§ IV. — Conclusions qui résultent des obsen-aiions
précédentes.
Tous ces faits sont extrêmement intéressants pour la théorie
du Soleil. Déjà nous \ avons fait allusion en exposant com-
ment nous avons pu reconnaître l'existence d'une couche
dont le spectre est continu; nous avons expliqué comment.
- 405 -
par un renversement partiel, cette couche fait disparaître les
raies noires : c'est cette observation que rappelle M. Young
à la fin du passage que nous avons cité plus haut. La région
du bord solaire, dans laquelle toutes les raies du spectre se
renversèrent successivement, doit en effet donner un spectre
continu lorsqu'on l'observe en dehors des éclipses, car l'éclat
lumineux des raies directes doit compenser l'obscurité des
raies d'absorption. Nous savons d'ailleurs que M. Pringle,
avec un appareil moins puissant, a vu en effet un spectre
parfaitement continu.
M. Janssen, dans ses observations de 18G8, a cherché en
vain la couche dans laquelle on doit, d'après la théorie de
Kirchhoff, apercevoir les raies renversées. Il s'attendait à
la voir avec une épaisseur considérable, ainsi que l'annon-
çait ]M. Kirchhoff; aussi, n'ayant pu rien voir de semblable,
de ce résultat purement négatif il crut pouvoir conclure que
cette couche n'existe pas et que l'absorption se produit dans
la photosphère. Il est malheureux qu'il ne s'en soit pas tenu
à l'idée qu'il avait émise lui-même, que cette couche est très-
peu élevée, ce qui est parfaitement exact.
Il résulte donc de toutes ces observations que la théorie de
Kirchhoff doit être admise comme démontrée, avec une seule
modification, c'est que la couche absorbante n'est pas aussi
élevée qu'il le supposait. Ajoutons cependant que cette mo-
dification n'a pas une aussi grande portée qu'on pourrait le
croire. Il est bien vrai cjue la partie de cette atmosphère qui
est assez lumineuse pour donner un spectre ne s'élève pas
très-haut; mais rien ne prouve que la diffusion des vapeurs
s'arrête là, et tout nous porte à croire qu'elles s'étendent
beaucoup plus loin, mais à un état qui ne leur permet pas
de nous envover de radiations lumineuses assez considérables
pour que nous puissions les observer dans les circonstances
- 406 -
ordinaires. Nous savons, en effet, que M. Respiglii, obser-
vant avec un simple prisme, a vu un spectre parfaitement
continu s'étendant à une grande distance des bords.
C'est ainsi que, par les observations importantes qu'elles
ont permis de faire, les éclipses ont complété la théorie de
l'origine des raies de Fraunhofer et amené le triomphe des
idées de Stoney et de Rirchhoff. Le Soleil est donc entouré
d'une atmosphère véritable, composée de vapeurs métalliques
qui, à cette température élevée, sont vraiment à l'état de gaz.
Les raies de Fraunhofer se produisent par absorption,
comme la bande noire qui se produit dans le spectre de l'arc
voltaïque lorsqu'on y brûle une masse un peu considérable
de sodium ou de thallium.
Qu'il nous soit permis de rapporter ici une remarque que
nous avons faite en i855 en étudiant l'étincelle électrique (').
Frappé de la discontinuité des spectres que donne dans
cette étincelle la vapeur des métaux, nous fûmes conduit
à poser nettement cette question : le Soleil n'est-il pas ga-
zeux? Nous n'hésitions pas à dire dès ce moment que, vu les
raies dont son spectre est sillonné, il doit être entouré d'un
fluide élastique absorbant. Nous étions alors bien loin de
devancer Rirchhoff en formulant avant lui la théorie que
nous venons d'exposer; mais le seul fait de la discontinuité
nous avait tellement frappé que nous n'hésitions pas à en
tirer la conclusion que nous venons de rappeler.
(') Nttoi'o Ciinento di Pisa, t. I.
I
— 407 —
§ y. — Analyse spectrale de la couronne.
Dans les premières observations spectrales des éclipses, on
n'a pas su distinguer les raies qui appartiennent à la cou-
ronne de celles qui sont dues aux protubérances. En i 8G8, le
major Tennant étudia la couronne en donnant à la fente de
son appareil une largeur assez considérable : il trouva un
spectre continu et faiblement éclairé. M. Janssen n'observa
non plus aucune raie, ni noire, ni brillante. M. Rzliia avait
disposé un spectroscope ordinaire pour analyser la lumière
de la couronne pendant la totalité ; il ncij it aucune raie, peut-
être à cause de la faiblesse de la lumière. M. Rennoldson,
observant avec un simple prisme en avant de sa lunette, dis-
tingua dans la couronne différentes teintes : rouge, jaune
verdâtre, bleu, violet (M. Il ne dit pas si ces différentes régions
étaient séparées l'une de l'autre ou bien si elles se succé-
daient sans interruption. On crut alors pouvoir conclure que
la lumière de la couronne est due à la réflexion des rayons
émanés du globe solaire.
Ces observations n'étant pas satisfaisantes, on se proposa
de faire de nouvelles études. En 1869, ■^^- Harkness remar-
qua qu'aux points où il n'y avait pas de protubérances la
couronne avait un spectre tout particulier, consistant en une
simple raie verte située tout près de la raie E du fer. M. Young
la regarda comme identique avec la raie i474 attribuée au fer
par Rirchboff, et il assure que l'incertitude ne dépasse pas
celle qui existe entre C et Ha de l'hydrogène, car il la voyait,
dans le champ de son instrument, se confondre avec la raie
C) l'oir l'excellent Recueil de M. "VVeiss sur cette éclipse, p. 3i.
- 408 —
noire correspondante. La longueur d'onde de cette raie 1474
est o'"™,ooo53i6.
Outre cette ligne verte, M. Harkness crut en voir deux
autres plus faibles. M. Young les remarqua aussi et leur assi-
gna des positions voisines de i:25o et i35o de l'échelle de
Rirchhoff; la première (i25o) coïnciderait à peu près avec
une raie observée par M. Winlock dans la lumière de l'aurore
boréale. Déplus, à la base de la couronne, les mêmes obser-
vateurs aperçurent un spectre continu faiblement éclairé.
Ces observations excitèrent l'attention des savants, et l'on
attendait l'éclipsé de 1870 pour lever tous les doutes et tran-
cher les questions non résolues, M. Harkness, à Syracuse, fut
contrarié par la tempête et ne put éclairer l'échelle de son
spectroscope : il dut se contenter de regarder les raies sans
pouvoir en fixer la position. M. Young put déterminer la po-
sition de la raie la plus importante avec une précision qui
paraît satisfaisante. M. Lorenzoni l'observa trois fois et lui
assigna une position comprise entre i463 et 1467, ce qui dif-
fère très-peu du résultat trouvé par jM. Young; les circon-
stances dans lesquelles il se trouvait l'empêchèrent de voir
autre chose. Le R. P. Denza observait à Augusta avec un
spectroscope adapté à un chercheur de comètes à très-grande
ouverture, ce qui lui permettait d'avoir beaucoup de lumière.
Pendant les quelques instants où le ciel se découvrit à moi-
tié, il remarqua deux raies, la principale, très-brillante, dans
le vert, et une autre moins réfrangible située entre E et D;
des recherches postérieures lui font admettre 1 246 pour posi-
tion de cette seconde raie, ce qui est d'accord avec la déter-
mination de jNL Young. Il ne resterait donc à vérifier que la
troisième (i35o K.). On ne doit pas être surpris de voir des
différences dans les spectres décrits par les différents obser-
vateurs : la composition de la couronne peut n'être pas la
— 400 —
même à toutes les époques et clans tous les points observés;
certaines vapeurs qui s'y trouvent à un moment n'y sont peut-
être pas toujours.
La même éclipse de 1870 a donné lieu aune observation
très-intéressante. M. Tupmann dirigeait la lunette, tandis que
M. Ilarkness observait au s[)eetroscopc. Comme on se proj)o-
sait d'étudier spécialement la couronne, il fallait éviter les
protubérances. Or, malgré le soin que prit M. Tupmann de
s'éloigner autant que possible de ces flammes rouges, le
spectre de l'hydrogène se mêla toujours avec celui de la cou-
ronne ; et cependant le capitaine Tupmann est certain d'avoir
réussi un grand nombre de fois à amener la fente du spec-
troscope dans une région éloignée de toute protubérance. Ce
n'est donc pas accidentellement que le spectre de l'hydrogène
s'est trouvé superposé à celui de la couronne. On a voulu
expliquer ce phénomène par la diffusion due à l'atmosphère
terrestre ou par d'autres illusions; mais ces explications ne
sauraient être admises, et nous verrons c[ue, en réalité, le
spectre de la couronne est plus compliqué qu'on ne l'avait
cru d'abord.
Dans les observations faites aux Indes, pendant l'éclipsé
de 1871, M. Janssen a vu la raie verte se projeter sur un
spectre impur, dans lequel il a \ni constater des raies noires
d'absorption, et en particulier celle du sodium. Il ne faudrait
donc pas admettre le résultat des observations précédentes
dans lesquelles on n'avait pas vu de raies noires; cela peut
tenir à ce qu'on avait donné à la fente une trop grande ouver-
ture. Dans ces recherches, on doit éviter deux excès opposés :
i*^ une trop grande dispersion et une fente trop étroite rendent
les observations difficiles, faute de lumière; 2° une fente troj)
large et une dispersion trop faible permettent difficilement de
distinguer les raies et d'en fixer la position.
- 410 -
L'atmosphère terrestre peut encore être une cause d'erreur,
si elle n'est pas bien transparente. Lorsqu'elle est chargée de
vapeurs, elle peut diffuser la lumière de la couronne et ac-
croître son étendue apparente. C'est ainsi que, à Cadix, le
P. Perry observa le spectre des protubérances jusque sur le
disque de la Lune; pour la même cause sans doute, M. Hark-
ness aurait vu les raies vertes à 5o minutes du bord, ce qui
rend vraisemblable l'observation de M. Winlock, qui les a
vues à une distance de 20 minutes.
M. Abbay nous assure qu'il n'a vu aucune ligne noire. 11
les vit disparaître successivement, et elles furent ensuite rem-
placées par les raies brillantes des protubérances ( ' ). Celles-ci
disparurent à leur tour au bout de quelques secondes; il ne
resta que la raie F et une autre moins réfrangible que b,
située entre 1464 et i494 '• c'était sans doute la fameuse
raie i474-
Eq 1870, M. Pye a étudié l'intensité relative des différentes
raies, et il l'a exprimée d'une manière approchée par les nom-
bres suivants : C = 8, 5; D3 = 5,5 ; i474 = 10,0; F =: 3,o.
La raie i474 ^st la seule qu'on ait trouvée aux Indes dans
le spectre de la couronne.
Nous devons citer en terminant l'observation très-impor-
tante de M. Respighi. 11 avait simplement mis en avant de
l'objectif de sa lunette un seul prisme avant un angle réfrin-
gent assez petit. C'est une excellente idée et un perfectionne-
ment heureux apporté à la méthode que nous avions pro-
posée en 18G8. Nous proposions de regarder à travers vui
prisme à vision directe placé auprès de l'oculaire; le prisme
objectif est préférable : c'est le meilleur moyen surtout lors-
(') Mo/ich. Not.ofastr. Soc, t. XXX, p. 60.
- m —
qu'on observe avec une petite lunette. En emplovant cette
méthode, on voit quatre images de chaque protubérance,
correspondant aux quatre raies de l'hydrogène, de même
qu'on voit trois images séparées lorsqu'on observe la flamme
d'une lampe à alcool, après avoir mis sur la mèche des sels
de sodium, de lithium, de thallium ou de cuivre.
Lorsque le Soleil disparut, M. Respighi vit quatre cercles
très-brillants et diversement colorés : un rouge, un jaune, un
vert, un bleu, et les traces d'un cinquième de teinte violette.
Sur ces cercles, qui étaient ceux de la chromosphère, se déta-
chaient les images monochromatiques très-vives des protubé-
rances; ces images étaient parfoitement semblables, seule-
ment celles du bleu et du violet étaient ])lus basses que celles
du rouge et du jaune. Le fond général du champ était un
spectre mal défini et faiblement éclairé. L'auréole se déta-
chait au-dessus de la chromosphère, formant autant de cer-
cles distincts. Le plus large, le plus diffus, et en même temps
le plus régulier, était le vert, celui de la raie il\']l\. Le cercle
rouge était aussi très-étendu, mais irrégidier sur son contour.
Le cercle bleu et le jaune étaient moins étendus et moins
lumineux : nous avons déjà dit que les images des protubé-
rances correspondant à ces couleurs étaient plus basses.
Il résulte de cette observation que, si la couronne envoie
principalement des rayons correspondant à la raie i474? ^^1^
contient cependant, en outre, une assez grande quantité d'hy-
drogène, qui y est entraîné par son pouvoir de diffusion.
C'est ce qui explique l'observation de jVL Harkness, qui aperçut
les raies de ce gaz, même en dehors des protubérances. Cette
observation nous apprend également que la couronne con-
tient quelques autres vapeurs qui donnent un spectre général
très-composé et mal défini.
- 412 —
§ YI. — Conclusions générales relatives à la couronne.
De tontes ces recherches, il résulte que la couronne pos-
sède une lumière qui lui est propre, c'est-à-dire qu'elle est
composée de substances dont la température est assez élevée
pour qu'elles soient lumineuses par elles-mêmes. Ces sub-
stances sont principalement l'hydrogène, le corps qui corres-
pond à la raie Dg, qu'on a appelé hélium, et le corps inconnu
qui correspond à la raie il\']l\. De plus, la couronne nous en-
voie une certaine quantité de lumière diffuse dont nous par-
lerons à la fin de ce Chapitre.
Nous disons que la substance qui produit la raie verte est
inconnue. Rirchhoff a dit que i474 correspond au fer; mais
nous avons, avec une lampe électrique, projeté le spectre du
fer sur celui de la lumière solaire, et nous n'avons jamais ob-
servé cette raie; si d'autres phvsiciens l'ont obtenue, cela
tenait peut-être aux échantillons de fer sur lesquels ils opé-
raient; aussi avons-nous peine à admettre que la vapeur de
ce métal existe dans l'atmosphère solaire. Nous n'osons cepen-
dant pas le nier. Les expériences de r\I. Cornu nous ont ap-
pris que les raies métalliques ne se produisent pas et ne se
renversent pas toutes à une même température; ne serait-ce
pas là ce qui produirait les différences dans les résidtats?
D'ailleurs le fer se rencontre abondamment dans les taches,
et c'est un des métaux dont les raies, même renversées, s'ob-
servent facilement sur le Soleil, en dehors des éclipses. Nous
attendrons donc qu'on ait fait de nouvelles recherches.
Quant aux autres raies, elles présentent beaucoup d'incer-
titude. Plusieurs observateurs ont signalé la raie I24(^, qui
serait identique à celle de l'aurore boréale. Ce fait serait très-
— il3 —
intéressant, s'il venait à se confirmer parfaitement. Mais à
quoi est dû le spectre des aurores polaires? Ce spectre nous
offre plusieurs raies, mais elles sont toutes variables, à l'ex-
ception d'une seule, qui est bien constante; sa longueur
d'onde est o""", 0005571 : elle est située presque à moitié de la
distance comprise entre C et D. Quant aux autres raies, voici
la description qui en a été donnée par quelques observateurs :
mm
«'longueur d'onde, de 0,000640 à 63o Proctor.
a longueur d'onde 0,0005571 constante : Angstrom et tous
les autres.
h longueur d'onde o,ooo5546 \
G longueur d'onde o.ooo53i5 f
■ \ Winlock et Clarck.
« près de t, longueur donde. . 0,0000210 l
e près de G, longueur d'onde. . 0,0004649 >
Dans la magnifique aurore du 4 février 1872, on a constaté
partout que la raie d'Angstrom était visible sur toute la sur-
face du ciel; mais il n'en était pas de même des autres : on
ne les voyait qu'en certains points où la lumière était plus
vive. Il est très-remarquable que, dans certaines régions d'un
rouge très-prononcé, on ne voyait pas trace de la raie rouge,
quoiqu'elle fût très- visible en d'autres endroits. On a cru
observer les raies de l'iiydrogène, mais on n'a pas déterminé
leur position d'une manière satisfaisante. On a même vu des
portions de spectre continu. Dans les moments où le phéno-
mène était plus brillant, nous avons entrevu plusieurs raies,
et, dans le vert, une partie du spectre nous a présenté l'appa-
rence cannelée que possède celui de l'azote. On voit donc
que la lumière de l'aurore polaire est très- variable, et il n'y a
là rien qui doive nous surprendre. Le spectre de l'éclair est
également très-variable : quelquefois il est cannelé comme
celui de l'azote, quelquefois c'est un spectre de second ordre
— 414 —
semblal)le à celui de ce métalloïde ; dans certaines décharges
il y a de l'hydrogène, et plusieurs fois nous avons aperçu
un nombre immense de raies. L'aurore se produisant dans
les régions les plus élevées de l'atmosphère, son spectre doit
dépendre de l'état de raréfaction et peut-être de la nature
chimique des gaz qui occupent ces régions. De tout cela il
résulte que le spectre de l'aurore est bien différent de celui
de la couronne solaire.
Nous ne connaissons pas l'origine de la raie princi])ale de
l'aurore. M. Zollner l'attribue à l'oxygène à une basse tem-
j)érature (' ) ; quoi qu'il en soit, elle n'occupe certainement
pas la même position que la raie principale de la couronne,
et lors même qu'elle coïnciderait avec une des plus faibles, il
n'en est pas moins vrai que nous ignorons complètement son
origine.
On a dit aussi que la raie principale de l'aurore polaire est
la même que celle de la lumière zodiacale; mais le spectre de
la lumière zodiacale n'est pas véritablement linéaire, il est
complètement diffus. On sait d'ailleurs que toutes les lueurs
bleuâtres paraissent monochromatiques, quoiqu'elles soient
réellement composées ; c'est ce qui a lieu pour les étoiles,
pour les corps phosphorescents, pour les vers luisants. Il est
donc impossible de rien dire sur l'origine de ces raies ni sur
leurs rapports avec celles de la couronne solaire.
Quelques savants ont pensé que l'existence d'une raie com-
mune dans le spectre de l'aurore polaire et dans celui de la
couronne prouverait que cette seconde lumière doit, comme
la première, être attribuée à un phénomène électrique. Nous
ne voulons pas nier l'existence de l'électricité dans le Soleil,
('; Nature, t. III, p. 3^6.
- Uo -
mais nous ferons remarquer que l'électricité n'a pas la pro-
priété spécifique de donner des raies qui puissent servir à la
caractériser; en traversant les gaz, elle ne fait que les rendre
lumineux par la chaleur qu'elle développe. Ces gaz devenus
lumineux donnent j)ar l'analyse spectrale des raies qui dé-
pendent uniquement de leur nature chimique et de leur état
physique, mais qui sont complètement indépendantes de la
cause qui les a échauffés. La température du Soleil étant
extrêmement élevée, il n'y a pas besoin d'une autre cause
pour expliquer l'incandescence de son atmosphère. Les gaz
ont des spectres différents, suivant les températures aux-
quelles ils sont portés : c'est un fait incontestable. M. Zollner
pense que la raie de la couronne est due à un gaz dont la tem-
pérature est peu élevée; c'est parfaitement possible, et l'expé-
rience ne peut ni vérifier, ni contredire cette affirmation, car
à une basse température et sous une faible épaisseur les gaz
ne donnent certainement aucun spectre; mais il en peut être
autrement lorsque l'épaisseur devient très-considérable, et
c'est ce qui a lieu pour la couronne dont l'épaisseur est, par-
tout où nous l'observons, plus grande que le diamètre solaire.
Dans les premières éclipses, on avait remarqué que les pro-
tubérances correspondaient aux parties les plus brillantes de
la couronne. Pourvoir si cette loi est générale, nous avons
tracé, sur un même dessin, les protubérances observées à
Rome et la couronne photographiée à la même époque pen-
dant Téclipse totale des Indes. Il résulte de cette comparaison
que la coïncidence n'a pas toujours lieu, car il v a des protu-
bérances qui correspondent à des dépressions de l'auréole.
M. Respighi, en observant, comme nous l'avons déjà dit,
avec un prisme placé en avant de sa lunette, a trouvé que la
couronne avait sensiblement la même épaisseur dans toute
son étendue ; il en a conclu qu'on se trompe lorsqu'on parle
- 41G —
de ses inégalités, des rayons et des panaches recourbés qui
l'accompagnent, etc. Nous croyons qu'il a été induit en er-
reur par le mode d'observation qu'il employait. M. IMaclear
et d'autres astronomes ont déjà fait remarquer que la cou-
ronne paraît irrégulière dans son contour et accompagnée des
rayons que nous avons décrits, lorsqu'on l'examine à l'œil nu
ou avec un chercheur d'un faible pouvoir grossissant, mais
que dans une grande lunette elle se réduit à un anneau étroit
ayant une épaisseur de 5 à 6 minutes. iNI. Respighi évalue à
6 ou 7 minutes la largeur des cercles qu'il a observés, ce qui
coïncide bien avec l'évaluation de 31. jVIaclear. Évidemment,
à travers son prisme, il n'a pu voir que la partie la plus bril-
lante qui forme à peu près un anneau régulier; le reste étant
très-peu lumineux, et se projetant sur le spectre diffus qui
remplissait le champ, ne pouvait produire une impression
sensible sur l'œil de l'observateur. Les nombreuses photo-
graphies qui ont été faites pendant les éclipses ne nous lais-
sent aucun doute sur l'irrégularité du contour extérieur de la
couronne, et il faut remarquer que ces photographies peu-
vent être considérées comme des images monochromatiques,
car elles ne dépendent que de l'activité des rayons chimiques;
et cependant, toutes les fois que l'air est bien pur, leurs
formes sont presque identiques avec celles qu'on observe
directement. Il n'y a donc pas d'iUusion possible, quoique
l'action actinique de la lumière puisse être différente de son
action physiologique.
Il n'est pas aussi facile de dire quelle est l'origine de la
lumière diffuse qui produit le spectre continu de la couronne.
Il est bien certain qu'on ne peut l'attribuer ni à la Lune, ni à
l'atmosphère terrestre. On a supposé alors que c'était le résul-
tat d'une réflexion produite par les molécules des fluides
élastiques qui composent la couronne elle-même. Cette lu-
- 417 -
niière continue ne [jrovicndi'ait-t'llc j^as simplement de l'in-
candescence des gaz qui cuNcloppcnt le Soleil? Nous regar-
dons cette hypothèse comme fort probable.
On a étudié la couronne au polariscope, mais les résultats
de cette observation sont trop équivoques pour trancher
la question; car, même en admettant qu'il y ait des traces de
polarisation, il serait difficile de prouver que ce phénomène
n'a pas d'autre cause qu'une réflexion produite par l'atmo-
sphère solaire.
M. TTarkness, s'appuvant sur la faiblesse du pouvoir réflec-
teur que possèdent les gaz, attribue cette lumière à l'hvdro-
géne et à des vapeurs simplement incandescentes. Lorsque le
gaz hydrogène brûle à une basse tempér.iture, sa flamme
donne un spectre continu ; dans le bleu, on remarque la raie F
qui est très-faible et qui n'est certainement pas due aux im-
puretés du gaz. On pourrait invoquer ce fait pour confirmer
l'opinion de 31. Harkness, qui pense que toute réflexion est
impossible dans une substance purement gazeuse. Sans vou-
loir trancher la question d'une manière définitive, nous pen-
sons que ce spectre pourrait bien être dû à des masses sim-
plement incandescentes, qui doivent sans doute se former dans
La couche la plus élevée de l'atmosphère du Soleil.
27
449 -
NOTE.
PROBLEMES RELATIFS A LA ROTATION DU SOLEIL.
Problème I. — Trouver la distance liéliocenLriijue d' une taclw
à la Terre, connaissant sa distance géocenlri//ue au centre du
disque solaire.
Soient T le centre de la Terre [Jig. i44)i O le centre du Soleil;
C le point correspondant au centre du disque, où la droite TO ren-
contre la surface^ M la position d'une tache : il s'agit de déterminer
l'angle MOT, connaissant l'angle MTO.
Fig. i4.'|
jNous pouvons écrire
ou bien
ou encore
Or
sinOMT sinMTO
OT
xMO
sin OMT = ^ sin MTO,
OT
sin (MOT 4- MTO) = sinMTO.
^ ' OM
OT OT
OxM ON tangR
27.
420 —
eu appelant R le rayon du Soleil réduit en minutes. Posons
nous aurons
sia (p -T-r)
tans 11
Les angles R et ;■ étant très-petits, nous pouvons remplacer le
sin /• I • 1 ' 1» ' • 1 •
rapport par celui des arcs - ? et 1 équation devient
d'(
sin (p -f-/-j
p -4- /• = arcsin -^5 ou p := arcsm -
Reninrque I. — En remplarant le rapport par celui des
arcs -5 on commet une erreur qui, dans les cas les plus délaNora-
1)1 es, est égale à quelques centièmes de seconde seulement : on peut
donc la négliger
R
eniaraae
11. — On détei
de \i
itc le
'que 11. — un acterminera ue la manière suivante les
coordonnées équatoriales : la déclinaison sera Ad ^= Mn {Jig. i45)
Fijj. 1^5.
\ r.
m7\
/M
e\
et l'ascension droite Ax = KM r= C// ^^^ i5f cosd, t étant le nombre
de secondes qui s'écoule entre le passage de la taclie et ci-lui du
centre.
- 421 -
L'aiigle de position P = QiCM [fig- '45) se déduira des équa-
tions suivantes :
^ ,^ Cn iS/cos^
tang P :^ cet MC« =
/•=CM
cosP sinP
Problè:me 11. — Tvnnsforviev les coordonnées équatoriales
d' une iaclie en coordonnées prises par rapport à Vécliptique :
c'esi-à-dire, des différences Aa et Ao, déduire les différences
de longitude et de latitude AL et AA.
Soient Q^Q' le cercle parallèle à l'équateur céleste qui passe par le
centre du disque 5 EE' l'écliptique j G = ECQ 1 angle de ces deux
plans. Nous pouvons écrire
^L = Cp — CMcosMC7>r=CMsin(Q,CM -r- ECQ)-- /sin (P -f- G},
A A = Mp — CM sin MCp = CM cos( Q, CM -^ ECQ) = r cos(P -^ G ).
L'angle G est égal à celui que font entre eux les cercles de latitude et
de déclinaison se croisant au centre C du disque solaire [fig. ^^Q •
Si donc Qt représente l'équateur solaire, dont le pôle est cn Q,
Fij. 146.
Q.(P.Eq.)
E.CP-Ecl.)
et TE l'écliptique, 7zCQi sera le cercle de déclinaison, et EjC/?
celui de latitude-, l'angle G sera QjCE, =:/2Ce, Cet angle aura
pour complément TC/z = ci ; mais cot ç- =^ tang G T« cos CT \ donc
tang G = tang w cos ©,
O étant la longitude du Soleil et w l'obliquité de l'écliptique.
Problème III. — Connaissant les coordonnées géocentriqiies
d'une tache par rapport a V équateiir céleste, trouver ses coordon-
nées héliocentriques par rapport à Vécliplique.
Soient O [fig- 147) 1<^ centre du Soleil 5 C le centre du disque vu
Fig. ,/J7.
de la Terre, de sorte que le rayon OC prolongé passe par le centre
de la Terre. Soient ECE' l'écliptique; CB le parallèle céleste; QT
l'équateur. La longitude de la Terre vue du Soleil TOC = Ô sera
égale à O -h 180°. Le triangle sphérique mÇ^n donne l'équation
tang C n = tang C m ces m C «,
et, en employant les mêmes notations que dans les problèmes pré-
cédents, nous aurons, en posant Qn = r,
tang r, = tang p sin ( P + G),
et, pour la valeur de la longitude A,
A= T0/^= TOC + /^0C=: 6 -hn = i8o°-t- Q -hr,;
pour la latitude /.
sin^ = sin nin = sin p ces (P -i- G).
Dans le calcul de ces coordonnées on devra observer la règle des
signes.
- 423 —
ProblIme ]\ , — Connaissant les coordonnées lièliocentriques
7'af)portées à l'écliptique de trois positions d'ime même tache, dé-
ternii/ier les éléments de la rotation solaire, c est-à-dire la lonsri-
tude du nœud ^, l'inclinaison I de l'equateur céleste sur l'éclip-
tique et la duiée de la rotation.
Soient El le pôle de Téeliptique [fig- 148)7 S, celui Je l'équaleur
solaire 5 M la position d'une tache ^?N l'intersection de l'équateur
solaire et de l'écliptique. On aura
CCS s, M = cosE,M cosS,E, — sinE, M sinSiE, cosS,E,]M,
S, M = 90° — Mr = 90° — a',
À' étant la latitude liéliograpliique, c'est-à-dire prise par rapport à
l'équateur solaire 5
S,E,M = S,E,N-F]NE./; = 90°— «£,« = 90 -^ v,
V étant la distance de la taclie au nœud, distance comptée sur l'éclip-
tique, de sorte que
d'où
et, en substituant.
T « = T N H- N « — ^
V = A — N,
sin \' = sin \ ces T — ces \ sin I sin ( A — >' )
= sinX cosi — cosX sini sin A cos>' -~ cosa sini ces A sinX.
— iU —
Divisons les deux membres de l'équation par cos I,
sinX'
cosi
Posons
r= sinX — cos À sinAtangIcosN -i- ces/ cos A tanelsinN.
1
sm>. T ^- * T • ^T
^ .r, tan"I cos A =- >•, tangl sin _N = z;
cosI
sin). = A, cosi. sin A =^ B, cosXcosA^=C;
l'équation dc\ic'nt
j:= A — Br + Cz.
Chaque observation donnant des valeurs correspondantes /. et A,
trois observations fourniront trois équations cjui ser\ iront à déter-
miner a:, r et r. 11 n v aura plus qu'à résoudre les équations
" ~- Y .
tant; X ^ - , tang 1 7= - — - = -— - , sin ).' = x cos I.
^ j sai _\ cos A
Sil v a plus de trois observations, on emploiera la méthode des
moindres carrés.
Pour la durée de la rotation, on l'obtiendra de la manière sui-
vante : le triangle sphérique SiEiM nous donne l'angle au pôle
E, S, M 90" — >"S, M = 90" — S.
De là on déduit
sinE,S,^I _ sin S,E,M cosH __ cos(A — N)
sinE,.M sinS,_M cos À cos X'
cos A cos (A — N)
cos S = '-—. •
cos A
Pour une autre position, on aura
cos A, cos( A, — N)
cosf(,= \, ':
cos A ,
on en déduira la valeur de ^i — ,3 qui correspond à l'intervalle de
423
temps T' — T^ la cIuix'l' crunc i(jtalion cnliiTt' Z sera donnée i)ar la
proportion
P -6
r. - T
36o
Dans l'état actuel d(; la Science, ces déleiininations absolues ne
sont plus nécessaires ^ comme l'élude des dillérentes taches conduit
à des résultats dillérents, il vaut mieux employer une méthode plus
oxpéditive, dans laquelle on peut giouper j)lusieurs taches, comme
nous allons li" \oir.
PiioiîLicME \ . — Connaissant, les élcnienls a/ip/uchcs de la
rotalLon solaire, calculer leurs corrections.
^ oici la solution de M. Carrington.
Soient Si ifig- 149) le pôle de rotation du Soleil 5 M la position
Fig. .^9.
d'une tache; (^j le pôle nord de la sphère céleste; Ej celui de
l'écliptiquc; C la position de la Terre vue du Soleil, la droite OC
passant par le centre de la Terre; ADK l'équateur solaire; Si C le
méridien qui passe par le centre de la Terre. ADK =_ L sera la
longitude liéliograpliique de la Terre, comptée sur l'équateur so-
laire à partir du nœud A, et CK = D sera sa latitude; AD = / sera
la longitude liéliograpliique de la tache M, comptée également à
partir du nœud A, et DM ■=-. ).' sera sa latitude. Appelons X l'angle
-MCSi compris entre l'arc de position MC de la tache et le méri-
dien solaire qui passe par la Terre. Le triangle sphérique SiMC
donnera
cosMS, = cosMG cosCS, + sinMCsinCS, cosMCS,,
ou
(i] sinÀ'^=: cosp sinD -r slnp cnsD cosX
et
ou
sinMS.C sin MCS|
sin MC sin.MS,
. , sin p sin X
( 2 ) .sin L - /) = —fl— ^.
^ ' ^ cos ).
L'angle Sj CM—- X est composé de trois parties : i" MCQi = P,
c'est l'angle que forme l'arc p avec la direction du pôle céleste ^
2° QiCEi=r^G, c'est l'angle que forment les deux grands cercles
menés du point C au pôle de la Terre et à celui de l'écliptique^
S*' El CSi = H, c'est l'angle que fait le méridien passant par le pôle
solaire avec celui qui passe parle pôle de l'écliptique. Ces angles
se calculeront delà manière suivante.
Soit TAC l'écliptique {fig. i5o), C étant toujours la direction
(Eq.Ôi
dans laquelle la Terre est vue du centre du Soleil : traçons le cercle
de déclinaison CQj, le cercle de latitude céleste CEi et le cercle de
latitude solaire CSj ; ce dernier coupera l'équateur à angle droit au
- 4-21 -
point 1", iL le Lriauj^le Al'C rc;cLan|^k' en F donnera
tany AF ^^ tang AC cos FAC.
D'ailleurs
AC — TC - TA = ô - i\ = i8o + O — N
et
FAC = I.
Donc
(3) tangL-^ tang (O— N) cos T,
et
sin YC si 11 AC
sin FAC sin 90"
(4) sinD — sin(Q— N)sinl.
Le même triangle nous donne encore
FCA = 90° — FC 7 = 90" — H,
d'où
( 5 ) cot FCA = tang H =-- tang I cos [Q —^).
L'angle G sera donné par la formule déjà trouvée
(6) tang G = tang w cos O,
d'où
X=P-+-1I4-G.
Les valeurs de L et D seront données par les formules (3) et (4) '-,
ensuite ou calculera X' avec la formule (1) et (L — /) avec l'équa-
tion ( 2 ) , d'où
L — (L — /) =/,
Alors, en partant d un premier méridien, avec le nombre g de
jours écoulés et avec la valeur ^ de l'arc de rotation diurne adopté
primitivement, on calculera la valeur de ^^ et l'on verra la diffé-
rence / — g'^ qui donnera la correction de la durée adoptée pour
la rotation.
— 4-28 —
Dans le travail de Carriiiglon, on a adopté pour durée de la rota-
lion 25J,38. Pour un intervalle de ^ jours, on doit donc avoir
a5 , 38 _ 5"
36o " "/ '
/ étant compté à partir de la coïncidence du méridien moLile avec
le nœud.
La correction des autres éléments demande des calculs trop longs
pour que nous puissions les donner ici. On pourra consulter l'Ou-
vrage de Carrington, page 232 et suivantes; on trouvera dans le
même Ouvrage des Tables qui abrègent beaucoup le calcul. Nous
devons cependant avertir le lecteur que de nombreuses fautes d'im-
pression se sont glissées dans l'Ouvrage de _M. Carrington, surtout
dans les pages 12 et i3.
rm DE LA PRE.AIIERE PARTIE.
Paris. — l:iiprimeiie de GAI' riUrK-VILLARS, 53, quni des Augusiins.
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PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO UBRARY
P&J^^"^'
Sc^«